Départ de Facebook, destination Canalplus.fr. C’est le parcours qu’emprunte presque un tiers de ceux qui se connectent au site de Canal+. «25% de leur trafic provient de Facebook», a vanté en décembre Julien Codorniou lors de la conférence Médias 2011 des Echos.
De fait, la communauté de Canal+ – sur le réseau social – toutes pages confondues – a doublé, passant de 5 millions de fans début 2011 à plus de 11 millions en 2012. Une montée en puissance qui tient certes au succès de la page de la série Bref, qui compte plus de 1,8 millions de fans, mais aussi à une équipe, au sein de Canal+, dédiée aux nouveaux contenus, qui veille. Et se prépare en ce moment-même à l’intégration de la nouvelle plate-forme sociale de Facebook, intitulée l’Open Graph 2.0, dans ses contenus.
Quelle est leur recette? Explications avec Fabienne Fourquet, directrice des nouveaux contenus pour Canal+, et Lama Serhan, éditrice de nouveaux contenus.
1. Apprendre à connaître sa communauté «facebookienne»
Première étape: se plonger dans les statistiques de Facebook pour savoir qui sont vraiment les «fans» de Canal+ sur le réseau social et quels sont leurs usages. Coup de chance pour la chaîne: sa communauté possède plus d’amis que la moyenne – 130 amis par inscrit selon Facebook, 229 amis selon Mashable – et qu’elle partage davantage de contenus.
«C’est vertueux pour nous», m’explique Fabienne Fourquet, car cela conduit à un taux de transformation «exceptionnel». Un seul contenu de Canal+ «liké» via Facebook de Canal+ génère de l’activité sur le réseau social et environ 25 clics en retour sur le site Canalplus.fr. Et ce, même si les vidéos sont lisibles directement sur Facebook en un clic – un double clic ramène vers le site originel.
Autre particularité observée sur ces utilisateurs: ils partagent volontiers des contenus de Canal+ sur leur mur. Comme si cet affichage revêtait une fonction quasi statutaire.
2. Monter une stratégie de diffusion
Septembre 2011, Canal+ décide de rendre son lecteur de vidéos exportable. Cette chaîne, basée sur un modèle payant, et donc fermé, s’ouvre enfin aux possibilités du Web – et notamment au fait que les autres sites puissent «embedder» ses vidéos. Cela n’a l’air de rien mais c’est une petite révolution. Qui s’étend vite aux réseaux sociaux.
«Nous sommes passés à une vraie logique de distribution des contenus», décrypte Fabienne Fourquet. «Plutôt que de limiter la diffusion des vidéos au site de Canal+, nous avons permis aux utilisateurs de voir la vidéo là où ils sont». Facebook y compris, donc, qui compte 23 millions de Français. C’est presque du «service», estiment les équipes nouveaux contenus, qui en appellent à la théorie selon laquelle, désormais, les «infos» nous trouvent, et non l’inverse.
3. Créer un pôle d’éditeurs
Une quinzaine de personnes travaillent, au sein de la maison mère, à la présence de Canal+ sur le Web en général, et sur les réseaux sociaux en particulier. Cette équipe est répartie en fonction des domaines-clés de Canal: 5 personnes s’occupent des documentaires, de l’information et du divertissement, 4 personnes éditent le sport, 2 le cinéma, et 2 les séries.
Pour modérer les commentaires qui affluent sur les pages Facebook de Canal+, un prestataire extérieur s’en charge, 7 jours/7, 24h/24, selon les règles en vigueur: pas de diffamation ni d’insulte, pas d’atteinte à la vie privée ni d’appel au meurtre, et, bien sûr, pas de spams.
4. Miser sur les vidéos, rien que des vidéos
«Nous ne créons pas de contenus exclusifs pour les réseaux sociaux», détaille Fabienne Fourquet. «Nous puisons dans les 500 vidéos publiées par semaine, dont 150 sont, elles, uniquement diffusées sur le site de Canal+ (pas à l’antenne, donc, ndlr).» Au besoin, des monteurs et des réalisateurs créent des contenus dédiés aux nouveaux écrans.
Une limite de durée sur les vidéos? «Il n’y a pas forcément de rapport entre audience et longueur de la vidéo», constate Lama Serhan, en donnant l’exemple des zappings, qui durent 5 minutes et sont parmi les vidéos les plus vues. Autre levier d’importance: le sous-titrage des vidéos, comme les Pépites sur le Web, sorte de zapping Internet, est un «gage de réussite» pour le public francophone.
Alors certes, il y a, sur Facebook, des contenus Canal+ autres que les vidéos, mais la stratégie de Canal, c’est de rester concentrer sur les vidéos. «Lorsque la nouvelle marionnette de Jean Dujardin a été créée pour Les Guignols de l’Info, nous avons publié la photo sur Facebook», se souvient Lama Serhan. Idem lorsque Groland a fêté ses 20 ans, en novembre dernier, et qu’un live-tweet a été organisé lors de la journée-anniversaire.
5. Rester dans le ton Canal
Quel ton est utilisé pour écrire, au nom de Canal+, sur les réseaux sociaux? «Nous n’avons pas de charte, et c’est cela qui marche», estime Fabienne Fourquet.
Sur la page Bref, tout de même, le système paraît rodé. Le titre est toujours «Bref. Titre de l’épisode.» Et bien sûr, une capture d’écran choisie avec soin qui représente l’épisode. Et appelle au clic.
Plutôt qu’une charte, «nous avons surtout déterminé de ce qu’il ne faut pas faire». A savoir bannir les phrases du style «regardez ce soir tel ou tel programme» postées sur Facebook en amont de la diffusion, car, dit encore Fabienne Fourquet, «nous ne faisons pas de “push” sur les programmes en amont, nous ne publions une news que lorsqu’elle est liée à du contenu, qu’il s’agisse de vidéos ou d’infos». Interdiction aussi de publier une information qui concerne le groupe Canal, par exemple l’acquisition par le groupe Canal+ des chaînes Bolloré, avant qu’elle n’ait été annoncée en interne. Enfin, pas de lien vers l’extérieur – on reste dans l’univers Canal+, un point c’est tout.
6. Réfléchir aux heures de publication
Il y a deux bonnes fenêtres de tir pour Canal+: entre midi et deux, et le soir. Dans l’interstice, pas d’affolement. «Nous ne publions pas plus de 3 ou 4 contenus par jour sur chaque page, pour ne pas prendre le risque de spammer nos fans». Et de les pousser à se désabonner. Résultat, le pôle d’éditeurs s’est réparti afin de couvrir les soirées, jusqu’à 22h et les week-ends.
«Nous publions en fonction des rythmes de l’antenne», ajoute Lama Serhan. Pas question de faire attendre les «fans» de Facebook lorsqu’est diffusé Le Grand Journal, de Michel Denisot, et Bref. Exemple repéré ce mardi 31 janvier 2012: moins de 10 minutes après que l’épisode de «Bref. Je suis allé aux urgences» est passé à l’antenne, le voici sur la page Facebook de la série … 15 minutes plus tard, on dénombre déjà plus de 19.000 likes et 592 commentaires.
Succès rarissime? Oui, tendent à penser les équipes de Canal+, Bref étant vu comme l’exemple d’une «alchimie incroyable» d’un format télé «qui résonne sur le Web», analysent Fabienne Fourquet et Lama Serhan. «Un format court et marrant, l’histoire d’un homme comme tout le monde (Kyan Khojandi, ndlr) donc qui parle à tout le monde, dont la qualité de production est incomparable par rapport à la durée de la séquence et qui bénéficie d’une visibilité mass média dans Le Grand Journal, doublée d’une viralisation inédite, avec une mise en ligne immédiate des épisodes et le lecteur exportable.»
