«La rencontre entre offre (choix éditoriaux) et demande (préférences des lecteurs) ne se fait plus», assure Pablo Boczkowski, chercheur américain de l’Université de Northwestern, auteur de Digitizing the News. Innovation in Online Newspaper et de News at Work. Imitation at a Age of Information Abundance. Pour accréditer sa thèse, il a comparé les articles mis en ligne sur le premier écran des pages d’accueil de plusieurs sites d’information généralistes et les articles les plus lus/cliqués par les internautes.
Fossé
Résultat, un décalage conséquent et, finalement, une superposition minime entre les sujets choisis par les journalistes et ceux plébiscités par l’audience. Que l’on soit sur un site généraliste argentin (Clarin), britannique (The Guardian), américain (CNN), espagnol (El Pais), allemand (Die Welt), ou brésilien (Folha de Sao Paulo), le constat est le même: «Dans tous les cas, les journalistes ont tendance à faire davantage de sujets sur la politique, l’international, et l’économie, quand leurs lecteurs s’intéressent plutôt au sport, à la météo, à l’entertainment et aux meurtres», détaille Pablo Boczkowski.
Un constat qui ne diffère ni selon les pays ni selon les régions d’un même pays: c’est un phénomène que l’on retrouve partout, plaide le chercheur. Seule variable – logique au demeurant: le décalage entre offre et demande est d’autant plus grand que le site d’informations est élitiste.
Crédit: Flickr/CC/Zarko Drincic
Au comptoir de l’information
«Imaginons un boulanger qui propose à la vente 60% de pains complets et 40% de pains blancs. Seuls 4 de ses clients sur 10 veulent du pain complet, quand 6 de ses clients sur 10 veulent du pain blanc, reprend Pablo Boczkowski. A la fin de la journée, certains pains demeurent invendus, et des clients repartent insatisfaits.»
Cette métaphore n’est pas si loufoque: comme le boulanger se doit de satisfaire sa clientèle, un site Web d’infos doit fournir l’actualité du jour à son audience, laquelle doit sortir «repue» de clics et d’infos. La métaphore est même plus subtile que cela: le boulanger peut penser qu’il est meilleur pour la santé de ses clients de manger du pain complet plutôt que du pain blanc, de même que le journaliste peut estimer qu’il va élever le niveau de ses lecteurs s’il leur donne des sujets «nobles», de politique internationale par exemple, plutôt que trois brèves sur des célébrités.
Est-ce à dire que la majorité des journalistes ont une — trop — haute opinion de leur «mission», quand bien même celle-ci ne correspondrait à aucune réalité visible selon les outils qui analysent ce sur quoi cliquent les lecteurs? Certainement. Et cela se comprend. Car les journalistes, d’où qu’ils viennent, grandissent dans le culte des vertus démocratiques de la presse. Des vertus réelles. Sauf que, là encore, le Web a tout changé. Lorsque les journalistes du print écrivent un article qui n’intéresse peut-être qu’eux, ils apprennent au pire le lendemain que les ventes de leur journal sont mauvaises, mais sans savoir précisément si la désaffection du lectorat s’est faite à cause de leur article, ou si cela tient à la photo de la une, ou à la couverture, ou aux titres mis en exergue. Les journalistes Web, eux, voient en temps réel les clics — ou l’absence de clics — suscités par le sujet qu’ils viennent de publier. En clair, ils font face à la réception immédiate et permanente de ce qu’ils produisent.
Et croyez-moi, cette réception est le plus souvent indépendante de la qualité journalistique du contenu produit. Il n’est en effet pas rare qu’un article d’économie écrit dans les grandes largeurs, composé de cinq interviews différentes et ayant nécessité des heures voire des jours de réalisation, récolte à peine 5% du trafic du site, quand, dans le même temps, une brève sur Britney Spears qui a pris moins d’une demi-heure à écrire atteint les 70% de trafic.
