Ras-le-bol de l’UMP? A entendre ce qui se dit dans les couloirs des rédactions françaises et à lire les réactions sur les réseaux sociaux, oui, l’usure se fait sentir – et ce n’est pas Olivier Mazerolle, fatigué de «commenter des inepties» sur le plateau de BFM-TV, qui dira le contraire. Pourtant, sur le Net, ce fiasco politique suscite des clics comme jamais. Si les journalistes, eux, se lassent, l’audience, elle, en redemande, encore et encore.
Au Plus du Nouvel Observateur, le sujet cartonne depuis le début de la crise, le dimanche 18 novembre, jour du vote pour élire le nouveau président de l’UMP. A cette date, on ne savait pas encore que ce serait le début d’une coda sans fin. «Depuis lors, dans notre top 20 des articles les plus lus figurent 9 articles sur l’UMP», me confie Aude Baron, rédactrice en chef du Plus. A Slate.fr – plate-forme sur laquelle ce blog est hébergé, l’article qui caracole en tête des statistiques depuis dix jours décrit le «feuilleton tragi-comique de l’UMP en GIFS animés».
Au même niveau que les affaires DSK et Mohamed Merah
Sur Lefigaro.fr, le live consacré aux rebondissements de la crise de l’UMP fait, en moyenne, 300.000 visites par jour. «C’est moins que le live pour l’élection présidentielle mais plus que celui pour la keynote Apple», évalue Thomas Doduik, éditeur au Figaro.fr. Le soir-même du vote, les contenus sur l’UMP ont même eu plus de succès que la rupture annoncée entre la journaliste Audrey Pulvar et du ministre Arnaud de Montebourg, ou l’agression des membres du mouvement féministe Femen en marge d’une manifestation contre le mariage homosexuel à Paris.
«Nous avons senti un réflexe “que dit Le Figaro sur l’UMP?”», poursuit Thomas Doduik. «Entre la semaine du 12 novembre et celle du 19 novembre, la rubrique politique (où sont tagués les sujets sur l’UMP, ndlr) a fait un bond de +126%». Le Figaro qui dézingue l’UMP, c’est rare, en effet, et cela suscite d’autant plus d’interêt. L’édito du directeur de la rédaction Alexis Brézet, “à rire et à pleurer”, qui crie à la “honte” et au “gâchis pour la droite”, a été mis exceptionnellement en libre accès quand, d’ordinaire, les éditoriaux du Figaro sont réservés à la zone payante.
Les ingrédients de la recette
Mais il n’y a pas que l’avis du Figaro qui explique l’appétence de l’audience pour ce sujet. Parmi les ingrédients-clés de la recette, citons:
Pour la plupart des rédactions en ligne, la crise de l’UMP se situe au même niveau que les affaires DSK ou Mohamed Merah. C’est-à-dire sur le podium des sujets très “clikables”, comme on dit dans le jargon. Autres indices relevés sur Le Figaro: l’UMP réalise de très bons scores aussi sur l’application iPhone (dans le top 5 des sujets les plus vus depuis le lancement de l’application) et sur l’iPad (LE sujet le plus vu).
La difficulté éditoriale sur un tel sujet? Suivre le rythme sans être suiviste. En clair, ne pas se contenter de retranscrire l’échange de piques entre Jean-François Copé et François Fillon. Pour Aude Baron, «ce qui marche sur notre site, ce sont les avis tranchés, les vrais points de vue, ou bien les articles très pédagogiques» comme l’analyse des types de recours judiciaires auxquels peut aspirer François Fillon. Il y a ainsi une vraie prime aux articles très anglés et qui s’éloignent parfois de la politique. «Si on écrit un article juste pour dire que c’est le bazar à l’UMP, merci bien, mais pas la peine, l’audience avait compris!».
Suivez-vous toujours la crise UMP en ligne? Ou en avez-vous assez?
Alice Antheaume
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«Il va y avoir de nouvelles interactions entre les écrans», prédit Cédric Mangaud, d’HTC, lors de la conférence UbiQ, organisée à Paris les 18 et 19 juin 2012. Une conséquence de l’émergence de la télévision sociale (Social TV en VO), qui consiste à voir un programme sur un premier écran (l’écran télé) et à utiliser un deuxième écran (ordinateur, tablette, mobile) pour réagir à ce même programme en allant le commenter sur les réseaux sociaux ou en cherchant, sur le Web, des informations complémentaires à l’émission visionnée.
Tandis qu’aux Etats-Unis, 52% du temps qu’un utilisateur passe sur mobile ou sur tablette se déroule pendant que cet utilisateur regarde la télévision, et qu’en France, les trois quart des internautes utilisent «au moins occasionnellement» un deuxième écran lorsqu’ils consomment des programmes télé, les questions affluent sur la connectivité de ces deux – ou plus – écrans.