Une somme d’ingrédients difficiles à réunir… et à copier.
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Alice Antheaume
lire le billetInnovation, audience, gestion des contenus créés par des utilisateurs, vérification en temps réel, télévision connectée aux réseaux sociaux… Tels ont été les sujets abordés lors de la conférence sur les nouvelles pratiques du journalisme organisée le vendredi 2 décembre par l’École de journalisme de Sciences Po, où je travaille, en partenariat avec la Graduate School of Journalism de Columbia. Résumé des interventions.
>> Revivre le live réalisé lors de cette journée marathon (merci à tous les étudiants de l’Ecole de journalisme de Sciences Po qui ont produit vidéos, photos, textes et tweets. Cet article a été rédigé en s’appuyant notamment sur leur live!) >>
Emily Bell, directrice du centre de journalisme numérique à Columbia, ex-The Guardian
«L’audience n’est plus l’apanage du service marketing, elle est dans les mains des journalistes. En cours, à la Columbia, je pose la question à mes étudiants: “pour qui écrivez-vous?”. C’est une question nouvelle – avant, on ne le leur demandait pas car il y a encore ce syndrome, très ancré dans la culture journalistique traditionnelle, selon lequel il ne faudrait pas trop faire attention à ce que dit le public, car cela risquerait de contaminer la pensée des journalistes, et de leur faire croire que le public préfère lire des sujets sur Britney Spears plutôt que sur la crise de la Grèce.
Il faut donc connaître son public: qui est-il? D’où vient-il? Comment interagit-il avec les articles? On ne peut pas ignorer ce que dit l’audience, ni ce qu’elle pense, sinon on met en péril son activité journalistique. Il faut utiliser la connaissance et la mesure de l’audience pour faire du bon journalisme.»
>> Lire Et si les journalistes n’écrivaient que ce que les lecteurs lisent? sur WIP >>
Dawn Williamson, de Chart Beat
«Le journalisme d’aujourd’hui ressemble à l’industrie sidérurgique d’il y a 50 ans. Avant les années 60, la sidérurgie était exploitée dans d’immenses et coûteuses usines. Jusqu’à ce qu’apparaissent d’autres exploitations, plus rapides, plus petites et moins coûteuses. Au début, les grosses usines d’acierie refusaient de travailler avec ces nouvelles petites usines, de peur qu’elles produisent de la moins bonne qualité. On peut dire qu’aujourd’hui, des sites comme le Huffington Post sont comme les mini-aciéries des années 60. Ils produisent du contenu journalistique pour moins cher que les rédactions comme le New York Times.
Au départ, pour se lancer, le Huffington Post (mais aussi Gawker et Business Insider) ne s’est pas intéressé à la qualité mais à sa plate-forme. Le Huffington Post s’est d’abord créé une place, en révolutionnant le marché, puis est monté dans la chaîne de valeur, au point d’embaucher parfois des journalistes du… New York Times.
Pour prendre des décisions éditoriales, ces nouveaux sites donnent accès, pour leurs journalistes, aux données de mesure de l’audience. Et ce, via des outils, dans le backoffice, comme ChartBeat, et NewsBeat, afin qu’ils puissent voir, en temps réel, ce qui intéresse l’audience. Exemple aux Etats-Unis, concernant la députée américaine démocrate Gabrielle Giffords, qui a reçu une balle dans la tête lors d’un meeting, en janvier 2011. Fox News a pu voir, via l’analyse des termes de recherche liés à cette fusillade sur ChartBeat, que le public cherchait à en savoir plus sur le mari de Gabrielle Giffords. Surveiller les intérêts de l’audience, ce n’est pas une course vers le bas de gamme, ni un fichier Excel à lire, c’est un environnement dans lequel les journalistes doivent vivre.»
>> Lire Accro aux statistiques sur WIP >>
Gabriel Dance, éditeur interactif pour The Guardian US, ex-directeur artistique pour The Daily, l’application iPad de Rupert Murdoch, et ex-producteur multimédia au New York Times
«Les clés pour innover? D’abord être “fan” de quelqu’un qui vous inspire, un génie que vous ne perdrez jamais de vue. Le génie que je suis de près? Adrian Holovaty, fondateur du site EveryBlock. Ensuite il s’agit de surveiller ce que font les autres rédactions. Il ne suffit pas de copier les innovations des autres, car votre audience le saura et aura l’impression d’être trompée, il faut améliorer la copie en allant plus loin, en essayent d’imaginer ce que pourrait être l’étape suivante. Etre dans la compétition, ce n’est pas négatif, ce n’est pas mettre quelqu’un à terre, c’est faire monter son propre niveau.
Pour trouver l’inspiration, il faut regarder ce qu’il se passe en dehors du journalisme, comprendre ce qui excitent les gens et pourquoi. L’interface des jeux vidéos peut être une bonne source d’inspiration. Qu’est-ce qui fait que cela marche? Et comment pourrais-je adapter cette interface pour raconter une histoire journalistique? Telles sont les questions auxquelles il faut répondre pour réussir à inventer d’autres formats.
Autre clé pour innover: connaître ses limites (taille de l’équipe, temps, technologie, concurrence). Car oui, des contraintes peuvent sortir de la créativité. Et puis, l’innovation ne vient pas en une fois. Pour ma part, je fais des dizaines et des dizaines de brouillons avant de publier quoique ce soit.»
Mike Proulx, co-auteur du livre Social TV
«Nombreux sont ceux qui ont prédit la mort de la télévision, mais en fait, on ne l’a jamais autant regardée. Aux Etats-Unis, on la regarde en moyenne moyenne 35h par semaine, selon Nielsen. En outre, la convergence entre Web et télévision a une très grande influence sur la façon dont on regarde la télévision. C’est ce que j’appelle la télévision sociale, c’est-à-dire la convergence entre réseaux sociaux, comme Facebook et Twitter, et télévision. On regarde un même programme sur deux écrans, le premier (l’écran télé) pour voir le programme, le deuxième (ordinateur, tablette, mobile) pour commenter et réagir au programme.
C’est la force de Twitter. Au moment où Beyoncé a montré son ventre rond lors des MTV Video Music Awards à Los Angeles en août, il y a eu un pic sur Twitter avec 8.868 tweets par seconde, tweets liés à l’annonce de sa grossesse. Un record. Twitter, qui compte 100 millions de comptes actifs, a de l’impact sur la production des informations. Et ce, sur quatre tableaux:
1. Les “breaking news” de toute sorte arrivent d’abord – et de plus en plus – sur Twitter, de l’amerrissage en catastrophe de l’avion sur l’Hudson, au tremblement de terre au Japon, en passant par la mort de Ben Laden – au point que Twitter en a fait sa publicité avec ce slogan, “Twitter plus rapide que les tremblements de terre”.
2. Pour trouver des sources. Twitter est un outil très utile pour les journalistes qui cherchent à contacter des gens qui pourraient leur raconter des histoires, comme l’a fait Jake Tapper d’ABC.
3. Pour rester connecté en permanence, et faire du journalisme tout le temps.
4. Pour intégrer des tweets à l’intérieur des programmes télévisuels, comme l’a fait l’émission 106 & Park, dans laquelle les questions venant de Twitter sont posées aux invitées pendant le show. Twitter peut vraiment être considéré comme une réponse directe de l’audience à ce que s’il se passe à la télévision. Exemple avec le débat du candidat républicain Rick Perry qui a eu un trou de mémoire au moment de citer le nom de l’agence gouvernementale que son programme prévoit de supprimer. C’est “l’effet Oups”, aussitôt répercuté sur Twitter. Jusqu’à présent, on était habitués à regarder la télévision avec votre famille et vos amis, désormais, on la regarde avec le monde entier.»