Pour Maureen (alias Mo) Tkacick, jeune éditrice du site Jezebel, qui repose sur trois thèmes, le people, le sexe et la mode, il ne faut pas se mentir: «80% du trafic est généré par 20% des informations publiées», assure-t-elle. Une règle qui ressemble à la loi de Pareto, selon laquelle 20 % des moyens permettent d’atteindre 80 % des objectifs.
Dilemme
Alors il faut ruser. En mai 2008, quand un cyclone terrasse la Birmanie, le sujet n’intéresse pas les internautes. A 20minutes.fr, la rédaction décide de les interpeler et publie un article intitulé «pourquoi vous vous fichez de la Birmanie?». Cette fois, c’est un carton. «Plus de 15.000 morts, une catastrophe humanitaire de grande ampleur, un régime dictatorial accusé de ne pas l’avoir prévue, et pourtant vous êtes très peu à lire les articles sur la Birmanie, lit-on dans l’article. C’est un des sujets d’actu qui vous a le moins intéressés selon nos statistiques. Nous vous avons demandé pourquoi et, là, vous avez répondu en masse.» De fait, après modération, on trouve 270 commentaires qui tentent de répondre à l’interrogation.
Pour le reste, nombreux sont les éditeurs qui espèrent pouvoir attirer le public via un article people, sport, ou fait-divers, pour ensuite l’orienter par un lien sur un sujet moins facile d’accès et ayant nécessité davantage de ressources rédactionnelles.
Quel service le journaliste rend-t-il au lecteur?
Lors d’une semaine de cours intensifs à l’école de journalisme de Sciences Po, en février dernier, j’ai demandé aux étudiants de réaliser des articles trouvés parmi les sujets les plus vus de Yahoo! actualités, les plus envoyés de lemonde.fr, les mots-clés les plus recherchés du moment sur Google, via l’outil Google Trends, et les vidéos les plus vues du jour sur Dailymotion. But du jeu: apprendre aux étudiants à repérer ce qui intéressent les internautes et calquer la sélection éditoriale sur ces baromètres. Après trois jours à ce régime, les étudiants ont soupiré: «On ne va quand même pas faire des sujets sur la neige tous les jours parce que les internautes ne cliquent que sur ça cette semaine?». Soit dit en passant, selon une récente étude du Pew Internet Project, consulter la météo est en effet la première motivation des Américains pour se connecter à Internet depuis leur téléphone portable.
Posture
Que faire alors? Les rédactions qui refusent de s’adapter à que veulent les lecteurs risquent gros. Les autres doivent trouver où placer le curseur entre qualité journalistique et sujets populaires. Difficile car entre ce que les journalistes croient savoir des goûts de leurs lecteurs, et les vrais goûts de ces lecteurs, le fossé est parfois grand, rappelle Hugh Muir, journaliste au Guardian.
«Si je suis ce que je mange, je suis aussi les informations que je consomme, conclut Pablo Boczkowski. De même que le corps pourrait se satisfaire de pain blanc, l’appétit du public pour les informations pourrait en majorité se contenter de sport, entertainment, et fait-divers. Mais la société et les enjeux politiques vont en souffrir.» Question de santé.
Alice Antheaume
lire le billetW.I.P. demande à des invités de donner leur point de vue. Ici, Jean-François Fogel, consultant et Professeur associé à Sciences Po, en charge de l’enseignement du numérique à l’école de journalisme.
Le site péruvien d’El Comercio propose depuis un semestre une formule dégagée de toute référence au quotidien imprimé. Une architecture de tags à l’état pur, sans artifices de présentation. Un succès à méditer.
Réussir un site d’information, c’est facile quand on a les idées claires. Un coup d’oeil sur celui du quotidien péruvien El Comercio suffit pour le vérifier. Le succès de sa nouvelle formule est stupéfiant. Il est passé de 2,8 millions de visiteurs uniques, l’été dernier, à 4,3 millions en mars 2010. Son plus plus proche concurrent le talonnait à guère plus de 100.000 visiteurs uniques; cet écart a été multiplié par onze! Et, plus significatif, la durée moyenne des visites a explosé, passant de 3mn 17s à 19mn 49s.
