Crédit: AA
Apparue jeudi sur l’App Store, l’application mobile gratuite de Quartz, le pure-player américain né en 2012, est une petite bombe. Elle ne ressemble à aucune autre et met 1.000 kilomètres dans la vue des médias qui essaient de produire des informations calibrées pour le mobile.
Sa force? Offrir des informations via un système de chat par SMS, le même que celui que l’on utilise quand on converse sur iPhone avec ses contacts. “C’est une conversation continue sur les informations, comme si l’on chattait ensemble”, résume l’équipe. “On vous envoie des messages, des photos, des GIFS, des liens, et vous répondez”.
Derrière l’envoi des messages, un petit “news bot”, un algorithme donc, mais écrit par des journalistes humains, insiste Quartz, auquel le lecteur peut répondre pour infléchir la suite via des réponses pré-mâchées: “pourquoi?”; “Autre chose?”; ou un émoticône pour en savoir plus sur le sujet… Point de SMS publicitaires au milieu de la conversation, mais en guise de point d’orgue, un message sponsorisé par une marque de voitures.
Crédit: AA
“La messagerie est-elle le futur de l’information? Quartz semble penser que oui”, écrit le site Fortune. L’intérêt, c’est qu’il n’y a besoin d’aucun apprentissage pour s’en servir. Car qui possède un smartphone sait forcément envoyer un SMS.
Joint par email, Zach Seward, le créateur de l’application et l’éditeur exécutif de Quartz, me confie qu’avant de miser sur les messages instantanés, une petite équipe a d’abord travaillé sur différentes possibilités et idées pour l’application, avec deux obligations : 1. mettre “de côté tous les concepts existants sur les applications d’informations” et 2. se demander à quoi pourrait ressembler le journalisme de Quartz s’il vivait de façon indépendante sur un iPhone. Comprendre: pas question de faire du copié-collé du site vers le mobile.
“Quand l’idée de l’interface sous la forme d’un chat est arrivée, elle a semblé tout de suite irrésistible”, reprend Zach Seward. “Et ce n’était pas que nous. Après l’avoir testée à l’extérieur, on a vu que que les gens avaient l’air d’aimer que cela soit à la fois très simple et engageant”.
L’engagement, ici, ne consiste pas à retenir les lecteurs le plus longtemps possible. “Notre objectif est que chaque session ne dure que quelques minutes, pour que vous soyez informés rapidement et divertis en même temps”. De quoi coller à l’utilisation des terminaux mobiles comme “tache secondaire”, comme le préconisait Mashable dès 2011, c’est-à-dire accomplie lorsque l’on fait autre chose, que l’on soit dans les transports, dans une file d’attente à la caisse du supermarché, ou dans un ascenseur. Des sessions d’informations sur mobile qui peuvent se terminer d’une seconde à l’autre: parce que l’ascenseur est arrivé, parce que l’on descend du bus ou du métro, parce qu’il est temps de mettre ses courses sur le tapis de la caissière….
Et, en effet, au bout d’un temps sur l’application de Quartz, un message prévient qu’il n’y a plus d’autres informations pour l’instant. Si on râle – ce qui est mon cas -, un autre message rétorque “pas de nouvelles, bonne nouvelle” et enchaîne avec une question de culture générale pour m’occuper – “quel est l’aéroport qui transporte le plus de voyageurs au monde: Atlanta ou Pékin?”.
Crédit: AA
Comment vont réagir les lecteurs? Sont-ils avides d’informations à se mettre sous la dent ou saturés? Pour l’instant, nul ne le sait. Si Quartz ne donne pas le nombre de téléchargements à ce stade, les évaluations des premiers utilisateurs sont encourageantes.
Kevin Delaney, le rédacteur en chef de Quartz, prévient qu’ils vont apprendre des interactions – anonymisées – récoltées sur l’application “pour voir ce qu’il faut faire en plus ou en moins”.
En filigrane transparaît la crainte d’en faire trop. Ou, tout du moins, de fatiguer les lecteurs déjà très sollicités sur leur smartphones, notamment via les pushs.
Et pour cause, sur la seule matinée du 10 février 2016, entre 6 et 13 heures, mon seul smartphone a reçu 66 urgents de divers médias français, annonçant ici la victoire de Bernie Sanders et Donald Trump aux primaires républicaines dans le New Hampshire, là un accident de car scolaire dans le Doubs, et enfin la démission de Laurent Fabius du quai d’Orsay.
Quartz ne veut pas alimenter cette bataille du push qui se joue entre les médias pour squatter les écrans mobiles. “Vous allez adorer recevoir nos notifications. Nous ne vous les enverrons pas si ce n’est pas important et la plupart d’entre elles ne seront pas sonores, elles éclaireront juste votre téléphone en silence”.
Dans le monde, la moitié des propriétaires de téléphones autorisent l’envoi de pushs. Aux Etats-Unis, 33% les acceptent “toujours” ou “souvent”, 36% “parfois”, et seulement 31% “rarement” ou “jamais”, selon le rapport de Comscore. Fait notable, la France est le pays qui témoigne de la plus forte utilisation de ces pushs pour accéder aux informations publiées en ligne.
A quand une conversation sur les informations en français? “Pour l’instant, nous allons continuer en anglais, mais plus tard, qui sait?”, répond Zach Seward.
N’hésitez pas à partager cet article sur les réseaux sociaux!
Alice Antheaume
lire le billetJames Bond y fait sa publicité. Le président de la République y ouvre son compte en novembre. Et si Snapchat, l’application aux 100 millions d’utilisateurs actifs quotidiens, devenait un acteur incontournable dans le paysage médiatique sur mobile? Les contenus qu’y produit CNN “font des millions de vus chaque jour”, me soufflent les équipes de CNN. Même réaction du côté de Buzzfeed, qui évoque une “plate-forme incroyablement intéressante avec une portée immense”.
On n’en saura pas plus. Ni Buzzfeed, ni CNN, ni Fusion, ni Vice, qui figurent parmi les partenaires actuels de Snapchat Discover, la page dédiée aux informations, n’ont souhaité révéler de chiffres plus précis. Il faut donc se contenter de chiffres globaux. Lancé en janvier dernier, Snapchat Discover délivre chaque jour environ 160 sujets éphémères, d’une durée de vie de 24 heures. Des contenus vus par 60 millions de personnes chaque mois.
Les médias français dans les starting-blocks
“Snapchat est un réseau encore très jeune, qui a grandi extrêmement vite en très peu de temps”, excuse Ashley Codianni, responsable des publications de CNN sur les réseaux sociaux. Résultat, la plate-forme ne dispose pas encore d’outils de suivi de l’audience. “Je n’ai pas de données démographiques en temps réel, je ne sais pas si ceux qui nous lisent sont des hommes, des femmes, s’ils vivent en ville, ni quel âge ils ont”, reprend Ashley Codianni.
Pourtant, les éditeurs français rêvent d’en être. Lorsqu’Evan Spiegel, le patron de Snapchat, est venu en France il y a quelques semaines, il a rendu visite aux équipes du Monde dans l’idée de voir sur qui compter pour la suite. A priori, il n’y aura pas de page Discover pour la France, mais peut-être l’ouverture d’une “chaîne” auprès d’un média français, comme cela a été fait avec le britannique Daily Mail. A cette différence près que le Daily Mail rédige, comme les autres partenaires actuels de Discover, en anglais.
Dans les starting blocks pour cette éventuelle place française, que Snapchat ne confirme ni n’informe, Le Monde, Le Parisien et BFM TV sont très intéressés. Sauf qu’un nouvel entrant dans le cercle égale un sortant. Car la page est composée de 15 places, pas davantage, dont l’une peut être dédiée à une chaîne temporaire de contenus publicitaires – James Bond, Halloween, etc.
Enfin des jeunes !
Ce qui attire les candidats français, c’est que l’audience de Snapchat se connecte, pour la moitié d’entre elle, depuis un autre pays que les Etats-Unis. Surtout, ils espèrent y chasser une audience plus jeune que celle qu’ils touchent d’ordinaire – aux Etats-Unis, un tiers des jeunes de 18 à 34 ans possèdent un compte Snapchat. Une nouvelle lucarne pour ces éditeurs qui non seulement ne sont pas dans le périmètre des jeunes, mais ne sont même pas identifiés comme une source d’informations par ceux-ci.
“Ce qui est sûr, c’est que les utilisateurs n’ont aucune idée de ce qu’était CNN” avant de le découvrir sur Snapchat, selon Ashley Codianni. Cela fait la blague auprès des concurrents qui, dans le petit monde médiatique new yorkais, rient à l’idée que CNN détienne plus de spectateurs sur Discover que sur sa chaîne de télévision.
Julien Mielcarek, de BFM TV, l’a bien compris: “nous avons fait part à Snapchat de notre souhait de pouvoir travailler sur Discover si le service se lance auprès de médias francophones. L’enjeu est multiple, avec l’objectif évident de parler à un public plus jeune qui a moins l’habitude de regarder la télévision.”
Le temps de consommation
Autre donnée, très regardée par les éditeurs: le temps de consultation, et donc le fameux “engagement” des lecteurs. D’après Snapchat, les meilleurs chaînes d’informations de Discover parviennent à scotcher leurs lecteurs de 6 à 7 minutes par jour, en moyenne.
“Notre audience passe de plus en plus de temps sur mobile et sur les plates-formes sociales. Snapchat est devenu un élément clé pour nous puisque nous savons qu’elle est utilisée par une audience jeune, diversifiée, qui y consacre une grande partie de son temps”, me confie Daniel Eilemberg, de Fusion.
