Le New York Times affiche son ambition mobile avec NYT now

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C’était la principale annonce de la conférence FT digital media organisée par le Financial Times à Londres, les 26 mars et 27 mars. Mark Thompson, le président du New York Times, a montré en avant-première l’application NYT Now, dont le lancement sur iPhone uniquement est prévu le 2 avril. Pour l’instant, il n’y a pas d’application Android ni de version consultable depuis un ordinateur.

>> Les chiffres de l’offensive mobile >>

«NYT now va donner aux lecteurs un panorama quotidien de ce qu’ils doivent savoir sur la marche du monde», a déclaré Mark Thompson. On y trouve des contenus du New York Times (les «top news»), des résumés chaque matin et soir des informations essentielles en deux ou trois paragraphes (les «briefings»), ainsi qu’une agrégation de contenus, de tweets, de citations, de longs formats, repérés sur les réseaux sociaux («our picks»).

A l’oeuvre, une vingtaine de journalistes, encadrés par Cliff Levy, lauréat de deux prix Pulitzer et ex-chef du bureau de Moscou. Une sorte de mini-rédaction dédiée au mobile. Ici, point d’algorithmes. «A l’ère de la personnalisation, la sélection humaine, et par là, le jugement humain, demeurent fondamentaux», a défendu Mark Thompson, avant d’ajouter: «peut-être pas pour tout le monde, mais pour une part importante et qualifiée de notre audience».

Rédaction mobile

NYT now appartient donc à cette nouvelle catégorie d’applications créée sur l’App Store, les «bite sized news», c’est-à-dire les applications qui permettent de mieux digérer l’actualité via des résumés. Dans cette section, on retrouve News Digest, développée par le petit génie Nick d’Aloisio, 18 ans, ainsi que l’application israélienne Wibbitz, qui vient d’être récompensée par le grand prix 2014 du forum Netexplo.

Disponible pour 8 dollars par mois – Mark Thompson préfère dire 2 dollars par semaine -, NYT now veut séduire une audience habituée à s’informer via smartphone, le plus souvent sans payer. L’idée? Sortir les consommateurs d’infos de leurs comptes Twitter et Facebook. Selon le Nieman Lab, c’est une «démarche offensive surprenante pour un média – et une industrie – qui a été en position défensive depuis si longtemps. Au New York Times, comme dans d’autres rédactions, le mobile compte pour beaucoup dans l’apport de trafic. La moitié des 42 millions de visiteurs uniques mensuels qui transitent par son site provient du mobile (smartphone et tablette).

Digérer l’actualité

Côté commercial, l’application NYT now intégre des «native ads», à savoir des publicités insérées dans des formats jusque là réservés aux contenus journalistiques. «Nos annonceurs sont séduits par l’engagement des lecteurs obtenu sur ces native ads», a justifié Mark Thompson. Or «nos lecteurs numériques rapportent moins que nos lecteurs papier. Voilà pourquoi nous mettons le paquet pour développer de nouvelles offres numériques» et voir progresser les revenus générés par les consommateurs d’informations en ligne – le New York Times a 760.000 abonnés numériques.

Outre l’application NYT now, va aussi être lancée une application cet été dédiée à l’alimentation, une autre aux éditoriaux et opinions, et une offre baptisée «Times Premier», visant une population aisée et des hommes et femmes d’affaires, à 45 dollars par mois. «Le numérique, au New York Times, est une façon de compléter le journalisme écrit, pas de le supplanter», a conclut son patron.

Alice Antheaume

 

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Nouveaux médias: 8 tendances à South by South West 2012

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Le Woodstock des geeks. C’est le surnom du festival interactif South by South West, organisé chaque année à Austin, au Texas. Pendant cinq jours, s’y tient un nombre considérable de conférences sur l’avenir des technologies et médias de demain.

