Journalisme et Tumblr, le réseau qui monte qui monte

Crédit: DR

Finie l’adolescence pour Tumblr. Issu du verbe «tumble» – «faire tourner» en français -, ce mélange entre plate-forme de blogs et réseau social, créé il y a déjà 5 ans, en 2007, compte aujourd’hui 90 millions de visiteurs uniques mensuels dans le monde. L’audience de Tumblr a surtout flambé aux Etats-Unis, avec une «hausse de 218%!» en un an, s’exclame Comscore qui conclut «qu’il est grand temps de s’y intéresser».

Et ce, d’autant que Barack Obama a lui aussi lancé à l’automne son propre Tumblr pour la campagne présidentielle américaine de 2012, suivi de François Hollande, promettant de donner à voir les «coulisses de la Web-campagne» française – Martine Aubry était la première à avoir son Tumblr dès la primaire socialiste.

Cadence de publication intense et public ultra-jeune

MISE A JOUR: Coïncidence du calendrier, Tumblr vient d’annoncer vouloir monter en gamme dans le domaine éditorial et cherche des utilisateurs aux compétences journalistiques afin de mieux rendre compte de ce qu’il se passe sur sa plate-forme.

Même si seulement 3.5% du public de Tumblr provient (pour l’instant) de France, ce réseau peut valoir le détour pour éditer et diffuser des contenus journalistiques… mais pas de la même façon que sur un site d’informations traditionnel. Car la double spécificité de Tumblr, c’est 1. l’omniprésence des photos et 2. la possibilité de «rebloguer» des posts aussi vite que lorsque l’on «retweete» (republie, en VF) un message sur Twitter. En un clic, donc.

«Les utilisateurs Tumblr publient en moyenne 14 billets originaux par mois et en rebloguent 3. La moitié de ces billets sont des photos», informent les équipes de Tumblr. «Le reste se partage entre textes, liens, citations, musiques, et vidéos.»

Autres particularités de Tumblr: une interface ultra simple, que facilite encore l’application mobile qui permet de rebloguer les posts des autres et de publier les photos prises avec son smartphone en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, et une audience plus jeune qu’ailleurs. Selon ce graphique publié par Alexa.com, les 18-24 et les 25-34 y sont très présents.

Incarner une voix

«Lorsque je gérais le Tumblr du magazine Newsweek, j’avais deux objectifs», me raconte Mark Coatney, qui a, depuis, été embauché par Tumblr et est devenu leur «évangéliste des médias». «Le premier, c’était de présenter Newsweek, dont les lecteurs ont en moyenne 57 ans, à une audience qui ne le lisait pas. Le second objectif, c’était de casser les barrières entre la rédaction d’un côté et le lectorat de l’autre.»

Bilan des courses: sur le premier point, «cela a bien marché, le Tumblr a drainé une nouvelle génération de lecteurs qui considérait jusque là Newsweek comme une publication pour leurs grands-parents», reprend Mark Coatney. «Mais la vraie plus-value est venue du deuxième point. J’ai publié des choses sur le Tumblr de Newsweek comme si j’étais un individu, quelque chose avec lequel les gens pouvaient communiquer facilement. J’ai reblogué des posts, répondu aux questions, et ai rebondi sur ce que les gens disaient. Cela améliore le système de publication traditionnel, où, en ligne, on relègue dans un ghetto les commentaires de l’audience, ghetto où l’on sait que la rédaction ne va vraiment.»

Contenus visuels d’abord

Et puisque la moitié des quelques 25 millions de posts publiés chaque jour sur Tumblr sont visuels, les histoires qui se racontent en images y trouvent leur compte. Exemple de Tumblr très suivi aux Etats-Unis: celui qui s’appelle «nous sommes les 99% (à n’avoir rien quand 1% de la population a tout)», où des citoyens américains se prennent en photo avec une pancarte indiquant qu’ils sont au chômage, endettés, sans assurance maladie, etc.

Ce n’est donc pas un hasard si le New York Times y publie des photos de mode très grand format et en pleine page. Pas étonnant non plus que le magazine Life exploite le filon, éditant par exemple une photo d’appel sur Tumblr de John F. Kennedy et Jackie Bouvier en tenue de mariés, qui renvoie vers un diaporama publié sur Life.com intitulé «Le jour du mariage de JFK et Jackie».

Ne pas parler que de soi

Extraire d’un contenu publié sur un média une image, une citation, une vidéo, pour mettre celles-ci sur Tumblr est sans doute l’utilisation journalistique la plus facile à mettre en place. Veille journalistique, «curation», sélection des meilleures histoires du jour, telle est la mission que s’est fixé le Tumblr de Reuters, qui renvoie vers des contenus de sa propre agence mais aussi d’autres sources.

Pour Mark Coatney, ce qui fonctionne, c’est lorsque, sur Tumblr, une «voix» incarne de façon personnelle la publication. «Une voix qui dit des choses intéressantes, qui ne parle pas que d’elle-même, qui répond aux autres utilsateurs de Tumblr et qui pose des questions», insiste-t-il. Exemple avec le Tumblr sur les coulisses de l’émission d’Anderson Cooper sur CNN, où les membres de son équipe sont photographiés et interviewés, les invités aussi, les apéritifs et autres festivités sont racontés, et Anderson Cooper lui-même fait l’objet de quelques railleries, notamment lorsque qu’il est saisi sur le vif en train de grimacer au moment de goûter un aliment sur le plateau de télévision.

Ambiance potache

Gifs animés, légendes ajoutées à la va-vite sur des photos – par exemple pour indiquer l’humeur de l’acteur Louis Garrel en fonction de sa tête, archivage d’images rigolotes – comme ce Tumblr sur François Hollande… Les blagues potaches sont le cœur de Tumblr. Atlantic note que «c’est hilarant». Ecrans y voit le «nouveau bastion de la Web culture».

«Tumblr est un outil fantastique pour couvrir la culture numérique du Web», acquiesce Mark Coatney qui regrette de ne pas avoir vu cette possibilité-là du temps où il travaillait encore pour Newsweek. Ce qu’a bien compris la rédaction de CNN Money, qui a lancé un Tumblr sur les nouvelles technologies dont le slogan est «tout ce qui se trouve dans nos carnets, nos emails et nos messageries instantanées».

Car oui, Tumblr peut aussi faire office de vide-poche journalistique: citations ou chiffres laissés de côté au moment de rédiger un article au nombre de signes limité, extrait d’une vidéo, photos prises en coulisses… Pascale Robert-Diard, journaliste au Monde, avait mis le doigt sur cette maximisation des ressources lors de la conférence sur les nouvelles pratiques du journalisme organisée le 2 décembre 2011 par l’Ecole de journalisme de Sciences Po: «Avant, lorsque je suivais un procès, je remplissais des carnets de notes et je ne publiais que 20% (dans le quotidien imprimé, ndlr). Avec mon blog Chroniques judiciaires, j’en publie maintenant entre 80 et 90%.»

Et demain, avec Tumblr, cela pourrait être 100% noté = 100% publié? A une condition: que la matière première recueillie par le journaliste soit, bien sûr, de premier choix.

Utilisez-vous Tumblr? Si vous avez aimé cet article, merci de le facebooker, le tweeter et/ou le tumbleriser !

Alice Antheaume

lire le billet

Le “type du web” répond au grand reporter

W.I.P. demande à des invités de donner leur point de vue. Ici, Julien Pain, responsable du site et de l’émission Les Observateurs, à France 24.

Je me souviendrai longtemps de ma première rencontre avec un grand reporter de France 24. C’était en septembre 2007, juste après mon premier jour au sein de cette chaîne. J’étais parvenu à convaincre les patrons de l’époque que les contenus récupérés sur Internet et les réseaux sociaux pouvaient compléter leur couverture de l’actualité internationale. Pas seulement le site Web de France 24 mais également son antenne. L’image amateure, j’en étais persuadé, allait faire une entrée fracassante dans l’univers télévisuel. Et une chaîne d’infos comme France 24 se devait d’anticiper la mutation si elle ne voulait pas la subir.


Me voilà donc devant un grand reporter, l’une des stars de la chaîne, celui qui a tout vu et tout vécu, qui a bravé la mort autant de fois que j’ai d’années de journalisme. “Est-ce que ça a vraiment un intérêt, tes trucs amateurs?”, me demande-t-il. “Moi je n’ai jamais fait confiance qu’à moi et aux images que j’ai tournées moi-même”. Par politesse, il avait tourné son propos sous forme de question, mais le message était clair: “Tu n’as rien à faire ici”.

Les images amateures sont désormais dans un JT sur deux de France 24

Quatre ans plus tard, la question de ce grand reporter revient à peu près à se demander si, vu qu’on a déjà le fax, le Minitel et les pigeons voyageurs, on ne pourrait pas se passer d’Internet. Les images amateures sont désormais dans un JT sur deux de France 24. Personne n’oserait évoquer le mouvement de contestation en Syrie sans recourir aux vidéos diffusées sur YouTube ou Facebook.

Parce qu’il n’y a pas, ou quasiment pas, d’images tournées par des journalistes dans ce pays. Là où les médias sont bâillonnés, où les journalistes ne peuvent pas accéder, il faut bien se servir du seul matériau disponible, même si la qualité de l’image laisse à désirer et si les vidéos sont tournées par des hommes et des femmes qui n’ont pas de carte de presse.

Après la révolution verte en Iran et les printemps arabes, la bonne question n’est plus “doit-on se servir des images amateures?” mais “comment intégrer ce nouveau type de contenus sans pour autant sacrifier nos standards journalistiques?”. En d’autres termes, comment vérifier la véracité des informations et des images circulant sur le Net?

Nous, les journalistes, avons perdu le monopole de la captation

Même si les reporters traditionnels de France 24 sont allergiques aux images tremblantes et brouillonnes – c’est écrit dans leur l’ADN et c’est normal –, ils savent qu’ils ne peuvent pas être partout tout le temps. Ils savent que désormais d’autres peuvent parfois filmer à leur place.

Nous, les journalistes, avons perdu le monopole de la captation. Le moindre smartphone dispose aujourd’hui d’une caméra. Et, dans cinq ans, les Maliens auront des téléphones portables qui feront passer l’iPhone 4 pour l’Amstrad 464 de mon enfance. Andy Warhol affirmait en 1979 que tout le monde aurait au cours de sa vie ses quinze minutes de célébrité ; j’ajouterais qu’en 2011, tout le monde filmera dans sa vie quelque chose susceptible de passer dans un journal télévisé (une révolution peut-être, plus probablement un accident de voiture).

L’assassinat de l’ancien premier ministre pakistanais, Benazir Bhutto, a été filmé avec un téléphone portable par un amateur en décembre 2007. De même que la mort de Mouammar Kadhafi, en octobre 2011. J’imagine mal un rédacteur en chef se demander si ces images méritaient d’être diffusées (je ne parle pas ici du caractère choquant de ces scènes, ce qui n’est pas le sujet).

J’aimerais pouvoir dire que même le premier grand reporter que j’ai croisé à France 24 est aujourd’hui convaincu de l’utilité de mon travail. Malheureusement, il a sans doute quitté la chaîne en se demandant toujours pourquoi un “type du web” était resté assis à côté de lui aussi longtemps…

Mais j’ai peut-être une dernière chance de le convaincre, car, qui sait?, peut-être lira-t-il ces lignes: je vais donc tenter une dernière fois de lui expliquer ce que je fais à France 24.