Retour à la sélection humaine
Sauf que Snapchat n’est pas un réseau social comme les autres. Hors de question de se contenter d’y diffuser des contenus existants comme sur les réseaux sociaux, disent en substance les équipes de l’application. “Les (autres, ndlr) réseaux sociaux nous disent quoi lire en fonction de ce qui est le plus récent et le plus populaire. Nous voyons les choses différemment. Nous comptons sur les éditeurs et les artistes, pas sur les clics et les taux de partage, pour déterminer ce qui est important”. En clair, chez Snapchat, haro sur les algorithmes et vive l’humain. Mais l’humain coûte cher.
Côté éditeurs, c’est un investissement humain pharaonique. Pour produire sur Snapchat, Refinery29, un site de “style”, s’appuie sur une équipe de 10 personnes. Chez Fusion, 8 personnes sont missionnées pour ce faire. A CNN, 4 personnes y travaillent à temps plein. “La production sur Snapchat est très très chronophage”, souligne Ashley Codianni, arguant qu’aucun autre réseau social ne bénéficie de telles ressources dans ses équipes.
Or la production de contenus sur Snapchat requiert des compétences en graphisme et en animation qui ne sont pas l’apanage de tous les journalistes. En clair, il ne suffit pas de distribuer les liens en l’éditant avec un bon titre et une photo comme on le fait sur Facebook et Twitter. Il faut “construire un format qui met la narration en exergue”, tente d’expliquer Snapchat. Sachant que chaque éditeur produit entre 10 et 20 sujets originaux par jour sur Snapchat Discover, on comprend vite l’ampleur du travail.
Snapchat se considère comme un éditeur
D’autant que Snapchat a sa petite idée sur qui, parmi ses partenaires médias, peut produire quoi. Au début, par exemple, CNN produisait des sujets plutôt magazines, avant d’être encouragé à se concentrer sur le “breaking news”, pour donner aux utilisateurs la liste des 10 sujets importants du jour. Bref, ce qu’ils doivent savoir. Le présupposé de Snapchat est clair: a priori, les snapchatters ne consomment pas d’informations ailleurs. Néanmoins, l’un des utilisateurs de Snapchat Discover, interrogé par Business Insider, n’est pas dupe: “de ce que je peux en dire, la plupart des actualités et des vidéos sont juste du recyclage de ce que l’on peut trouver en ligne sur Vice ou ESPN”.
A Fusion, on évite le recyclage et on mise sur du contenu original fait “exclusivement” pour Snapchat, comme la série appelée “Outpost”, composée de mini-documentaires en vidéo d’1 minute chacun, sur des territoires inexplorés, ou la série “Vergaland” réalisée en format vertical, sur la carrière du mannequin et vedette Sofia Vergara, vue par les yeux de son fils.
“Il est impératif que nous nous adressions à l’audience de Snapchat avec du contenu attrayant, fait sur mesure, pour chaque plate-forme”, explique Daniel Eilemberg, de Fusion. Même stratégie du côté de CNN qui, en plus des contenus sur Snapchat, publie des listes sur une application en vogue aux Etats-Unis, The List App.
Nouvelles narrations à étudier
Le Monde, de son côté, reste prudent et réfléchit à ce nouveau type d’écriture avant d’annoncer quoique ce soit. Chez BFM TV, l’inspiration de CNN est évidente. “Si on se lance un jour sur Discover, on retrouvera évidemment ce qu’est BFM TV et son ADN, le direct, mais aussi des aussi des thématiques et des angles qui ne sont pas traités à l’antenne, comme les coulisses de la fabrique de l’information”, développe Julien Mielcarek. “Il y a un vrai enjeu sur la forme, comme c’est notable avec CNN sur Discover: on retrouve de l’information évidemment mais dans une navigation et des codes graphiques très éloignés de ce qu’est habituellement CNN, avec un environnement carrément pop”.
Reste une équation à deux inconnues à résoudre:
1. le temps passé sur Snapchat s’additionne-t-il au temps passé sur les réseaux sociaux? Est-ce du temps exclusif?
2. faut-il investir en temps et en ressources humaines sur Snapchat, une plate-forme dont les retombées économiques sont encore inconnues?
Si les publicités insérées sur Discover sont très chères payées par les annonceurs, faisant de cette page un spot “très désiré” selon Fortune, les revenus générés sont partagés entre le média et Snapchat: si c’est Snapchat qui vend la pub, en insérant entre les contenus de l’éditeur une page d’une seconde, c’est 50% pour Snapchat, et 50% pour le média. Si c’est l’éditeur qui commercialise la pub, c’est 70% dans sa poche et 30% pour Snapchat.
Merci de partager cet article sur les réseaux sociaux!
Alice Antheaume
lire le billetPour s’informer, le Français reste fidèle à sa télévision, tout en utilisant beaucoup les alertes envoyées sur son smartphone. Tels sont les résultats de l’enquête “Digital News Report” réalisée chaque année par le Reuters Institute for the Study of Journalism. Voici ce qu’il faut en retenir si vous avez la flemme de le lire.
>> Le portrait 2014 du consommateur d’informations français >>
>> Le portrait 2013 du consommateur d’informations français >>
>> Le portrait 2012 du consommateur d’informations français >>
Il utilise la télévision comme principale source d’informations. C’est le cas pour 58% des sondés. 29% se servent des médias numériques comme source prioritaire, quand seulement 3% passent par des journaux imprimés.
Avec l’Italie, le Japon et l’Allemagne, la France figure parmi les pays qui témoignent de “la plus grande allégeance aux médias traditionnels”, note le rapport, bien qu’il y ait des différences tranchées dans les usages selon les générations. Tous pays confondus, plus on est jeune plus on se tourne vers les sources d’informations en ligne quand plus on est vieux plus on allume sa télévision.
Il se sert beaucoup de son smartphone pour s’informer, mais guère plus que l’année dernière. En 2014, 35% des sondés en France déclaraient recourir à leur téléphone pour obtenir des informations chaque semaine, quand, en 2015, ils sont 37%. Au Danemark, ils sont 57% à s’informer via leur smartphone.
La tablette n’est pas vraiment entrée dans ses moeurs. 18% des Français sondés utilisent la tablette pour s’informer. C’est exactement le même pourcentage que l’année dernière, ce qui laisse penser que cet outil, à la fois onéreux et qui ne bénéficie pas d’un taux de renouvellement très fréquent, a stoppé son expansion.
Sa confiance dans l’information est très modérée. 38% des Français déclarent avoir confiance en “l’information en général”, un pourcentage qui augmente dès que les sources sont connues des utilisateurs. En effet, 49% ont confiance lorsqu’il s’agit de “leurs sources d’informations”. En l’occurence, la télévision est le pourvoyeur d’informations les “plus justes et les plus fiables” selon 43% des sondés, quand 26% estime que les sources numériques sont plus sûres. En termes de cote de confiance, l’Italie, l’Espagne et les Etats-Unis ont des taux encore inférieurs à ceux de la France, alors que la Finlande, le Brésil et l’Allemagne bénéficient des meilleurs scores.
Facebook joue un rôle de plus en plus important pour s’informer. 35% des interrogés en France utilisent Facebook pour trouver, lire, regarder, partager ou discuter des informations. Ils étaient 27% l’année dernière, ce qui montre l’essor du réseau social de Mark Zuckerberg dans l’information. En revanche, Whatsapp n’apparaît pas dans les radars français, tandis qu’il constitue un réseau de distribution des infos essentiel au Brésil, en Espagne ou en Italie.
Pour trouver des informations en ligne, le Français passe le plus souvent par les moteurs de recherche (40%). Sinon, il va directement sur la page d’accueil (27%), ou passe par les réseaux sociaux (21%) ou par l’email (21%).
Il est un gros consommateur de pushs et de notifications sur mobile. 14% des sondés utilisent les alertes envoyées sur leurs écrans de smartphone comme un moyen d’accéder aux informations publiées en ligne. Fait notable, la France est le pays qui témoigne de la plus forte utilisation des pushs pour l’information. “C’est un moyen clé de rappeler au bon souvenir des lecteurs la pertinence de son titre dans un marché extrêmement compétitif”, relève le rapport.
S’il recourt à des médias anglo-saxons pour s’informer, ce sont surtout des pure-players anglo-saxons. Et non des médias traditionnels. Quand le New York Times a été visité par 1% des sondés, BBC 3% et CNN 2%, le Huffington Post, Buzzfeed, Vice, MSN et Yahoo! récoltent plus de voix (25% en tout). Parmi ces pure-players, il y a une prime aux anciens sur les nouveaux: Buzzfeed et Vice font chacun 1%, tandis que MSN monte à 7% et Yahoo! à 8% en France.
Il ne paie guère pour de l’information en ligne. Qu’il s’agisse d’un abonnement, ou d’un paiement à l’article, seuls 10% des Français disent avoir sorti leur carte bleue pour accéder à des informations. L’année dernière, ils étaient 12%.
Merci de partager cet article sur les réseaux sociaux !
Alice Antheaume
lire le billetAu beau milieu d’un campus en banlieue d’Helsinki s’est tenu pendant trois jours le Newsgeist, une réunion informelle avec 150 journalistes européens invités par Google.
Au programme: des sessions à bâtons rompus, des présentations dont les “slides” défilent toutes les 15 secondes, bousculant l’orateur qui, sur l’estrade, tente de suivre le rythme, du saumon à gogo et des jeux de rôle type le loup-garou jusqu’à la nuit tombée – elle tombe très tard en Finlande à cette période de l’année… Zoom sur les 4 questions les plus débattues au cours de ce séjour chez les Lapons.
NB: les citations ne sont pas attribuées, conformément à la “Chatham House Rule” qui prévaut dans cette conférence.
La question est sur toutes les lèvres, quelques jours après l’apparition des premiers “instant articles” du New York Times, du Guardian, de Bild, de Buzzfeed et de National Geographic sur Facebook.