Le quotidien des participants? Avaler des tacos au petit déjeuner, hésiter entre cinq sessions programmées à la même heure aux quatre coins de la ville, chercher une prise pour recharger les batteries de son ordinateur/téléphone, apporter son café/cupcake/bière dans la salle où Jill Abramson parle du futur du New York Times, se demander si Mashable va être racheté ou pas par CNN, polémiquer sur les sans-abris devenus bornes de WIFI ambulantes et rater la conversation, dans une salle bondée à craquer, entre Sean Parker, le co-fondateur de Napster, et Al Gore, ex vice-président des Etats-Unis.

Que retenir de cette édition 2012 de South by South West? Résumé en huit tendances.

1. Quand réseaux sociaux et géolocalisation donnent naissance à…

Cela s’appelle, en anglais, de l’«ambient social networking», c’est-à-dire, en mauvais français, du réseautage «ambiant». En clair, via une nouvelle génération d’applications mobiles comme Sonar ou Highlight, on reçoit des alertes sur son smartphone dès que ses amis (ou amis d’amis) de Facebook/Twitter sont dans les parages. Objectif: «révéler les connections cachées» que l’on raterait chaque jour, et ce, en temps réel, «dans la paume de sa main», promet le slogan de Sonar…

Fini le temps des «check in» sur Foursquare pour dire «je suis à l’Ecole de journalisme de Sciences Po en ce moment». Avec ces applications, qui tournent 24h/24, pas besoin de lancer l’interface ni de cliquer sur un bouton pour géolocaliser sa position et celle de ses amis. S’il ne devait y en avoir qu’une, c’est la tendance 2012, c’est instantané, cela use beaucoup de batterie et cela risque de faire hurler les défenseurs de la vie privée, comme le résume Pete Cashmore, le fondateur de Mashable, sur CNN.

2. La face cachée des réseaux sociaux

Conséquence du point précédent: il a été question, à South by South West comme ailleurs, du côté obscur du «partage social». Le mot «peur» a même été utilisé. La peur du pouvoir que ceux qui font les réseaux ont sur les utilisateurs. «Les gens ne veulent plus être surpris», considère Amber Case, fondatrice de la plate-forme Geoloqi. «Ils veulent qu’on leur dise exactement comment leurs données vont être utilisées et pour combien de temps».

Et si la transparence à tout prix ne rendait pas plus honnête? C’est ce qui fait peur à la chercheuse Danah Boyd, dont Marie-Catherine Beuth a résumé l’intervention sur son blog. «Le sentiment d’être surveillé – et d’avoir cette peur-là – est une façon de contrôler les gens.»

3. Curation et agrégation, l’alpha et l’oméga

Comme en 2011, en 2012, les mots curation et agrégation ont été très souvent prononcés à South by South West. Les deux désignent une sélection de contenus, la curation étant un choix fait par la main humaine alors que l’agrégation résulte d’un algorithme. Lors d’une table ronde intitulée «The curators and the curated» (les éditeurs et les édités), David Carr, journaliste au New York Times – et personnage du film A la une du New York Times, a rappelé que la curation était vieille comme le journalisme. «La une du New York Times est un acte de curation de tous les jours, et montre quelles sont les six histoires les plus importantes de la journée», explique-t-il.

Quoi de neuf sur le sujet de la curation, alors? Pour Carr, savoir partager, en ligne, des contenus de qualité est devenu une compétence journalistique à part entière, peut-être motivée par le narcissisme dans la mesure où le sélectionneur aime à afficher ses choix sur les réseaux sociaux.

Qu’importe, cette compétence a d’autant plus de valeur qu’elle s’inscrit dans un contexte où les contenus pertinents ne sont pas évidents à trouver. Ou à retrouver. Selon Maria Popova, la fondatrice de Brain Pickings, seul le plus récent serait visible en ligne, les moteurs de recherche n’étant pas pensés pour vraiment chercher des contenus vieux mais bons – ce qu’elle appelle la «newsification» du Web. «Effectuer une sélection de sujets repérés via des statistiques (avec des machines, donc, ndlr) sans faire appel à la curiosité humaine de quelqu’un, cela signe, pour moi, la fin du journalisme», assène-t-elle.