Une information ne peut qu’être vérifiée

Je conçois ma pratique journalistique comme une façon de faire émerger une information et des images inédites. J’utilise des outils d’aujourd’hui, le Net et les réseaux sociaux, pour faire le plus vieux métier du journalisme: enquêter.

Et au risque de décevoir notre grand reporter, mon credo n’est pas de «boutiquer» des informations non vérifiées à grand renfort de conditionnel. Je n’aime pas plus que lui l’usage du conditionnel qui se répand dans les médias, et en particulier sur les chaînes d’information. Il n’y a d’information que vérifiée. Appelons le reste conjecture ou rumeur.

>> Information venue du Web, check!, à lire sur WIP >>

Ce qui ne veut pas dire que l’on ne peut diffuser que des images sur lesquelles nous disposons de toutes les informations. Ce serait illusoire dans mon domaine. Il se peut par exemple que, dans le cas d’une image amateure, on ait des certitudes (par exemple le lieu et le contexte), mais que l’on ait des doutes sur un élément (disons, la date exacte). Il arrive que l’on décide tout de même de passer cette image à l’antenne, mais à deux conditions.

Il faut d’une part avertir le téléspectateur sur les données manquantes – et pas uniquement par un vague conditionnel – et d’autre part que ces données manquantes ne soient pas de nature à modifier l’interprétation que l’on fait des images. Une vidéo de Syrie peut avoir la même signification qu’elle date d’avril ou de mai. Mais s’il est impossible de dire si cette vidéo est de 2010 ou de 2011, le risque est grand qu’on se trompe dans son analyse.

“De toute façon, les images amateures sont par essence invérifiables”, me dirait mon grand reporter. Faux. Vérifier une information est l’une des fonctions essentielles du journaliste. Que cette information vienne d’Internet ou qu’elle atterrisse dans votre boîte aux lettres change assez peu la donne. Lorsqu’un pli anonyme trouve son chemin jusqu’au Canard Enchaîné, les journalistes “à l’ancienne” font leur travail: ils enquêtent pour confirmer, ou infirmer, ce qui leur est en général présenté comme parole d’évangile.

Pourquoi ce travail de vérification serait-il impossible sur les réseaux sociaux? Et pourquoi le “type du web” en serait-il incapable?

Le “croisé de la source” ne peut être la seule technique du journaliste, de même que le “planté du bâton” n’évite pas les chutes à ski

On peut vérifier une information venue des réseaux sociaux. A condition bien sûr de savoir utiliser les ressources qu’offrent ces nouveaux outils. Un autre grand journaliste m’a dit que “de son temps on attendait d’avoir trois sources concordantes pour publier une info”.

Fort bien jusque-là, mais lorsque que je lui ai demandé de me donner un exemple de ces fameuses “trois sources concordantes”, il m’a répondu “et bien par exemple tu attends d’avoir l’info de Reuters, AP et AFP”. Quelle leçon de journalisme j’ai prise ce jour-là! Moi qui passe mes journées à essayer de déterrer des tréfonds du web des affaires de corruption en Chine et des vidéos d’exactions en Syrie, je ne savais pas qu’il fallait attendre “les trois agences” pour pouvoir affirmer que j’avais vérifié. J’imagine comment mon glorieux aîné aurait apostrophé Bob Woodward et Carl Bernstein, les journalistes qui ont révélé le scandale du Watergate, s’il en avait eu l’occasion: “mais l’AFP et Reuters ont-ils confirmé l’info?”

Internet, qu’on dit malade de ses fausses informations, porte souvent en lui-même son antidote

A l’évidence, le croisé de la source ne peut être la seule technique du journaliste, ancien ou moderne, de même que le planté du bâton n’évite pas les chutes à ski. Je n’ai pas de recette miracle en matière de vérification des contenus amateurs. C’est  du cas par cas, comme toute enquête.

Internet, que l’on dit malade de ses fausses informations, porte souvent en lui-même son antidote. Par exemple, l’analyse des données cachées  dans le fichier d’une photo récupérée sur le net donnera, à qui sait les interpréter, bien plus d’éléments de vérification que la même image développée sur papier.

De même, les réseaux propagent certes les rumeurs et les contrefaçons, mais ils donnent également accès aux journalistes à une multitude “d’experts”, ou de petites mains, capables de déceler les faux qui circulent effectivement sur le web. Pour savoir que la prétendue photo du cadavre de Ben Laden était bidon, nul besoin de passer des heures à la scruter au microscope, il suffisait de lire ce qu’en disaient les internautes sur Twitter.

Loin de vouloir remplacer le travail des reporters, je n’ai d’autre ambition que de le compléter

Dans cet article, je semble m’acharner sur un grand reporter. Mais c’est parce que j’ai voulu personnifier l’incompréhension, et les sarcasmes que j’entends parfois. Les reporters, grands ou petits, ont tous la même ambition: aller à la rencontre de gens et d’histoires qu’ils seront les seuls à raconter.

Moi-même j’espère faire cela. Je creuse, je fouille et tamise les réseaux comme les reporters traditionnels arpentent, eux, le terrain. On m’accuse  d’œuvrer à la disparition du journalisme de terrain. Pourtant, loin de vouloir remplacer le travail des reporters, je n’ai d’autre ambition que de le compléter. Le journalisme tel que je le conçois ne peut survivre sans reportage, alors qu’il a très bien vécu sans images amateures. Les nouveaux réseaux de l’info nous offrent de fabuleux outils pour raconter le monde, ne nous en privons pas.

Julien Pain

lire le billet

Glued to liveblogging

The death of Mohammar Qadaffi. The G20 Summit in Cannes. Soccer matches. Political debates. How to keep on top of the latest information? Today, these breaking news stories are all being reported instantaneously via liveblogging. This cutting-edge digital publication format enables real-time reporting of an event, by mixing text, photos, videos, social media content, and audience interaction. And it is an incredible lure for readers.

According to estimates, it accounts for at least 30% of the traffic to a general news web site, a percentage which is increasing rapidly. Moreover, since web-users remain significantly longer on news sites using this format, liveblogging has also become an important factor in audience engagement.

>> Read this article in French >>

UPDATE. On Monday, November 14, France Televisions launched its continuous news platform, available on the Web and on mobile devices. (1) This project advances the concept of liveblogging to the extreme – for now. Effectively, it is based on a continuous live blog which disseminates, from 6 am to midnight (stories such as the strike at the Employment Department, the nomination of Mario Monti, the latest on DSK, the hostages liberated in Yemen, etc.), via video, photos, and written content. All this is created by livebloggers, a new breed of journalists who have become specialists in digital blogging, and who answer the audience’s questions and comments about the news in real time.

In terms of the editorial slots for importance of news, liveblogging follows this structure: if the news is of lesser importance, three written lines will suffice. If it’s a major news story, it will be the object of several entries, with various angles of development of the story, either included in that day’s live blog on the topic or covered in a different thread.


For Nico Pitney, executive editor of the Huffington Post, in an interview by the Nieman Lab, two out of three web users are attracted to liveblogging.  “We basically imagined three types of readers,” Pitney said. “One who just wanted the key facts from the story, a solid overview that’s basically a traditional news story. This person is not interested in the minute details and the live-blog coverage. Then there’s another type of user who already knows the overview and does want the key facts and live-blog coverage. And finally there’s a third kind of user — and we count this as a large percentage of our users — who wanted the overview, but then once they saw the live blog, it got them in deeper, and it made them more engaged in the story.”

And, of course, readers remain glued to their screens, caught in the spell of the live blog, a and the promise of instant updates on a big story as it unfolds.

Liveblogging: the new TV

Why are live blogs so endlessly appealing? This was the key question at a workshop organized last week at a Journalism Conference in Poitiers, France. (2)

“Readers feel as though they are creating the news,” explained Karine Broyer, Editor-in-Chief for Internet and New Medias at France 24. “During the events in Egypt, some people were asking questions on the live blog for our special correspondent, who was on location at Place Tahir in Cairo. They addressed him by his first name, Karim. And if the question was relevant, Karim Hakiki answered on the spot, perhaps giving readers the impression that their comments had played a part in the creation of the news.”

“During the televised debates of for the French Socialist Party Primary, we chose not to have a live blog on the site – too France-centric for an international media source like France 24. Perhaps we made a mistake; I don’t know. Our viewers ranted on Twitter, ‘Are you asleep or what? You have to liveblog this…’”

Types of comments on live blogs

“Internet users are participants,” notes Jonathan Parienté, a journalist covering the presidential elections at LeMonde.fr. He cites three basic forms of comments on live blogs:

1. Basic comments such as “I like, I don’t like/ It’s good, it’s not good”
2. Comments that are questions
3. Comments that add information to the story.

Whereas by default on lemonde.fr, no comment is published in a live blog until screened and approved by the editorial team, in general the rules are simple: a type 1 comment is kept if the reader expands a bit on his or her opinion; but to be honest, it doesn’t have much journalistic interest. Type 2 forms the bulk of the comments that are published in live blogs and are useful in articulating the editorial position, giving a visual sense of a dialogue between readers and editors, the latter remaining in an ultimate position of arbiters. Type 3, quite rare, is very useful from a journalistic point of view, and naturally requires verification and fact-checking before it can be published. But it can sometimes change the course of the story, since the information is coming from outside of the editorial department.

What are the successful elements of a great live blog?

It is first and foremost a question of the interest level of the story, according to Karine Broyer. “98% of the live blogs that we launch are based on breaking news.”

In addition to the compelling aspect of the news item, there are several factors key to the success of a live blog:

  • if the live blog is happening during the work day, which is considered prime time for readers on a news web site
  • if the news item of the live blog is an unfolding story, with if possible, new developments (the DSK affair, the Arab revolutions, and Fukushima are all textbook examples)
  • if the format contains several URLs: one URL to represent the entire live blog, and separate URLs for each live blog entry.

On a tool like “Cover It Live“, used by the majority of news sites in France (La Nouvelle République, Le Monde, Libération, France 24, etc.), the live blog has only one unique URL. Other sites developed internally, such as the Huffington Post, attribute one URL per blog post and thus increases the rate of sharing on social networks, allowing any user to cite the content of the live blog, a photo, an explanation or a quotation, as opposed to linking to a general title such at “live coverage of such-and-such event.”

At the Sciences Po Journalism School, learning to build liveblogging format has been a part of the curriculum since September 2010, on the same level as training for television reporting or a radio news flash. The ability to report happenings instantaneously, to give context to the news, put events into perspective, respond to readers’ questions, and to fact check, requires professional acumen and ability. And stamina, especially when the liveblogging on a particular topic goes on for days or weeks, as witnessed by Reuters sur Fukushima, from March 11 -26, which lasted 15 days and covered 298 pages.

Do too many live blogs kill the live blog?

Let’s think about it: in the end, if all media liveblog the same topics at the same time, will it lose interest? “I’m not going to stop liveblogging simply because everyone else is doing it,” says Karine Broyer. Especially since — depending on the subject at hand, the sources, the links that are included, the tone and the tempo — no two live blogs are the same, according to Jonathan Parienté. So, not to worry: there’s room for all in this growing new medium. It is, after all, is still in the experimental phase. Florence Panoussian, who oversees Web and Mobile Editorial for AFP, looks at it this way: “Having multiple live blogs is like having multiple traditional media.”