Au Newsgeist, la moitié des journalistes présents applaudit l’initiative, considérant qu’il n’y a pas d’autre levier de croissance possible sur mobile que les réseaux sociaux, où l’audience se trouve déjà – Facebook compte 798 millions d’utilisateurs sur mobile.
Dans le camp adverse, on estime que publier des contenus directement sur Facebook, accusé de se prendre pour “le kiosque de l’humanité”, n’a aucun intérêt puisque cela ne donne même pas de prépondérance à ces articles dans le “newsfeed”.
L’un des participants ironise: “parler des articles publiés sur Facebook en étant journaliste me donne l’impression d’être sur le Titanic et de discuter de la décoration intérieure des bateaux”.
Du point de vue utilisateur, l’expérience, immersive, vaut le coup d’oeil – ces articles sont visibles uniquement depuis l’application Facebook sur iPhone. L’ensemble des contenus s’affichent à une rapidité remarquable. Un argument qui suscite à la fois l’admiration et les sarcasmes au Newsgeist: ”à quoi bon investir des forces dans le développement de notre CMS si Facebook devient notre plate-forme de publication, pour ne pas dire l’Internet en général?”, peste un professionnel.
Côté publicité, les médias récupèrent 100% des revenus publicitaires générés par les campagnes qu’ils ont insérées dans leurs “instant articles”, tandis que Facebook prend 30% des publicités commercialisées par ses soins – les 70% restant reviennent aux médias. Un “accord incroyablement généreux”, selon Will Oremus de Slate.com, et beaucoup plus avantageux pour les éditeurs que le modèle Discover de Snapchat.
Reste les données récoltées sur les lecteurs, le nerf de la guerre. Même si Facebook a prévu que les médias puissent embarquer des outils de suivi statistique sur leurs “instant articles”, le comportement des utilisateurs, avant et après avoir lu un tel contenu, et notamment sur les publicités auxquelles ils sont exposées, sont des indicateurs précieux qui demeurent a priori dans le giron de Facebook.
Selon les estimations, entre 25% et 30% des consommateurs d’information recourent à des bloqueurs de publicité (“Adblock”), ces petits logiciels disponibles gratuitement sur n’importe quel navigateur (Chrome, Firefox, etc.) qui empêchent les publicités (display, native adversiting) de s’afficher sur les sites d’informations. Parce que cette audience ne voit plus s’afficher de bannières et autres encarts publicitaires, elle n’est plus “monétisable” auprès des annonceurs. De quoi causer de sérieux maux de tête aux responsables des rédactions.
Au Newsgeist, ceux-ci fustigent ces Adblock, qui tuent le modèle économique des médias financés par la publicité.
“Amazon et Google ont fait un gros chèque pour que leurs publicités s’affichent toujours”, s’avance l’un, faisant allusion à l’accord passé entre quelques géants du Web et le logiciel Adblock Plus. Le montant du chèque? Secret défense. “C’est du racket!”, soupire un autre.
Et de poursuivre, faisant sien l’un des arguments de ces empêcheurs de publicités: “il faut dire que les bannières sont tellement pénibles et intrusives, à te sauter aux yeux dans tous les sens, au-dessus de ton article, dedans, en dessous de ta fenêtre… Même les commerciaux qui travaillent dans notre régie publicitaire ont des Adblocks, c’est dire!”.
Si les bloqueurs parviennent très bien à empêcher l’affichage du display et même de la publicité native, ils sont moins efficaces sur les pré-rolls des vidéos.
Résultat, les annonceurs s’arc-boutent et misent tout sur le scénario suivant: puisque le pré-roll est pour l’instant mieux préservé, il va compenser le manque-à-gagner des autres formats publicitaires dont l’affichage est empêché. Sur les vidéos éditées par les médias, éviter les premières secondes de publicité, via le bouton “vous pourrez voir votre vidéo dans 5 secondes”, relève du miracle. De même, quand l’utilisateur change d’onglet, le pré-roll de sa vidéo s’arrête, le forçant à rester sur l’onglet initial s’il veut voir la suite.
Le pire, c’est que personne, au Newsgeist, ne sait comment sortir de cette situation. Pour l’instant, les annonceurs multiplient les campagnes sur le mobile, où il n’y a pas encore d’Adblock très opérant – mais cela ne va pas durer. Quant aux éditeurs, ils voient avec circonspection émerger des start-up comme “Secret media” qui leur promettent de contourner le blocage en re-encodant leurs publicités dans un format indétectable. Sauf que ces start-up se rémunèrent bien sûr au passage. “Encore du racket”, siffle l’un des journalistes dans la salle.
“Nous passons trop de temps à toiletter les contenus vus sur les sites d’information pour qu’ils aillent sur nos applications”, déplore un participant. Une erreur qui n’est que la reproduction d’un mécanisme d’antan. Déjà, il y a vingt ans, les journalistes nettoyaient les articles issus du “print” pour qu’ils aillent sur le Web.
“Si vous voulez produire des informations adaptées au mobile, c’est simple: vous arrêtez de faire des contenus pour le site, d’autres pour Facebook, d’autres pour Twitter”, conseille un éditeur au Newsgeist. “Et vous ne produisez que pour le mobile, exclusivement”. OK, sauf que, dans la salle, il y a certes des rédactions qui sont “mobile first”, mais une seule seulement a fait le pari du “mobile only”. Et avec un succès relatif. “Les applications Circa ou Yahoo! News Digest sont belles, mais elles ne drainent pas des masses d’audience”, précise un informateur.
Un autre raconte les tests qu’il a effectués auprès des lecteurs sur les formats éditoriaux spécifiques au mobile: “Les gens se contrefichent d’avoir un article séquencé en divers éléments indépendants”, les fameux atomes de Circa, “ils cherchent juste à obtenir des informations… Et le texte, même très long, leur va très bien”.
A condition, comme dit plus haut à propos des “instant articles” de Facebook, que les contenus s’affichent vite sur l’écran du smartphone. C’est la condition sine qua non d’un bon contenu sur mobile: son accessibilité, fissa s’il vous plaît.
J’ai écrit à ce sujet un WIP la semaine dernière, à partir du nouvel outil de Buzzfeed, Pound, pour suivre l’itinéraire d’un contenu sur le Web.
Au Newsgeist, The Guardian n’est pas en reste et a développé son propre baromètre, baptisé Ophan. Un outil qui permet de visualiser, pour chaque contenu publié sur le site du Guardian, une série d’indicateurs s’affichés sous la forme de graphiques: où le contenu est-il lu? Comment est-il lu (depuis un navigateur? Sur Facebook?)? Comment les lecteurs ont-ils trouvé ce contenu (via moteur de recherche? Via les réseaux sociaux? Par l’entremise d’un blog?)? Combien de temps sont-ils restés sur ce contenu? Où sont-ils allés après?
Surtout, Ophan permet de mesurer l’attention des lecteurs. Pour les équipes, c’est l’indice le plus opérant aujourd’hui. Bien plus que les pages vues et les visiteurs uniques, même si ceux-ci restent pour l’instant le mètre étalon.
Merci de partager cet article sur Facebook, Twitter et autres.
Alice Antheaume
lire le billet90.000 personnes, hommes et femmes, smartphones greffés à la main, badge orange autour du cou, arpentent les 100.000 mètres carrés du Mobile World Congress, logés au Fira Gran Via à Barcelone, sorte de Roissy-Charles de Gaulle doté de huit terminaux, accessibles via des tapis roulants.
“A cause de ta start-up, tu crois que le mobile, ce sont les applications. Arrivé ici, tu comprends que non: les applications, cela tient dans un demi-hall”, sourit Antoine Guénard, de Batch.com.
Les maîtres du royaume sont les opérateurs de téléphonie
Car au World Mobile Congress, les rois sont les opérateurs de téléphonie. Ceux à qui Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook et invité star de la première journée, a dit qu’il les aimait parce que, grâce à eux et aux coûteuses infrastructures qu’ils ont développées, il a pu “connecter le monde”. Il les a d’ailleurs invités ensuite à un somptueux dîner composé de douze plats accompagnés de douze vins, dans une galerie d’art, selon Challenges.
Quelques heures plus tôt, ce sont ces mêmes opérateurs qui sont montés sur la grande scène du World Mobile Congress les premiers. Objectifs: montrer leurs biceps et faire du lobbying auprès des “régulateurs”. Leur message? En substance, merci de mettre les mastodontes du Web comme Google et Facebook sur le même plan législatif que nous, les opérateurs, sinon ce n’est pas juste. “Facebook est un service de communication qui échappe aux règles de régulation”, glisse Timotheus Höttges, le président de Deutsche Telekom. Et il n’en pense sans doute pas moins de Google, qui, de surcroît, vient d’annoncer qu’il allait devenir un opérateur virtuel de téléphonie, aux Etats-Unis, dans “quelques mois”.
Un message qui fait écho aux propos déjà tenus par Stéphane Richard, le patron d’Orange, réclamant “l’égalité de traitement sur les données personnelles et la fiscalité” entre les géants américains du Net et les opérateurs. “Je trouve scandaleux et inacceptable que les trois plus grandes entreprises américaines de l’Internet payent 1% des impôts du numérique en France, quand nous, les opérateurs en payons 96%”.
La 5G en vue
Parmi les autres sujets qui mobilisent ces opérateurs au Mobile World Congress, figure la 5G, ce réseau dernière génération ultra rapide. En son honneur, la panoplie communicationnelle est de sortie: vidéos promotionnelles, présentations comparatives selon lesquelles la 5G permettrait de télécharger un film en 6 secondes, quand on met 7 minutes pour ce même film avec de la 4G, et 70 minutes avec de la 3G.
Il y en aura pour les Jeux Olympiques d’hiver en Corée du Sud, promet Chang-Gyu Hwang, le président de KT Corporation, le groupe coréen de communications et médias. Pour le reste, aucune date n’est avancée.
