12 conseils pour les futurs journalistes

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Comment devenir journaliste en 2015? Et faut-il le devenir? A ces questions, Félix Salmon, l’éditeur de Fusion, passé par Reuters, répond que “la vie n’est pas belle pour les journalistes”. Il déconseille même aux jeunes de s’orienter vers ce métier.

“Si vous aimez faire autre chose (que le journalisme, ndlr), si vous êtes bons dans un autre domaine, vous devriez sans doute songer à changer d’orientation.”

Pas d’accord, et même pas d’accord du tout – mais comme on aime les débats à l’Ecole de journalisme de Sciences Po, on a invité Félix Salmon à donner la leçon inaugurale le 28 août prochain, et il a gentiment accepté. En attendant, voici 12 conseils destinés aux étudiants qui rêvent d’en faire leur profession. Et ils ont bien raison car c’est l’un des plus beaux métiers du monde.

1. Préparez-vous à ne jamais vivre la même journée

C’est le principal avantage de cette profession. Aucune journée ne ressemble à une autre quand on est journaliste puisque c’est l’actualité qui dicte l’emploi du temps et le volume des contenus produits. Le matin, on part sur un sujet dont on ignore souvent tout et, à la fin de la journée, on a publié un (ou plusieurs) contenu(s) qui en explique les enjeux. Au passage, on a appris plein de choses. Magique!

En outre, le journalisme constitue un poste d’observation formidable des mutations sociétales. Un paradoxe, estime un chercheur américain dont je tairai le nom, qui balance.

“Ce qui est incroyable avec les journalistes, c’est qu’ils sont censés raconter les évolutions de la société dans leurs articles, mais qu’ils sont incapables de voir sous leur nez le changement de leur propre métier.

>> Les questions que se posent les jeunes journalistes >>

2. Ne vous auto-censurez pas

Ne se sentant pas légitimes, beaucoup d’étudiants s’interdisent malheureusement de postuler à un stage en rédaction, voire à une école de journalisme. Or il ne faut rien s’empêcher, tout simplement pour ne rien avoir à regretter. Et si les aspirants journalistes n’ont pas obtenu de stage dans un média, même après les avoir demandés, ce n’est pas grave. L’expérience ne se résume pas au logo d’une organisation rédactionnelle posé sur un CV.

Ce qui compte, c’est d’expérimenter à sa mesure, de tester des petites choses en ligne, comme faire une photo par jour sur son compte Instagram avec une légende pertinente, monter un blog et apprendre à dialoguer avec les internautes, produire des vidéos sur Dailymotion ou YouTube en forme de zapping, apprendre le code, lancer un journal étudiant, une newsletter, monter une application, etc.

Tout cela a une valeur aux yeux des professionnels et prouve que vous avez déjà les mains dans le cambouis, et des idées en tête.

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3. Ne pensez pas que “c’est bouché, comme métier”

Non, ce n’est pas “bouché”. En 2014, il y a, sur 36.317 cartes de presse octroyées en France, 1.748 “premières demandes”. Dix ans plus tôt, en 2004, les “premières demandes” s’élèvent à 2.090, sur 36.520 carte de presse octroyées. Ces chiffres – qui ne prennent pas en compte les journalistes qui exercent leur métier sans carte de presse – montrent qu’il n’y a pas eu de réelle dégringolade. Le marché est donc toujours capable absorber des nouveaux entrants.

Les statistiques de l’insertion professionnelle des diplômés de l’Ecole de journalisme de Sciences Po, l’une des quatorze écoles de journalisme reconnues par la profession, sont encourageantes: toutes promotions confondues, 95% des diplômés travaillent, soit en CDI (46%) soit en CDD (23%) soit en piges régulières (26%).