Qui télécommande l’autre?
Comment relier ces écrans? Comment faire passer des contenus de la télévision au téléphone à la tablette – et vice et versa – en simultané? Qui, de la télé, du mobile ou de la tablette, télécommandera l’autre? Quelle série télévisée permettra au spectateur de faire pause pendant le visionnage sur le premier écran pour déterminer, sur le deuxième écran, la suite de l’histoire parmi plusieurs options, à la façon de ces petits «livres dont vous êtes le héros» d’antan?
Avant d’aller plus loin, observons ce que font au juste sur ce deuxième écran les utilisateurs quand ils regardent aussi un programme télé. La majorité (58%) d’entre eux se sert de ce deuxième écran (tablette ou téléphone) pour commenter, lire ou chercher des informations en rapport avec le programme devant lequel ils sont assis, selon une récente étude de l’Observatoire de la TV connectée.
Quant aux restants, ils s’adonnent à de toutes autres activités, comme lire leurs emails, en écrire, faire un tour sur Facebook et Twitter, regarder des photos ou des vidéos, ou encore faire des recherches qui n’ont rien à voir avec le sujet du programme.
Interactions entre le téléphone et la télévision
Et pourquoi l’utilisateur n’aurait pas soudain envie d’interrompre l’émission vue sur le premier écran pour y insérer une photo qu’il vient de retrouver sur son portable? Un scénario sur lequel travaillent nombre de fabricants de téléphonie, dont HTC, pour qui il suffit d’un geste de la main partant du téléphone en direction de la télévision pour y projeter un contenu issu de son mobile.
Autre option possible: le «grab magic» (l’attrapeur magique) imaginé par Aral Balkan, lauréat 2012 du TV Hack Day au Marché International des Programmes de Cannes. Avec ce système, il est possible de prendre avec sa main une capture d’écran de la télévision et la faire apparaître sur son écran de téléphone portable en une seconde.
Quel geste, avec les doigts ou avec la main, inventer qui ferait désormais référence? Pas si sûr, d’ailleurs, que cela soit un geste et non un clic ou encore la voix qui contrôlerait tous les contenus, option privilégiée par Apple pour sa télévision et décrite par Pete Cahsmore, de Mashable, comme étant une hypothèse «incontournable» en 2012.
Pour le reste, les hypothèses actuelles d’interaction entre les écrans prévoient que le mobile soit le centre nerveux de l’univers de contenus d’un particulier. Logique, reprend Ammar Bakkar, de MBC group, un autre intervenant présent à la conférence UbiQ. «Le taux de pénétration des smartphones dans le monde est actuellement de 30%. D’ici 2016, il sera de 60%».
La télé est morte, vive la télé!
Dans ce monde envahi d’écrans de toute sortes, la consommation de contenus audiovisuels continue d’augmenter. Ainsi, les Français regardent la télévision en moyenne 3h47 chaque jour, selon Médiamétrie. C’est plus que l’année précédente: 3h32 en 2010.
Ce qui a changé? «On consomme toujours des programmes télé, mais on les consomme quand et où on le veut, et on les consomme sciemment. En d’autres termes, on ne s’avachit plus devant sa télévision pour regarder “ce qui passe”», analyse cet article de Business Insider.
Hormis des moments d’actualité brûlante et quelques rendez-vous sportifs, le flux serait donc condamné au profit d’une consommation de programmes exponentielle sur tous les écrans (ordinateur, tablette, téléphone, téléviseur). Et Business Insider de rappeler que, d’après une étude Nielsen, le pourcentage d’Américains qui regardent des vidéos sur un ordinateur au moins une fois par mois (84%) est maintenant plus élevé que le pourcentage de ceux qui regardent la télévision.
Alice Antheaume
lire le billetQue retenir de la journée spéciale dédiée aux nouvelles pratiques du journalisme, organisée par l’Ecole de journalisme de Sciences Po et la Graduate school of Journalism de Columbia, le 10 décembre?