“La 5G n’est ni pour demain ni pour la semaine prochaine”, tempère Stéphane Richard, d’Orange, qui préfère expliquer ce à quoi cela pourrait servir. “La 5G va supporter l’augmentation des objets connectés – 50 milliards d’objets vont être connectés d’ici 2020, selon les estimations – et va offrir une meilleure expérience pour les utilisateurs, d’où qu’ils soient, y compris dans les transports, les TGV, les avions, ou dans les lieux bondés, comme les stades” pendant un match.
Pour Ken Hu, le vice président de Huawei, la 5G n’est rien de moins qu’une “question de vie et de mort” dans le cas des voitures connectées. Slide à l’appui, il assure que les véhicules pourraient freiner en 2,8 centimètres avec la 5G, quand il leur faut 1,4 mètre avec la 4G.
Du réseau, partout, tout le temps, et rapidement !
S’il y a bien un sujet qui ne vieillit pas avec les années, c’est la question de l’accessibilité du réseau, et, avec, la vitesse de connexion. Si Eric Schmidt, le patron de Google, prédisait lors de l’édition 2012 du Mobile World Congress que l’Internet serait comme l’électricité, invisible mais “toujours là”, le réseau est, en 2015, forcément mobile – “le mobile est devenu le coeur du Web”, dit Anne Bouverot, directrice générale de l’association mondiale des opérateurs mobiles GSMA – mais “encore trop lent”, d’après Timotheus Höttges. “Or nous devons pouvoir délivrer des services et des communications en quelques micro-secondes seulement”.
“Internet est devenu un besoin primaire pour la plupart des individus, surtout pour les plus jeunes, et la connectivité va devenir un besoin vital”, abonde à son tour Stéphane Richard.
Et Vittorio Colao, de Vodafone, d’appuyer: “les clients veulent plus de vitesse et d’ubiquité”. Comprendre: ils veulent se connecter sans surcoût démentiel selon le pays dans lequel ils se trouvent. “Les clients comprennent qu’ils ne sont pas les mêmes partout mais ne comprennent quand ils doivent payer des tarifs prohibitifs lorsqu’ils sont à l’étranger”, dit-il encore.
Entre les allées
Aux détours d’un des quelque 1.800 stands, le roi Felipe VI d’Espagne est là. La reine des Pays-Bas Maxima aussi. Plus loin, c’est Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat au numérique, qui va soutenir la French tech.
Autres sujets beaucoup débattus au Mobile World Congress: le paiement sur mobile (Mastercard et Samsung ont noué un partenariat pour lancer Samsung Pay), les objets connectés (montre, manteau, bracelet, chaussures, collier pour chien), les voitures autonomes, et – c’est plutôt nouveau – les contenus. Car plus il y a de réseau, plus il faut de quoi butiner. “La priorité des clients, c’est la qualité du service. Cela inclut la vitesse, la couverture et… les contenus distribués”, détaille Vittorio Colao, citant les chiffres de The Daily Mail, un site britannique dont la majorité des internautes se connectent en dehors de l’Angleterre.
Si le Mobile World Congress fête cette année ses 10 ans, et sa “plus grosse édition”, d’après John Hoffman, l’organisateur en chef, il témoigne d’une sensibilité inédite à l’environnement. Chaque participant s’est ainsi vu remettre, avec son badge, un coupon pour utiliser à l’oeil les transports en commun de la ville pendant quatre jours.
Dimension “green”
Activité rituelle des journées de conférence, la recherche d’une prise électrique pour recharger son mobile. Cette année, les recharges de téléphones se sont via des panneaux solaires disposés dans tous les terminaux pour économiser l’énergie. Durant son discours, Stéphane Richard a lui aussi mis le sujet sur la table. “L’avènement de la 5G va fabriquer un monde plus green”, avance-t-il.
Les opérateurs, tous écolo-responsables? Vu les prévisions de croissance, avec 3.8 milliards d’utilisateurs de l’Internet mobile en 2020 dans le monde, “développer un réseau qui soit écologique est vital”, espère Stéphane Richard, qui mentionne à la fois le transport des data, les serveurs, et les mobiles eux-mêmes. “Lorsqu’ils ne sont pas en service, ces outils consomment quand même de l’énergie. Cela ne devrait pas être le cas”.
Merci de partager cet article sur Twitter et Facebook !
Alice Antheaume
lire le billetEn 2014, on a appris à cohabiter avec les algorithmes, cherché de nouveaux leviers économiques, on a été horrifié par les décapitations de journalistes, on a déprimé en suivant la situation de LCI et celle de Libération, et on a vu le “brand content” s’inviter sur les sites d’informations et les applications.
Quel est le programme pour 2015? Voici, nouvelle année oblige, 8 prédictions qui pourraient avoir de l’impact sur les journalistes et la vie des rédactions.
“Sur le Web, le marché de l’information est arrivé à maturité, alors que sur mobile, les usages explosent”, constate Antoine Clément, ex directeur général adjoint de Next Interactive, lors des Assises du journalisme organisées à Metz en octobre 2014. Les chiffres lui donnent raison. Car en France, 75% des applications voient leur trafic progresser tandis que 60% des sites Web enregistrent une baisse de fréquentation, selon une étude d’AT Internet citée par Frenchweb.fr.
A L’Equipe, 50% du trafic se fait désormais sur mobile, et 50% provient encore du site, me confie Fabrice Jouhaud, le directeur de la rédaction. Au Monde, cela fait deux ans et demi que les pages vues sur mobile supplantent celles réalisées sur le site lemonde.fr.
Quant aux réseaux sociaux, ils misent tout sur le mobile. Si la technologie avait été au point lorsque Facebook est né, “Facebook aurait été une application mobile”, et non un site pensé pour l’ordinateur, avait déjà lâché en 2012 Bret Taylor, directeur de la technologie de Facebook.
Moralité: en 2015, pas la peine de s’échiner sur les sites Web, mieux vaut se concentrer sur la stratégie sur mobile, à la fois des smartphones et des tablettes. Avec 43% de la population française qui se sert de téléphones pour naviguer sur le Web, c’est là que se trouve la réserve d’audience pour les rédactions.
Lundi 22 décembre: j’ai reçu sur mon smartphone 9 alertes de BFM TV, 8 du Point, 8 du Figaro, 4 du Monde, 4 de France TV Info, 5 d’Europe 1, 8 de L’Express, 7 de France Info. Cette journée n’a rien de spécial – si ce n’est, tout de même, la mort de Joe Cocker. Elle est le reflet de la bataille du push qui se joue, depuis quelques années déjà, entre les médias pour squatter les écrans de téléphone à l’aide de notifications visant à alpaguer le chaland avec une information importante, lui faire vivre un événement en “live”, lui faire un résumé de la journée ou du week-end écoulé, ou se rappeler à son bon souvenir.
Une stratégie qui a déjà fait ses preuves. En 2014, les utilisateurs ayant accepté de recevoir des notifications push sur leur smartphone passent trois fois plus de temps sur les applications émettrices de ces alertes, selon l’étude de la société américaine Localytics.
En effet, d’après nos estimations, un seul push peut générer 20.000 à 30.000 visites sur une application française d’informations généralistes.
A condition de ne pas l’envoyer à tort et à travers. C’est là tout l’enjeu pour les rédactions en 2015: comprendre les besoins de leurs lecteurs, afin de leur envoyer des pushs personnalisés, ciblés et adéquats, pouvant même intégrer des images, au bon moment de leur journée. Cela nécessite de savoir répondre aux questions suivantes avant l’envoi d’une alerte, conseille cet instructif guide des notifications:
• Qui doit recevoir ce push? Il y a a minima trois catégories d’utilisateurs dont les besoins ne sont pas les mêmes: les nouveaux arrivants, les utilisateurs assidus, et ceux qui ont téléchargé l’application mais s’en servent rarement. Ce à quoi s’ajoutent des utilisateurs géolocalisés selon leur lieu de vie – à qui on peut envoyer des informations concernant leur région ou leur pays.
• Quel message doit comporter ce push? Comment peut-il être personnalisé?
• A quelle heure chaque utilisateur doit-il recevoir ce push? Histoire d’éviter de bombarder les expatriés d’alertes lorsque c’est la nuit pour eux.
• Que se passe-t-il une fois que le push est envoyé? Quelle est l’action requise par l’utilisateur – qu’il lance l’application? Qu’il envoie un SMS? Qu’il conserve le message de l’alerte pour un usage ultérieur?
Gagner la bataille du push, c’est faire monter le taux d’engagement des lecteurs, rallonger le temps qu’ils passent sur l’application, et tisser un lien de confiance avec l’audience, prédit Localytics dans son rapport de fin d’année sur l’état des applications mobile.
Va-t-on enfin voir un programme capable de marier la culture numérique et le “formatage” télévisuel? Il y a bien des programmes à la télévision qui sont des déclinaisons de formats et de talents nés sur le Web – la pastille Le Gorafi, sur Canal+, M. Poulpe à la météo du Grand Journal sur la même chaîne, Le Point quotidien de Vice News, sur France 4 -, il y a aussi des séries télévisées qui jouent à fond la carte de l’interaction sur le Web avec les fans – Fais pas ci, fais pas ça sur France 2 – mais jusque là, beaucoup se sont cassé les dents à vouloir mélanger ces univers.
Cyrille de Lasteyrie, alias Vinvin, a plusieurs fois tenté ce numéro d’équilibriste en lançant Le Grand Webzé puis Le Vinvinteur sur France 5, des expériences foldingues comme on les aime mais qui n’ont, comme on dit à la télévision, “pas trouvé leur public”. “Le Web est gratuit, libre, insouciant, insoumis. La télé, c’est l’inverse: calibrée, rigoureuse, institutionnelle. L’une est un format, l’autre un anti-format. Il faut cesser de vouloir à tout prix marier la carpe et le lapin”, analyse Cyrille de Lasteyrie dans Télérama.