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4. N’ayez pas (trop) peur pour votre futur salaire

Félix Salmon évoque “un très grand nombre de journalistes au talent incroyable qui ont du mal à joindre les deux bouts” aux Etats-Unis. En France, le salaire moyen d’un journaliste en CDI est de 3.790 euros bruts par mois, d’un journaliste en CDD de 2.506 euros bruts par mois, d’un pigiste de 2.257 euros bruts par mois.

A noter, “un journaliste diplômé d’un cursus reconnu en CDI ou CDD gagne en moyenne 12% de plus qu’un journaliste diplômé d’un cursus non reconnu” selon le rapport de l’Observatoire des métiers de la presse.

5. Ne croyez pas que vous allez faire du journalisme assis

Il est vrai qu’il y a quelques années, les journalistes travaillant sur des sites de presse n’ont, au départ, pas été encouragés à sortir de leur rédaction, englués dans du bâtonnage de dépêche inutile. C’est heureusement de l’histoire ancienne. Car ces sites ont maintenant compris que leur plus-value tient à leur capacité à sortir des contenus inédits, que leurs concurrents n’auront pas, publiés dans des formats adaptés à la consommation d’informations en ligne.

Après, cela tient aussi à la force de proposition des journalistes. La règle est simple pour sortir, soufflent les rédacteurs en chef: il suffit de ne pas rester pas bras croisés lors des conférences de rédaction, à attendre que le “flux” tombe, et de proposer des sujets percutants. Si la proposition est bonne, c’est sûr, le journaliste peut sortir faire le sujet.

Crédit: Sciences Po

6. Acceptez d’évoluer en cours de carrière

Quel point commun entre un présentateur de JT, un journaliste de PQR et un journaliste travaillant pour un pure player? Le journalisme est une “profession très éclatée”, analyse Cyril Lemieux, sociologue à l’EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales), lors d’un séminaire à l’Ecole de journalisme de Sciences Po le 17 février. Une heureuse spécificité qui permet de connaître plusieurs vies professionnelles, au gré des employeurs, des réorganisations internes et, surtout, des changements de pratiques à l’ère numérique.

Guy Birenbaum, aujourd’hui à France Info, est un bon exemple: d’abord maître de conférences, il est devenu éditeur puis journaliste – sans carte de presse – et écrit toujours des livres. “Je ne suis jamais exactement ce que je suis censé être”, confie-t-il lors d’une master class. Avant d’envoyer une pique à ses confrères…

“Quand j’étais éditeur, je trouvais qu’il valait mieux déjeuner avec des journalistes que de lire leurs papiers.”

“Après 40 ans, il faut arrêter d’être journaliste”, m’avait prévenue un rédacteur en chef à mes débuts à Télérama. A l’époque, lui avait déjà la cinquantaine et, aujourd’hui, il travaille toujours.

Journaliste un jour, journaliste toujours? “Les journalistes ont le sentiment d’être liés par une culture commune et restent attachés à ce métier jusqu’à leur retraite, même s’il y a des sorties de la profession, vers la communication ou vers la politique”, observe encore Cyril Lemieux.

Et pour cause, il y a une interrogation légitime sur le rythme de vie imposé par ce métier, qui peut donner parfois le sentiment d’être comme un hamster dans une roue lancée à toute berzingue et qui peut lasser à force.

7. Sachez escalader les montagnes russes, entre adrénaline et grosse fatigue

Le vrai indice du bonheur chez journalistes? Selon Cyril Lemieux, c’est lorsqu’ils sont fiers de ce qu’ils produisent collectivement. Et c’est souvent le cas dans les périodes de breaking news intenses.

Mais cela provoque en contrecoup, comme après les attentats de janvier à Paris, un épuisement général qui “laisse des traces physiquement et moralement”, reconnaît Hervé Béroud, directeur de la rédaction de BFM TV, lors d’une conférence à Sciences Po le 12 février.

Et Céline Pigalle, la directrice de l’information de Canal+, surenchérit…

“L’extrême fatigue de ce métier est liée à l’impossible réplication de ce que l’on a appris dans une situation antérieure. On doit remettre en jeu nos choix et nos pratiques à chaque nouvelle situation.”