>> Lire le mariage royal de la télévision et de Twitter sur WIP >>
Samuel Laurent, journaliste politique au Monde.fr, ex-lefigaro.fr
«Le fact checking doit se faire de plus en plus rapidement, c’est une réponse à la communication politique. Le fact checking publié une semaine après n’aura pas le même impact que s’il est réalisé très vite. Au Monde.fr, notamment via le blog Les Décodeurs, nous faisons du fact checking participatif. Non seulement les lecteurs peuvent nous poser des questions, mais nous faisons aussi appel à eux pour leur demander de nous aider à trouver des chiffres, ou au moins, des pistes.
Autre moyen de faire du fact checking en temps réel: le live. Pour Fukushima ou pour des débats politiques, comme lors de la primaire socialiste. Le but est de vérifier la véracité de ce que disent les politiques sur le plateau télé. Par exemple, au deuxième débat de la primaire socialiste, 65.000 personnes étaient connectées à notre live. A la rédaction, nous étions quatre journalistes à animer ce live, dont deux uniquement sur le fact checking. Il faut vraiment se préparer en amont, avoir des fiches, des bons liens sur les sujets qui vont être abordés, et se nourrir de sites avec des chiffres comme vie-publique.fr par exemple. Le fact checking en temps réel est un vrai plus, et le sera encore davantage lorsque la télévision connectée sera installée dans les foyers.
Après, dire que l’on fait du fact checking en live, tout le temps, serait prétentieux. Parfois, cela nécessite un travail de fond que l’on ne peut pas réaliser en 3 minutes. Faire un vrai décryptage c’est ne pas se contenter de la parole politique. Mais en vrai, c’est un exercice sans filet, où le fact checking est parfois sujet à interprétation. Ce ne sont pas des maths, il y a parfois des zones grises (cf les “plutôt vrais”, “plutôt faux” du blog Les Décodeurs). Néanmoins, Nicolas Sarkozy a pu dire pendant deux ans qu’un bouclier fiscal existait en Allemagne avant que l’on vérifie et qu’on écrive que ce n’était pas le cas».
>> Lire le fact checking politique sur WIP >>
Nicola Bruno, journaliste, auteur pour le Reuters Institute Study of Journalism d’un travail de recherche intitulé “tweet first, verify later”
«Maximilian Schäfer, du journal allemand Spiegel, l’a dit: le fact checking ne concerne pas la vérification des faits, mais la fiabilité des sources. Or il est de plus en plus difficile de s’assurer de la fiabilité de ses sources, parce que l’on a moins de temps pour cela, parce que les sources sont multiples et disséminées sur les réseaux sociaux, et aussi, parce que, sur Internet, personne ne sait que vous êtes un chien. Enfin, si, selon Paul Bradshaw, du Guardian, qui assure qu’on laisse tant de traces sur le Net que, même si l’on ne connaît pas la source, on peut déterminer son sérieux en fonction de son empreinte numérique.
Et dans les rédactions comme la BBC, le Guardian ou CNN, les approches sont différentes. Au Guardian, ils privilégient la vitesse, donc ils publient d’abord, ils vérifient après. A CNN, qui s’appuie sur iReport, une partie du site où des amateurs peuvent partager leurs infos (environ 10.000 iReports/mois), le contenu n’est pas vérifié tant qu’il n’a pas été sélectionné par la rédaction. Côté BBC, qui reçoit environ 10.000 contributions par jour de la part des utilisateurs, la vérification des contenus venus des réseaux sociaux est beaucoup plus stricte. Une équipe surveille les réseaux sociaux 24h/24, cherche et appelle des sources éventuelles. Leur principe? Vérifier d’abord, publier après. Twitter s’est révélé une très bonne source pour la couverture du tremblement de terre à Haïti. Ça, on peut le dire aujourd’hui, mais à l’instant T, comment en être sûr?
Concernant les outils, pour vérifier les contenus générés par les utilisateurs, il y a TinEye pour les images, et Exif pour savoir avec quel appareil celles-ci ont pu être prises, mais aussi Google Maps et Street View pour les lieux. Et pour savoir si une photo a été retouchée? Le site Errorlevelanalysis.com. Il n’y a pas de secret, on utilise toujours les mêmes principes de vérification, issus du journalisme traditionnel, le tout boosté par les nouveaux outils et les réseaux sociaux.»
>> Lire la présentation sur Storify de Nicola Bruno >>
>> Lire Information venue du Web, check! sur WIP >>
Julien Pain, journaliste à France 24, responsable du site et de l’émission les Observateurs
«Notre force, à France 24, c’est d’avoir une base de données de 20.000 personnes dans le monde, dont 3.000 sont labelisées “observateurs” parce qu’on les a jugées fiables. Tous les contenus des utilisateurs sont vérifiés avant publication, mais le plus difficile à vérifier pour nous, depuis Paris, ce sont les vidéos. Dès qu’il se passe quelque chose dans l’actualité, la rédaction à Paris passe en revue les observateurs présents dans la région concernée et les appelle.
Que peut-on demander à des amateurs? Nous “alerter” sur des choses qui se passent, “capter” des bribes d’actu et “vérifier” des éléments. Que ne peut-on pas leur demander? Fournir des papiers clés en main avec le titre le chapeau et l’information présentée de façon concise, ou de se déplacer sur commande (et gratuitement). Mon travail est d’autant plus intéressant lorsqu’il concerne des pays où il n’y a pas de journalistes, surtout lorsque les amateurs nous montrent des images que les autorités ne veulent pas que l’on voit. Le problème, c’est que les bons contenus n’arrivent pas tout seuls sur le site de France 24, il faut aller les chercher.
Quant à la vérification, elle n’est seulement le fait des journalistes. Les amateurs peuvent nous aider à vérifier des images, et leur connaissance culturelle du pays est inestimable dans cette tâche. Les contenus amateurs explosent dans les lives, et s’entremêlent aux contenus professionnels. On l’a vu à France 24, et même à Reuters qui le fait dans ses lives. L’avenir? L’image amateur diffusée en live… Et le risque de commettre des boulettes.»
>> Lire Le type du Web répond au grand reporter, la tribune de Julien Pain sur WIP >>
>> Lire Information venue du Web, check! sur WIP >>
NB: Cette conférence a aussi été l’occasion de remettre le prix de l’innovation en journalisme Google/Sciences Po et des bourses de mérite aux étudiants. Félicitations aux lauréats!
Alice Antheaume
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«Télévision», «deuxième écran» et «utilisateurs» ont été parmi les mots les plus prononcés au Monaco Media Forum, cette conférence annuelle sur l’économie des médias, dont l’édition 2011 s’est tenue les 9, 10 et 11 novembre. Citations à retenir.
Prédiction
Michael Wolff, Wired
«Twitter a changé le monde et va jouer sur la façon dont on pense et reçoit les informations à l’occasion des prochaines élections présidentielles américaines. Twitter va élire le prochain président des Etats-Unis.»
Nikesh Arora, Google
«Vous pouvez parler A votre téléphone plutôt que de parler DANS votre téléphone. On l’avait prédit il y a quelques temps, c’est désormais devenu une réalité.»
Le partage
Dick Costolo, Twitter
«Nous voulons que Twitter soit le monde dans votre poche. C’est-à-dire que Twitter permette, en instantané, de savoir ce qu’il se passe dans LE monde et dans VOTRE monde. Twitter réduit la distance entre les gens. Je ne parle pas de distance géographique, je veux dire que cela réduit les barrières artificielles entre les gens, les barrières liées au statut entre citoyens et politiques, people et anonymes. Cela aplanit le paysage, et met tout le monde au même niveau. Les gens peuvent “se voir” avec Twitter, cela a des implications sociales importantes.»