En attendant que quelqu’un trouve la recette, les producteurs de télévision sont amenés à (re)penser leurs émissions pour qu’elles soient disponibles depuis n’importe quel écran. Et ce, même si, la France est un pays où le téléviseur “reste l’équipement privilégié pour regarder les programmes en direct (93 % des Français l’utilisent comme tel)”, selon un rapport du Crédoc (le centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie).
L’urgence, en 2015, c’est donc d’offrir une continuité dans la consultation des contenus selon qu’on est sur un téléviseur, une tablette, un ordinateur, un téléphone, en reprenant l’émission exactement où on l’avait laissée. “Pour l’instant, le mot télévision désigne toujours ce truc qui trône dans votre salon et les émissions qu’on a pris l’habitude de voir depuis presque 60 ans – même si ces émissions vous parviennent maintenant via Internet. Mais on a clairement besoin de créer une nouvelle nomenclature qui convienne au monde multi écrans et multi plates-formes dans lequel on vit”, prévient Roy Sekoff, le président du Huffington Post Live, cité par Mashable.
C’est le “come back” d’un format que l’on croyait obsolète: la newsletter. “Elle n’est plus tout à fait comme la cassette que l’on faisait par amour au collège, mais elle est une compilation du meilleur qui peut procurer le même type de sentiments” qu’à l’époque, explique Katie Zhu, développeuse chez Medium, dans ses prédictions 2015 au Nieman Lab.
De Time To Sign Off (il est temps de conclure, en VF) à Brief.me, le projet lancé par Laurent Mauriac, en passant par Mondadori, les informations se distribuent plus que jamais par email. Et pour cause, ces newsletters offrent un “temps calme”, comme disent les instituteurs, aux lecteurs éreintés par ce flux incessant d’informations qui les assaille, en leur présentant ce qu’ils doivent savoir, rien de plus, rien de moins. Et ce, à un moment qu’ils ont choisi, c’est-à-dire le moment où ils où ouvrent l’email contenant la newsletter.
“Une des raisons pour lesquelles les newsletters fonctionnent, c’est parce qu’elles agissent comme un filtre intelligent”, écrit Mathew Ingram sur le site Gigaom. En un sens, elles court-circuitent le torrent d’informations que l’on lit sur Twitter, Facebook, sur les blogs, sur les sites d’informations, pour trouver ce qui compte vraiment. Et c’est quelque chose dont on a probablement plus besoin que jamais.”
En 2015, les rédactions vont activer ou ré-activer leurs offres de newsletters. Mais quelle newsletter va rester? Et comment se distinguer des autres quand on est un média généraliste? “Plus vous êtes générique, moins vous avez de valeur pour les lecteurs”, conseille Mathew Ingram. “Alors pensez à toutes les niches et les micro-marchés dans lesquels vous pourriez segmenter votre offre de contenus, et trouvez une façon de les incarner” avec un ton, un style, une sélection qui témoigne de votre patte.
La décapitation du journaliste américain James Foley filmée dans une vidéo diffusée sur YouTube – elle a, depuis, été retirée de la plate-forme -, celle ensuite d’un autre journaliste américain, Steven Sotloff….
Ces images de l’actualité, effroyables, témoignent de la la violence innommable des événements et des risques que prennent les journalistes sur le terrain. En 2014, selon le bilan de Reporters sans frontières, 66 journalistes ont été assassinés, 119 enlevés, 1846 menacés et/ou agressés, et 40 toujours otages.
Cette année, il y a eu une escalade dans l’imagerie de l’horreur, diffusée sans filtre et à des fins de propagande, via les plates-formes de distribution accessibles à tous. Les journalistes sont devenus des instruments au service de l’Etat islamique, déplore Jon Lee Anderson, grand reporter au New Yorker, invité à donner la leçon inaugurale de rentrée à l’Ecole de journalisme de Sciences Po. “Cliquer sur ces vidéos chorégraphiées et présentées comme un message à l’Amérique, c’est ce que souhaitent ces bourreaux. Or je ne vais certainement pas leur donner ce plaisir”.
Impossible de prédire ce qu’il adviendra en 2015 sur ce plan. Espérons néanmoins que les médias refuseront encore de relayer de telles horreurs en ligne. Même si, avant de décider de diffuser ou non une image dans un média, il faut bien les examiner dans les rédactions et les authentifier. C’est le travail des journalistes qui, pour tenir au quotidien, ont peu à peu appris à se blinder.
Robots lisant des informations à haute voix comme un présentateur de journal télévisé, vidéos avec voix off compilées en 5 secondes – quand il faut une vingtaine de minutes à un humain, même expérimenté, pour ce faire -, algorithmes capables de trier les contenus et d’en produire à leur tour… Désormais, l’information doit compter avec l’intelligence artificielle, et les journalistes s’habituer à l’idée d’avoir des robots comme collègues.
Si, aux Etats-Unis, Forbes et le Los Angeles Times ont succombé aux sirènes de robots sachant écrire des articles de A à Z, les rédactions françaises n’ont pas encore recours à de tels services. En 2014, elles se sont contenté de mettre en place des “social media bots”, des robots actifs sur les réseaux sociaux.
C’est qu’a fait France TV Info lors des municipales avec un robot sur Twitter à qui les utilisateurs pouvaient demander de les alerter des résultats obtenus dans leur circonscription dès que ceux-ci étaient disponibles. Même système avec L’Equipe et son “automatic score”. Pour savoir où en est le score de votre équipe de foot préférée sans allumer la télé, vous interpelez le compte Twitter de l’Equipe en mentionnant le nom de l’équipe qui vous intéresse. Instantanément, vous recevez la réponse sur Twitter de la part de l’Equipe avec un lien qui renvoie sur le score du dernier match.
Le système, mis en place début novembre, a deux objectifs, me renseigne Emmanuel Montecer, community manager de L’Equipe:
1. générer du trafic sur les supports de L’Equipe en provenance des réseaux sociaux (au moment du lancement, alors que lequipe.fr récolte entre 50 et 70 millions de visites mensuelles, seuls 1 à 2 millions proviennent de Twitter)
2. soulager l’équipe humaine, qui croule sous près de 10.000 interpellations du compte Twitter de l’Equipe par mois, avec 70% de demandes sur le foot.
Et en 2015? L’Equipe réfléchit bien sûr à élargir l’”automatic score” au rugby, et notamment le top 14. Et d’autres rédactions vont intégrer des robots à la fabrication de leurs informations. Imaginez par exemple France 2 ou TF1 travailler avec l’application Wibbitz pour produire des commentaires sur images en presque temps réel dans leurs JT…
A votre avis, à quoi les rédacteurs en chef et directeurs de rédaction passent le plus de temps? Réponse: à organiser les équipes, leur rotation, à faire des plannings, et à s’arracher les cheveux pour que les différents services parviennent à travailler ensemble.
Or dans bon nombre de rédactions, et c’est ce qu’a révélé le mémo “Innovation” du New York Times, il y a toujours un vrai mur entre l’Eglise et l’Etat, entre la rédaction et les autres services, comme si travailler à autre chose qu’à l’information était une tare. Développeurs, chefs de projet, graphistes bouent de ne pas connaître les requêtes des journalistes pour remplir leur mission, et la rédaction nourrit une peur viscérale de se faire “manipuler” par des intérêts marketing quand elle n’est pas débordée par le quotidien.
Parlez-vous et s’il vous plaît devenez les meilleurs amis du monde, implore Alisha Ramos, une graphiste de Vox Media. “Chers journalistes, les développeurs et les graphistes ne sont pas des aliens. Ils peuvent ne pas comprendre votre jargon mais ils peuvent avoir une idée intelligente pour rendre digestes toutes les données que vous regardez. Chers développeurs, les journalistes ne sont pas des extra-terrestres. Ils peuvent avoir des idées qui pourraient déboucher sur la créations d’applications dans lesquelles vous pourriez tester ce nouveau code Javascript qui vous tente.”
“Améliorer les passerelles et les collaborations avec les ingénieurs, les graphistes, ceux qui s’occupent des statistiques et des données, et ceux qui font de la recherche et du développement, ne représente aucune menace pour nos valeurs journalistiques”, insistent les auteurs du mémo du New York Times pour évangéliser leurs collègues. Et si la notion de “rédactions intégrées” passait de l’état de mirage à la réalité? Le message devrait enfin passer en 2015.
Regardez ce contenu sur la préparation physique des danseuses du corps de ballet de New York publié sur le site du New York Times. Ce “reportage”, dont le format ressemble à s’y méprendre à celui de Snowfall, faisant la part belle à l’écriture, aux photos, dessins et aux vidéos, n’est pas une commande de la rédaction du New York Times, mais d’une marque de chaussures, Cole Hann. Même chose pour ce long format sur l’incarcération des femmes dans les prisons, avec des témoignages d’anciennes détenues en vidéo, des chiffres mis en scène dans des graphiques: il a été payé par Netflix pour la série “Orange is the new black”.
Ces deux exemples sont ce que l’on appelle du “native advertising”, une publicité qui reprend les codes journalistiques du média qui l’héberge. Le New York Times, Buzzfeed, Forbes, mais aussi lemonde.fr, Le Huffington Post, Lexpress.f, tous accueillent ces publicités d’un nouveau genre, cherchant par là à maximiser leurs revenus publicitaires. En France, les rédactions se cassent la tête pour réussir à les produire, à les insérer dans des espaces autrefois réservés aux informations, et à en assurer la distribution en fournissant au besoin des statistiques sur leur consultation aux annonceurs. De quoi provoquer quelques débats agités sur la ligne jaune entre contenus sponsorisés et journalistiques.