8. Comprenez qu’aimer voyager ne conduit pas forcément au journalisme

“Je veux être journaliste parce que j’aime voyager”, entend-t-on parfois de la bouche des étudiants. Or aimer les voyages n’est pas un argument suffisant pour faire ce métier. Contrairement à ce que vit Tintin dans ses “aventures”, le journaliste ne fait pas de tourisme. Il peut – et doit – aller sur un terrain parce qu’il y a un enjeu et une “histoire” à raconter, non pour se faire plaisir.

9. Aimer écrire non plus….

“Pratiquement tout le monde peut écrire. Le fait que vous puissiez écrire ne vous aidera sans doute pas à faire la différence”, note Ezra Klein, le co-fondateur de Vox Media.

En revanche, ce qui peut faire la différence, c’est la capacité à trouver des nouveaux codes narratifs, en faisant des reportages avec son smartphone, en plongeant dans des tableurs remplis de données pour réaliser des enquêtes, en jonglant entre temps réel et long format, en créant des graphiques interactifs, en sachant dialoguer avec l’audience, en collaborant avec des robots de l’information. Voire en créant sa propre start-up d’informations.

10. Prenez l’habitude d’avaler des informations

Quelle est l’actualité du jour? Quel angle proposeriez-vous sur cette actualité? Quel sujet aimeriez-vous couvrir? Ces questions sont celles que les professionnels posent souvent aux étudiants. Une façon de vérifier, notamment lors des entretiens, leur appétence pour les informations.

Pour devenir journaliste, il faut être incollable sur l’actualité et montrer que vous la butinez sous toutes ses formes et provenant d’une multitude de sources (médias traditionnels, pure-players, réseaux sociaux, etc.)  – ne vous contentez pas du traditionnel triptyque trop souvent cité par les étudiants, à savoir France Inter/Rue89/France 2.

11. Acceptez de ne pas être très populaire

“Un journaliste est un homme qui vit d’injures, de caricatures et de calomnies”, a prévenu Delphine de Girardin, citée par Serge July dans son Dictionnaire amoureux du journalisme.

C’est en grande partie vrai, et notamment en ligne, où les journalistes font l’objet d’invectives de toute sorte, qu’ils encouragent parfois d’ailleurs, et du harcèlement des trolls.

Corollaire ou non, les journalistes ne sont pas très aimés, déplore Eric Mettout, le directeur de la rédaction adjoint de L’Express, citant un sondage “assassin” d’Ipsos pour Le Monde et France Inter selon lequel “23% des personnes interrogées font confiance (aux journalistes), 77% se méfient, dont 27% absolument”.

12. Quittez votre déprime

Certes, “le journalisme est une profession inquiète”, comme le constate le sociologue Gérald Bronner lors d’un séminaire à l’Ecole de journalisme de Sciences Po.

Et pour cause, la responsabilité des producteurs de contenus face à des dilemmes complexes est grande: faut-il par exemple parler des rumeurs, pour les démentir, au risque de leur donner de l’écho?

“Il faut vérifier les faits mais aussi se demander en toute honnêteté: quels sont ses a priori narratifs sur l’histoire que l’on s’apprête à couvrir?”, conseille Gérald Bronner.

Pas de raison de déprimer pour autant, puisque l’ère numérique permet d’explorer des voies journalistiques inédites et accélère les carrières.

“Il n’y a jamais eu autant de possibilités de grandir rapidement”, encourage Will Oremus, de Slate.com, citant les exemples de Ben Smith, le rédacteur en chef de Buzzfeed, qui, à 38 ans, vient d’interviewer Barack Obama, ou d’Ezra Klein, de Vox Media, âgé de 30 ans. “Ceux qui sont prêts, ou juste désireux de créer, doivent être jugés sur la valeur qu’ils produisent aujourd’hui plutôt que par les noms listés sur leur CV ou le nombre d’années d’expérience”.