«Alors que le flux d’informations circule en continu chaque jour, chaque personne peut faire entendre sa voix. Une simple photo est une contribution à ce qui se passe dans l’actualité du jour, à l’histoire plus globale. Chacun participe à l’histoire du jour.»
Nikesh Arora, Google
«Nous vivons tous dans le “cloud”. Si vous proposez à vos enfants un ordinateur non relié à Internet, ils n’en voudront pas. A quoi ça sert, pour eux, un ordinateur sans connexion? Ils ne peuvent pas partager.»
Christian Hernandez, Facebook
«Si on partage des contenus sur Facebook, c’est qu’il y a une raison. C’est pour avoir une réponse…»
Deuxième écran
Rich Riley, Yahoo!
«Lorsque nous regardons un écran de télévision, nous faisons souvent autre chose en même temps, en utilisant parfois sur un autre support. C’est une seconde expérience sur écran. Certaines expériences sur ordinateur seront intéressantes à vivre sur l’écran télévisuel. Nous avons 700 millions d’utilisateurs de Yahoo! par mois, et notre objectif, c’est d’offrir à nos utilisateurs une expérience entièrement personnalisée.»
Gilles Wilson, Ericsson TV
«L’interactivité peut avoir lieu en dehors de l’écran de télévision, sur un téléphone ou une tablette. Un mobile vous identifie de façon très personnelle, c’est vraiment l’outil parfait pour dire ce que vous pensez de ce que vous voyez.»
David Rowan, Wired
«On suppose qu’il y aura un deuxième écran. Est-ce que la conversation en temps réel sera sur ce deuxième écran?»
Le contrôle
Nikesh Arora, Google
«Que cherchent les utilisateurs? C’est simple: ils veulent du contrôle. C’est le sens de la première télécommande: pouvoir décider des programmes tout en restant assis. Netflix, YouTube, Apple… On décide de ce que l’on veut voir, quand et où. Ceci va continuer à transformer l’industrie.»
Vidéos
Lucas Waston, Google
«La vidéo, c’est le moyen le plus facile pour émouvoir les gens et les toucher. Chaque mois, 800 millions de personnes viennent sur YouTube. Sur cette plate-forme, 3,5 millions de vidéos sont vues chaque jour, et 4 ans de vidéos sont uploadées chaque minute.»
Jim Louderback, Revision3
«Dans une vidéo, l’audio est plus important que la qualité visuelle de l’image. Si le son est mauvais, les gens vont zapper tout de suite. Donc on peut faire du “low cost”, mais pas sur le son. Pour que les gens cliquent, et restent sur une vidéo, c’est comme lorsque vous voulez séduire, vous mettez du maquillage. Après, une fois que vous êtes aimé, plus besoin de maquillage, vous êtes aimé de toutes façons, pour ce que vous êtes.»
Télévision
Maurice Lévy, Publicis
«Les journaux auront disparu avant que l’on voit la télévision s’éroder. La révolution n’est pas qu’une question de technologie, cela touche aussi à l’humain. Le plus important, ce sont les gens. Les téléspectateurs continuent à regarder les mêmes programmes de façon passive, leurs habitudes sont incrustées et perdurent. Ils n’ont pas tous envie d’interagir avec le programme, sur un autre support ou pas. On ne peut pas les “rebrancher”, on peut juste les aider à changer.»
Emma Barnett, The Telegraph
«La télévision va changer, dans les cinq années à venir, la production locale: à mesure que le marché augmente, il y a plus d’argent pour financer des productions locales professionnelles. Les Libyens ont vu la photo de Kadhafi mourant sur la télé satellite, pas sur Twitter ni sur Facebook. La télé est accessible, elle ne vaut pas cher, alors que les réseaux sociaux et l’Internet, je ne suis pas sûre que tout le monde, au Moyen Orient, y est accès.»
AA
lire le billetIl y a aura, dans les médias, un avant et un après Dominique Strauss-Kahn, accusé de «crime sexuel», de «tentative de viol» et de «séquestration» contre une femme de chambre de l’hôtel Sofitel à New York. Envergure planétaire, pics d’audience inégalés, questions juridiques inédites, et frontières du genre repoussées. Cet événement pousse les rédactions françaises à redéfinir les limites de leur exercice. Retour sur les éléments médiatiques clés nés par et autour de ce scandale.
Ce n’est pas une première dans l’histoire médiatique de Twitter, dont les premiers «breaking news» sont apparus aux Etats-Unis dès 2007, lors de la fusillade à l’université Virginia Tech, en Floride (1), mais pour la France, cela devrait rester dans les annales. En effet, c’est sur le réseau aux messages de 140 signes qu’apparaît la première mention de la future affaire DSK.
Ainsi, le samedi 14 mai à 22h59, heure de New York, un étudiant français, Jonathan Pinet, poste le tweet suivant:
Il est le premier à annoncer ce qui va être devenir un scoop, bien avant les agences de presse et autres rédactions. «Ce n’est pas mon tweet qui a déclenché l’emballement de Twitter autour de cette information, explique-t-il après coup sur son blog, mais bien l’article du New York Post à 0h33», toujours heure new-yorkaise. Un article qui n’est plus dans les archives.
Lundi 16 mai 2011: l’ex-patron du FMI passe devant la juge américaine Melissa Jackson, qui lui refuse la liberté conditionnelle dans l’immédiat – elle lui sera accordée à l’audience du 20 mai, après quatre nuits de prison. Lors de ces audiences préliminaires, les rédactions françaises – télé, radio, Web – utilisent Twitter pour réaliser leur couverture en direct, en se servant des tweets envoyés par les journalistes – Français et étrangers – présents dans la salle d’audience.
«L’affaire DSK propulse Twitter au premier plan», annonce Le Figaro. «Twitter et ses “gazouillis” s’imposent dans les salles de rédaction», titre l’AFP.
Mais comment faire autrement? Comment relayer, en temps réel, ce huis clos partiel tel que celui du tribunal pénal de Manhattan, où seuls quelques journalistes peuvent pénétrer? Ceux-ci n’ont le droit ni de téléphoner ni de filmer pendant l’audience, mais peuvent envoyer SMS ou messages sur les réseaux sociaux. Depuis Paris, ceux qui animent des émissions, radio ou télé, en direct, ou des «lives» sur les sites d’infos, suivent donc chaque tweet, même lorsque ce tweet est écrit par un confrère d’une rédaction concurrente, abolissant ainsi des frontières longtemps en vigueur. «Heureusement qu’on a Twitter», confie cette journaliste d’iTélé, au moment de l’audience du 20 mai.
Quatre jours après l’arrestation de DSK, on apprend que la chaîne Canal+ interdit à ses journalistes de tweeter. Première fois, il me semble, qu’un média français prend une position «officielle» à propos de ce que ses journalistes publient ou pas sur Twitter. Conséquence: Laurence Haïm, correspondante à la Maison Blanche pour la chaîne cryptée, présente aux audiences de DSK au tribunal pénal de Manhattan, «réserve “ses” informations à (sa) rédaction» plutôt qu’au réseau social, explique Rodolphe Belmer, le patron de Canal+, pour qui «les journalistes professionnels doivent leurs infos à leur public» et «les grands médias ont tout intérêt à assurer les règles de contrôle de l’information (sans) (…) reprendre à son compte des tweets sensationnalistes quand ils ne sont pas erronés».