Le grand flou a commencé dès 2014, quand le native advertising, promesse de nouveaux revenus bienvenus, s’est invité à la table, avant que les règles ne soient gravées dans le marbre. En 2015, l’étiquetage des contenus, qu’ils soient payés par des marques ou écrits par des journalistes de la rédaction, va devoir être affiché.
Excellentes fêtes à tous et très bonne année 2015!
Alice Antheaume
lire le billetGrumpy Cat a été la star – à quatre pattes – du festival South by South West à Austin, aux Etats-Unis. Au Web Summit, organisé à Dublin, en Irlande, du 4 au 6 novembre 2014, la tête d’affiche s’appelle Eva Longoria. Invitée à converser avec une journaliste de Vanity Fair, l’actrice de la série Desperate Housewives s’est mis dans la poche les quelque 22.000 participants venus d’abord pour «réseauter», parler nouvelles technologies et trouver des investisseurs pour lancer leur start-up.
«Je n’étais jamais venue en Irlande»
A la question «qu’est-ce qui vous amène au Web Summit?», Eva Longoria a répondu par un éclat de rire décomplexé: «je n’étais jamais venue en Irlande». Avant de préciser: «on m’a invitée à parler de mes investissements qui, dans un monde global, nécessitent différents modèles selon le pays. Une bonne façon de partager ces modèles, c’est de recourir à la technologie».
L’actrice, présentée comme productrice/entrepreneuse/philanthrope, a préféré axer son intervention sur les femmes, une denrée plutôt rare dans les conférences sur les technologies. «J’aimerais encourager toutes les femmes présentes ici à aider leurs jeunes congénères, à devenir leur mentor, à leur montrer la voie. Parce que, sans mentor, le système ne fonctionne pas.» Un discours salué par une salve nourrie d’applaudissements et les flashs des photographes agglutinés près de la grande scène.
Le tollé Kardashian
Pourtant, les geeks ne sont pas public facile. Lors d’une autre conférence dédiée au mobile qui s’est tenue en Californie le 27 octobre, la venue de Kim Kardashian a provoqué une levée de boucliers sur Twitter, avant même qu’elle ne monte sur la scène, sur le thème «que peut-elle nous apprendre sur la technologie?». «C’est une star du mobile», a justifié la journaliste qui l’a invitée, Kara Swisher, arguant que son jeu sur Iphone, Kim Kardashian: Hollywood, génère 200 millions de dollars de revenus. Bien plus, donc, que ce qu’obtiennent la plupart des créateurs de start-up, continue Techcrunch. Interrogée sur les raisons pour lesquelles elle n’est pas prise au sérieux, Kim Kardashian a confié qu’elle ne le sait «pas très bien». «Peut-être parce que mon succès provient d’une télé-réalité, ce qui peut être négatif pour certains»…
Qui tire la couverture sur qui?
A qui profite la présence de telles célébrités à ces événements arpentés par des entrepreneurs du Web? A la renommée de la conférence? Ou à la star qui accède ainsi à un autre public que son terreau de fans habituels? Sans doute les deux.
Faire venir une star à une conférence numérique, c’est profiter de son influence. Une Kim Kardashian, avec plus de 25 millions d’abonnés sur Twitter, 20 millions sur Instagram, représente une chambre d’écho extraordinaire quand elle évoque un événement en ligne. Et, au delà, cela peut avoir des retombées pour l’économie locale, comme lorsqu’Eva Longoria visite les trésors du pays – le petit déjeuner irlandais, la cathédrale Saint Patrick, un bar de Dublin – dont elle parle sur les réseaux sociaux. A un jour d’intervalle, elle fait ainsi la couverture de deux journaux, le «Irish Independent» puis le «Irish Time».
Des stars qui rayonnent via le réseau
Pour les stars qui investissent dans le numérique, c’est aussi un coup de projecteur sur leurs activités. C’est le cas de Lily Cole, le mannequin au visage en forme de lune. Invitée au Web Summit, elle a présenté sa start-up, impossible.com, une plate-forme de trocs qui permet par exemple d’échanger des cours de tricot contre le design d’un site Web.
Reconversion en vue? «J’ai plus d’amis dans la technologie (dont Jimmy Walles, le co-fondateur de Wikipédia, qui a investi dans impossible.com et la conseille, ndlr) que dans la mode», a-t-elle expliqué. «Je passe un à deux mois par an à jouer des rôles et à faire du mannequinat, pour payer les factures et mettre de la lumière sur mes projets. Le reste du temps, je travaille à cette start-up avec ma petite équipe qui, comme dans toutes les start-up, analyse les data et pense à son développement».
Le partage comme compétence
Ces stars peuvent même avoir des compétences numériques inédites. Kim Kardashian est une championne du partage en ligne. «Toute ma carrière est basée sur les réseaux sociaux», et notamment «dans un environnement mobile», a-t-elle clamé. Flairant le filon, des entreprises de technologie ont même embauché des célébrités pour profiter de leur expérience. «La chanteuse Alicia Keys a travaillé pendant un an au sein du fabricant Blackberry en tant que directrice créative. Une position qu’a également occupé la chanteuse Lady Gaga chez Polaroid», répertorie Lefigaro.fr.
Enfin, la présence d’Eva Longoria et Lily Cole féminine quelque peu le casting. Au Web Summit, seuls 15% des orateurs sont des femmes, regrette l’équipe. Quant au public, il n’est pas non plus très féminin même si l’organisation a offert des billets gratuits à des femmes triées sur le volet – pour un montant total de 250.000 euros, ce qui, si l’on se réfère au prix d’un billet à 800 euros, fait 312 billets.
Merci de partager cet article sur les réseaux sociaux!
Alice Antheaume
lire le billet«Nous vivons l’âge d’or du journalisme». «La liberté de la presse est le fondement de toute démocratie». Telles sont quelques unes des phrases que deux étudiants de l’Université de Boston ont le plus entendues cette année de la bouche de journalistes professionnels venus leur parler. Pour en rire, ils ont en fait un bingo, crayonné à la va-vite. Cela m’a donné l’idée de réaliser, à mon tour, une grille de bingo avec les questions qui reviennent le plus souvent de la part des étudiants et des journalistes professionnels. Et, sous la grille, des tentatives de réponses claires.
Ce que pense celui qui pose cette question : Enquêter en ligne, ce n’est pas de la vraie investigation journalistique.
Réponse : Oui, on peut enquêter derrière un écran. L’activité des internautes, de tous ceux qui s’expriment sur le réseau, évoquant ici des sujets professionnels ou là la situation sociale, économique ou politique de leur pays, s’observe au moins autant que la vie des citoyens dans la rue. C’est même un terrain inépuisable qui mérite bien sûr une couverture éditoriale. Derrière un écran, les journalistes peuvent aussi interroger des chiffres extraits de bases de données, comme cela a été fait avec le projet «The migrant files», qui retrace le parcours de plus de 23.000 migrants ayant trouvé la mort sur leur chemin vers l’Europe depuis 2000. Un travail titanesque. Autre exemple d’investigation faite à partir de données en ligne et publiée sur lemonde.fr: comment est répartie la réserve ministérielle? Autant dire que la qualité d’une enquête ne tient pas à la fraîcheur de l’air que le journaliste respire mais à ce travail scrupuleux, laborieux même, de décorticage d’éléments (données ou autres) en vue de trouver une information inédite.
Ce que pense celui qui pose cette question : Le journalisme numérique, ce n’est pas du vrai journalisme.
Réponse : Il est vrai qu’il y a quelques années, les journalistes numériques travaillant sur des sites des presse n’ont, au départ, pas été encouragés à sortir de leur rédaction, englués dans du bâtonnage de dépêche inutile. C’est heureusement de l’histoire ancienne. RTL.fr délègue la production de ses dépêches à… l’AFP. Lefigaro.fr envoie en reportage longue durée des journalistes du Web, pour couvrir des événements comme le festival de Cannes ou des courses de voile. Quatre journalistes du Monde.fr ont été envoyés au festival South by South West à Austin. Car ces sites ont maintenant compris que leur plus-value tient à leur capacité à sortir des contenus inédits, que leurs concurrents n’auront pas, publiés dans des formats adaptés à la consommation d’informations en ligne. Pour ce faire, ils ont besoin de journalistes sachant jongler entre la production en temps réel (tweets, vidéos, photos) et celle de longs formats, papiers magazines, dans une temporalité moins chaude.
Ce que pense celui qui pose cette question : Ce serait quand même bien qu’ils paient pour avoir accès à des informations.
Réponse : Selon le rapport Digital News Report 2014 du Reuters Institute for the Study of Journalism, une personne sur dix seulement a payé – pour un article ou pour un abonnement – pour accéder à de l’information en ligne en 2013 en Angleterre, France, Allemagne, Italie, Finlande, aux Etats-Unis et au Japon, Danemark et Brésil. Quant aux sondés ayant déclaré n’avoir pas payé pour des contenus en ligne l’année dernière, ils ne sont pas tous prêts à le faire dans le futur – en France seuls 11% seulement d’entre eux s’y disent plutôt favorables, quand, au Brésil, le pourcentage monte à 61%.
Ce que pense celui qui pose cette question : Mais comment va-t-on s’en sortir?
Réponse : C’est l’obsession d’un nombre grandissant de rédactions françaises – Lepoint.fr, Lexpress.fr, lefigaro.fr, même si, pour l’instant, la stratégie du paywall n’a pas vraiment fait ses preuves. «On voit souvent qu’au moment de leur lancement, les paywalls et applications payantes trouvent une croissance facile pendant un temps, mais ensuite il y a un décrochage – même les lecteurs fidèles s’épuisent», analyse Nic Newman, le rapporteur du Digital News Report 2014. Pour réussir son paywall, deux conditions sont nécessaires, a déjà écrit Frédéric Filloux, auteur de la Monday Note:
1. avoir des contenus à haute valeur ajoutée qui justifient qu’ils soient payants (voilà pourquoi l’information économique et financière a plus de chance d’être monnayée que de l’information généraliste)
et 2. disposer d’un spécialiste des données et statistiques qui traque les itinéraires des utilisateurs, pour comprendre pourquoi, quand ils se heurtent au paywall, ils font machine arrière ou, à l’inverse, décident de s’abonner.