Autre nouveauté dans ce domaine: la création d’un code de la curation, aux Etats-Unis, afin de mentionner la source d’un lien, d’une idée, d’un article. «Nous essayons d’encourager tout le monde à créditer automatiquement l’auteur d’une découverte», précise Maria Popova, «et de standardiser la façon d’écrire la source de cette découverte». Et ce, avec deux symboles notamment, l’un qui concerne une source directe, et l’autre qui renvoie vers une source indirecte d’inspiration.

Est-ce que l’on ne s’intéresse qu’à des sujets que l’on verrait de toutes façons sur le Web? Ou est-ce que la sérendipité – la découverte de contenus par hasard – fonctionne vraiment? David Carr est décidément devenu un apôtre de la curation: «je ne lirai jamais de mon propre chef l’actualité internationale, mais lorsqu’un journal en fait ses titres, je la lis, parce que je fais confiance à l’avis de ce tiers».

4. Vive le long format

Qui a dit que le Web était le règne du court et du bref? Jill Abramson, la directrice de la rédaction du New York Times, en est sûre: «il est faux de dire que les longs formats ne marchent pas sur Internet». Selon Max Linsky, fondateur de Longform, où figure chaque jour une sélection de longs (voire très longs) articles d’actualité, «99% de nos lecteurs vont jusqu’au bout du papier, il y a une vraie opportunité à miser sur des formats de 10.000 signes au moins».

Cela tiendrait moins de la longueur du papier à lire, que à 1. la qualité de l’histoire et 2. la quantité de contenus sélectionnés. «Nous sélectionnons actuellement trois contenus par jour, nous visons le nombre de huit par jour, reprend Linsky, «mais nous avons compris que la limite a du bon. Il faut une quantité quotidienne “digérable” par les lecteurs».

5. Alerte, tsunami de photos

500 millions de photos sur Instagram (dont l’application iPhone a déjà été téléchargée 27 millions de fois, et une application Android se prépare), 6 milliards sur Flickr, et 250 millions sont partagées chaque jour sur Facebook. Ces chiffres continuent à grandir. Comment expliquer cet engouement?

«Ce que l’on boit, ce que l’on achète, ce que l’on photographie est bien sûr éphémère, mais il y a de la valeur dans l’éphémère», estime Verna Curtis, de la division photographie de la bibliothèque du Congrès américain, lors d’une table ronde à Austin sur le sujet. «Nouvelle vraie valeur», l’expression photographique ferait «prendre conscience des moments» de la vie, s’enthousiasme Richard Koci Hernandez, photographe professionnel, qui enseigne à l’école de journalisme de Berkeley.

«La photo est une façon de montrer le monde sans recourir aux mots», théorise à son tour Kevin Systrom, le patron d’Instagram. Pratique, dit-il, lorsque les utilisateurs ne parlent pas la même langue. Au delà de ce système de communication universel, bonne nouvelle pour le journalisme, les photos permettent de raconter des histoires comme personne. «C’est l’âge d’or du storytelling, pour les professionnels comme pour les non-professionnels», explique Koci Hernandez. A condition de pouvoir filtrer, dans ce stock de photos partagées chaque jour, ce qui est intéressant ou pas – voir le point numéro 3.

«Si 10.000 personnes prennent des photos du même endroit/de la même chose au même moment, c’est un signal, on sait alors qu’il se passe quelque chose…», commente Kevin Systrom. Ce qu’il s’est passé notamment à la mort de Steve Jobs, le 5 octobre 2011: Instragram a alors été submergé de photos hommages au créateur d’Apple.

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Publier une photo sur un réseau social et n’obtenir aucun «like» ni commentaire. Qui ne l’a pas expérimenté? Même le fondateur d’Instagram confie, gêné: «si dans les premières minutes qui suivent la publication, ma photo ne récolte pas un certain nombre de likes, j’ai tendance à la supprimer».