(1) Bruno Patino, Director of Digital Strategy at France Télévisions, is also the Director of the School of Journalism at Sciences Po, where I work.
(2) Workshop which in which I was a presenter. Thanks to Bérénice Dubuc, Jean-Christophe Solon, Karine Broyer, Jonathan Parienté, and Florence Panoussian, for these pour ces échanges.

Alice Antheaume (translated by Polly Lyman)

lire le billet

Etude Orange et Terra fémina: comment les réseaux sociaux bousculent l’info

Le temps où l’info sur le Web était réservé aux happy few est loin. Plus de 7 Français sur 10 consultent des informations sur Internet, via les portails d’actualité (Google Actualités, Yahoo! Actualités, etc.) ou les sites des grands médias (lemonde.fr, nouvelobs.com, lefigaro.fr,…), révèle une étude réalisée sur 1.005 personnes âgées de 18 ans et plus par l’Observatoire Orange et Terra Femina et intitulée de «20h à Twitter: les réseaux sociaux bousculent l’info».

Dans ce cadre, l’affaire DSK a été un cas d’école pour les médias, partant d’un tweet d’un étudiant amateur en mai et aboutissant à l’interview de l’ex-patron du FMI dans le JT de Claire Chazal en septembre.

Résumé des chiffres tirés de cette étude (pour laquelle j’ai été témoin, ce mardi 11 octobre 2011, lorsque ses résultats ont été dévoilés).

Crédit: Orange et Terra Femina

  • Le besoin de temps réel

La première des raisons invoquées pour consulter un site d’infos? «Accéder à l’information le plus vite possible» pour 32% des interrogés. Avoir toutes les informations disponibles au moment où l’on se connecte est une nécessité pour les utilisateurs, habitués à réactualiser leurs pages des centaines et des centaines de fois par jour.

  • Les accélérateurs de temps réel

Deux facteurs accélèrent la consultation en temps réel, insiste l’étude de l’Observatoire Orange et Terra Femina :

1. l’inscription aux réseaux sociaux – selon l’étude, le fait de se connecter plusieurs fois par jour sur Internet est corrélé à la possession de comptes sur Facebook et /ou Twitter…

2. la possession d’un téléphone mobile. Avec qui l’on dort, que l’on consulte avant de se coucher, et au moment du lever. Sur lequel on veut consulter, donc, des contenus adaptés à cette consommation. Pour rappel, selon une étude réalisée par Ericsson en mai 2011, 35 % des possesseurs de smartphones aux Etats-Unis se connectent sur une application de leur mobile, avant même d’être sortis de leur lit.

  • Le besoin de contexte

Quel est le reproche fait aux médias numériques? Qu’ils offrent le «risque de diffuser des informations non vérifiées» pour 59% des sondés et qu’ils «manquent d’analyse de l’information» pour 30% d’entre eux. Une bonne raison pour les journalistes d’offrir du fact checking en temps réel?

  • La poussée des réseaux sociaux

Toujours selon l’enquête «20h à Twitter: les réseaux sociaux bousculent l’info», 53% des Français interrogés possèdent un compte sur Facebook, le réseau social aux 800 millions d’inscrits dans le monde qui vient de sortir sa nouvelle mouture. Quant à Twitter, il est peu moins populaire: seuls 8% des internautes français y sont inscrits. Néanmoins, pas besoin d’y avoir un compte pour suivre ce qu’il s’y passe, comme en témoigne ce chiffre: 15% des internautes déclarent «suivre le compte Twitter d’un proche ou d’une personnalité».

  • Le besoin de partage

D’après l’étude, 37% de personnes diffusent, souvent ou de temps en temps, un lien vers un article, une vidéo ou une image sur un réseau social. Et si les réseaux sociaux les intéressent, c’est parce qu’ils leur permettent de «partager des informations» pour 66% d’entre eux. Reste à savoir quel type d’informations et à quelle fréquence

AA

lire le billet

Information venue du Web, check!

Crédit: DR

Comment être sûr qu’un témoignage, publié sur un réseau social, est authentique? Comment s’assurer qu’une image n’est pas un photomontage ou un vieux cliché ressorti des limbes? En glanant, sur le Web , des éléments pour couvrir l’actualité en temps réel, les journalistes doivent repérer les «fakes», ces faux (messages, photos, vidéos, comptes) qui cohabitent, en ligne, avec de vraies infos. Sans précaution ni vérification, c’est la faute de carre. Aussitôt relayée – et moquée – à son tour.

L’enjeu, pour un journaliste, c’est de vérifier que, par exemple, le tweet publié par un étudiant annonçant l’arrestation de Dominique Strauss-Khan, en mai 2011, ou la photo de l’avion sur l’Hudson diffusée sur Twitter par un citoyen américain, en janvier 2009, correspondent à la réalité.

«Il n’y a pas de recette miracle, la vérification des contenus trouvés en ligne passe par un travail d’enquête journalistique», m’explique Julien Pain, responsable du site Les Observateurs pour France 24. Outre Atlantique, les journalistes de Times Union considèrent «les propos glanés sur les réseaux sociaux de la même façon qu’un email anonyme, une information entendue à la télévision, ou un témoignage d’un homme dans la rue: toutes ces sources peuvent nous alerter sur un sujet potentiel, ou sur les détails d’un sujet. Dans tous les cas, nous vérifions tout de façon indépendante avant de le raconter dans le journal ou sur notre site.»

Voilà pour la théorie. Mais en pratique, comment faire? Y a-t-il des outils spéciaux? Faut-il recouper les sources comme le veut la méthode traditionnelle d’enquête? Voici cinq étapes, basées sur les pratiques de journalistes professionnels, en France et à l’étranger, pour vérifier une potentielle information venue du Web.

  • 1. Identifier l’auteur du contenu

C’est le premier réflexe à avoir. Il faut d’abord repérer le compte (sur Twitter, sur YouTube, sur Facebook, sur un site de presse, etc.) de celui ou celle qui, en premier, a évoqué un élément d’info. Puis découvrir si le nom affiché sur ce compte est un pseudonyme ou le vrai patronyme de cette personne. Ensuite récupérer son numéro de téléphone, son compte Facebook ou son adresse email pour entrer en contact avec elle, et espérer pouvoir rapidement procéder, via téléphone, à une interview.

Ce premier contact permet de vérifier l’élémentaire, via des questions basiques 1. Le témoin se trouve-t-il bien sur les lieux de l’événement dont il parle en ligne? (si un témoin prétend sur Facebook qu’il y a le feu dans un immeuble du 18e arrondissement de Paris et qu’il est joignable sur un numéro de l’Est de la France, méfiance) 2. Le témoin peut-il donner des détails sur ce qu’il s’est passé (date, heure, circonstances, nombre de personnes présentes)? 3. Le témoin peut-il décliner son identité? 4. Le témoin peut-il dire avec quel matériel il a publié son contenu en ligne?

«C’est toute la question du crédit que l’on apporte à celui qui aurait posté une vidéo sur YouTube», reprend Julien Pain. «Pour m’assurer que mon contact est bien celui qui a filmé la scène, je lui demande de m’envoyer son fichier original, avant encodage sur YouTube. Si c’est bien lui qui a produit le contenu, il doit avoir ce fichier. Si le type me dit “euh, je ne sais pas où je l’ai mis”, il n’est pas une source fiable.»

Même processus du côté de la BBC, qui dispose de journalistes regroupés dans une section spéciale, l’«UGC Hub» (UGC= user generated-content, c’est-à-dire les contenus générés par les utilisateurs). Ceux-ci traquent et vérifient tout ce qui vient du Web, comme le décrit Nicola Bruno dans son excellente recherche «Tweet first, verify later» pour le Reuters Institute for the Study of Journalism. On peut y lire que, pour James Morgan, un journaliste de la BBC, «le meilleur moyen pour authentifier une personne est de lui parler. Si cette source n’est pas légitime, elle buttera très vite pour répondre à des questions factuelles», comme par exemple «qu’est-ce que vous voyez autour de vous?».

Problème, dans les pays arabes, c’est beaucoup plus compliqué d’entrer en contact avec le producteur du contenu en question. Et ce, pour plusieurs raisons. Parce que l’accès à Internet peut être suspendu, comme en Egypte ou en Libye, empêchant les manifestants d’envoyer eux-mêmes des nouvelles en ligne. Certains ont alors fait parvenir leurs messages par SMS à des connaissances, parfois situées à l’étranger, afin que celles-ci les transfèrent sur les réseaux sociaux via, cette fois, une connexion au Web opérante. Et, parce que la difficulté du réseau et des communications étant ce qu’elle est, cela peut prendre des heures à un journaliste pour joindre quelqu’un. A ce titre, la Syrie est très difficile à couvrir, d’autant que les journalistes professionnels ne sont pas autorisés à s’y rendre. «Sur place, les gens ont peur d’être repérés, donc ils ne cessent de changer leurs numéros de téléphone, et leurs cartes SIM. Parfois, tu passes une journée à appeler sur des numéros, et aucun n’aboutit».

  • 2. Fournir le contexte

Une photo d’un tremblement de terre en Chine de 2008, publiée par erreur pour évoquer le séisme d’Haïti, en 2010, c’est arrivé. Une vidéo qui prétend montrer un massacre en Côte d’Ivoire en mars 2011 alors qu’elle concerne sans doute un autre Etat africain, à une date antérieure, également.

A France 24, ce travail de contextualisation repose sur «le réseau». En clair, une base de données de 30.000 personnes dans le monde qui se sont inscrites sur le site de la chaîne «en disant qu’elles voulaient collaborer avec nous», précise Julien Pain, dont 3.000 «avec qui nous avons déjà travaillées», et dont certaines habitent dans des villages d’Afghanistan. A quoi cela sert? «Si j’ai une vidéo soi-disant tournée dans un coin reculé du Mali, j’essaie de contacter quelqu’un qui habite tout près de ce lieu, répertorié dans la base de données. Je lui envoie la vidéo, il me dira si les images correspondent à son environnement, si les codes vestimentaires des gens que l’on voit sur la vidéo sont ceux de la région, si les murs des maisons sont bien peints comme cela dans cette zone, etc.»

Outre les indications de lieu, reste à s’assurer de la date de la prise de vue, qui n’est pas forcément celle de la mise en ligne. Et bien sûr, à essayer de comprendre – et raconter – ce qui est survenu avant et après la séquence filmée. «Le contexte, c’est le plus important», reprend Meg Pickard, un journaliste du Guardian interrogé dans le cadre de la recherche du Reuters Institute for the Study of Journalism. «Sur un live, tu peux dire des choses sans avoir toutes les données, en précisant qu’il y a des éléments que l’on ne connaît pas, ou dont on n’est pas encore sûr. Si quelqu’un prétend en ligne qu’une bombe a explosé à Londres, on pourra l’utiliser dans le format du live, dont l’essence est l’instantanéité. On pourra même tweeter “quelqu’un a-t-il entendu parler de cette bombe?” pour obtenir plus d’informations. Mais ça ne fera pas, tel quel, le titre d’un article. Et cela ne sera peut-être jamais publié dans le journal».