Ce que pense celui qui pose cette question : Mais qu’est-ce qu’ils font, au service Web?
Réponse : Parce que tous les reportages n’ont pas vocation à figurer sur la une du site, surtout lorsque la temporalité ou le sujet ne s’y prête pas. Consolation ou non, les unes des sites d’information ne sont pas toujours des carrefours d’audience. Ce qui compte, c’est que le reportage soit en ligne, et qu’il puisse être partagé sur les réseaux sociaux et référencé dans les moteurs de recherche.
Ce que pense celui qui pose cette question : Qu’est-ce que c’est que cette hiérarchie des informations?
Réponse : En ligne, on ne hiérarchise pas les informations comme on le ferait dans un journal télévisé ou sur la couverture d’un magazine. Certes, toutes les informations ne se valent pas, mais leur emplacement n’est pas le seul critère pour déterminer leur importance. Il faut compter avec l’enjeu du taux de rebond des sites d’informations. Pour éviter que les internautes s’en aillent aussi vite qu’ils sont venus, l’architecture d’une page est travaillée de telle sorte que le visiteur puisse, après avoir atterri sur un contenu, en butiner d’autres – d’où des liens omniprésents, des colonnes remplies de recommandations, etc. Chacun comprendra qu’après la lecture d’un reportage sur l’offensive à Gaza une brève sur Rihanna puisse constituer une pause appréciable pour le visiteur qui, au final, reste plus longtemps sur le média.
Ce que pense celui qui pose cette question : Mais qu’est-ce qu’ils font, au service Web?
Réponse : Le push sur mobile est un art compliqué. Il ne faut pas s’y tromper, car les alertes sont à double tranchant : envoyées au bon moment, et sur les bons sujets, elles boostent l’audience de façon phénoménale et poussent le lecteur à ouvrir l’application, tout en «lissant» les temps de consultation tout au long de la journée, faisant venir l’audience sur des informations urgentes à d’autres moments que le triumvirat matin-midi-soir. Mais, trop fréquentes ou mal éditées, elles peuvent provoquer l’agacement des utilisateurs. Hors de question, donc, d’envoyer 30 alertes par jour au risque de perdre ses abonnés. Il faut choisir les contenus à «pusher» et ne pas systématiser ce traitement.
Ce que pense celui qui pose cette question : Les journées ne font que 24 heures.
Réponse : Les réseaux sociaux ne sont plus une option pour les journalistes en exercice, à la fois pour y faire de la veille, pour y trouver des témoins et pour interagir avec leurs lecteurs. Il faut donc s’organiser autrement pour trouver le temps, non seulement d’y aller, mais aussi d’y «cultiver son jardin» en mettant à jour la liste des personnes que l’on suit en fonction de l’actualité. Par ailleurs, les réseaux sociaux ne se réduisent pas à Facebook et Twitter, il y a aussi Reddit ou Pinterest, lequel apporterait maintenant à Buzzfeed plus de trafic que Twitter parmi les réseaux sociaux pourvoyeurs d’audience.
Ce que pense celui qui pose cette question : Dites moi qu’il vaut mieux vérifier.
Réponse : Il y a une tension évidente entre, d’un côté, l’instantanéité de l’information et, de l’autre, l’impératif de vérification journalistique. Dans tous les cas, il vaut mieux prendre le temps de vérifier. Car la faute de carre, si vite arrivée en temps réel, entame durablement la crédibilité d’un journaliste qui se serait trompé. La radio américaine NPR a dû le rappeler à toutes ses troupes ce mois-ci: «tweeter ou retweeter, c’est cautionner l’info». «C’est comme si vous disiez le tweet ou le retweet à l’antenne. Donc si cela nécessite du contexte, une source, des éclaircissements ou même un démenti, donnez-le.»
Ce que pense celui qui pose cette question : C’est mission impossible, non?
Réponse : C’est une question de méthodologie. Il y a cinq étapes, détaillées ici, pour s’assurer qu’un témoignage, publié sur un réseau social, est authentique, ou qu’une image n’est pas un photomontage ou un vieux cliché ressorti des limbes. Il faut commencer par identifier l’auteur du contenu, fournir le contexte, recouper l’information, décoder la technique et surveiller ce qu’il s’en dit sur le réseau. Dernier conseil, il faut songer à prendre des captures d’écran de tous les éléments repérés en ligne (tweets, photos, messages) et les enregistrer hors ligne (vidéos) – ils peuvent disparaître ou être modifiés à tout moment.
Ce que pense celui qui pose cette question : Je joue le jeu de l’interaction, et c’est tout ce que j’obtiens, comme gratification?
Réponse : L’univers numérique est peuplé de trolls. «A la fin des années 90, on pensait que l’on pourrait capturer l’intelligence de l’audience. Ce n’est pas ce qu’il s’est passé», déplore Nick Denton, de Gawker. En ligne, c’est vrai, une foule de commentaires toxiques ou insultants le dispute à quelques interactions pertinentes. Ne perdez pas patience, et, surtout, ne répondez pas aux insultes – allez plutôt prendre un café ou punaisez les pires saletés repérées en ligne sur le mur pour amuser la galerie, cela permet de relativiser.
Ce que pense celui qui pose cette question : Comme ça, je me dédouane de toute responsabilité par rapport à mon employeur.
Réponse : Mauvaise idée. Quand on est journaliste, les tweets que l’on écrits, les retweets que l’on fait, engagent la rédaction pour laquelle on travaille. Même il est écrit l’inverse dans sa biographie.
Ce que pense celui qui pose cette question : Comme ça, je me dédouane de toute responsabilité par rapport à mon employeur.
Réponse : Mauvaise idée. Reuters l’a un temps préconisé en 2010 mais en est revenu depuis. L’agence préconise désormais de contextualiser les messages postés en ligne en précisant dans son guide : «vous devez vous identifier comme journalistes de Reuters et déclarer au besoin que vous parlez pour vous, pas au nom de Thomson Reuters».
Ce que pense celui qui pose cette question : Pourrait-on utiliser un vocabulaire plus précis, s’il vous plaît?
Réponse : A chaque conférence ou table ronde sur le journalisme, le mot «engagement» est répété à l’envi. A l’origine, en anglais, il désigne des fiançailles. Dans l’univers journalistique, c’est quasi devenu un mot valise qui désigne à la fois la nouvelle relation entre journalistes et lecteurs, les types d’interactions de l’audience avec les contenus et leur mesure. Pour savoir qui l’emploie dans quel sens dans les rédactions françaises et anglo-saxonnes, par ici.
Ce que pense celui qui pose cette question : Je suis journaliste. Peut-on me demander d’être serveur?
Réponse : Cette expression, beaucoup utilisée en début d’année pour évoquer l’avenir de Libération, signifie trouver des revenus autrement qu’en produisant des informations. Par exemple en proposant des formations (Rue89, France24/RFI), en se tournant vers l’événementiel (Le Télégramme et l’organisation de courses de voile, Amaury, éditeur du Parisien-Aujourd’hui en France, et l’organisation du Tour de France, les forums Libé, la fête de l’Huma, le festival Le Monde en septembre prochain, etc.), ou en créant des technologies que l’on peut revendre ensuite à d’autres… L’idée, au final, c’est de suppléer les revenus moribonds autrefois générés par la publicité. Et non, un employeur ne peut pas demander à un journaliste de devenir serveur.
Ce que pense celui qui pose cette question : Pourrait-on avoir une vision éditoriale plus précise, s’il vous plaît?
Réponse : On attend des journalistes numériques qu’ils testent des nouvelles interfaces, des nouveaux formats, de nouvelles formes d’interactions avec l’audience. Bref qu’ils expérimentent, avec un état d’esprit proche de la version beta permanente. L’innovation ne se décrète pas pendant une réunion, elle se construit comme dans un laboratoire, chaque jour de l’année. «L’expérimentation, ce n’est pas seulement essayer quelque chose de nouveau, c’est adopter une méthode rigoureuse, scientifique, pour éprouver des nouveautés et les tordre dans tous les sens pour les rendre les plus performantes possibles», est-il écrit dans le mémo du New York Times. Et de citer l’exemple de la page d’accueil de The Verge, qui a été redessinée 53 fois en deux ans.
Ce que pense celui qui pose cette question : Que devrait-on changer pour survivre?
Réponse : Personne ne le sait. Une chose est sûre, les vieux modèles ne fonctionnent plus – paywalls, modèles basés sur les revenus publicitaires, applications payantes… Si, pour David Spiegel, de Buzzfeed, le salut figure dans le «native adversiting» – 40% des 10 milliards de dollars investis dans des publicités sur les réseaux sociaux d’ici 2017 -, pour Justin Ellis, du Nieman Lab, la clé pour fonder un modèle viable, c’est de récupérer toutes les données possibles sur son audience. «Qui sont vos lecteurs? Combien de temps passent-ils avec vous? Combien dépensent-ils pour vous? Où habitent-ils? Combien gagnent-ils?» Cela signifie avoir un système d’analyse des statistiques ultra performant. «Regardez Netflix», continue Justin Ellis. «Ils savent quelle série va plaire à leur audience, car ils vous connaissent très bien. Des centaines d’ingénieurs travaillent sur l’algorithme de Netflix pour encore mieux vous cerner et savoir quel programme ils vont vous proposer – parce qu’ils sont sûrs que vous allez le regarder».