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Alice Antheaume

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Vous savez que vous êtes journaliste quand…

Crédit: Flickr/CC/Lisa Padilla

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Fin d’année scolaire oblige, une nouvelle salve d’étudiants sortent diplômés de l’Ecole de journalisme de Sciences Po et commencent leur vie professionnelle en tant que journalistes. Après deux ans de travail intense, de veille acharnée à la recherche d’informations inédites, de revues de presse, d’enregistrements de flashs, d’écriture de reportages, d’enquêtes, d’animation de “lives”, de travail d’équipe, et d’interactions avec l’audience, une foule de petits détails trahissent maintenant leur profession.

Une fois n’est pas coutume sur ce blog, voici une note humoristique pour leur faire un clin d’oeil de fin d’année.

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Alice Antheaume

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Les questions que se posent les jeunes journalistes

Crédit: Flickr/CC/Pedroreyna

Faut-il que je me spécialise sur un seul support? Dois-je savoir coder? Quel salaire puis-je espérer pour mon premier poste de journaliste? Voici quelques unes des questions que les étudiants en journalisme et les jeunes diplômés se posent le plus souvent. Tentatives de réponses avec l’aide de leurs futurs employeurs.

#compétences


Quelles compétences les employeurs recherchent-ils chez un jeune journaliste?

La liste est longue. Il y a d’abord un socle de compétences incontournables: avoir de la culture générale, connaître sur le bout des doigts l’actualité, être rigoureux, et bien sûr fiable sur les informations que l’on donne. Mais cela va au-delà de la capacité à passer des coups de fils pour vérifier des infos. Les rédactions espèrent des vrais passionnés. ”Les journalistes qui sont vraiment au taquet sur l’actu sont trop rares! Un journaliste qui débarque chez nous en stage et sait rebondir sur l’actu en proposant des angles malins a tout gagné”, s’exclame Thibaud Vuitton, rédacteur en chef adjoint de France TV Info. A Rue89 aussi, on privilégie ceux qui ont “le sens de l’angle”.

Quant à la maîtrise de l’anglais, ce n’est plus une option. A l’AFP, non seulement l’anglais est obligatoire mais une autre langue “opérationnelle” est requise. Sont donc très appréciés les candidats qui, en plus, parlent une langue rare (chinois, arabe et russe) et bénéficient d’une expérience de terrain, notamment à l’étranger.

S’ajoute à cela une couche d’agilité sur les outils numériques, presque considérée comme faisant partie des fondamentaux journalistiques. Ils doivent “maîtriser les usages et codes du Web”, reprend Thibaud Vuitton, “connaître le Web et ses outils, savoir utiliser Twitter, savoir embedder une vidéo et une Google Map” sur une page Web, voire organiser un live, ajoute Clémence Lemaistre. Autre compétence indispensable: savoir animer une conversation sur les réseaux sociaux et interagir avec une communauté en ligne, y compris lorsque l’on veut travailler à la télévision et la radio. “Oui, un reporter a besoin de répondre aux commentaires. Il doit aussi savoir qui le lit et pourquoi”, écrit le journaliste Lewis Dvorkin, sur le site de Forbes.

Le candidat idéal doit donc avoir plus d’une corde à son arc. Les rédacteurs en chef veulent des profils réactifs et débrouillards, bref, opérationnels. Pour Fabrice Pierrot, rédacteur en chef de C à vous, sur France 5, il leur faut “montrer, via leur formation, qu’ils sont capables de maîtriser les premières tâches qui vont leur être demandées: écritures de la biographie d’un invité, éditing d’une émission, réalisation d’interviews”. En outre, Paul Ackermann, rédacteur en chef du Huffington Post, attend d’eux “autonomie et d’esprit d’initiative”, car, dans les rédactions, le temps de la formation est terminé, il faut apprendre à faire les choses par soi-même.