Voici les points clés de chaque intervention, d’Ariane Bernard, du nytimes.com, à Antoine Nazaret, de Dailymotion, en passant par Masha Rigin, du Dailybeast.com, Sarah Hinman Ryan, de Times Union, Nicolas Enault, du Monde.fr, Nicolas Kayser-Brill, d’Owni.fr, Michael Shapiro et David Klatell, de la Columbia, et Jean-François Fogel et Bruno Patino, de l’Ecole de journalisme de Sciences Po…
Cliquez ici pour la lire synthèse de la journée en français
Cliquez ici pour lire la synthèse de la journée en anglais
[Merci à tous les éditeurs de l’Ecole de journalisme de Sciences Po qui ont produit vidéos, photos, textes, live stream et tweets pendant cette journée marathon. Cet article a été rédigé d’après leurs notes et le “live”]
Ariane Bernard, home page producer, nytimes.com
Crédit photo: DR/Hugo Passarello Luna
Masha Rigin, spécialiste du référencement (SEO), thedailybeast.com
Crédit photo: DR/Hugo Passarello Luna
Nicolas Enault, coordinateur de l’audience, lemonde.fr
Michael Shapiro, professeur de journalisme, cours de «city newsroom», Graduate School of journalism, Columbia
Crédit vidéo: Daphnée Denis
David Klatell, professeur de journalisme, responsable de l’international, Graduate School of journalism, Columbia
Crédit photo: DR/Hugo Passarello Luna
Sarah J. Hinman Ryan, directrice du pôle investigations et recherche d’informations, Times Union
Madhav Chinnappa, directeur stratégique des partenariats, Google News, ex BBC News
Nicolas Kayser Brill, journaliste de données, statisticien, Owni.fr
Crédit photo: DR/Hannah Olivennes
Crédit vidéo: Diane Jeantet
Antoine Nazaret, éditeur des contenus vidéos «news», Dailymotion
Jean-François Fogel, professeur associé à l’Ecole de journalisme de Sciences Po
Bruno Patino, directeur de l’Ecole de journalisme de Sciences Po
AA
lire le billet«Plus de 90% de notre trafic provient de Google, seuls 3% de nos visiteurs passent par notre page d’accueil». Suite101.fr, qui se présente comme «un magazine en ligne», est un site «Google-dépendant». C’est-à-dire un site qui a bâti son modèle sur les publicités contextuelles de Google, les Google Adsenses, et dont l’édition est pensée pour assurer le référencement dans Google.
Lancé en septembre 2009, Suite101.fr est une déclinaison d’un concept né au Canada, sur un site «grand frère» en .com (30 millions de visiteurs uniques mensuels). L’idée est d’encourager un très grand nombre d’internautes à produire des contenus en ligne. Actuellement, 1.400 auteurs francophones ont franchi les étapes de sélection (orthographe, qualités d’écriture, légitimité, et régularité de leur production), et 500 d’entre eux sont actifs – c’est-à-dire qu’ils ont publié un article dans les 90 derniers jours.
Crédit: DR
Bureaux à domicile
Dans les bureaux français de ce site, situés à quelques centaines de mètres de la gare du Nord, à Paris, nulle trace de cette pléthore d’auteurs. «Freelance, ils travaillent chez eux et sont relus par des éditeurs (10 au total, ndlr), également à demeure», m’explique Jérémy Reboul, le rédacteur en chef. Sur place, les locaux sont ceux d’un bureau «vitrine»: un très grand studio, doté de trois bureaux, et de deux canapés autour d’une table basse.
A raison de 50 articles mis en ligne chaque jour, l’effervescence de la rédaction n’est pourtant pas tangible. «Nous essayons de reconstituer l’ambiance et la salle de rédaction en ligne, via des forums internes et des échanges de mails», répond Reboul. Avec son adjoint, il dit passer la majorité de son temps à «donner des idées aux contributeurs, répondre à leurs questions, à créer un lien». Un lien qui a cependant des limites. «Vu l’ampleur de la communauté, nous évitons de donner nos numéros de téléphone, ajoute le rédacteur en chef. Si un auteur produit vraiment beaucoup d’articles, nous lui passons un coup de fil pour le féliciter.»
Rémunération au bout du clic
Ces «auteurs» ne sont pas payés à la pige, ils sont rémunérés en fonction du nombre de clics effectués sur les publicités contextuelles de leurs articles. Ce qui ne fait pour l’instant pas lourd sur leur compte en banque: en moyenne 0,5 euro par article. Le record sur le site français étant 211 euros au mois de juin pour la même rédactrice, qui a produit 350 articles.
Comment ça marche? C’est assez simple: un auteur publie un article, par exemple sur le gagnant de la finale du jeu de télé-réalité Dilemme. Près de l’article viennent s’afficher automatiquement des publicités contextuelles qui ont été vendues par Google, en l’occurrence un lien pour «découvrir en live sur le Web plus de 50 chaînes de CanalSat». A chaque fois qu’un lecteur clique sur ce lien, Google touche de l’argent, et reverse 68% de ce montant à l’éditeur de contenus, lequel attribue le pourcentage qu’il veut de ces 68% à son auteur en lui versant sa part chaque mois via Paypall. Les comptes sont tenus par Google Adsense qui envoie tous les jours à Suite101.fr «un rapport par email listant chaque clic généré sur une publicité contextuelle», détaille Jérémy Reboul, le rédacteur en chef. Ce qui suscite une petite polémique sur le site Categorynet, où échangent des journalistes professionnels, sur le thème «faut-il se brader?».