La semaine dernière à Mexico, les responsables du site, Pablo Mancini, son gérant, et Fabricio Torres, son rédacteur en chef, expliquaient leur recette devant les représentants des quotidiens leaders de onze pays d’Amérique Latine rassemblés dans le “Grupo de Diarios de América” (GDA), une association favorisant l’échange des contenus rédactionnels et des expériences. Les réunions du GDA sont des séances compactes mais, pour une fois, tout a failli traîner tant il y avait à décortiquer sur ce site qui ne rappelle en rien le journal imprimé qui lui a donné sa marque (El Comercio est une sorte de “Figaro” du Pérou, avec des cahiers multiples et une quadrichromie abondante proposés à un lectorat aisé).
Crédit: DR
L’architecture de la page d’accueil procède d’une innovation sans réserve avec l’empilage de “solutions” superposées. Aucune logique journalistique, aucun souci de présentation et pas davantage de volonté de construire une hiérarchie journalistique dans cette page; il s’agit d’une boîte d’outils qui servent à empoigner l’information avec de haut en bas:
– un header sur fond jaune invitant à s’inscrire dans la communauté des internautes d’El Comercio, ou à entrer en relation avec le site par téléphone mobile ou RSS.
– une première barre de navigation traitant seulement des principaux thèmes choisis par la rédaction (les prochaines élections, la coupe du monde de football, la gastronomie, etc.).
– un bloc graphique de neuf images qui occupe tout un écran. Chaque image correspond à ce que la rédaction nomme un “canal”, en fait à une page de tag qui l’alimente. Une des neufs images est utilisée pour la publicité ou la promotion.
– une barre de navigation vert pâle consacrée uniquement au football (au Pérou, en Italie, en Espagne, etc.)
– une barre de navigation rouge permettant de naviguer parmi des tags groupés selon des catégories classiques (économie, technologie, spectacles, etc.) avec au total une formidable offre d’environ 230 tags.
– Et enfin, un flux de contenus rangés de la façon la plus simple du monde, dans l’ordre anté-chronologique, le dernier publié ou mis à jour venant en tête.
Le site d’El Comercio ne fait pas mine d’avoir des rubriques ou d’afficher des titres à la façon d’un média imprimé. Hormis les neuf images de son premier écran sur la page d’accueil et ses barres de navigation, il ne connaît que le tag et le flux. Pas de sujets “magazine”, pas de pseudo processus d’édition, seule la mécanique des tags est à l’ouvrage pour servir l’information et la ranger de façon dynamique. Les quelques thèmes sur lesquels la rédaction a décidé de s’investir se trouvent dans la barre de navigation la plus haute, ce sont donc des paris joués de façon durable. Il suffit de cliquer sur l’un des onglets de cette barre pour voir que toute la page d’accueil change avec le même déferlement automatisé de tags, de barres de navigation et de flux traitant d’un seul thème. Chaque page de tag se plie à la même logique: offre de flux puis offre de tags. La page de contenu propose de même un article au-dessus de listes de tags avec pour seule frontière l’empilement des commentaires.
Interrogé sur l’explication de la croissance de leur machine à taguer, les deux responsables répondent en citant les trois seules obligations de leur politique rédactionnelle: tout contenu doit inclure au moins un lien; tous les titres doivent être écrits en utilisant des mots-clés ; tout ce qui existe d’intéressant dans les autres médias péruviens doit être repris au moins dans un lien. Réseau, référencement, agrégation: c’est simple comme le web.
Le plus étonnant est que le site fonctionne sans moteur sémantique pour générer les tags. A chaque production d’un contenu, les journalistes doivent ajouter des tags qui appartiennent à trois catégories: évènement, thème, personnalité. “Je travaille avec eux pour éviter que la rédaction des tags ne soit trop dispersée, dit Fabricio Torres. Ecrire un tag est encore plus important qu’écrire un article car si on le fait mal, l’audience ne verra jamais ce qui a été produit.” Grâce à ce souci rédactionnel de bien étiqueter les contenus, il n’existe que 32.000 tags après six mois de fonctionnement, un petit chiffre quand on connaît la dynamique explosive de cette génération d’étiquettes.