Laurence Haïm ne raconte donc pas en live, sur Twitter, comme son confrère Remi Sulmont de RTL, ce qu’elle entend et voit dans la salle d’audience, mais elle l’envoie par SMS aux journalistes d’iTélé (même groupe que Canal+) qui sont, au même moment à Paris, en direct en plateau. Et réalise ensuite des duplex, par exemple pour le Grand Journal de Michel Denisot.
Aux Etats-Unis et en Angleterre, déterminer via une charte rédactionnelle quel journaliste tweete et sur quel sujet est très répandu. En France, ces chartes existent mais elles évoquent avant tout la déontologie, les droits et les devoirs du journaliste, sans s’attaquer de façon frontale aux questions soulevées par l’utilisation journalistique de Twitter – sauf l’AFP qui s’est dotée en 2011 d’une charte ad hoc, focalisée pour l’instant sur la vérification des informations repérées sur les réseaux sociaux.
Dans le flux de messages postés sur Twitter et retweetés des dizaines de fois, il y a des infos et des rumeurs, du vrai et du faux. Les contraintes du direct imposent aux journalistes de les trier en quasi temps réel, afin de les commenter.
Or, lors des premières audiences de DSK au tribunal, les journalistes français ont peiné à suivre le fil Twitter tout en en parlant à l’antenne, laissant souvent passer de longues minutes entre l’apparition d’un tweet, visible par n’importe quel internaute, et son évocation en plateau. A l’heure où commenter sur Twitter ce que l’on voit à la télévision devient tendance, ce décalage peut-il être assumé? D’un côté, il peut être rassurant, si l’on estime que cet écart temporel permet à l’information vue sur Twitter d’être vérifiée avant d’être annoncée à la télévision. D’un autre, il met les journalistes dans une situation de réceptacle de l’information, en même temps qu’un internaute lambda. Quel est l’apport journalistique dans ce cas?
De fait, il y a un deuxième problème, relevé par Benjamin Ferran dans son excellent article sur le sujet: l’interprétation, sur les télévisions françaises, parfois hasardeuse de tweets qui n’ont pas toujours vocation à être relayés. «Certains “tweets” rapportés n’avaient plus grand-chose à voir avec de l’information, écrit-il. “Le juge est en train de réfléchir, semble-t-il, si j’en crois ce que je lis sur Twitter”, a lâché un journaliste de BFM TV. “Il n’y a pas de tweet, on est dans un moment de flottement. Là c’est un peu la spéculation parce que je ne sais pas ce qui a pu se passer”, a-t-on pu entendre sur iTélé.»
A CNN, «la chaîne du live» par excellence, les animateurs de la matinale sont branchés en permanence sur le réseau social aux 140 signes. Même lorsqu’ils présentent les informations. Face à la caméra, ils pianotent sur le clavier d’un ordinateur portable disposé devant eux, consultent des tweets, et y répondent.
En France, il est interdit – sauf autorisation spéciale comme pour le documentaire de Raymond Depardon sur la 10e chambre, ou certains grands procès «historiques» – de filmer les audiences en vertu de l’article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui stipule que, «dès l’ouverture de l’audience des juridictions administratives ou judiciaires, l’emploi de tout appareil permettant d’enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l’image est interdit».
Mais aux Etats-Unis, c’est permis – avec 15 minutes de différé. Les juges américains n’autorisent souvent qu’une seule caméra dans la salle d’audience, mais ils l’autorisent. Dans ce cas, les médias intéressés par ces images se constituent alors en «pool» et désignent la chaîne qui fera office de «pool caméra» pour l’événement, c’est-à-dire qu’elle filmera pour le compte de tous les autres les images, et les redistribuera à tous ceux qui les ont demandées. C’est ce qu’il s’est passé lors de l’audience du 6 juin, lorsque DSK a plaidé «non coupable». Et cette fois, c’était CNN qui filmait.
Que faire, quand on est une télévision française bardée de l’interdiction de filmer les procès, et que l’on voit les images filmées par CNN débarquer sur les sites d’infos français, sur les réseaux sociaux, bref, n’importe où sur le Web en un clic? Se mettre des oeillères pour respecter la loi? Ou prendre le risque de les diffuser, au nom du «droit» d’informer? «Il est impossible de cacher des images librement diffusées sur les télévisions du monde entier, a expliqué au Figaro Guillaume Dubois, directeur de l’information de BFM TV. À l’heure de l’audiovisuel planétaire, la notion de frontières médiatiques n’a plus de sens.»
Pour l’instant, cet article de loi n’a été modifié que pour faire apparaître le montant de l’amende en euros plutôt qu’en francs. Mais il y des autorisations spéciales qui se demandent, et s’obtiennent, comme cela vient d’être le cas pour le procès en appel d’AZF.
Le 1er juin, Lepoint.fr annonce que Ramzi Khiroun, ex-conseiller de DSK, va déposer plusieurs plaintes pour diffamation, dont l’une contre Arnaud Dassier, actionnaire du site Atlantico, «en raison d’un message publié sur le réseau Twitter le 14 mai» sur les activités de Khiroun.
Aux Etats-Unis, des plaintes nées d’un tweet, il y en a déjà eu. Pour la chanteuse Courtney Love, qui a insulté une styliste sur Twitter, l’affaire s’est soldée par le versement de 430.000 dollars (300.550 euros), un accord trouvé afin d’éviter le procès.
Qu’avez-vous retenu, médiatiquement parlant, de l’affaire DSK?
Et… N’oubliez pas de liker cet article, merci!
Alice Antheaume
(1) Au palmarès de Twitter, prem’s sur son rôle d’alerte, on se souvient aussi d’un autre scoop historique, fait en 140 signes, en janvier 2009, lors de l’amerrissage miracle d’un avion sur l’Hudson, à New York. Le premier à évoquer l’accident est un citoyen américain, qui s’appelle Janis Krums. Présent à bord d’un ferry juste à côté de l’endroit où vient d’échouer l’avion, il publie aussitôt sur Twitter une photo de la scène en la qualifiant de «crazy». Première photo disponible sur cet événement, celle-ci est immédiatement reprise dans les médias du monde entier.
lire le billetMISE A JOUR: Oui, le mariage royal a battu tous les records de commentaires sur les réseaux sociaux. Le pic a été atteint, en ce vendredi 29 avril 2011, avec 15.000 tweets par minute dotés du hashtag #royalwedding dans le monde, selon ABC News (13.000 tweets par minute selon USA Today). En France, le visionnage de l’union princière sur les télévisions de l’Hexagone a généré plus de 13.000 tweets francophones lors de cette journée spéciale, concluent le cabinet Novédia et le site DevantLaTele.com.
Le mariage du Prince William et de Kate Middleton est-il le plus gros événement «live» que le Web connaisse? C’est ce que parie Rory Cellan-Jones, de la BBC, sur son blog. Ce mariage «pourrait surpasser l’impact de l’investiture de Barack Obama» sur Internet, prévient-il. «Espérons que Google aie un ou deux serveurs en réserve….»
Outre Google, les réseaux sociaux s’attendent à un volume extraordinaire de commentaires postés en temps réel, en ce vendredi 29 avril, jour de l’union princière. Plus que lors des révolutions arabes ou du tremblement de terre/tsunami/crise nucléaire au Japon? Sans doute.
D’après les estimations du Telegraph, plus d’1 milliard de personnes dans le monde vont regarder le «mariage du siècle» à la télévision, et le volume de messages postés sur Twitter devrait dépasser les 5.000 tweets par minute atteints lors de la mort de Michael Jackson, en juin 2009. A fortiori les 3.051 tweets par minute réalisés lors du but final de l’Espagne à la Coupe du Monde, en juillet 2010. Et les 1.200 tweets par minute au moment du tsunami au Japon, en mars 2011.