Tyrannie du «like»? «Je ne crois pas», répond Koci Hernandez, qui se dit néanmoins inquiet que la crédibilité en ligne soit liée au nombre d’interactions générées: «En tant que créateur d’image, il ne faut pas se sentir rejeté si notre image n’est pas approuvée, par des likes ou des commentaires, autant de fois que voulu.»

6. La recette de la vidéo en ligne

Comment réaliser un carton sur YouTube? Cette question est revenue lors de plusieurs sessions à South by South West. Le concept de vidéo virale est un «mythe», déplore Mitchell Reichgut, le patron de Jun Group. «Les vidéos qui font le plus de clics sont le résultat de stratégies de communication soigneusement pensées et bien financées – pas le simple fait d’amis qui partagent des vidéos entre amis».

Pas seulement!, avance Prerna Gupta, présidente d’une start-up appelée Khush. A son actif, des vidéos postées sur YouTube ayant fait plus de 100 millions de pages vues. Sa recette tient en six éléments clés: musique, surprise, le côté dit «mignon», seins, humour et célébrité. C’est la suite de sa formule, résumée par Forbes, qui concerne les journalistes.

  • Relier sa vidéo à l’actualité, cela «aide»
  • De même que susciter l’attention du public dès les 10 premières secondes, pas après
  • ainsi que faire alliance avec un autre producteur de vidéos sur YouTube dont le compte serait plus suivi
  • et obtenir que la vidéo soit relayée par au moins un blogueur reconnu. «Vous pouvez réaliser la plus formidable des vidéos, mais si vous ne l’envoyez pas à un noyau de contacts, elle ne deviendra pas virale. Gagnez l’attention d’un blogueur actif, et le reste suivra»
  • Enfin, et c’est peut-être le plus important, insiste Prerna Gupta, il faut penser à l’édition de la vidéo, et notamment, aux captures d’écran choisies pour servir d’«aperçu». Celles-ci, présentes lorsque l’on n’a pas encore cliqué sur le bouton lecture de la vidéo, dans le lecteur, ou même dans les vidéos dites «relatives», indexées dans la colonne de droite, doivent être percutantes pour susciter l’envie de voir – et donc le clic.

«On dit dans toutes les conférences que le contenu est roi», confirme Martin Rogard, directeur général de Dailymotion, lors d’une master class donnée à l’Ecole de journalisme de Sciences Po, «mais concernant les vidéos, le contenu ne suffit pas. Il y a aussi la façon dont la vidéo est conçue qui compte. Ainsi que sa diffusion sur toutes les plates-formes et sur tous les navigateurs.»

7. Retour de flamme graphique

Pinterest, qui se présente comme un tableau de liège virtuel, l’a prouvé: c’est le retour en grâce des interfaces qui changent. Et si celles-ci sont esthétiquement belles, pour ne pas dire épatantes, c’est encore mieux, car cela donne envie aux utilisateurs d’y rester plus longtemps.

C’est le cas de Flipboard, cette application iPad (et maintenant sur iPhone) qui permet de feuilleter son compte Facebook ou Twitter (et quelques autres médias) comme si c’était un magazine de luxe: son design a été salué de façon unanime par les conférenciers d’Austin comme étant un très bon moyen de «scotcher» ses lecteurs.

8. Les commentaires, la plaie?

Si les articles des journalistes se sont ouverts aux commentaires, il y a des années, c’était pour que des réactions pertinentes de l’audience nourrissent la matière journalistique. Pure rhétorique, dénonce Nick Denton, le directeur de publication de Gawker.

«Les trolls et les spammeurs ne sont pas le problème, on peut les gérer avec force brutalité», annonce l’introduction. «La vraie tragédie, c’est le triomphe de la médiocrité». Comment y remédier? Tentatives de réponses dans ce WIP.

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Alice Antheaume

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