Last but not least, le site propose aux internautes l’accès à tous les codes et toutes les applications qu’il a développés. A la question: à quoi ressemble un site d’information bâti comme si la presse n’avait jamais existé auparavant?, on peut répondre El Comercio.
lire le billetLe terme «visiteur unique» est un faux ami. Car le visiteur unique (VU) n’est pas vraiment unique. Cette unité de mesure de l’audience, graal des sites Web pour le marché publicitaire, désigne un «individu qui a cliqué sur le contenu d’un site au moins une fois pendant la période mesurée (généralement un mois, ndlr)», m’explique Berit Block, analyste européen pour l’institut Comscore, qui évalue le trafic des sites Web. Alors pourquoi s’appelle-t-il unique? «Parce plusieurs clics faits par une même personne n’augmente pas le nombre de visiteurs uniques».
Rien compris? Je reprends. Un visiteur unique sera compté une seule fois même s’il surfe deux fois sur le même site dans la journée, la semaine ou le mois. Mesurer le nombre de VU, c’est le travail que fournissent plusieurs instituts de mesure de l’audience en ligne, comme Médiamétrie/Nielsen Net Ratings, Comscore ou At Internet (anciennement Xiti), voire Google Analytics. Pour ce faire, soit ils projettent ce que fait leur panel d’internautes sur la population internaute globale (on parle alors de «user centric», de mesure centrée sur l’utilisateur) soit ils repèrent par des tags mis dans les pages des sites mesurés les mouvements de leur audience (on parle alors de «site centric», de mesure centrée sur le site, moins précise pour connaître l’utilisateur).
>> A ce stade de l’article, j’ai peut-être perdu du monde. Accrochez-vous, c’est maintenant que ça devient concret >>
Sur plus de 35 millions d’internautes en France que compte Médiamétrie, 22,7 millions d’internautes (2 sur 3) ont surfé, en mars 2010, sur un site d’info au moins — un site d’info peut être un agrégateur (Google actualités, Yahoo! actualités), le site d’un journal imprimé (lemonde.fr, liberation.fr, leparisien.fr, lefigaro.fr), un pure player (mediapart.fr, lepost.fr, slate.fr), ou la rubrique «actualités» d’un site de radio ou télé (europe1.fr, TF1 news, France 24).
Mais qui est le visiteur unique moyen des sites d’informations français? La question est simple, la réponse complexe, car selon les instituts de mesure d’audience, les chiffres ne sont pas les mêmes. A la fois sur le profil socio-démographique des internautes et sur leur comportement en ligne. La faute à des méthodologies et/OU des panels d’internautes différents (voir plus haut, pour les débats sur le sujet, voir ici). Mais avançons.
43 minutes par mois
«Le visiteur unique type d’un site d’informations, en France, a un peu plus de 55 ans, répond pourtant Berit Block, de Comscore. Aucun indicateur ne montre qu’il serait plutôt de sexe masculin ou de sexe féminin. La plupart des visiteurs uniques du Monde.fr ont entre 45 et 55 ans, voire plus de 55 ans. Mêmes catégories d’âge pour leparisien.fr et pour lefigaro.fr. Quant à Liberation.fr et Slate.fr, ils ont, eux, la majorité de leurs internautes dans la catégorie des 25-34 ans.»
Allons voir chez Médiamétrie maintenant. En moyenne, chaque visiteur ayant surfé sur un ou plusieurs site(s) d’actualité au mois de mars 2010 y a passé 43 minutes. Voilà pour l’ensemble. Si l’on rentre dans les catégories (pure players, sites de presse, etc.), cela donne le tableau ci-dessous.