Certains sujets sont plus rémunérateurs que d’autres. En tête de gondole, la mode, l’automobile, les nouvelles technologies, les voyages, la beauté, le bien être et l’économie – du moins celle du quotidien, reprend le rédacteur en chef, citant des articles expliquant la composition d’une facture EDF, ou le fonctionnement de la déclaration d’impôts en ligne, des tickets restaurants, etc. Bref, tous les sujets sur lesquels il est facile de mettre des pubs ciblées. Sans surprise, à l’inverse, les sujets sur la poésie ou la philosophie ne font pas le plein de pubs contextuelles.
Les dirigeants de Suite101 le martèlent: dans cette optique, un article d’actualité, même très lu, n’est pas rentable. En ligne, les 670.000 visiteurs uniques au mois de juin (chiffres fournis par le site) trouveront certes une rubrique «politique», mêlée à des médias et de la société, dans laquelle on trouve un article sur «le copinage, sport national en France» et sur les «origines des jours fériés français». Nicolas Sarkozy? Il n’existe quasiment pas ici. Son gouvernement et ses réformes non plus.
«Nos auteurs écrivent sur ce qu’ils veulent». Pour Jéméry Reboul, il ne faut surtout pas confondre Suite101 avec une ferme de contenus, telle qu’Associated Content. «Là-bas, les rédacteurs n’ont pas le choix: ils n’écrivent que sur les sujets repérés par les algorithmes des moteurs de recherche. Quant aux contenus ne rapportant pas d’argent, ils sont éliminés. Pas chez nous».
Le nombre de lecteurs n’est pas égal au nombre d’euros sur le compte de l’auteur
Sur Suite101.fr, qui vise 1,5 million de VU d’ici décembre et l’équilibre financier d’ici deux ans, cet article annonçant le programme du défilé du 14 juillet, publié la veille et référencé sur Google News, a fait 20.000 visites en deux jours, «ce qui est énorme pour nous», précise Jérémy Reboul. «Sur ce genre de sujet, périssable très vite, il y a peu de publicités contextuelles disponibles, exceptées pour l’Armée de terre ou les feux d’artifice.» En clair, les articles les plus lus ne sont pas forcément les plus «payants» pour leurs auteurs. Contrairement aux sites Web d’informations, qui fournissent des articles d’actu à longueur de journée, Suite101.fr prône l’article non daté. «L’actualité n’offre une viabilité que de 24 heures, alors qu’un sujet intemporel, ou saisonnier, comme les prénoms originaux des bébés, va certes attirer un nombre relatif de lecteurs tous les jours, mais au bout de trois ans à ce rythme, cela finit par faire beaucoup, dit encore Jérémy Reboul. Nous surfons sur le phénomène de longue traîne.»
En ligne, est-ce vraiment de l’information? Pas vraiment, du moins pas de l’information telle qu’on l’entend dans une rédaction Web composée de journalistes professionnels. C’est plutôt des articles pratiques. «Où devons-nous mettre la barre de qualité? C’est une question que nous nous posons tous les jours, argumente Jérémy Reboul. Devons-nous être plus sévère sur l’orthographe? Sur la vérification des informations? Sur la construction des phrases?». Parmi la communauté, certains auteurs ont constitué une quasi «police interne qui s’émeut parfois que nous publions des articles sur la télé-réalité, des sujets qu’ils ne jugent pas assez nobles», s’amuse Reboul.
Actuellement, la relecture des articles est assurée par des éditeurs, payés 200 euros mensuels la gestion d’une rubrique + 1,5 euro par article corrigé. Ceux-ci doivent veiller à ce que les papiers fassent entre 400 et 1.000 mots chacun, aient des paragraphes courts entrecoupés d’intertitres, détiennent des informations «sourcées», possèdent des liens internes et externes, soient promus sur les réseaux sociaux et soit doté d’un chapeau et d’un titre avec des mots-clés facilement repérables par… Google. Toujours Google.
Que pensez-vous de la rémunération au clic sur la publicité contextuelle? Cela vous paraît-il viable pour l’information? Donnez votre avis dans les commentaires ci-dessous…
Alice Antheaume
Selon John Borthwick, directeur exécutif de bit.ly, un service qui permet de raccourcir les adresses url, “de plus en plus d’internautes cliquent chaque mois sur des url raccourcies depuis les réseaux sociaux et depuis leurs emails”. La semaine dernière, soit la semaine du 11 au 17 janvier 2010, le site bit.ly a enregistré 599.100.000 clics, son record depuis la mise en route du service en juillet 2008.
>> Lu sur le blog Bits du New York Times