  • 3. Recouper l’information

«Nous devons toujours recouper les informations factuelles trouvées sur des réseaux sociaux, en prenant garde au risque d’histoires fabriquées de toutes pièces sur Internet», détaille l’AFP dans ses principes pour les réseaux sociaux. Selon l’agence française, une déclaration trouvée sur un réseau social «ne doit pas être utilisée comme source pour annoncer un événement ni pour décrire un événement en cours, sauf si – comme pour un autre canal d’information – nous sommes certains de l’authenticité du compte sur lequel elle est publiée».

Et de rappeler une erreur commise: «Nous nous sommes ainsi laissés prendre dans le passé à un faux compte Twitter sur lequel le ministre britannique des Affaires étrangères était censé avoir envoyé un message de condoléances après la mort de Michael Jackson, se concluant par les mots: “RIP, Michael”.»

A Times Union, près de New York, la vérification repose sur «une combinaison de plusieurs choses: interviewer une personne qui raconte l’histoire, vérifier l’histoire dans des documents officiels s’ils existent (documents judiciaires, données de la police, chiffres, etc.), et obtenir des détails auprès d’institutions, communiqués, ou conférences de presse».

La sacro-sainte règles de la concordance des sources (c’est-à-dire obtenir de plusieurs personnes la même histoire avant de publier l’information) tient-elle? Tout dépend du contexte (voir point précédent). «En Libye, c’est très facile d’avoir trois personnes qui te disent la même chose, et tu te rends compte ensuite que c’est une légende urbaine. Tes sources arguent que “tout le monde le dit ici, donc c’est vrai”», déplore Julien Pain. Dans ce cas, «avoir des sources concordantes ne veut rien dire», tranche-t-il. «Je préfère avoir la version d’une personne fiable que je connais, que trois personnes qui me disent certes la même chose mais avec qui je n’ai jamais collaboré».

  • 4. Décoder la technique

Quel appareil a permis de prendre cette photo? A-t-elle été modifiée? Y a-t-il un flash? Ces spécificités, bien utiles pour comprendre l’histoire d’une image, sont parfois disponibles en faisant un clic droit sur le fichier original pour accéder à «lire les informations». Avec un peu de chance, on peut voir si c’est une application iPhone qui a permis de prendre le cliché, si l’image a transité par email, et à quelle date et heure remonte la dernière ouverture du fichier.

Cette simple opération peut se révéler caduque, les données des images trouvées en ligne n’étant pas toujours disponibles.

Autre option: rechercher le parcours d’une image (ou ligne ou téléchargée sur votre bureau) sur le site Tineye, dont se servent Associated Press et la BBC. En scannant la photo, le moteur de Tineye retrouve, sur Internet, les images qui lui ressemblent, «photoshopées» ou pas. Ce qui facilite la vie d’un journaliste lorsque celui cherche à reconstituer les divers éléments d’un montage.

Quant à l’AFP, elle s’est dotée d’un logiciel appelé Tungstène qui analyse les métadonnées des images pour «voir si un objet ou une personne ont été retirés d’une photo, si un missile a par exemple été dupliqué sur une photo de guerre, si une foule a été densifiée ou si une image a été “surdéveloppée” pour la dramatiser – comme ce fut le cas avec une photo du volcan islandais Eyjafjöll.»

Ce logiciel, très coûteux, ne résout pas tout, d’autant que les données peuvent être modifiées à dessein. Mais disons que c’est un outil supplémentaire dans la vérification de l’authenticité des clichés.

  • 5. Surveiller le réseau

C’est l’étape la moins empirique, et pourtant… Surveiller ce qui se dit sur le réseau, sur Twitter, sur Facebook, sur les blogs, et observer ce qu’écrivent amateurs et professionnels sur les morceaux d’informations glanés en ligne permet au journaliste de cerner plus vite ce qui suscite les doutes et les questions. L’exemple de la photo truquée de Ben Laden mort est éloquent. Aussitôt l’image de cet homme au visage tuméfié mise à jour, des interrogations sur l’origine de la photo et son authenticité ont affleuré sur les réseaux sociaux, avant que le bidonnage soit révélé, relayé encore une fois en ligne.

Du contenu, du contexte et du code: telle est la loi des «3C» définie par le blog britannique Online journalism. Une règle qui pourrait supplanter celle des «5W» – who (qui), what (quoi), when (quand), where (où), et why (pourquoi) – dont les journalistes se servent pour produire leurs contenus.

Vous avez aimé cet article? Likez-le sur Facebook et/ou tweetez-le… Merci.

Alice Antheaume

lire le billet

Les critères d’un contenu facebookable

Crédit: Flickr/CC/dkalo

Il y a les titres «Google friendly». Maintenant, il y a les contenus «facebookables». Encore un mot anglais que j’aurais pu ajouter au jargon des journalistes en ligne. Selon le dictionnaire urbain, cet adjectif signifie que le contenu vaut la peine d’être publié sur Facebook et peut générer de l’intérêt auprès des 500 millions de membres et quelques du réseau social.

Alors que le réseau social de Mark Zuckerberg vient de lancer une page intitulée Journalists on Facebook, de la même façon que Twitter répertorie les meilleures pratiques journalistiques, il faut croire qu’il y a une audience, sur Facebook, intéressée par la consommation d’informations. «Depuis début 2010, les médias ont vu, en moyenne, une hausse de plus de 300% de leur trafic en provenance de Facebook», assure l’entreprise de Palo Alto.

«Qui vous dit d’aller voir cet article?», feint d’interroger Christian Hernandez, directeur du développement international de Facebook, lors d’une conférence organisée par The Guardian, à Londres. Réponse: «Ce n’est ni un éditeur ni un algorithme (pique à Google au passage, ndlr), c’est votre ami. Facebook engendre du trafic.»

Sauf que, d’après les expériences menées ici et là, les contenus d’informations ne vont pas tous de pair avec Facebook. Lesquels «trouvent leur public»? Lesquels échouent? Quels sont les critères d’un contenu «facebookable»?

  • Critère numéro 1 : Le contenu doit être visible dans le newsfeed de Facebook

Le newsfeed, c’est le fil d’actualités de Facebook, présent dans la colonne centrale de la page d’accueil, là où sont visibles les liens qu’aiment vos amis, les photos sur lesquelles ils figurent, les commentaires qu’ils ont posté, etc. Or tous les contenus ne remontent pas de la même façon dans le newsfeed. Leur visibilité – et la durée de leur visibilité – dépend de leur popularité, déterminée par l’algorithme de Facebook.

Comme Google a son algorithme (le page rank) pour indexer les pages Web, Facebook a le sien (le edge rank) pour indexer les contenus dans le fil d’actualités. «Contrairement au super secret Google, Facebook a partagé le fonctionnement de son algorithme pour classer et filtrer ce qui apparaît dans le newsfeed», indique la société de marketing Hubspot sur son blog.

Le edge rank repose sur trois éléments: 1. L’affinité de la personne/l’organisation qui partage le contenu avec l’utilisateur (plus ces deux-là ont déjà interagi ensemble, via des commentaires, des likes, des partages de liens, plus le contenu produit par l’un remontera dans le newsfeed de l’autre) 2. La popularité (le nombre de commentaires et de likes recueilli par le contenu) 3. La fraîcheur (la date du contenu, sachant qu’un contenu partagé il y a plus de 24 heures n’apparaîtra probablement plus dans le fil).

«L’interaction fait remonter le contenu dans le ranking», me confirme Matthieu Stefani, co-fondateur de Citizenside, et consultant sur les réseaux sociaux. Dans mon newsfeed, je ne vois pas forcément les articles produits par les pages que j’ai likées. Pourtant, ces pages ont bien produit des contenus. Cela veut dire qu’elles ne sont pas en affinité avec moi, mes goûts, mes commentaires, mes likes. Donc Facebook considère que c’est du spam, et ne l’affiche pas – ou très peu – dans mon newsfeed.»

Dans ce cas, difficile de renverser la vapeur. «Si le contenu partagé par une personne ou une organisation fait 0 like et 0 commentaire, cela fait baisser la visibilité» de cette personne ou cette organisation dans le newsfeed, y compris pour les prochains contenus qu’elle aura à partager. Problème, soulève Matthieu Stefani, «comment faire pour remonter dans le newsfeed quand vos contenus ne s’affichent plus dans le fil d’actualités?»

  • Critère numéro 2 : L’éditing du contenu doit interpeller

«Nous avons remarqué que lorsque nous mettons des points d’interrogation et/ou des points d’exclamation en nombre sur Facebook, notre communauté réagit davantage, décrit Sarah Herz, directrice des activités digitales de Condénast, qui détient notamment Vogue et Glamour. Nous n’hésitons pas à nous servir du registre de l’émotion».

Du côté de L’Express, Thomas Bronnec, rédacteur en chef adjoint, précise que si les titres sont les mêmes sur lexpress.fr et sur Facebook, le «lancement» (les quelques lignes qui accompagnent le contenu) est travaillé sur Facebook de façon à «interpeller la communauté et l’inciter à débattre». Ainsi, pour aller avec l’article intitulé Rama Yade doit “se taire ou quitter son poste”, les quelques lignes qui vont avec, ce dimanche, s’adressent à la communauté sur le mode interrogatif: «Rama Yade devrait-elle être condamnée à ne pas parler politique, parce qu’elle est ambassadrice à l’Unesco? Etes-vous d’accord avec Gérard Larcher, le président du Sénat, qui lui demande d’observer un devoir de réserve?»

  • Critère numéro 3 : Le contenu doit encourager l’action

Plus vous employez des verbes d’action, plus vos fans y répondront, promet le site Mashable, pour qui la conduite à tenir est simple. «Vous voulez que vos fans expriment leur opinion sur un sujet? Demandez leur. Vous voulez qu’ils partagent leurs contenus favoris avec vous? Demandez leur. Vous voulez qu’ils partagent vos contenus? Demandez leur. Maintenant, vous avez compris.»

C’est ce que l’on appelle le «call to action», reprend Matthieu Stefani. «Ecrire “Et vous?”, “Qu’en pensez-vous?”, “Donnez une légende à cette photo”, bref demandez aux gens de faire quelque chose, cela marche, ils le font. Avec cette incitation, ils seront deux fois plus nombreux à interagir avec le contenu», ce qui favorise la visibilité de celui-ci (cf critère numéro 1). Parfois même, note Fabrice Pelosi, éditeur de Yahoo! Finance en France, les membres de Facebook «ne cliquent pas sur le contenu, mais le commentent quand même».

  • Critère numéro 4 : Le contenu doit éviter les pensées négatives

Les contenus les plus partagés? Ceux qui sont «positifs», rigolos et pédagogiques. Comme ailleurs, les contenus parlant de sexualité bénéficient du plus fort taux de partage, selon l’enquête de l’expert américain des médias Dan Zarella. Les contenus les moins partagés? Ceux qui provoquent la colère, l’anxiété ou la tristesse, selon une autre étude sur la viralité, produite à l’Université de Pennsylvanie par Jonah Berger and Katherine L. Milkman à propos des articles les plus envoyés du New York Times.

L’insolite et le LOL sont ainsi très prisés sur Facebook, comprend Fabrice Pelosi. Ce qu’il faut, ce sont des contenus qui racontent des «histoires extraordinaires qui ne nécessitent pas de prendre position, ni de défendre une opinion, mais dont le récit se suffit à lui-même». L’équation quasi parfaite pour un contenu viral sur Facebook, c’est, selon cet éditeur, l’alliance entre LOL et politique. L’un des articles de Yahoo! Finance les plus partagés sur Facebook est celui-ci, qui raconte comment Nicolas Sarkozy n’a pas su répondre à une question d’un journaliste italien sur… la tentative d’OPA de Lactalis sur Parmalat. «Cet article a été partagé plus de 3.000 fois, une réussite».