Ce que pense celui qui pose cette question : Où pourrais-je travailler?
Réponse : Difficile de répondre à cette question en quelques lignes tant le spectre des employeurs est large – télévisions, chaînes d’information en continu, boîtes de production, agences de presse, sites de presse, pure-players et même nouveaux entrants comme Buzzfeed, Circa, et bientôt Briefme, le nouvel projet de Laurent Mauriac, ex-Rue89, ou NOD: News On Demand, un service de rattrapage de l’actualité développé par Marie-Catherine Beuth, ou encore GoMet, sur l’actualité de la métropole d’Aix Marseille Provence, créé par Amandine Briand, diplômée de l’Ecole de journalisme de Sciences Po, lauréate de la bourse start-up de l’information de Google, pour lequel elle vient de recruter un journaliste, Jérémy Collado, ancien de sa promotion.
Les chiffres sur les secteurs où travaillent les journalistes disposant de la carte de presse en France sont peu fiables. Selon les statistiques de 2013, le plus gros des troupes travaillerait en “presse écrite” (66%), une catégorie un peu fourre-tout qui comprend la presse quotidienne nationale, la presse quotidienne régionale, les agences de presse comme Reuters ou l’AFP, mais aussi les sites d’informations des quotidiens et magazines ainsi que les pure players. Pas étonnant, donc, que cette catégorie fasse le plein, devant la télévision (14,8%), la radio (9,5%) et la production audiovisuelle (2,5%). Quant à la véritable part du numérique dans les embauches, elle est sous-estimée car, toujours selon ces statistiques de la CCIJP, la commission de la carte d’identité des journalistes professionnels, ceux qui travaillent, par exemple, pour les sites de Radio France sont répertoriés dans la catégorie radio tandis que ceux qui produisent sur France TV Info figurent dans la catégorie télévision.
Ce que pense celui qui pose cette question : Eux ont l’air de réussir, et si on faisait pareil?
Réponse : Le New York Times est une licorne qui peuple l’imagination de nombreux responsables de rédaction, lesquels tentent de calquer leur stratégie éditoriale sur une utopie. Mais encore faudrait-il pouvoir comparer ce qui est comparable. Car qui a un service de 445 développeurs et la capacité de dédier une vingtaine de journalistes, encadrés le lauréat de deux prix Pulitzer, pour une application mobile comme celle lancée en avril, NYT Now? Malheureusement personne en France.
Ce que pense celui qui pose cette question : On en produisant déjà quand le numérique n’était pas encore né.
Réponse : L’infographie est en effet un format vieux comme l’imprimé. Mais elle fait florès en ligne grâce aux outils comme Datawrapper ou Infogr.am. Elle devient alors «embeddable», donc partageable… Si elle agrège des données, et les rend lisibles à grands renforts d’effets visuels, cela peut s’appeler de la data visualisation. Le pure-player Quartz en a fait l’un de ses ingrédients-clés, au point d’avoir développé en interne un outil appelé Chartbuilder pour permettre à des journalistes «dont les compétences sont limitées de créer des graphiques». «Savoir construire un graphique est une compétence requise pour faire partie des journalistes de la rédaction», estime Kevin Delaney, le rédacteur en chef de ce site dont la moitié des contenus publiés comportent des graphiques. Prochain enjeu pour l’infographie? La rendre mobile compatible.
Ce que pense celui qui pose cette question : Que veut dire «Web first»?
Réponse : «Web first, print later» (le Web d’abord, le print ensuite), peut-on lire sur le site de la Columbia Review. C’est l’idée de publier d’abord en ligne avant de songer à ce qui sera imprimé ou diffusé à l’antenne. Cela suppose, dans les médias traditionnels, une réorganisation totale du circuit de la copie avec des conférences de rédaction qui déterminent les contenus numériques à publier avant de décider de la nature des publications pour l’imprimé, l’antenne, etc. Cela suppose aussi une révision du management avec le recrutement de profils sachant diffuser, promouvoir, susciter le partage des contenus, parler le langage des journalistes et celui des développeurs et lancer des innovations à la fois éditoriales et technologiques.
Ce que pense celui qui pose cette question : Que veut dire «mobile first»?
Réponse : Si «Web first» signifie «Web first, print later», alors «mobile first» devrait signifier «mobile first, desktop later» (le mobile d’abord, le site ensuite). De fait, tous les signaux sont au vert pour que 2014 soit «l’année de la mobilité», comme l’a dit Isabelle André, présidente du Monde Interactif, lors du lancement de la nouvelle application du Monde. Pour l’instant, les rédactions traditionnelles ont tendance à faire les mêmes erreurs que lorsque le Web est arrivé, c’est-à-dire qu’elles dupliquent sur mobile ce qui existe déjà sur leur site d’informations, comme elles dupliquaient sur le Web ce qu’elles produisaient déjà pour l’imprimé. Or il faudrait sans doute, pour bien faire, proposer d’autres formats, et sans doute d’autres sujets aussi, pour le mobile que ce qui est publié sur le site. Avec, en plus, une rédaction dédiée au mobile.
Ce que pense celui qui pose cette question : Est-ce que l’évolution de notre profession va me plaire?
Réponse : Vu l’ampleur de la mutation du journalisme ces 10 dernières années, entre 2004 et 2014, on peut sans risque anticiper des bouleversements dans les pratiques et les usages au moins aussi extraordinaires pour la prochaine décennie. Au programme: cap sur le mobile, beaucoup de data, du journalisme sécurisé et la cohabitation avec des algorithmes. Plus sans doute d’autres expériences de consommation d’information qui ne sont pas encore nées.
Si j’ai oublié des questions à ce bingo, n’hésitez pas à me les signaler, sur Twitter ou sur Facebook.
Alice Antheaume
lire le billetFin d’année scolaire oblige, une nouvelle salve d’étudiants sortent diplômés de l’Ecole de journalisme de Sciences Po et commencent leur vie professionnelle en tant que journalistes. Après deux ans de travail intense, de veille acharnée à la recherche d’informations inédites, de revues de presse, d’enregistrements de flashs, d’écriture de reportages, d’enquêtes, d’animation de “lives”, de travail d’équipe, et d’interactions avec l’audience, une foule de petits détails trahissent maintenant leur profession.
Une fois n’est pas coutume sur ce blog, voici une note humoristique pour leur faire un clin d’oeil de fin d’année.
Si ce contenu vous plaît, n’hésitez pas à le partager sur Facebook et Twitter!
Alice Antheaume
lire le billetC’était la principale annonce de la conférence FT digital media organisée par le Financial Times à Londres, les 26 mars et 27 mars. Mark Thompson, le président du New York Times, a montré en avant-première l’application NYT Now, dont le lancement sur iPhone uniquement est prévu le 2 avril. Pour l’instant, il n’y a pas d’application Android ni de version consultable depuis un ordinateur.
>> Les chiffres de l’offensive mobile >>
«NYT now va donner aux lecteurs un panorama quotidien de ce qu’ils doivent savoir sur la marche du monde», a déclaré Mark Thompson. On y trouve des contenus du New York Times (les «top news»), des résumés chaque matin et soir des informations essentielles en deux ou trois paragraphes (les «briefings»), ainsi qu’une agrégation de contenus, de tweets, de citations, de longs formats, repérés sur les réseaux sociaux («our picks»).
A l’oeuvre, une vingtaine de journalistes, encadrés par Cliff Levy, lauréat de deux prix Pulitzer et ex-chef du bureau de Moscou. Une sorte de mini-rédaction dédiée au mobile. Ici, point d’algorithmes. «A l’ère de la personnalisation, la sélection humaine, et par là, le jugement humain, demeurent fondamentaux», a défendu Mark Thompson, avant d’ajouter: «peut-être pas pour tout le monde, mais pour une part importante et qualifiée de notre audience».
Rédaction mobile
NYT now appartient donc à cette nouvelle catégorie d’applications créée sur l’App Store, les «bite sized news», c’est-à-dire les applications qui permettent de mieux digérer l’actualité via des résumés. Dans cette section, on retrouve News Digest, développée par le petit génie Nick d’Aloisio, 18 ans, ainsi que l’application israélienne Wibbitz, qui vient d’être récompensée par le grand prix 2014 du forum Netexplo.
Disponible pour 8 dollars par mois – Mark Thompson préfère dire 2 dollars par semaine -, NYT now veut séduire une audience habituée à s’informer via smartphone, le plus souvent sans payer. L’idée? Sortir les consommateurs d’infos de leurs comptes Twitter et Facebook. Selon le Nieman Lab, c’est une «démarche offensive surprenante pour un média – et une industrie – qui a été en position défensive depuis si longtemps. Au New York Times, comme dans d’autres rédactions, le mobile compte pour beaucoup dans l’apport de trafic. La moitié des 42 millions de visiteurs uniques mensuels qui transitent par son site provient du mobile (smartphone et tablette).
Digérer l’actualité
Côté commercial, l’application NYT now intégre des «native ads», à savoir des publicités insérées dans des formats jusque là réservés aux contenus journalistiques. «Nos annonceurs sont séduits par l’engagement des lecteurs obtenu sur ces native ads», a justifié Mark Thompson. Or «nos lecteurs numériques rapportent moins que nos lecteurs papier. Voilà pourquoi nous mettons le paquet pour développer de nouvelles offres numériques» et voir progresser les revenus générés par les consommateurs d’informations en ligne – le New York Times a 760.000 abonnés numériques.
Outre l’application NYT now, va aussi être lancée une application cet été dédiée à l’alimentation, une autre aux éditoriaux et opinions, et une offre baptisée «Times Premier», visant une population aisée et des hommes et femmes d’affaires, à 45 dollars par mois. «Le numérique, au New York Times, est une façon de compléter le journalisme écrit, pas de le supplanter», a conclut son patron.
Alice Antheaume
lire le billet