Au rayon humain, cela va sans dire, enthousiasme bienvenu. Et pas d’allergie aux changements. “L’état esprit du candidat est très important”, pense Alexis Delcambre, rédacteur en chef du Monde.fr. “Notre environnement se trouve dans un mouvement permanent. Pour s’y sentir à l’aise, il ne faut pas avoir de réticence et être ouvert aux nouvelles formes de narration journalistique”. Enfin, “s’il a un petit plus, une passion qui peut servir au bureau, c’est encore mieux”, complète Clémence Lemaistre, rédactrice en chef du site de BFM TV. Celle-ci vient d’embaucher une journaliste qui publie sur son blog, à ses heures perdues, des dessins d’actualité, notamment des dessins de procès judiciaires.

Ne pas savoir faire ou utiliser des images, est-ce encore possible en 2013?

Non. Même à l’AFP, où la culture de l’écrit est fondamentale, les profils les plus recherchés sont ceux qui justifient d’une double compétence, par exemple quelqu’un qui a “un vrai profil bimédia texte/TV” et sait donc produire des articles écrits comme des vidéos, confie Patrice Collen, qui travaille au recrutement des journalistes pour l’agence. Idem au Monde.fr. “Nous avons beaucoup de compétences en interne sur l’écrit, donc nous cherchons plutôt en externe des profils compétents en image, fixe ou animée. Tout ce qui peut nous enrichir en nouvelles formes d’expression est le bienvenu”. Une tendance que l’on retrouve aussi dans la “paroisse” numérique de Lagardère (Le Lab, Parismatch.fr, Europe1.fr, etc.) où l’“appétit pour le traitement de l’image (fixe et animée)” est apprécié.

Dois-je savoir coder pour devenir journaliste?

Non. C’est vrai qu’un journaliste sachant coder a toutes les chances d’être embauché sur un site Web d’informations avant même d’être diplômé, car cette double compétence est très rare. Pour la majorité des jeunes journalistes se destinant à des supports numériques, il ne s’agit pas d’apprendre à taper des lignes de code comme le ferait un ingénieur informatique. Mais comprendre les grands principes du code et savoir parler aux développeurs dans une rédaction peut faire la différence – et c’est pile l’objectif du nouveau cours sur les langages et développement numériques de l’Ecole de journalisme de Sciences Po. Une fois que le candidat a convaincu qu’il avait des fondamentaux journalistiques solides, “ensuite, on peut tout imaginer en termes de compétences techniques et mêmes des candidatures aux confins du journalisme et du développement, pour réaliser des contenus aux interfaces complexes”, lance Alexis Delcambre, du Monde.fr.

#insertionprofessionnelle


Comment faire pour que ma candidature spontanée soit repérée dans la messagerie des rédacteurs en chef surbookés?

1. Ne pas envoyer sa candidature pendant les vacances, ni pendant les week-end, ni à minuit en semaine. Pour Clémence Lemaistre, “le mieux est de l’envoyer en journée, avec en objet quelque chose de simple comme «candidature spontanée pour le site bfmtv.com»”.

2. Mettre en pièce jointe le CV, simple et concis. Pas de photo sur le CV sauf si vous postulez pour un poste de présentateur à la télévision.

3. Ne pas attacher de lettre de motivation en pièce jointe mais écrire un mot court directement dans le corps du mail. “On lit davantage des introductions bien tournée, qui nous accrochent sans être nunuche que des lettres de motivation généralement convenues”, dit Pascal Riché, rédacteur en chef de Rue89. “Faites plus court que le court”, conseille Joël Ronez, directeur des nouveaux médias à Radio France, et “résumer dès la première phrase les aspects saillants de la candidature, et surtout les intentions, centres d’intérêts et points forts («je souhaite trouver un (stage/emploi) de (durée) à partir de (date) au sein d’une rédaction (choisir laquelle) et avec la spécialité (choisir laquelle) pour faire (choisir les bonnes mentions) du reportage, de la photo, des interviews, etc.»”.