A l’inverse, l’information parue ce week-end sur la découverte du tronc de Laëtitia Perrais est peu «facebookable», estime Matthieu Stefani, «parce que ce contenu est difficile à liker». Un cas de conscience déjà relevé par les éditeurs au moment de l’apparition du bouton «like» en 2010. Comme le soulignait Jennifer Martin, directrice des relations publiques pour CNN Worldwide, il est très compliqué de voir des utilisateurs dire qu’ils «aiment» un article relatant un fait tragique.

Pour Christian Hernandez, de Facebook, les utilisateurs «likent» surtout ce qui les passionnent. «Les utilisateurs viennent sur Facebook, gratuitement, parlent de leurs passions, et veulent voir leurs passions en photos, qu’il s’agisse de leur anniversaire, leur bébé ou leur joueur de foot préféré».

  • Critère numéro 5 : Le contenu doit être indiqué par une adresse URL compréhensible

Les raccourcisseurs d’URL, c’est pratique mais cela ne permet pas de savoir sur quel site vous allez atterrir si vous cliquez dessus. Voilà pourquoi, selon la recherche Buddy Media publiée en avril sur les stratégies de publication efficaces, le taux de clic est trois fois plus fort sur Facebook si vous utilisez une URL compréhensible, avec des mots clés repérables par les utilisateurs.

De même, et toujours selon l’étude Buddy Media, les statuts de moins de 80 caractères sur Facebook ont plus de chances de récolter l’interaction des utilisateurs que les longs calibres. Du court, donc, mais moins court que les 140 signes de Twitter.

  • Critère numéro 6 : Le contenu doit avoir une photo percutante

Sans surprise, les contenus comportant une photo ou une vidéo ont plus de succès sur Facebook qu’un simple texte. «Pourquoi? Parce qu’on repère mieux dans le newsfeed les contenus dotés d’une image impactante», m’explique Matthieu Stefani, en citant l’exemple de l’AFP qui, sur sa page Facebook et grâce à son réseau de photographes, met en avant des contenus avec des photos étonnantes, colorées, qui attirent l’oeil. «Un outil marketing», donc.

  • Critère numéro 7 : Le contenu doit être publié au bon timing, plutôt les week-end et tôt le matin 

Source: The Science of timing

Selon la récente étude The Science of timing publiée par Hubspot, les week-ends sont le meilleur moment pour poster des contenus. «J’ai observé comment faisaient les rédactions américaines comme CNN, New York Times et le Washington Post, Mashable, sur leurs pages Facebook, analyse Dan Zarella, qui a mené l’étude The Science of timing. Le volume de contenus postés sur Facebook est plus important en semaine que le week-end, or sur le réseau social, les utilisateurs partagent le plus de contenus les samedi et dimanche».

Et pour Dan Zarella, cela s’explique. «51% des sociétés américaines bloquent l’accès à Facebook pour leurs salariés», donc ceux-ci se rattrapent le week-end, lorsque leur accès au Web n’est plus limité. En outre, «il y a moins de bruit» les samedi et dimanche, ce qui permet aux utilisateurs de porter davantage d’attention aux plus rares contenus visibles à ce moment-là.

Autre donnée issue de l’étude The Science of timing: sur Facebook, les articles partagés très tôt le matin, vers 8 heures, voire la nuit, sont plus partagés que ceux publiés l’après-midi. Un phénomène également noté par Fabrice Pelosi, qui ajouterait au spectre le moment de l’après déjeuner, également propice au partage d’informations sur Facebook. Au final, l’étude The Science of timing porte davantage sur «quand ne pas» plutôt que sur «quand», écrit le Nieman Lab, le laboratoire d’Harvard, qui le martèle: mieux vaut s’adresser au public quand il est mesure d’écouter.

Source: The Science of timing

 

«Au 21e siècle, la clé pour un média est sans doute de détenir toutes les connaissances possibles sur le comportement de l’audience, et non de produire le plus de contenus populaires, écrit Tom Rosenstiel, le directeur du centre du Pew Research Center’s Project for Excellence in Journalism, en démontant cinq mythes à propos du futur du journalisme. Savoir quels sites les gens visitent, quels sont les contenus qu’ils regardent, les produits qu’ils achètent, et leur localisation géographique permet aux annonceurs de mieux cibler des particuliers. Et ces connaissances, ce sont les entreprises de nouvelles technologies qui les ont, pas les producteurs de contenus.»

Entre les lignes, ce média qui détiendrait «toutes les connaissances possibles sur le comportement de l’audience», c’est bien sûr Facebook. Le réseau social connaît mieux les «lecteurs» que les éditeurs – de presse et de contenus – eux-mêmes. Bien mieux, en effet, car Facebook sait quels sont leurs goûts, leur réseau d’amis, leur comportement, leur consommation de liens et de contenus.

A mon tour de faire un appel à votre action. Partagez cet article sur Facebook!

Alice Antheaume

lire le billet

Journalisme et réseaux sociaux: 8 tendances venues des Etats-Unis

Deux semaines en «mission» aux Etats-Unis, une quinzaine de visites dans des rédactions dont le Washington Post, NPR, Fox News, CNN, Politico, Bay Citizen, et des rendez-vous auprès des entreprises de nouvelles technologies, dont Google et Twitter. Quel bilan? Quelles tendances relever? Quels sujets préoccupent les journalistes américains? Quels sont les nouveaux usages qui émergent? Résumé.

  • Le rôle de «social media editor», c’est fini?

En décembre dernier, le New York Times a supprimé ce poste créé un an et demi plus tôt, occupé par Jennifer Preston, qui est désormais retournée au pôle reportages. Pour Preston, interrogée par le site Poynter, la création d’un poste de «social media editor» est une étape dans la vie d’une rédaction, mais une étape temporaire. «Les réseaux sociaux ne peuvent pas appartenir à une seule personne. Cela doit faire partie du travail de tous les journalistes et faire partie du processus éditorial et de la production existante.»

Cindy Boren, social media editor dédiée aux sports pour le Washington Post, sait bien que cette phase n’est pas éternelle. «La suppression du poste de social media editor au New York Times signifie qu’il faut que tous les journalistes se mettent aux réseaux sociaux, pas seulement les “social media editors”. Car les réseaux sociaux, c’est de l’actu pour tous les reporters.» Et elle le prouve: «L’histoire des 400 spectateurs du Super Bowl qui n’ont pas eu de places assises a commencé sur Twitter. Et c’est devenu une polémique énorme, que l’on a racontée et qui a fait partie de nos “top stories”».

Crédit: AA

Crédit: AA

  • N’écris pas sur Twitter ce que tu ne dirais pas à l’antenne

Il y a un an, les rédactions anglo-saxonnes complétaient voire rééditaient leur charte déontologique pour statuer sur la posture journalistique à tenir sur les réseaux sociaux. Le New York Times interdit alors aux rédacteurs du pôle «news» d’écrire des messages trop «éditorialisants» sur les réseaux sociaux, afin de ne pas empiéter sur le territoire du pôle «opinions». Reuters préconise que ses journalistes se créent deux comptes distincts sur Twitter. L’un à usage professionnel, «pour agréger de l’information et construire un réseau», l’autre à usage personnel, où les journalistes doivent indiquer qu’ils travaillent à Reuters, mais que leurs messages ne reflètent pas l’avis de leur employeur et où ils n’écrivent rien qui puisse être dommageable à leur employeur.

Désormais, l’unanimité est de mise dans toutes les rédactions américaines, qui appellent leurs journalistes au bon sens. Et répètent cette maxime: «Ne dites par sur les réseaux sociaux ce que vous ne diriez pas à l’antenne/à l’écrit.» Même chez Twitter, qui ne fait pourtant pas partie des éditeurs, on réfléchit avant de tweeter. En témoigne un tableau, accroché dans le hall du réseau social, situé à San Francisco, qui martèle «google before you tweet, think before you speak» (faites une recherche sur Google avant de tweeter, réfléchissez avant de parler).

Crédit: DR

Crédit: DR

  • Facebook le mal aimé des journalistes

Dites Twitter et tous les journalistes s’enthousiasment. Dites Facebook et les mêmes regardent leurs chaussures. Pourquoi? Parce qu’ils négligent le second au profit du premier. «Il faut que je m’y remette», confient-ils le plus souvent. D’autant qu’ils voient bien qu’il y a beaucoup plus d’interactions possibles avec le grand public sur Facebook que sur Twitter. En effet, selon une récente étude d’eMarketer, un internaute américain sur deux est sur Facebook, soit 132,5 millions de personnes (42% de la population américaine), contre 20 millions d’Américains sur Twitter (7% de la population des Etats-Unis).

Andy Carvin, responsable des réseaux sociaux pour NPR, remarqué pour sa couverture des révolutions arabes sur Twitter, a cette formule: «Nous, journalistes, ne sommes nous-mêmes que des visiteurs sur Facebook. Nous n’avons pas de règles très précises, les commentaires affluent, nous ne les modérons pas.»

  • Les réseaux sociaux, les nouveaux référenceurs d’audience

Le Nieman Lab, le laboratoire d’Harvard qui décrypte l’impact de la révolution numérique sur le journalisme, l’écrit: et si les réseaux sociaux devenaient le nouveau SEO (search engine optimization, en VF)? Comprendre: après que les moteurs de recherche comme Google ont été les plus gros fournisseurs de trafic des sites d’informations, les réseaux sociaux se font leur place en tant que pourvoyeurs d’audience. Sur Politico, les réseaux sociaux apportent entre 10 et 15% du trafic général du site chaque jour. Sur NPR.org, le site de la plus grosse radio des Etats-Unis, 7% de l’audience est fournie par Facebook. Des chiffres qui devraient croître encore – d’ici 2013, il pourrait y avoir 62% de la population américaine sur le réseau fondé par Mark Zuckerberg.

«Je pense que nous serons bientôt arrivés au point où les réseaux sociaux fourniront plus de trafic aux médias que le “search”», écrit Joshua Benton, le directeur du Nieman Lab. Et cela pourrait modifier la façon de produire des informations. «Les journalistes vont changer, de façon subtile, le type de contenus qu’ils réalisent afin d’encourager le partage de ceux-ci». Comment? En s’appuyant sans doute sur des éléments qui poussent les internautes à recommander sur Facebook des articles, ou à les poster sur Twitter. D’après les premières observations, les informations provocantes, émouvantes, et «positives» ont plus de chance de circuler sur les réseaux sociaux que des contenus jugés neutres.

  • Infos en ligne = infos au bureau

Si la consultation des statistiques en temps réel est souvent considérée comme une pratique taboue dans les rédactions américaines, en revanche, savoir quelles sont les heures pendant lesquelles les sites d’infos génèrent le plus de trafic s’avère très répandu. Et est considéré comme fondamental.

Aux Etats-Unis comme en France, le trafic d’un site d’infos est calqué sur une journée de travail. Enorme audience en début de matinée et lente érosion jusqu’à la chute de 18h, heure à laquelle nombreux sont ceux qui quittent leur travail. «Sur le site du Washington Post, notre “prime time”, c’est 7h-17h, reprend Cindy Boren. Sauf pour le sport, qui marche bien les soirs, le dimanche et le vendredi, pile quand l’audience du reste du site plonge.»