Segments de la sous-catégorie Actualités |
Audience (000) |
Temps par personne |
Sites de presse |
17 210 |
00:31:41 |
Pure players / Web informations |
6 814 |
00:08:59 |
Rubrique news des chaînes TV / Radio |
8 450 |
00:09:58 |
Rubrique news des portails / Agrégateurs |
15 984 |
00:18:05 |
TOTAL |
22 720 |
00:43:07 |
Source: Médiamétrie mars 2010
Toujours selon Médiamétrie, les internautes de catégorie socioprofessionnelle supérieure «surconsomment» les pure players. «Les CSP+ représentent 37,1% de ces sites» alors qu’ils ne forment que 26,4% de la population internet globale. Mais sur l’information, cela ne veut pas dire grand chose: «Les jeunes de milieu défavorisé, personne ne sait où ils sont, dit un connaisseur. Ils semblent ne se connecter à aucun site d’info.
Boulimique et volatile
Autre enseignement: le VU français est gourmand — d’après Comscore, la population d’internautes a augmenté de 13% en France depuis un an, le nombre de VU sur les sites des titres de presse a augmenté plus vite, avec une moyenne de 30% d’augmentation — et, surtout, volage. Il y a un assez fort taux de duplication entre les VU des différents sites Web d’infos. Ils sont par exemple 2 millions par mois, selon les chiffres de Comscore, à aller à la fois sur lemonde.fr (6,9 millions de VU en mars) et sur lefigaro.fr (4,1 millions de VU). Côté Médiamétrie, on compte 5,9 millions d’internautes qui se sont rendus non seulement sur (au moins) un site de journal mais aussi sur (au moins) un pure player dans le même mois. «La plupart des VU consomme trois ou quatre sites d’informations par mois», reprend Julien Jacob, consultant.
Parmi les 17,2 millions de visiteurs de sites de journaux (une catégorie des sites d’infos) comptabilisés par Médiamétrie, seuls 20,6% d’entre eux ont uniquement visité ces sites de journaux, et ne sont allés ni sur les portails et agrégateurs (Google, Yahoo!…), ni sur les pure players, ni sur les rubriques «news» des chaînes TV/Radio, relève Estelle Duval, directrice du développement de Médiamétrie/Netratings.
Peu de visiteurs exclusifs
«La duplication des visiteurs sur les différents sites d’actualité est terrifiante et c’est aussi une formidable opportunité pour les sites Web d’infos de se refaire un style, une marque, un ton». Car ces statistiques ne servent pas qu’à appâter les annonceurs pour qu’ils achètent de la pub en fonction de la cible qu’ils visent. «En plus d’être une mesure pour le marché publicitaire, le VU est une mesure éditoriale, souligne Estelle Duval. Cela permet de mieux penser les rubriques d’un site, de savoir d’où vient le trafic, en accès direct sur la page d’accueil ou par moteur de recherche, par exemple, et qui sont les lecteurs».
Sans dire qu’il faille concevoir des contenus en fonction de ces chiffres, ceux-ci peuvent s’avérer très utiles pour piloter les sites d’infos. En regardant de près ces statistiques, «on découvre souvent le contraire de ce que l’on croyait savoir de son audience, s’amuse Julien Jacob. Il y a un vrai décalage entre le positionnement éditorial d’un média et sa perception par le public.» C’est bien ce qu’avaient expérimenté les fondateurs du Post.fr, au lancement du site en septembre 2007. Tout avait été alors conçu pour s’adresser à un public très jeune, celui que sa filiale lemonde.fr ne parvenait pas à toucher. Olivier Lendresse, responsable du développement d’alors, s’en souvient encore: «Quatre mois après, sont arrivées les premières études sur l’audience, on s’est rendu compte qu’on n’avait pas du tout affaire au public que l’on croyait. L’audience n’était ni jeune ni homogène. Non, on avait une multitude d’audiences de niche». Un constat qui calme ceux qui croient avoir construit une signature éditoriale unique sur leur site Web. La cause de ce taux de duplication? Probablement l’uniformisation des contenus sur les divers sites d’infos.