4. Parler de la spécificité du média pour lequel on postule. “Deux ou trois phrases dans le corps du mail prouvant que le ou la candidate s’est donné la peine d’aller au moins une fois sur mes sites!”, résume Laurent Guimier, directeur de l’information numérique chez Lagardère. Même chose pour Fabrice Pierrot: le candidat doit “connaître l’émission de télé à laquelle il postule” et pouvoir “en faire une description critique” sans recopier ce qu’il y a écrit dans la page “à propos” du média concerné.

5. Montrer sa motivation pour le média pour lequel on postule, en invoquant une raison autre que “je dois manger” ou “vous embauchez”. Bref, dire “qui je suis / d’où je viens / ce que j’ai envie de faire, avec un CV en PJ et une proposition de se rencontrer pour en discuter. Pas la peine de cirer les pompes sur la qualité du site ou autres. Plus c’est court/efficace mieux ca marche”, reprend Thibaud Vuitton, de France TV Info. Selon Fabrice Pierrot, de C à vous, l’idéal est de proposer des idées dans le cadre de l’existant. “Le meilleur recrutement que j’ai fait ne s’est pas réalisé via un CV. C’est un étudiant dégourdi qui avait monté un petit sujet en vidéo avec ses propres moyens, en reprenant les codes graphiques de l’émission, en ayant choisi un angle compatible avec notre ligne éditoriale. Il me l’a envoyé en me disant je sais que vous recevez untel, si vous m’aviez confié le sujet, j’aurais sans doute fait ça. C’était perfectible mais très pertinent, je l’ai embauché dans le mois qui a suivi.”

6. Insérer les coordonnées téléphoniques dans le corps du mail – pas que dans le CV en pièce jointe donc – pour que le rédacteur en chef puisse appeler le candidat rapidement.

7. Eviter les poncifs et les fautes d’orthographe. “L’orthographe doit être impeccable”, vraiment, insiste Laurent Guimier. Humilité appréciée, nul besoin de faire la leçon à l’interlocuteur sur des couacs passés.

8. Mettre des liens vers ses publications mais en les accompagnant d’un titre. Selon Joël Ronez, il importe de “commenter d’une phrase les liens vers des travaux personnels en ligne (blogs, articles fait dans le cadre d’un stage, page pinterest, compte twitter, etc.). Sans références, c’est compliqué.”

9. Ne pas déprimer si on ne reçoit pas de réponse dans l’immédiat. Mieux vaut téléphoner quelques jours après l’envoi de la candidature pour savoir si le rédacteur en chef l’a “bien reçue”. Et garder en tête que les recrutements ne se font pas à jets continus. “On met de côté toutes les candidatures que l’on reçoit en vue de période où l’on aura besoin de recruter”, explique Thibaud Vuitton. “Donc il ne faut pas désespérer s’il on ne reçoit pas de réponse tout de suite, cela ne veut pas dire qu’on ne sera pas rappelé plus tard – et ça vaut donc le coup d’envoyer des CV!”.

#reseauxsociaux


Dois-je avoir deux comptes sur Twitter, l’un personnel, et l’autre pour la vie professionnelle?

Non, à moins de vouloir devenir schizophrène. Un seul compte Twitter est nécessaire, sur lequel on respecte la règle suivante: même jeune, même débutant, un journaliste est journaliste 7 jours sur 7, quel que soit l’endroit d’où il parle. Ses devoirs journalistiques (pas de diffamation, pas d’atteinte à la vie privée, etc.) prévalent sur les publications traditionnelles (sites Web, journaux, émissions de radio ou de télévision) mais aussi les publications annexes, et donc sur son compte Twitter. Or l’empreinte numérique, c’est l’une des premières choses qu’un employeur regarde. Il faut donc “penser à travailler les aspects trahissant une personnalité sur son fil Twitter”, conseille Joël Ronez, de Radio France. Systématiser “le RT des articles du Monde sur le Mali est inutile, un commentaire personnel même sur un sujet anecdotique permettra d’appréhender qui vous êtes.”