Ainsi, «le temps de travail devient aussi le temps de s’informer», explique Pablo Bockowski (1), chercheur à l’Université de Northwestern et auteur de News at Work, cité par le blog AFP Médiawatch. Pour lui, il y a un lien entre la consommation d’informations en ligne et utilisation des ordinateurs de bureau. Quant aux infos consultées via mobiles, elles seraient surtout consultées avant et après les journées de travail, c’est-à-dire plus tôt le matin et plus tard le soir.

Puisque la consommation d’infos en ligne culmine le matin, l’obsession des rédacteurs en chef, c’est de ne surtout pas prendre de retard pour couvrir l’actualité, car un démarrage en retard ne se rattrape pas, et «plombe» la journée entière. Bill Nichols, le directeur de la rédaction de Politico, le sait: «Si nous avons la main sur une information dès le matin, nous la garderons toute la journée», avec les développements successifs publiés à l’heure (et l’audience qui va avec).

  • Non aux contenus gratuits devenus payants

Faire payer des contenus produits par des journalistes, pourquoi pas? Dans les rédactions américaines, les journalistes n’y semblent a priori pas opposés. Sauf dans un cas: lorsque les contenus en question ont d’abord été en accès libre, avant de, «pour une raison ou une autre», devenir payants. «C’est ridicule de changer de stratégie en cours de route. Une fois que tu as relâché le génie de sa bouteille, tu ne peux plus l’enfermer à nouveau», résume l’éditeur Martin G. Reynolds, du groupe Bay Area News.

Sur le site de NPR, ses applications iPhone, iPad et Android, toute la production est en open source, outils, systèmes et contenus. «Tout le monde peut se servir de ce que l’on produit», insiste Andy Carvin, de NPR. La rédaction dit être fière de faire «l’exact opposé» de ce que font Rupert Murdoch et le New York Times, lesquels installent des murs payants.

  • L’alliance développeurs/journalistes

D’ordinaire, dans les rédactions traditionnelles, les équipes techniques et éditoriales vivent dans des mondes opposés, ne parlent pas le même langage, et ne sont parfois même pas dans les mêmes locaux. Ce qui ne facilite pas la communication et l’avancement des projets. Désormais, les nouvelles organisations ont compris qu’en ligne, il ne pouvait plus y avoir de barrière. Développeurs et journalistes doivent avancer de concert sur les projets, pour une alchimie innovante entre technologie et contenus.

Une formule que l’équipe de Bay Citizen, un site lancé l’année dernière, a fait sienne. Autour de la table, dans leurs bureaux de San Francisco, des éditeurs d’infos et de vidéo, des responsables de communauté, un rédacteur en chef et des développeurs. «Tout le monde ici est journaliste, lance l’un des membres de l’équipe. Les développeurs ne font pas que taper du code, ils jouent un rôle crucial dans l’éditorial. Il est capital pour nous que les liens soient très forts entre l’équipe technique et l’équipe éditoriale. Hors de question d’avoir un prestataire de services extérieur (à la rédaction, ndlr) qui ne comprendrait pas les contenus sur lesquels nous travaillons.»

  • Le «live», le roi du Web

Pour suivre l’actualité dans les pays arabes, les sites d’infos généralistes, en Europe et aux Etats-Unis, ont mis en place une couverture médiatique inédite, réactualisée en permanence via une nouvelle narration. Une narration qui agrège du texte, des photos, des vidéos, des messages sur les réseaux sociaux. Une narration interactive. Une narration qui évolue en temps réel. Les professionnels du numérique appellent cela des «lives», ces formats éditoriaux qui permettent de suivre, minute par minute, les derniers développements sur les soulèvements ou toute autre actualité à l’instant T.

C’est un changement de paradigme, pour les éditeurs et aussi pour les réseaux sociaux. Othman Laraki, le directeur de la géolocalisation et de la recherche sur Twitter, le constate aussi: «partout où notre croissance a pu débuter, c’est parce qu’il s’est passé, dans l’actualité, de l’instantané» qui se raconte en… «live».

Une nouvelle narration qui semble dicter la (nouvelle) donne au géant Google. Le modèle «un lien = une histoire est vieux voire dépassé. Maintenant, il faut comprendre qu’un lien = plusieurs histoires», décrit un responsable de Google News. Rude tâche pour le robot de Google, appelé «Crawler», chargé de scanner les pages Web pour savoir de quoi elles parlent et ensuite pouvoir les référencer. Le problème du Crawler, c’est de pouvoir photographier un format «live» alors que celui-ci, par définition, n’est pas statique, et évolue d’une minute à l’autre. «Nous essayons d’accélérer la vitesse du Crawler», assure-t-on chez Google, qui rappelle qu’à ses débuts, en 2006, l’algorithme de Google News n’était «rafraîchi que toutes les heures, quand maintenant, il l’est toutes les minutes, et qui sait? Demain, il le sera peut-être toutes les secondes.»

Alice Antheaume

(1) Pablo Bockowski donnera une master class ouverte au public à l’Ecole de journalisme de Sciences Po, jeudi 17 mars.

lire le billet

Politico, un site sachant imprimer

Crédit: AA

Crédit: AA

Jeudi 10 février 2011, 11h. Dans les locaux de Politico, à Washington D.C., la rédaction paraît calme. En fait, ses journalistes cravatés sont à la fois au four et au moulin. Les uns couvrent simultanément sur le site, sur les réseaux sociaux, et via une newsletter, un «breaking news» annonçant que le sénateur de l’Arizona, John Kyl, ne se représentera pas pour un prochain mandat, ouvrant la voie aux spéculations sur le nom de son successeur.

Les autres lancent ce jour-même un site annexe, Pro Politico, «notre première expérience de payant» sur «les politiques de santé, de technologie, et d’énergie», annonce Bill Nichols, le directeur de la rédaction. Pour alimenter ce site, 40 personnes ont été recrutées. Cible visée: un public «habitué à payer des informations spécifiques», comme les juristes et les lobbyistes, présents en nombre à Capitol Hill, le quartier résidentiel près du Capitole.

«Notre ambition est de sortir du marasme qui bouleverse le journalisme pour devenir la seule publication faisant autorité sur la façon dont Washington et le gouvernement américain dirigent les Etats-Unis», lance Jim VandeHei, qui dirige Pro Politico.

Une ligne éditoriale adaptée aux quartiers

C’est là le double génie de Politico, lancé en janvier 2007:

1. s’être installé dans une ville, Washington D.C., siège de toutes les décisions et polémiques fédérales.
2. s’être fixé une ligne éditoriale adaptée à sa localisation: «en un mot, nous couvrons ce qui a de l’impact sur la vie politique américaine. C’est-à-dire les lobbyistes, les chambres haute et basse, le Congrès et la Maison Blanche», résume Bill Nichols.

En France, l’équivalent n’existe pas. Et si un Politico à la française devait se lancer, il lui faudrait s’installer dans une zone délimitée par la place Beauvau/l’Elysée, l’Assemblée nationale, le Sénat et la rue de Grenelle.

Si le site est connu, récoltant entre 500.000 et 700.000 visiteurs uniques par jour, son support imprimé l’est moins, voire pas, du moins en France. Gratuit, ce journal est distribué à 60.000 exemplaires, et porté directement dans les institutions gouvernementales de Washington D.C., dont le Congrès américain, la Maison Blanche, le Sénat. Et ce, 5 jours par semaine, les jours ouvrés. De quoi construire son aire d’influence. Et rafler une grande partie du marché publicitaire, qui «à Washington D.C., est très en demande de supports imprimés», confirme le directeur de la rédaction, assurant que «Washington D.C. est une ville faite pour les journaux», socle du modèle économique de Politico. Politico n’est pas un pure player. «Politico, c’est un site qui a un journal, pas l’inverse», dit Bill Nichols.

Sur Politico.com, ce jour-là, point de développement en temps réel de la situation en Egypte, mais «toutes les déclarations des hommes politiques américains sur les événements au Caire, et l’analyse des enjeux». Parmi les contenus disponibles, cette vidéo de Robert Gibbs, le porte-parole de Barack Obama, évitant non sans humour toute question sur l’Egypte.

MISE A JOUR: vendredi, jour de la démission officielle d’Hosni Moubarak, Politico s’est centré sur les déclarations de Barack Obama, assurant que le départ de l’ex-président égyptien «n’était pas la fin de la transition, mais le début».

La politique, coeur de l’info

Couvrir la politique, seulement la politique, c’est palpitant, mais parfois frustrant. Bill Nichols, qui a travaillé comme journaliste pendant 20 ans pour USA Today, un quotidien généraliste et un des rares quotidiens nationaux, se souvient du jour de la mort de Michael Jackson, le 25 juin 2009. «USA Today en a fait sa une, évidemment, mais pour Politico, c’était impossible. Nous n’avons rien écrit, j’en étais retourné. Jusqu’à ce qu’un journaliste de Politico réalise un diaporama de Michael Jackson posant avec d’anciens présidents américains, sans doute pour calmer mes nerfs.» A Politico, ce seul critère est roi: est-ce que l’info concerne ou impacte la vie politique américaine? Si oui, c’est un sujet pour Politico. Si non, passe ton chemin.

Crédit: AA

Crédit: AA

Une rédaction, des lecteurs fanatiques

Au lancement de Politico, «nous étions une petite cinquantaine dans la rédaction, maintenant nous sommes près de 200», ajoute Bill Nichols. «Dès le début, nous avons fait attention à ne pas installer deux rédactions, l’une qui travaillerait pour le Web, et l’autre pour le print. Avoir deux catégories de personnel, c’est une idée désormais obsolète aux Etats-Unis, car ce n’est économiquement pas viable». Au final, l’équipe de Politico est mixte, composée à la fois de «créatures issues du du Web» et de journalistes politiques «old school», s’amuse le directeur de la rédaction. Sans oublier ceux qui s’occupent des réseaux sociaux, et du SEO. Part du trafic apporté par les réseaux sociaux sur Politico? Entre 10 et 15%. «Nos lecteurs sont des fanatiques, sourit Bill Nichols, conscient de son avantage. Ils viennent entre 5 et 12 fois par jour sur la page d’accueil pour y chercher du nouveau.»

C’est la rançon de leur «excellente couverture de la politique en temps réel», analyse Stephen Engelberg, directeur de la rédaction de ProPublica, un site indépendant, basé à New York, qui ne veut produire que de l’investigation. Alors le directeur de la rédaction de Politico ne lâche rien, surtout pas le matin, un moment aussi crucial pour les sites d’infos que le «prime time» à la télévision: «Si nous avons la main sur une information dès le matin, nous la garderons toute la journée», avec les développements successifs publiés à l’heure (et l’audience qui va avec).

Stephen Engelberg se souvient: «A ses débuts, Politico.com était meilleur sur les informations minute par minute que sur les analyses, laissant celles-ci au Washington Post (également basé à Washington DC, et connu pour ses révélations sur le “Watergate”, ndlr) mais ils s’améliorent maintenant sur ce deuxième point». Le Washington Post (1) n’est pas un bleu en la matière: fondé en 1877, il est le 5e plus gros journal des Etats-Unis, avec une diffusion de 545.345 exemplaires en semaine, 764.666 le dimanche. Il vient en outre d’annoncer qu’il allait investir entre 5 et 10 millions de dollars pour lancer une plate-forme, gratuite, d’agrégation d’infos sur le Web.