Cherche visiteur engagé
Désormais, avoir un grand nombre de visiteurs uniques infidèles, impersonnels et zappeurs — souvent venus via une requête dans un moteur de recherche, n’est plus une fin en soi pour les sites d’information. Il s’agit désormais de transformer ce VU en visiteur régulier et impliqué, qui se connecte souvent et le plus longtemps possible: après le «bigger is better», valse à trois temps entre éditeurs, mesureurs et annonceurs, voici venu le temps du «small is beautiful».
Alice Antheaume
Quel type de visiteur unique de site d’infos êtes-vous? A vous de raconter vos pratiques dans les commentaires…
Avec 53,6% d’abstention, le premier tour des élections régionales n’a pas été à la hauteur de l’intérêt des électeurs. Or les médias ont aussi souffert de ce record absolu d’abstention dans les urnes. Car la désaffection du public pour la soirée électorale s’est également sentie sur les chaînes de télé et la plupart des sites Web d’infos. De fait, aucun record d’audience notable pour les rédactions qui couvraient l’événement. Du moins le soir-même du premier tour.
A la télévision, les résultats de la soirée électorale du 14 mars ont été honorables, mais sans plus. Je mets à part France 3, qui a du annuler son plateau du 14 mars à la dernière minute et programmer Zorro à la place. TF1 a récolté 5,8 millions de téléspectateurs en moyenne (soit 22,8% de part d’audience) quand France 2 a attiré 4,9 millions de personnes (19,1 % de part d’audience), selon les chiffres de Médiamétrie. Rien là de vraiment surprenant: à titre de comparaison, le vendredi 5 mars, TF1 caracolait en tête des audiences de «prime time» avec 5,3 millions de téléspectateurs réunis devant la série Les Experts. A peine 0,5 million de moins que lors du plateau du premier tour, co-animé pourtant par Laurence Ferrari et Claire Chazal.
Sur les sites d’information nationale, le trafic multiplié par deux
Sur les sites Web d’infos dits «nationaux», qui avaient aussi mis en place des dispositifs spéciaux, l’afflux d’internautes a été réel. Mais pas exceptionnel. D’après cette étude de Médiamétrie, «les sites d’information mesurés (dont Europe1.fr, France2.fr, France3.fr, franceinter.com, france-info.com, france-culture.com, lejdd.fr, latribune.fr ou lci.tf1.fr, ndlr) ont enregistré près de 29% de trafic supplémentaire par rapport aux deux dimanches précédents». Et ce, en moyenne sur l’ensemble de la journée, le pic se situant entre 20h et 22h, au moment où la plupart des sites Web d’infos ont fait des «lives» réactualisés en permanence, avec l’annonce des résultats, région par région. Le nombre de visites, sur lemonde.fr, a progressé de 39% entre les dimanches 7 et 14 mars, aboutissant à 1,6 million de visites lors de la journée du premier tour. Mais sur 20minutes.fr et lepost.fr, la progression est moindre – respectivement +6% et +8% en visites.
Alors oui, la plupart des sites, dont lefigaro.fr et slate.fr, ont drainé 2 à 2,5 fois plus de trafic que les précédents dimanches, mais cela reste faible par rapport à l’annonce de la mort d’une Super Nanny, dont l’impact sur le trafic reste inégalé – et qui était survenu un mercredi matin, en pleine semaine. Ou des images de la tempête Xynthia, diffusées le dimanche 28 février, et qui ont scotché les lecteurs et spectateurs aux informations. Rien que pour la télé, 10 millions de téléspectateurs ont suivi le JT de Claire Chazal, le 28 février au soir. De même, France 3 a enregistré, grâce – notamment – aux reportages en Charente Maritime diffusés le 28 février, ses meilleures audiences de l’année 2009-2010.