Que publier sur les réseaux sociaux?

Faire de la veille sur l’actualité et la publier tous les jours sur ses comptes Facebook ou Twitter est une solution pour commencer. La veille, cela désigne ce rôle de sentinelle du journaliste, à savoir publier des bons liens, vers des sources d’informations originales (et pas après tout le monde) et se créer une spécialité (le sport, l’économie, la photo, la cuisine, etc.). De quoi se fabriquer une “bonne empreinte sociale”. Mais attention à ne pas commenter à tire-larigot. Pour Clémence Lemaistre, les rédactions n’ont pas besoin de quelqu’un “qui passe toute sa journée à tweeter” tout et n’importe quoi. Et bien sûr, quand on se trouve à un endroit où il y a de l’actualité (dans les gradins d’un match de foot, sur les bancs d’un procès judiciaire, dans un magasin le jour des soldes, etc.), on poste en ligne des images avec des légendes précisant qui est sur la photo, le lieu, et ce qu’il se passe. Pour s’exercer, le “cahier de vacances” pour jeunes journalistes est toujours d’actualité.

#remunération


Pour ma première pige, quelle peut être ma rétribution en tant que jeune journaliste?

Il y a plusieurs formes de piges. Une journée de travail peut être payée sous la forme d’une pige, et un sujet également. A Radio France, une journée de pige est payée entre 80 et 110 euros bruts selon la station et les missions confiées. Au Monde.fr et au Huffington Post, un jour de pige équivaut à 97 euros bruts.
En ce qui concerne un sujet pigé, c’est entre 90 et 100 euros bruts au pôle numérique de Lagardère (Europe1.fr, Le Lab, ParisMatch.fr, etc.). Chez Rue89, c’est 150 euros bruts le sujet complet, à condition de fournir aussi la photo. Si c’est une enquête qui demande du temps et de l’énergie, le tarif est négociable. Au Huffington Post, un sujet se rétribue 50 euros bruts le feuillet quand la traduction d’un papier se monnaie 35 euros bruts le feuillet. Quant à un sujet complet, il se rétribue entre 100 (texte et photo) et 500 euros (vidéo) sur lemonde.fr, selon sa longueur et sa complexité. Au JDD, la pige se paie 100 euros le feuillet.

A quel salaire puis-je aspirer en intégrant une rédaction en sortant d’école de journalisme?

A l’AFP, le CDD est “la” voie d’entrée, renseigne Patrice Collen. Paiement: environ 2.500 euros bruts par mois. C’est plus que la plupart des autres rédactions dans lesquelles la rémunération, en CDD ou en CDI, tourne autour de 1.800 euros bruts mensuels.
A BFM TV, les jeunes journalistes débutent à 2.000 euros bruts par mois.
A Radio France, le premier salaire perçu varie en fonction de la formation. Un étudiant d’une école de journalisme reconnue, comme l’Ecole de journalisme de Sciences Po, peut obtenir 2.160 euros bruts par mois, quand un étudiant d’une formation non reconnue par la profession des journalistes reçoit, lors de sa première année, 1.757 euros bruts. Dans les autres rédactions, cela tourne autour de 2.000 euros bruts par mois, ce à quoi peuvent s’ajouter d’éventuelles primes de week-end, de nuit, selon l’employeur.
Au Monde.fr, un jeune journaliste non titulaire de sa carte de presse gagne 2.300 euros bruts mensuels quand un journaliste titulaire d’une carte de presse obtient 2.900 euros bruts.
Enfin, au JDD, par exemple, les embauches sont rares, mais elles se font à 2.600 euros bruts par mois.
Une chose est sûre: pour un premier emploi, un journaliste n’est pas souvent en mesure de négocier son salaire, il reçoit ce qui est prévu dans la grille des salaires de son employeur.

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Alice Antheaume

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