L’agence britannique Greenlight, qui a traqué le terme «royal wedding» sur les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, les forums, les sites d’infos et les blogs, a vu l’apparition en ligne de 9.000 posts par jour concernant ce fameux mariage, lors de la semaine du 18 avril.
Les détails les plus débattus sont – dans l’ordre d’importance – la robe de Kate Middleton, la liste des invités et les cadeaux pour les futurs mariés. Des sujets plutôt «positifs», donc. Cela tombe bien, les contenus porteurs de bonnes nouvelles bénéficient d’un plus fort taux de partage sur Facebook, comme décrit dans ce précédent WIP sur les critères d’un contenu facebookable.
Près de «800.000 personnes vont se presser dans les rues de Londres», peut-on lire sur le site the media on line, «tweetant et postant sur Facebook, tournant des vidéos aussitôt envoyées sur YouTube. Un “social networking” aux proportions épiques.»
Serveurs spéciaux
En annonçant avoir besoin d’un serveur supplémentaire, Twitter s’y prépare. Un travail de fond s’opère «afin d’assurer que nous soyons capables de gérer un tel volume», assure la compagnie de San Francisco. «Là où un mariage royal est facile à prévoir, un tremblement de terre suscitant un fort volume de tweets ne l’est pas toujours. Il faut donc être prêt à tout moment».
Outre servir d’outil pour diffuser les informations urgentes, Twitter se positionne sur un autre usage «journalistique»: rendre la télévision plus «live». Comment? En surfant sur cette nouvelle tendance qu’ont les internautes, lesquels commentent sur les réseaux sociaux les programmes télévisuels qu’ils regardent.
«Le mariage royal s’inscrit dans une campagne plus générale qui consiste à travailler avec les chaînes télés pour mieux intégrer Twitter à leurs expériences, notamment pour le direct», m’explique l’équipe du site des messages de 140 signes.
La télévision tweetée, c’est un créneau porteur, estime Robin Sloan, qui travaille sur les meilleures utilisations de Twitter par les médias. «La télé en direct et l’information en temps réel se renforcent l’une l’autre. A chaque fois qu’il se produit quelque chose d’important lors des Video Music Awards, diffusés sur MTV, nous constatons un pic massif et immédiat de tweets qui en parlent. Rihanna a fait une apparition surprise lors de la prestation d’Eminem, et aussitôt, son nom était cité dans 4.700 tweets par minute (…). Ce volume de messages permet aux gens de voir que les Video Music Awards se déroulent en ce moment-même et que le show a l’air excitant.»
La télévision qui fait tweet
Regarder la télévision (sur petit écran ou ailleurs), smartphone branché sur Facebook ou Twitter en main, c’est un usage qui se répand. Jean Yves Stervinou, 36 ans, ancien de Six Apart, la plate-forme de blogs, l’a bien compris. Il a créé, dès février 2010, DevantLaTele.com pour donner une nouvelle «dimension sociale aux instants télé». Le principe: agréger, par chaîne de télévision (française), les commentaires postés sur Facebook et Twitter en temps réel qui évoquent les émissions de ces chaînes. Uniquement les messages en français.
«J’en ai eu l’idée en visionnant des programmes qui encouragent les téléspectateurs à envoyer des SMS, mais ces SMS n’arrivent nulle part. Moi, j’avais besoin d’échanger avec les autres. Il y a bien les forums mais certaines discussions datent de plusieurs semaines. Je voulais une vraie conversation, à plusieurs, et surtout, en live.»
Résultat, en ligne, on peut suivre, comme dans le salon avec des amis, les commentaires des internautes sur l’émission qui est diffusée au même moment. La difficulté de l’exercice, lors des live tweets, c’est d’identifier les bons mots clés qui évoquent la conversation télévisuelle. «Un bon hashtag (un mot clé sur Twitter, ndlr) saisit en peu de signes l’essence d’un événement: on doit comprendre de quoi il s’agit un premier coup d’oeil», m’avertit Twitter. Exemples: #royalwedding, c’est simple et efficace, alors que #tele, c’est trop vague, reprend Jean-Yves Stervinou.
La crainte de celui-ci pour vendredi? Que «Twitter tombe en rade» sous l’afflux de commentaires. Mais il se rassure: «Parfois, même quand Twitter.com est down, l’API, une interface de programmation que j’utilise pour récupérer les tweets pour DevantLaTele.com, fonctionne toujours.»
Et si cette union princière ne générait pas autant de communi(cati)on? A contre-courant, Alexandre Hervaud, journaliste à Libération et assidu de Twitter, ne compte pas poster de commentaires sur le mariage et annonce qu’il «lira un livre à place».
«Commenter les commentaires, très peu de moi», dit-il. «Je subis les live tweets télévisuels. Je ne vois pas l’intérêt de “liver” un événement que tout le monde peut voir à la télévision. Les live tweets intéressants, ce sont ceux qui permettent de raconter ce que les gens ne peuvent pas voir ni entendre, par exemple, lorsque Lionel Tardy, député UMP, commente sur Twitter une commission qui se tient à l’Assemblée nationale à huis clos, et interdite d’accès au public. Sinon, et même si j’ai moi-même versé dans le live tweet de la Nouvelle Star en 2009, je trouve maintenant cela saoulant, ça paralyse le flux d’informations qui arrivent.»
Et vous, commentez-vous le mariage royal sur les réseaux sociaux? Entre deux messages, n’oubliez pas de liker cet article.
Alice Antheaume
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Crédit: Reuters/Jas Lehal
La 3D est-elle l’avenir du football à la télé? A en voir le programme de la Coupe du monde, qui vient de débuter, nombreux sont ceux qui veulent le croire: pas moins de 25 matchs seront tournés en 3D par des caméras de Sony, TF1 en diffusera 5, CanalSat, propriété de Canal+, 10, sans oublier les quelques cinémas qui, en France, vont organiser des projections ad hoc. Qui peut regarder des matchs en 3D? A quel prix? Qu’est-ce que cette technologie change à la façon de suivre un match de foot? Débuts de réponses.
Une image en 3D est une image en relief. Laquelle est constituée de deux images légèrement décalées l’une par rapport à l’autre. Lorsqu’un spectateur regarde une image 3D, son oeil droit perçoit l’une des deux images, son oeil gauche l’autre image, de façon simultanée et très rapide. Les lunettes permettent alors de «synchroniser» ces deux images pour que naisse l’image en relief sur la rétine.
Ils travaillent avec des caméras spéciales pour filmer les deux images détaillées plus haut, des caméras avec deux yeux, deux objectifs donc. Gilles Maugard, directeur général adjoint des technologies et systèmes d’information de TF1, m’explique le dispositif: «d’ordinaire, pour les matchs en HD (haute définition, ndlr), on tourne avec 15 caméras. Là, pour la 3D, on est encore en phase de test, on tourne avec 6 ou 7 caméras.» Quant aux spécificités de tournage, elles ne sont pas encore tout à fait définies. Si ce n’est qu’a priori, les plans sont pris de plus près et les zooms moins utilisés, pour éviter l’effet mal de mer. «Après l’expérience du Mondial, on aura beaucoup plus de retours de la part de ceux qui filment et qui réalisent», reprend Gilles Maugard.
Tous ceux qui ont acheté une télévision 3D, plus des lunettes pour chacun des spectateurs. Le prix de ce téléviseur? 1.300 euros pour le premier modèle, et une centaine d’euros pour chaque paire de lunettes. Tandis que Médiamétrie réfléchit à créer un panel spécial pour les spectateurs de télé 3D, il reste une option moins onéreuse: se rendre dans l’un des 39 cinémas qui projette les matchs de la Coupe du monde en 3D, à 15 euros le billet d’entrée, lunettes comprises.