Alice Antheaume

Aimeriez-vous voir naître un Politico version française? Dites-le dans les commentaires ci-dessous…

(1) Le Washington Post est actionnaire de Slate.com, lui même actionnaire de Slate.fr

lire le billet

Clay Shirky, du Web, du social, et du politique

Crédit: AA

Crédit: AA

Il a la boule zéro et des lunettes rondes. Il est l’idole, voire le gourou, de toute une génération travaillant sur et pour le Web. Clay Shirky, spécialiste des usages et technologies numériques, professeur à NYU (New York University), a donné à Paris, ce lundi 31 janvier, une conférence expresse dès potron-minet, une rencontre organisée par Regards sur le Numérique, le laboratoire de Microsoft.

Les obsessions de Clay Shirky? Les mots «information», «organisation» et «action». Et un nouveau concept, le terme «cognitive surplus» (surplus cognitif, en français), qui est aussi le titre de son dernier livre. C’est l’idée, assez simple, qu’après de longues années à avoir tué leur ennui en regardant la télé, les internautes ont enfin une antidote à leur torpeur, le Web, qui leur offre la possibilité d’agir et de participer. Et qui change leur vie.

De la politique dans des tranches de vie sociale

Comme Michael Shapiro, professeur de journalisme de la Columbia, Clay Shirky partage cette croyance que nous vivons en plein âge d’or du journalisme, sauf pour… l’aspect économique. C’est peu de le dire, comme en témoignent les rires dans la salle et les réactions sur Twitter.

«Ce n’est pas la ou les technologies qui sont magiques, ce sont les utilisateurs», reprend Clay Shirky, s’agitant dans son jean et sa veste de costume. La preuve, argue-t-il, ces forums dédiés au foot, en Libye, qui finissent en forums politiques.

Le même phénomène a déjà été observé par Charlie Beckett, journaliste, auteur de l’ouvrage «SuperMedia» et directeur du programme Polis à la London School of Economics, citant l’exemple du site britannique Mumsnet, un site qui parle bébés, mamans et éducation, mais pas que… Dans les forums, les discussions sur la politique sont nourries. A tel point qu’en octobre 2009, le Premier ministre anglais Gordon Brown est venu sur le site pour un chat. Ce 2 mars, c’est Alexander Douglas, secrétaire d’Etat au développement international, qui s’y colle. Pour Charlie Beckett, c’est clair: «Mumsnet est devenu un site politique en Angleterre.»

Du Web à l’action

Pour Clay Shirky, vie sociale et vie politique sont les deux pans d’une même vie en ligne. Tout interfère, rappelle-t-il: les citoyens sur les gouvernements, les gouvernements sur les citoyens, les organisations sur l’action, le public sur l’action. Dans cette optique, il donne plusieurs exemples, dont Code for America, un nouveau service public d’information, et le site SeeClickFix, où les citoyens agissent comme des «détecteurs», en rapportant en ligne des problèmes de quartier «sans urgence». «Les citoyens savent mieux que le gouvernement ce qu’ils vivent», conclut Clay Shirky.

Plus loin, développeurs et citoyens peuvent s’associer pour raconter, d’où ils se trouvent, les drames qu’ils côtoient, via des bases de données, des cartes, une photo ou un simple SMS. C’est le cas du site Ushahidi, lancé au Kenya, une «plate-forme d’action civique», résume le professeur américain. Des phénomènes d’autant plus importants que, selon le professeur, les gouvernements ont peur des groupes coordonnés sur le Web. Ce que la coupure d’Internet en Egypte ne dément pas.

Et Clay Shirky de conclure par une question, à laquelle bien malin saurait que répondre: «l’imprimé a donné la démocratie, mais quelle organisation va installer le Web?».

AA

lire le billet

Nouvelles pratiques du journalisme: “Nous vivons un âge d’or”

Que retenir de la journée spéciale dédiée aux nouvelles pratiques du journalisme, organisée par l’Ecole de journalisme de Sciences Po et la Graduate school of Journalism de Columbia, le 10 décembre?

Voici les points clés de chaque intervention, d’Ariane Bernard, du nytimes.com, à Antoine Nazaret, de Dailymotion, en passant par Masha Rigin, du Dailybeast.com, Sarah Hinman Ryan, de Times Union, Nicolas Enault, du Monde.fr, Nicolas Kayser-Brill, d’Owni.fr, Michael Shapiro et David Klatell, de la Columbia, et Jean-François Fogel et Bruno Patino, de l’Ecole de journalisme de Sciences Po…

pdf Cliquez ici pour la lire synthèse de la journée en français

pdf Cliquez ici pour lire la synthèse de la journée en anglais

[Merci à tous les éditeurs de l’Ecole de journalisme de Sciences Po qui ont produit vidéos, photos, textes, live stream et tweets pendant cette journée marathon. Cet article a été rédigé d’après leurs notes et le “live”]

Ariane Bernard, home page producer, nytimes.com

Ariane Bernard, du NYT.com, le 10 décembre 2O10

Crédit photo: DR/Hugo Passarello Luna

  • 60 journalistes travaillent sur le site du nytimes.com, et 8 personnes (dont Ariane Bernard) s’occupent à plein temps de deux pages d’accueil, l’une internationale, et l’autre nationale. Hiérarchiser les informations, repérer des “urgents”, trouver le meilleur titre possible, sont quelques unes des tâches qui incombent au “home page producer”. Son terrain journalistique? Quelques pixels seulement, mais un vrai enjeu
  • Chaque mois, 33 millions de visiteurs uniques se rendent sur le site du New York Times
  • L’outil le plus utilisé en interne au nytimes.com? La messagerie instantanée, pour se coordonner, dit Ariane Bernard, en montrant à quoi ressemble son écran d’ordinateur à la fin de sa journée de travail. Un écran truffé de fenêtres de “chat” qui clignotent
  • Un conseil, dit Ariane Bernard, “gardez toujours un oeil sur la concurrence”. Ses collègues et elle-même surveillent ainsi, toutes les heures, les infos publiées sur la page d’accueil des sites concurrents
  • Plus une information devient importante, et aura des rebondissements, plus “vous cherchez à faire savoir à vos lecteurs que vous allez continuer à développer cette information”. Et qu’ils peuvent donc rester connectés
  • Difficile de savoir si une secousse sismique doit faire l’objet d’une “alerte”, confie Ariane Bernard. “Je ne suis pas géologue, il est complexe de savoir, dans la minute où il se produit, s’il s’agit d’un tremblement de terre important ou pas”. Pour Haïti, en l’occurrence, c’était d’une importance majeure, comme en témoigne le résultat en ligne

Masha Rigin, spécialiste du référencement (SEO), thedailybeast.com

Masha Rigin, de thedailybeast, le 10 décembre 2010

Crédit photo: DR/Hugo Passarello Luna

  • Le rôle de Masha Rigin? Rendre plus visibles les contenus des journalistes de thedailybeast.com sur les moteurs de recherche. Cela s’appelle du SEO (Search Engine Optimization) ou référencement en français. “C’est du marketing très spécifique”, précise Masha Rigin
  • En tant que journaliste, il faut “anticiper ce que les utilisateurs vont chercher sur Google, et avec quels termes ils vont faire leurs requêtes, afin d’utiliser ces termes dans le titre de votre article”, conseille-t-elle. Précision: “nul besoin de faire de titres drôles ni spirituels”
  • Pour identifier les mots-clés les plus populaires, Masha Rigin préconise d’utiliser Google Trends
  • Dans le vocabulaire d’une spécialiste du référencement, figure cette drôle d’expression, “la densité des mots-clés”, ou “keyword density”. C’est-à-dire le nombre de fois qu’un mot-clé est mentionné dans l’article, comparé au nombre de mots constituant cet article. Conseil de Masha Rigin: “utilisez un mot-clé au moins une fois par paragraphe, et si possible, de façon rapprochée”. Cf ce W.I.P. Comment le SEO impacte-t-il l’écriture journalistique?
  • Les journalistes du numérique le savent bien: les articles doivent être truffés de liens, suppléments d’informations offerts aux lecteurs. A la fois de liens vers l’intérieur (vers d’autres articles du même média) et vers l’extérieur (vers des contenus de médias concurrents, vers des blogs, ou des vidéos, etc.) “La haute densité de liens, disposés sur des mots-clés ou des portions de phrases importantes, augmente le ranking de votre article”
  • Quant aux vidéos et aux photos, elles doivent être nommées une par une, avec le crédit et la légende (Qui est sur la photo/vidéo? Quand? Où? En quelles circonstances? Qui a saisi la scène?). “Sinon, elles n’existent pas pour Google. Et ce serait dommage car elles représentent une source de trafic de plus en plus importante”
  • “Le journalisme change sans cesse puisque l’algorithme de Google change sans cesse”

Nicolas Enault, coordinateur de l’audience, lemonde.fr

Nicolas Enault, du Monde.fr, le 10 décembre 2O1O
Crédit photo: DR/Hugo Passarello Luna
  • Pour Nicolas Enault, la journée de travail commence par de la “veille” sur ce que fait l’audience sur le site du Monde.fr. De la veille à la fois quantitative (volume et statistiques) et qualitative (qu’est-ce que les abonnés du Monde.fr disent?). Et c’est par ces sujets que s’ouvre, chaque jour, la conférence de rédaction de l’équipe Web
  • Environ 5.000 expressions d’abonnés par jour
  • 110.000 abonnés au Monde.fr
  • 1.300 commentaires par jour sous les articles du Monde.fr
  • La typologie des commentaires des abonnés? Il y a quatre catégories: 1. Les opinions, qui constituent la majorité des réactions 2. Les corrections des lecteurs (factuelles et orthographiques) 3. Les questions (sur le traitement de l’information et sur des points non compris) 4. Les travaux d’investigation des lecteurs
  • 8.000 blogs hébergés par lemonde.fr, dont 50 “stars” qui ont été démarchées par la rédaction Web et produisent le plus de trafic
  • Au quotidien, Nicolas Enault est aussi en liaison avec des journalistes du Monde imprimé. Ceux-ci ont parfois du mal à comprendre (ou accepter) que leurs articles cohabitent avec des chroniques produites par les abonnés, lesquelles ne devraient pas, selon eux, être confondues avec des contenus journalistiques
  • Parmi les questions les plus souvent posées par les journalistes du journal du soir à Nicolas Enault, celle-ci: comment fait la distinction entre Facebook et un blog?
  • Nicolas Enault livre un exemple d’interaction entre les abonnés et l’actualité via la création d’un livre d’or recensant les mots de soutien des internautes à Ingrid Betancourt après sa libération, le 3 juillet 2008. En tout, lemonde.fr a récolté plus de 7.000 mots. Et n’en a gardé que 2.500 après modération

Michael Shapiro, professeur de journalisme, cours de «city newsroom», Graduate School of journalism, Columbia

