Pourquoi Proglio, l’hyper-PDG, doit d’abord s’occuper d’EDF avant de jouer au Monopoly nucléaire

En cas de grand froid en ce début d’hiver, Henri Proglio devrait noter un rendez-vous : le 1er janvier 2010, à 19h00, au 22 avenue de Wagram à Paris, siège de la présidence d’EDF. Pas drôle d’être au bureau un lendemain du réveillon. C’est pourtant à ce moment-là et à cette heure-là que le réseau électrique risque de craquer. Si la température s’installe de 7 à 8° en dessous des normales saisonnières, EDF ne pourra pas fournir longtemps l’électricité nécessaire dans l’Hexagone. 19h00 c’est le pic de la demande quotidienne, le bon moment pour voir si le réseau tient. Et si la tension électrique s’effondre, cela fera immanquablement monter la tension politique.

Mais Henri Proglio n’a pas assez d’EDF et de Veolia, dont il reste le président du conseil d’administration il pense jouer dans les mois à venir au grand Monopoly du nucléaire en France. Le 25 novembre 2009, il deviendra l’industriel le plus puissant de France en prenant la direction d’EDF et en conservant la présidence de Veolia Environnement. Cela ne lui suffit pas, il parle de manger Areva, de rebâtir la filière française de l’industrie nucléaire. Bref, il se voit déjà en hyper président de la France industrielle.

Il va pourtant prendre un dossier d’une grande complexité. EDF va mal. Pour l’instant, ça va si l’on s’en tient au résultat net : 4,3 milliards d’euros (ce qui reste quand on a encaissé l’argent des clients et payé les salaires, les fournisseurs, les banquiers et les impôts), pour 64 milliards de chiffre d’affaires (le total des factures payées par les clients). C’est la pente qui est dangereuse, comme le montre une étude du cabinet d’analyste financier OFG recherche, à laquelle nous avons eu accès et dont nous tirons l’essentiel de nos informations.

Première difficulté, la machine industrielle est grippée. Jamais la disponibilité des 58 centrales nucléaires n’a été aussi faible. Aux Etats-Unis ou en Europe les meilleurs exploitant parviennent à n’avoir que 5% d’indisponibilité liée aux pannes. EDF espérait atteindre 19% cette année et finalement affichera un très mauvais 22%. Trois point de perdu ce n’est pas grand chose mais ça coûte 1 milliard d’euros et des années d’un travail acharné pour regagner le terrain perdu! Et ce sont ces 3 points qui font dire à RTE, la filiale d’EDF qui gère le réseau de haute tension, que l’approvisionnement risque d’être problématique cet hiver.

On ne peut pas dire qu’aucun effort n’a été fait par l’entreprise puisque la valeur ajouté, la valeur produite par EDF, a même bien progressé entre 2006 et 2008 : +2 milliards. Pourquoi dans le résultat d’exploitation (ce qui reste avant de payer les impôts, les banquiers et le dividende) n’a-t-il augmenté que de 58 millions d’euros. Parce que tout le monde prend EDF pour une grande tirelire dans laquelle on peut se servir.

Prenez l’Etat actionnaire (85% du capital), il a prélevé 7 miliards en 2006, 2007 et 2008. Députés et sénateurs ont inventé un truc génial pour susciter la concurrence face à EDF : le Tartam, le Tarif règlementé d’ajustement de marché. Puisqu’avec un prix de vente aux consommateurs à 32 centimes le kWh EDF est imbattable, il doit subventionner ses concurrents! Si son rival dans l’hexagone ne peut descendre en dessous de 45 centimes, EDF paye au consommateur la différence. Le libéralisme version bonnes œuvres. Coût : 1,2 milliard cette année. Les salariés, eux, ne sont pas mal lotis avec la sécurité de l’emploi et un revenu supérieur de 30% à ce qui se pratique dans le privé et une augmentation de ,2,8% pour l’année prochaine.

EDF dispose pourtant d’un atout formidable un prix de production imbattable qui lui permet de vendre son kWh à 34 centimes, quand nos voisins Allemands déboursent 75 centimes. Mais là, le pouvoir politique refuse toute augmentation. Maladroit, Pierre Gadonneix, l’ex-président d’EDF a perdu son poste en proposant d’augmenter les tarifs de 20%. Cette fois, c’est au nom d’une logique politique que la machine économique est bloquée.

Au bout du compte, les caisses d’EDF se vident au moment où l’entreprise doit accroître ses investissements pour préparer le renouvellement de son parc. Le cash, l’argent disponible pour investir, a fondu de 5,5 milliards depuis 2005. En 2008, il ne restait que 2 milliards à comparer à un investissement de 10 milliards. Pour combler l’écart il a fallu emprunter 10 milliards l’an dernier.

Creuser sa dette n’étant pas le meilleur moyen de financer ses investissements, Henri proglio va devoir trouver d’autres solutions. Il a quatre pistes : améliorer la disponibilité de l’outil, cela prendra du temps; augmenter le prix du kWh, c’est politiquement inacceptable; réduire la voilure à l’étranger, le moins douloureux, sauf pour l’ego des dirigeants, ou céder l’activité réseaux électrique (RTE et ErDF), c’est relancer le débat sur la privatisation d’EDF…

Bref, si le 1er janvier 2010 à 19h00, le réseau tient le choc de l’hiver, Henri Proglio a du pain sur la planche pour améliorer les comptes d’EDF. Après, il pourra se pencher sur Veolia, dont il reste le président opérationnel, entre autre pour préserver sa retraite à 13 millions d’euros, mais Christine Lagarde vient de lui rappeler qu’avant de jouer au Monopoly, l’homme à fort à faire avec EDF et Veolia en soulignant : il “doit d’abord s’occuper de ses dossiers”.

PhDx

Ils en ont parlé : Les Echos, Le Figaro, Nouvel Obs, Le Monde

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