Personne ne le sait. «On espère qu’au moins 10.000 téléspectateurs vont regarder les matchs en 3D pendant la Coupe du monde», précise Gilles Maugard. D’après le cabinet GfK, entre 150.000 et 200.000 téléviseurs 3D pourraient être vendus en France d’ici à la fin de l’année 2010. Est-ce que tout le monde aura vraiment besoin de regarder des matchs de foot en 3D? Pas sûr. Cependant, il faut noter la règle suivante: les innovations précédentes, à la télé, n’ont jamais éloigné les fans de leur sport. Ceux-ci montrent souvent une capacité d’absorption très rapide de nouvelles images, l’oeil étant capable de s’habituer.
«Regarder un match en noir et blanc, beaucoup de jeunes trouvent cela à la limite du supportable aujourd’hui», rappelle Pascal Griset, professeur d’Histoire contemporaine à l’Université Paris-Sorbonne. C’est dire si la couleur, arrivée sur les écrans en 1967, a été vite adoptée. Quant au ralenti, il est crucial à la télévision. Un match diffusé sans ralenti, ce n’est plus un vrai match. «Même lorsque les spectateurs sont sur place, dans les stades de foot, ils regardent l’action en direct sur le terrain, puis se tournent immédiatement vers les écrans disposés ici et là dans les tribunes pour revoir une action de plus près, un but ou une faute. Enfin, les journalistes qui commentent les matchs, également sur place, font toujours des commentaires sur les ralentis diffusés sur les écrans. C’est devenu structurel.»
Oui. Car la 3D sur le petit écran n’offre pas le même confort que la 3D au cinéma. «Il faut de très bons téléviseurs, et rester bien en face de l’écran, sinon, on ne profite pas de l’image. Cela nécessite donc de rester concentré devant sa télé, ce qui n’est plus vraiment l’usage des gens aujourd’hui.» C’est donc moins immersif que le cinéma et moins intuitif que la télévision que l’on connaît. Autre problème, qui pourrait déstabiliser les spectateurs: les chaînes n’ont pour l’instant pas pu fabriquer des publicités qui, à la mi-temps, seraient également en 3D. Ce qui va obliger le téléspectateur à retirer puis remettre ses lunettes, le temps de la pause pub. «On est un peu gênés par rapport à ça», concède Gilles Maugard. «Disons que pour le moment, la 3D est un bonus plutôt qu’autre chose. A terme, la pub sera aussi en 3D, comme celle du cinéma, avant Avatar ou Alice au pays des merveilles.»
Difficile à dire. Pour Gilles Maugard, la 3D pourrait être plutôt réservée à quelques événements d’exception, comme… le Mondial. Ou alors, la 3D pourrait n’être utilisée que pour certaines séquences des matchs de foot, par exemple pour voir ou revoir certaines actions en 3D, mais pas sur l’intégralité de la rencontre. L’avenir, estime ce dirigeant de la première chaîne, c’est plutôt la HD, diffusée pour la première fois via Ushuaïa, en février 2006. Puis utilisée pour la Coupe du monde de foot 2006 sur TPS, avant de servir la Coupe du monde de rugby de 2008, sur TF1.
L’avenir du foot télévisuel pourrait aussi résider dans l’utilisation de la «Newsight GmbH», une technologie en 3D relief créée les entreprises Grundig et 3D Image Processing (3D-IP) et visible… sans lunettes. Pour les footovores, c’est le comble de l’interactivité: voir entrer dans son salon le ballon que vient de shooter un joueur mondialement connu, et ce, en temps réel. En revanche, faire la passe, toujours depuis son salon, pour remettre ce même ballon sur le terrain officiel, n’est pas encore possible. En attendant, une innovation fait sensation sur le site du Guardian, l’option «replay» des matchs de la Coupe du monde à partir des messages postés sur Twitter.
Oui. Pour Pascal Griset, le sport a toujours été «un produit d’appel». «Si les nouvelles technologies télévisuelles ne sont pas toujours créées pour le sport, elles se développent souvent avec lui», dit-il, en citant l’exemple du Tour de France, qui a grandi en même temps que les moyens de diffusion de l’image se sont perfectionnés. «Au début du Tour de France, il n’y avait aucune transmission d’image, mise à part à l’arrivée. Puis, les images ont pu être diffusées en direct. Mais il y avait toujours des difficultés à filmer les cyclistes en plein effort, sauf sur quelques points de passage.» Quand la technique a permis aux spectateurs de suivre, depuis le petit écran, la course au moment-même où les cyclistes pédalaient, cela a été la révolution. Un exploit sportif, en quelque sorte.
«Il est plus facile d’innover avec le sport, car ce sont des émissions de flux, qui offrent une grande souplesse sur les moyens de production, alors qu’une fiction, tournée 18 mois avant sa diffusion, ne permet pas du tout la même réactivité», ajoute Gilles Maugard. Un bémol, cependant: les chaînes ont beau assurer qu’elles «créent l’événement» et que «c’est une première», en réalité, les premières images 3D, appelées à l’époque «stéréoscopiques», ont été projetées pour la première fois avant la seconde guerre mondiale, se souvient Pascal Griset. «Je ne veux pas jouer le rôle de l’historien qui dit toujours qu’il n’y a jamais rien de neuf, mais disons que cela ne sera une vraie révolution que si la technologie se répand vraiment.»
Et vous, de quelle façon aimeriez-vous regarder les matchs de foot à l’avenir?
Alice Antheaume
lire le billet«C’est un jour historique», «nous allons entrer dans l’histoire», «la date sera inscrite pour la postérité». A la chambre des représentants des Etats-Unis, les envolées lyriques étaient légion, dans la nuit du 21 au 22 mars. Et le vote final leur a donné raison: par 219 voix contre 212, le texte de la réforme de la couverture de santé américaine a été adopté.
Moi qui ne connais que peu la télévision américaine, je suis restée scotchée devant le live fait par CNN. Pas en ligne, sur le petit écran. Vu le sujet, dont les arguments ont été rabâchés depuis des mois, c’était une gageure de garder en haleine les téléspectateurs. Une gageure que connaissent bien les chaînes françaises Public Sénat et La Chaîne parlementaire (les chaînes d’information en continu ont-elles un jour essayé?). Alors, comment procède CNN pour éviter le zapping sur un sujet «parlementaire»?
La règlementation américaine favorise la télégénie du débat: les discours des représentants sont limités à 1 minute, ou 2 minutes maximum, tandis qu’au Sénat ou à l’Assemblée française, sénateurs et députés ont le plus souvent 4 ou 5 minutes devant eux. Voire plus. Et quand le président de la chambre des représentants sonne la fin de l’intervention, il n’y a pas de «ouh» possible, contrairement aux débats parlementaires français. C’est cut, et donc télévisuel.
Au début, le vote devait avoir lieu à 19h, heure locale. Ensuite, «après 22h». Finalement, cela aura été juste avant minuit, après dix heures de débat entre démocrates et républicains. Pourtant, le «live» de CNN tient, qu’importe si la programmation initiale prévoyait tel ou telle émission ou série à la place. Les journalistes, en plateau, tiennent aussi, évidemment.
Plutôt que de filmer en longueur les débats de la chambre, avec des représentants des Etats américains qui répètent les mêmes arguments depuis un an («c’est le moment de montrer que la couverture médicale est un droit et non un privilège»), l’aller-retour est incessant entre d’un côté la chambre, et de l’autre, le plateau de CNN, avec cinq interlocuteurs serrés comme des sardines, les yeux rivés sur leur écran d’ordinateur.