Engouement pour les articles qui parlent… d’abstention
Pourquoi les régionales n’emportent pas les suffrages générés par la mort d’une animatrice de télé ou d’une tempête en région? Parce que les Français se fichent de la politique? Non. Parce qu’ils mesurent mal l’enjeu de ce scrutin? Peut-être. Parce que le dimanche précédent le premier tour était plus riche en actualité? Oui, pour les sites qui ont couvert, en nocturne, la cérémonie des Oscars. Au fond, si les élections ne «trafiquent» que peu, c’est parce qu’elles sont prévisibles. En clair, je connais la date du scrutin depuis longtemps, je sais à peu près comment va dérouler la soirée électorale, régentée par un calendrier prévu à l’avance, et je peux quasiment prédire ce que tel ou tel personnage politique, rompu à l’exercice de l’interview, va dire. Ce qui laisse a priori peu de place à la surprise (sauf éventuellement lors de l’annonce des résultats) ou même à la spontanéité (il n’y avait qu’à entendre l’uniformité des commentaires des responsables politiques dimanche soir). Or l’imprévisibilité d’une information, c’est quand même l’un des préalables à ce qui fera son succès – d’audience. D’ailleurs, ce n’est pas par hasard si les articles les plus lus des sites d’infos lors du premier tour sont ceux qui évoquent l’abstention inédite de cette élection.
La montée en flèche des sites de presse régionale
Le bilan n’est pourtant pas si terne. Si l’on regarde la progression du trafic d’un dimanche à un autre (et non le résultat chiffré), les seuls à avoir emporté le pompon le soir du premier tour sont les sites de presse quotidienne régionale (PQR). Lamontagne.fr, qui couvre l’information locale auvergnate a ainsi vu son nombre de visites augmenter de plus de 150% par rapport au dimanche précédent en visites et plus de 200% en pages vues. Même tendance pour leberry.fr, qui a fait + 87% de visites le 14 mars comparé au 7 mars, et + 82% en pages vues. Le Midi-Libre a connu aussi une belle croissance, de 65%, à l’occasion du premier tour (dimanche 14 et lundi 15 comparés à la semaine précédente).
J+1
Quant aux sites Web d’information nationale, ils ont fait au final plus d’audience le lundi, c’est-à-dire le lendemain de l’élection, que le jour même des résultats du premier tour. Le 15 mars, lefigaro.fr a ainsi fait son meilleur chiffre, depuis le début de l’année 2010, en nombre de visites par jour. Lemonde.fr fait ce jour-là + 38% de visites par rapport au lundi précédent. Et + 53,6% en pages vues. La raison est terre à terre: de façon générale en ligne, il y a toujours plus de monde le lundi que le dimanche – retour au bureau, connexion Internet plus aisée, pas d’enfants dans les pattes, etc. Il en aurait fallu un coup de théâtre pour déstabiliser les statistiques usuelles.
Pensez-vous que le deuxième tour sera plus suivi, en ligne et à la télé, que le premier tour? Si vous avez des chiffres à partager, n’hésitez pas…
Alice Antheaume
lire le billetEmails
90 trillions d’emails envoyés en 2009
247 billions d’emails envoyés en moyenne par jour
81% de ces mails sont des spams, ce qui fait 200 billions de spams en moyenne par jour
1.4 billion d’utilisateurs d’emails dans le monde
100 millions d’utilisateurs d’emails en plus en 2009, par rapport à 2008
Internautes
1.73 billion d’internautes dans le monde (chiffre de septembre 2009)
Sites Web
234 millions de sites Web recensés sur le Net en décembre 2009
47 millions de sites Web ont été créés, rien qu’en 2009
Réseaux sociaux
126 millions de blogs sur le Net
27,3 millions de tweets par jour sur Twitter (chiffre de novembre 2009)
350 millions d’inscrits à Facebook, dont 50% s’y connectent tous les jours
500.000 applications actives sur Facebook
Images
4 millions de photos hébergées par Flickr (chiffre d’octobre 2009)
2,5 billions de photos téléchargées chaque mois sur Facebook
30 billions de photos mises en ligne chaque année sur Facebook
Vidéos
182 vidéos vues en moyenne chaque mois par un internaute américain
82% des internautes américains regardent des vidéos en ligne