“Je n’accepte pas que l’on aille produire à l’étranger pour revenir vendre dans l’Hexagone. Je veux inverser cette tendance. Une voiture française destinée à être vendue en France doit être produite en France. C’est la position du président de la République.” A priori la déclaration de Christian Estrosi au Journal du Dimanche est faite de bon sens. Alors que Renault devrait, d’ici deux ans, réduire la production de Clio à Flins pour la transférer en Turquie dans l’usine de Bursa, le ministre de l’Industrie assure vouloir produire en France ce qui est consommé en France.
Pour lui donner une idée de la tâche qui l’attend, on peut regarder deux séries de chiffres. La localisation de la production de Renault et la balance des paiements. Renault produit actuellement moins de 20% des voitures particulières en France. Une voiture sur 4 sort des usines de Pitesti (Roumanie), de Novo Mesto (Slovénie) et de Moscou. Et le premier site industriel du groupe ne se trouve plus depuis longtemps dans l’Hexagone, mais à Bursa en Turquie, à 3.478 km de Billancourt, le berceau de l’entreprise. Au Sud d’Istanbul 300.000 voitures particulières par an sont construites, l’usine coréenne de Busan (Samsung) en assemble 180.000 contre 160.000 à Flins.
La production française de Renault est donc très loin de couvrir les ventes en France : 370.000 voitures particulières assemblées, 475.000 vendues en 2009. Il y a donc de la marge. Peut-on encore réfléchir dans un cadre hexagonal comme le voudrait Christian Estrosi? Ça n’est pas absolument certain. Le consommateur n’est par ailleurs pas sans responsabilité dans les choix de Renault. Demander des voitures mieux équipées, plus performantes, au moindre coût suppose d’aller les assembler en Turquie plutôt qu’à Flins.
Prenons un peu de hauteur pour regarder les échanges commerciaux à nos frontières. Il y a une constante depuis 1999, la balance des paiements courants (la différence entre l’argent qui entre grâce aux exportations ou au tourisme et l’argent qui sort avec les importations) est sur une pente négative. Largement, positive à la fin des années 90 elle est nettement négative depuis mai 2003: +4 milliards au début, -4 milliards d’euros aujourd’hui, selon les chiffres publiés par l’Insee.
Redresser la barre ne relève pas de l’injonction. Même si, comme le précise Christian Estrosi : “C’est la position du président de la République.” En matière économique et industrielle le volontarisme atteint vite ses limites.
Comment l’Allemagne se comporte-t-elle? Mieux beaucoup mieux, parce qu’elle assemble des voitures haut de gamme. Du coup, elle est moins portée à délocaliser et sa balance commerciale est devenue très largement excédentaire. Les statistiques compilées par l’OCDE mettent en évidence une balance positive pour la France en 1999 (+46 milliards de dollars) et négative pour l’Allemagne (-26 Mds$), alors en pleine réunification. Dix ans plus tard, en 2008, la France est au plus bas (-64,4 Mds$), l’Allemagne au plus haut (+243 Mds$). En 2009, la crise venue nous restons dans le rouge (-50 Mds$ à fin octobre), notre voisin demeure au dessus de la barre fatidique avec 112 Mds$ en dix mois.
Peut-on d’une injonction dominicale inverser des tendances aussi lourdes? Peut-être.
PhDx