Michael Shapiro, professeur de journalisme de la Columbia, le 10 décembre 2O1O
Crédit photo: DR/Alexandre Marchand
  • “L’irruption du Web est une révolution, mais une révolution positive”, commence Michael Shapiro. Car de nouveaux postes sont créés sur le Web et aussi sur l’imprimé – Newsday, par exemple, est en train de recruter 33 journalistes. La presse ne doit pas être complètement morte”
  • Le nombre de journalistes continue de grandir aux Etats-Unis. “Or plus on embauche, plus la compétition entre journalistes a lieu. Or plus la compétition a lieu, meilleurs les journalistes sont”
  • Il faut apprendre à s’adapter, dit Michael Shapiro. Et surtout à s’adapter aux nouvelles technologies
  • Dans son cours de “city newsroom”, Michael Shapiro aide les étudiants de la Columbia à créer du contenu sur le blog Brooklyn Ink. Il s’agit d’y raconter des histoires de différentes façons, “c’est une plate-forme d’expérimentation journalistique”
  • Deux étudiants se chargent de l’édition de ce site, ils en sont responsables et doivent s’assurer que ce qui y est produit est bien publiable. Depuis trois ans que ce site existe, il n’y a eu aucune plainte pour diffamation, assure Michael Shapiro
  • Brooklyn Ink récolte 10.000 visiteurs uniques par semaine
  • “Nous vivons un âge d’or du journalisme. Mon métier, c’est de dire aux étudiants allez-y, expérimentez, mais ne faites pas d’erreur. Soyez professionnels et responsables de ce que vous faites”
  • Crédit vidéo: Daphnée Denis

David Klatell, professeur de journalisme, responsable de l’international, Graduate School of journalism, Columbia

  • Le journalisme a-t-il besoin d’innovation? Peut-être, mais David Klatell, professeur de journalisme à la Columbia, n’en est pas convaincu. Selon lui, “toutes les rédactions du monde se ressemblent: des journalistes, des écrans, des téléphones, des ordinateurs. Mais ils fabriquent tous un produit différent”
  • Et si l’innovation journalistique n’était qu’une réponse à la crise? “L’Argentine et le Brésil, par exemple, n’ont pas eu à faire face à la crise, donc ils n’ont pas cherché à y apporter de réponse. Alors que le Brésil souffre d’un système de distribution de journaux insatisfaisant, c’est à se demander s’il faut une crise pour innover”
  • L’innovation journalistique n’est-elle qu’une préoccupation occidentale? “Ici, c’est facile pour vous, reprend David Klatell. Il suffit d’un ordinateur portable, de la 3G, et vous êtes opérationnels. Dans d’autres pays, les jeunes générations doivent trouver d’autres solutions pour consommer (voire produire) des informations”

Crédit: DR/Hugo Passarello Luna

Crédit photo: DR/Hugo Passarello Luna

Sarah J. Hinman Ryan, directrice du pôle investigations et recherche d’informations, Times Union

  • A Times Union, un journal situé à Albany, à côté de New York, Sarah Hinman Ryan dirige le pôle de recherches et d’investigations. En clair, elle vérifie toutes les données et les faits avant publication
  • Non, son quotidien ne ressemble pas à celui d’une documentaliste. Elle fait du “fact checking” à grande échelle. Au bureau, elle travaille sur trois écrans à la fois: l’un pour Google, le deuxième pour Facebook, et le troisième pour “tout le reste”, y compris les bases de données américaines comme Nexis. Chercheuse d’infos, oui, journaliste, non
  • “Pour trouver et vérifier des données sur des personnes, je me sers des réseaux sociaux. C’est fou tout ce que les gens mettent en ligne sur eux-mêmes!” Mais ce serait trop simple. Pour bien enquêter sur des humains, “il faut comprendre leur façon de penser (et donc, d’avoir disséminer des infos, ndlr), c’est presque de la psychologie”, reprend Sarah Hinman Ryan
  • “Plus le nombre de sources et d’informations disponible augmente, plus celles-ci deviennent compliquées à traiter, et plus le besoin de faire des recherches et de vérifier les infos se fait sentir”, dit Sarah Hinman Ryan, pour qui l’algorithme de Google devrait créer des emplois: “Plus on a Google dans la vie, plus on a besoin de professionnels pour fact checker. Car on doit toujours douter de ce que l’on trouve en ligne. En outre, Google ne suffit pas car vous ne trouverez pas les 1.000 années d’histoire de France en un clic”
  • “Si vous ne trouvez pas une information sur le Web, ce n’est pas qu’elle n’existe pas, c’est que vous ne la voyez pas”
  • “S’il n’y avait ni crime ni meurtre, il n’y aurait pas (ou peu) besoin d’investigation”, insiste Sarah Hinman Ryan
  • Récemment, elle a contribué au projet Dead by mistake (mort par erreur en VF), et a notamment élaboré une base de données pour connaître le niveau de fiabilité de l’hôpital le plus proche de chez vous. Un résultat récompensé par le prix de la meilleure enquête, attribué par la Société américaine des journalistes professionnels (SPJ)

Madhav Chinnappa, directeur stratégique des partenariats, Google News, ex BBC News

  • Madhav Chinnappa est désormais “le visage de Google News en Europe” depuis 4 mois, après avoir passé 9 ans à BBC, et quelques années aussi chez Associated Press. “Quand je travaillais à la BBC, je négociais avec Google News, maintenant, je suis de l’autre côté. Je comprends mieux.”
  • Google News a été créé en 2001 par des ingénieurs qui trouvaient qu’à l’époque “c’était trop dur de trouver des informations sur le Web en temps réel”
  • Google News rassemble plus de 50.000 sources et son algorithme repose sur plus de 100 critères
  • “Avant, nous ne parlions que de contenus. Maintenant, il s’agit de contenus + audience + technologie”, reprend Madhav Chinnappa
  • Comment Google peut-il inclure la sérendipité (les heureux hasards qui font que l’on trouve des pépites sur le Web) dans son algorithme? “Nous travaillons dessus”, assure Madhav Chinnappa. En effet, Google News est en train d’évoluer vers de nouvelles façons (humaines) de sélectionner des informations. Ainsi, pour l’application Fast Flip, qui présente une série d’articles sous forme d’une page de magazine et permet de les feuilleter comme sur un journal papier. En outre, aux Etats-Unis, Google a fait appel aux éditeurs de Slate.com pour choisir les informations susceptibles d’intéresser l’audience de Google News
  • L’industrie du journalisme n’a pas un problème de journalisme, mais un problème de modèle économique”, diagnostique Madhav Chinnappa. “Les journalistes ne doivent pas avoir peur de Google. Nous essayons d’être une force positive et voulons travailler avec les éditeurs pour essayer de résoudre les problèmes économiques des médias”

Nicolas Kayser Brill, journaliste de données, statisticien, Owni.fr

nkbCrédit photo: DR/Hannah Olivennes

  • Un journaliste de données (ou data journalist), c’est quoi? Au quotidien, Nicolas Kayser Brill tente de regrouper des données, souvent détenues par les collectivités locales – qui ne savent pas toujours comment ni pourquoi les partager – et les mettre en scène de la meilleure façon possible, afin que le résultat puisse être lu par le public
  • Pourtant, sur Owni, pas de pression liée aux statistiques: “Nous cherchons à diffuser nos projets (c’est-à-dire à vendre des applications créées par l’équipe d’Owni à d’autres médias) plutôt qu’à accroître notre audience sur notre propre site”
  • Parmi les autres fonctions quotidiennes de Nicolas Kayser Brill, figure l’aspect “évangélisation” des potentiels “clients”. Via des déjeuners et rendez-vous, il promeut la transparence des données (sur la population de telle ou telle localité, sur l’activité des députés, etc.) auprès d’hommes politiques et d’activistes. C’est la partie “lobbying” de son travail. “Ceux qui détiennent les données ont besoin d’être formés”
  • Et l’indépendance d’Owni? Y a-t-il conflit d’intérêts entre l’éditorial d’un côté et la réponse aux commandes des clients de l’autre (créations de sites Web, d’applications, etc.)? A cette question, Nicolas Kayser Brill répond qu’Owni est plus indépendant que les autres car il n’accueille aucune publicité, donc n’a pas besoin de répondre aux demandes des annonceurs. Et il est détaché de l’impératif de faire l’audience. Un autre poids en moins. Quant au partenariat entre Owni et Wikileaks, c’est un échange “non commercial”, rappelle Nicolas Kayser Brill
  • Owni veut toujours être le “ProPublica” à la française – cf ce W.I.P. intitulé Tentative d’identification d’Owni


Crédit vidéo: Diane Jeantet

Antoine Nazaret, éditeur des contenus vidéos «news», Dailymotion

  • “Personne n’a de carte de presse chez Dailymotion” et pourtant, la plate-forme française de vidéos a un service édition de contenus comme décrit dans ce W.I.P., un rédacteur en chef et même des conférences de rédaction hebdomadaires pour décider de quelle vidéo mettre en avant. Cependant, “les conférences de rédaction sont plus consensuelles à Dailymotion que dans un média”
  • La page d’accueil de Dailymotion repose sur une éditorialisation faite à la main. “Nous avons pris de le parti d’une intervention humaine pour sélectionner les contenus”. Pourquoi? Antoine Nazareth donne trois raisons: 1. Pour montrer la diversité des contenus présents sur le site 2. Pour ajouter de la valeur au site par une sélection humaine 3. Pour se différencier des concurrents (YouTube repose sur un algorithme automatique)
  • “Nous nous sommes beaucoup battus pour affirmer notre droit à une action éditoriale”, reprend Antoine Nazaret. Reste que Dailymotion n’est pas producteur de contenus. “Vous ne trouverez aucune caméra chez nous”
  • La page des vidéos “news” (actualités et politique) de Dailymotion est la deuxième chaîne la plus regardée du site, avec près de 3 millions de visites mensuels (chiffre Nielsen) – relire le compte-rendu de la master class de Martin Rogard, directeur de Dailymotion, fait par les étudiants de l’Ecole de journalisme
  • 500 vidéos de la chaîne “news” sont envoyées chaque jour par les internautes sur Dailymotion
  • L’éditing des vidéos compte: “Ce que l’on doit vraiment soigner dès le début, c’est la preview (image d’appel, ndlr) de la vidéo ainsi que son titre et sa description”, prévient Antoine Nazaret. La “preview”, c’est le “premier critère de clic” pour un internaute
  • L’audience, même sur Dailymotion, demande des rendez-vous réguliers sur les contenus. “Nous avons recréé une quasi grille de programmes”, dit Antoine Nazaret
  • A la question “quelle différence fait Dailymotion entre un média et un homme politique, qui envoient tous les deux du contenu sur Dailymotion?, Antoine Nazaret ne fait pas dans la dentelle: “Aucune différence, l’homme politique est un diffuseur de contenu comme un autre”

Jean-François Fogel, professeur associé à l’Ecole de journalisme de Sciences Po

  • “Nous vivons à une époque formidable. Toutes les générations de journalistes n’ont pas la chance de voir naître un média, le Web, et le journalisme qui y est associé”
  • Les mêmes tâches journalistiques sont là (chercher une information, la trouver, la vérifier, la publier), mais tout a été métamorphosé, à la fois dans les outils et dans les pratiques

Bruno Patino, directeur de l’Ecole de journalisme de Sciences Po

  • “Nous réfléchissons au futur du journalisme, mais au présent aussi, pour mieux adapter notre formation aux étudiants”
  • Au final, “le journalisme s’adapte plus vite que l’industrie des médias”

AA

lire le billet