A la chambre des représentants comme sur le plateau de CNN, l’ambiance était aux confidences familiales. «Ma mère est morte à 52 ans parce qu’elle ne pouvait pas se payer d’assurance santé», raconte cette journaliste sur le plateau de la chaîne américaine. De la même façon, Obama avait lu un peu plus tôt des lettres d’Américains endettés jusqu’au cou par leurs factures médicales. En clair, on est passé du débat d’idées à l’alignement d’expériences personnelles. Quite à verser dans la démagogie, pour «personnifier» le débat, on n’a pas trouvé mieux.
D’habitude, les tweets issus du réseau social aux 50 millions de messages postés par jour sont l’apanage des rédactions Web. Sauf que là, sur le plateau de CNN, l’un des invités était chargé de faire des points réguliers sur les réactions des internautes sur Twitter à propos de la réforme du système de santé. Les réactions les plus pertinentes, s’entend.
Quand La Chaîne parlementaire française montre des plans sur les «suspensions de séance» de l’Assemblée, CNN multiplie des publicités. Ici, une pub pour une boutique de baseball, là, pour un appareil qui fait les dents blanches, ou encore, pour le supplément week-end du New York Times, qui offre une remise de – 50% et vous «permet d’entrer dans le débat». Ou surprise, une pub anti-assurance santé. Une pause fraîcheur, pour ainsi dire.
AA
lire le billetAvec 53,6% d’abstention, le premier tour des élections régionales n’a pas été à la hauteur de l’intérêt des électeurs. Or les médias ont aussi souffert de ce record absolu d’abstention dans les urnes. Car la désaffection du public pour la soirée électorale s’est également sentie sur les chaînes de télé et la plupart des sites Web d’infos. De fait, aucun record d’audience notable pour les rédactions qui couvraient l’événement. Du moins le soir-même du premier tour.
A la télévision, les résultats de la soirée électorale du 14 mars ont été honorables, mais sans plus. Je mets à part France 3, qui a du annuler son plateau du 14 mars à la dernière minute et programmer Zorro à la place. TF1 a récolté 5,8 millions de téléspectateurs en moyenne (soit 22,8% de part d’audience) quand France 2 a attiré 4,9 millions de personnes (19,1 % de part d’audience), selon les chiffres de Médiamétrie. Rien là de vraiment surprenant: à titre de comparaison, le vendredi 5 mars, TF1 caracolait en tête des audiences de «prime time» avec 5,3 millions de téléspectateurs réunis devant la série Les Experts. A peine 0,5 million de moins que lors du plateau du premier tour, co-animé pourtant par Laurence Ferrari et Claire Chazal.
Sur les sites d’information nationale, le trafic multiplié par deux
Sur les sites Web d’infos dits «nationaux», qui avaient aussi mis en place des dispositifs spéciaux, l’afflux d’internautes a été réel. Mais pas exceptionnel. D’après cette étude de Médiamétrie, «les sites d’information mesurés (dont Europe1.fr, France2.fr, France3.fr, franceinter.com, france-info.com, france-culture.com, lejdd.fr, latribune.fr ou lci.tf1.fr, ndlr) ont enregistré près de 29% de trafic supplémentaire par rapport aux deux dimanches précédents». Et ce, en moyenne sur l’ensemble de la journée, le pic se situant entre 20h et 22h, au moment où la plupart des sites Web d’infos ont fait des «lives» réactualisés en permanence, avec l’annonce des résultats, région par région. Le nombre de visites, sur lemonde.fr, a progressé de 39% entre les dimanches 7 et 14 mars, aboutissant à 1,6 million de visites lors de la journée du premier tour. Mais sur 20minutes.fr et lepost.fr, la progression est moindre – respectivement +6% et +8% en visites.
Alors oui, la plupart des sites, dont lefigaro.fr et slate.fr, ont drainé 2 à 2,5 fois plus de trafic que les précédents dimanches, mais cela reste faible par rapport à l’annonce de la mort d’une Super Nanny, dont l’impact sur le trafic reste inégalé – et qui était survenu un mercredi matin, en pleine semaine. Ou des images de la tempête Xynthia, diffusées le dimanche 28 février, et qui ont scotché les lecteurs et spectateurs aux informations. Rien que pour la télé, 10 millions de téléspectateurs ont suivi le JT de Claire Chazal, le 28 février au soir. De même, France 3 a enregistré, grâce – notamment – aux reportages en Charente Maritime diffusés le 28 février, ses meilleures audiences de l’année 2009-2010.
Engouement pour les articles qui parlent… d’abstention
Pourquoi les régionales n’emportent pas les suffrages générés par la mort d’une animatrice de télé ou d’une tempête en région? Parce que les Français se fichent de la politique? Non. Parce qu’ils mesurent mal l’enjeu de ce scrutin? Peut-être. Parce que le dimanche précédent le premier tour était plus riche en actualité? Oui, pour les sites qui ont couvert, en nocturne, la cérémonie des Oscars. Au fond, si les élections ne «trafiquent» que peu, c’est parce qu’elles sont prévisibles. En clair, je connais la date du scrutin depuis longtemps, je sais à peu près comment va dérouler la soirée électorale, régentée par un calendrier prévu à l’avance, et je peux quasiment prédire ce que tel ou tel personnage politique, rompu à l’exercice de l’interview, va dire. Ce qui laisse a priori peu de place à la surprise (sauf éventuellement lors de l’annonce des résultats) ou même à la spontanéité (il n’y avait qu’à entendre l’uniformité des commentaires des responsables politiques dimanche soir). Or l’imprévisibilité d’une information, c’est quand même l’un des préalables à ce qui fera son succès – d’audience. D’ailleurs, ce n’est pas par hasard si les articles les plus lus des sites d’infos lors du premier tour sont ceux qui évoquent l’abstention inédite de cette élection.
La montée en flèche des sites de presse régionale
Le bilan n’est pourtant pas si terne. Si l’on regarde la progression du trafic d’un dimanche à un autre (et non le résultat chiffré), les seuls à avoir emporté le pompon le soir du premier tour sont les sites de presse quotidienne régionale (PQR). Lamontagne.fr, qui couvre l’information locale auvergnate a ainsi vu son nombre de visites augmenter de plus de 150% par rapport au dimanche précédent en visites et plus de 200% en pages vues. Même tendance pour leberry.fr, qui a fait + 87% de visites le 14 mars comparé au 7 mars, et + 82% en pages vues. Le Midi-Libre a connu aussi une belle croissance, de 65%, à l’occasion du premier tour (dimanche 14 et lundi 15 comparés à la semaine précédente).
J+1
Quant aux sites Web d’information nationale, ils ont fait au final plus d’audience le lundi, c’est-à-dire le lendemain de l’élection, que le jour même des résultats du premier tour. Le 15 mars, lefigaro.fr a ainsi fait son meilleur chiffre, depuis le début de l’année 2010, en nombre de visites par jour. Lemonde.fr fait ce jour-là + 38% de visites par rapport au lundi précédent. Et + 53,6% en pages vues. La raison est terre à terre: de façon générale en ligne, il y a toujours plus de monde le lundi que le dimanche – retour au bureau, connexion Internet plus aisée, pas d’enfants dans les pattes, etc. Il en aurait fallu un coup de théâtre pour déstabiliser les statistiques usuelles.
Pensez-vous que le deuxième tour sera plus suivi, en ligne et à la télé, que le premier tour? Si vous avez des chiffres à partager, n’hésitez pas…
Alice Antheaume
lire le billetLa vidéo en ligne ne tue pas (encore) la télé, mais tue Tivo (Etreintes digitales, un blog figaro.fr)
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Tableau comparatif de réseaux sociaux: Google Buzz / Facebook / MySpace / Twitter (Web Strategy)