La rétrospective 2013 de l’information

Crédit: Flickr/CC/Sugar Daze

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2013, c’est l’année de l’affaire Cahuzac, de l’affaire Snowden, des attentats lors du marathon de Boston, du typhon aux Philippines, de la série House of Cards sur Netflix, du rachat de Tumblr par Yahoo!, celui du Washington Post par Jeff Bezos, des débats sur le mariage pour tous, du décès de l’acteur Paul Walker, des journalistes otages et des journalistes morts dans l’exercice de leurs fonctions… De janvier à décembre, retour sur les événements, petits ou grands, qui ont non seulement marqué l’information en ligne mais aussi le journalisme en France.

Si vous souhaitez rajouter des éléments à cette frise, signalez-les dans les commentaires ou sur Facebook et Twitter, merci!

Alice Antheaume

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Slow Web: On se calme et on boit frais…

Crédit: Flickr/CC/photosteve101

Et si, en 2013, on se sortait la tête du guidon? C’est la tendance prônée par un mouvement américain intitulé “Slow Web”. Son ambition? Etre l’antithèse du temps réel en ligne, des moteurs de recherche et autres services Web qui répondent aux requêtes de façon instantanée. “En fin de compte, la philosophie derrière ce mouvement, c’est que chaque personne devrait avoir une vie” et “ne pas être esclave” du temps réel, résume le manifeste du Slow Web.

Jusqu’à présent, il n’y avait que deux possibilités:

1. je suis déconnecté, et donc en dehors du réseau.

2. je suis connecté et mon attention est mobilisée par le flux d’informations en temps réel.

La troisième voie serait donc:

3. je ne suis pas connecté tout le temps mais suis quand même au courant de ce qu’il se passe sur le réseau.

En ligne, quelques initiatives éditoriales surfent sur cette troisième option et montrent que le “live” n’est pas la seule Bible du journalisme numérique. Se développent ainsi des services qui donnent à voir le meilleur de l’actu, la “curation de la curation”, se développent, et ne référencent que les contenus les plus cités sur les réseaux sociaux. C’est le cas de News.me et de l’application Undrip, qui calme avec humour les ardeurs de ses utilisateurs (“bridez vos élans”, “gardez votre pull”) le temps que la sélection s’opère. Quant à The Atlantic, il a regroupé ses meilleurs articles de l’année 2012 dans un ebook, à lire au calme. Plus radicale, cette application gratuite pour Mac, Self Control, bloque l’accès à une liste de sites Web de son choix (mails, Facebook, Dailymotion, etc.), pendant une période limitée, de 15 minutes à 24h.

Calmez le jeu

En France, Slate (sur lequel ce blog est hébergé) veut réfléchir avant de faire de l’actualité chaude mais à J+1 ou plus. Le Huffington Post a lancé une newsletter appelée “on refait l’actu du week-end” pour ceux qui se seraient déconnecté en fin de semaine et auraient besoin d’un rattrapage. Rue89 proposait la même chose, jusqu’en juillet 2012: il s’agissait d’un long papier publié le samedi qui récapitulait les temps forts de l’actualité survenus dans la semaine, entre le lundi et vendredi. Etait-ce le jour de publication? Le format? Toujours est-il que cela ne marchait pas tant que cela, regrette Pascal Riché, rédacteur en chef de Rue89, qui pointe les chiffres: un peu plus de 6.000 clics par “rattrapage de l’actu” quand les autres contenus du site peuvent obtenir 50.000 clics.

Pourtant, la lecture en différé est une réalité pour les consommateurs d’informations, qui mettent de côté des contenus pour les lire plus tard grâce à des outils comme Pocket. “Il n’y a pas de problème à lire demain les informations d’hier”, tranche le journaliste américain Peter Laufer, cité sur Slow News Movement, un site lancé par la journaliste française Marie-Catherine Beuth, qui réfléchit à l’Université de Stanford sur la question suivante: comment “adapter les informations au temps que l’utilisateur a, ou n’a pas”?

Lecteurs et journalistes branchés sur du 5.000 volts

Mais pour la plupart des sites d’informations généralistes, retirer les doigts de la prise s’avère compliqué. Le tempo de l’information n’a jamais cessé de accélérer, et cela s’est encore amplifié à la naissance des réseaux sociaux, réduisant à un clignement d’oeil le laps de temps entre l’arrivée d’un événement et son écho en ligne. Or ce règne de l’information en temps réel n’est pas une création ex-nihilo des journalistes, c’est une demande de l’audience, habituée à prendre son téléphone en main, en moyenne, entre quarante et quatre vingt fois par jour, pour savoir ce qu’il y a de nouveau.

“Donner l’info quand elle arrive, cela fait partie de notre ADN”, rappelle Aurélien Viers, directeur ajoint de la rédaction du Nouvel Obs. Ce mardi 15 janvier, “les 7.500 postes supprimés de Renault, on ne peut pas en faire l’impasse. La mort du cinéaste Nagisa Oshima non plus.” C’est même un contrat tacite entre l’éditeur et l’audience: offrir les dernières informations disponibles au lecteur, au moment où celui-ci se connecte.

Mosaïque de temporalités

Or s’il y a une prime au premier sur l’info, il y a aussi une prime à l’originalité en ligne. En témoigne le salut unanime du projet du New York Times, Snow Fall, qui raconte l’aventure de seize skieurs pris dans une avalanche. Un contenu à la narration efficace, qui a obtenu en quelques jours 3.5 millions de pages vues, avec des lecteurs scotchés sur cette histoire pendant 12 minutes en moyenne. Une durée considérable.

De plus en plus, les rédactions s’organisent pour que le temps de la réactivité cohabite avec d’autres temps, plus lents. “On a deux jambes, une jambe droite, l’actualité chaude, et une jambe gauche, qui concerne des sujets plus magazines”, reprend Aurélien Viers. “On doit être suffisamment forts pour trouver l’équilibre entre couvrir une information urgente, rebondir sur l’information et l’expliquer. Bref, il y a en fait trois temps: le temps de la réactivité, le temps de l’explication de l’information qui vient de tomber, et enfin, le décalé”.

Piquer un sprint et courir un marathon à la fois

Il ne s’agit donc pas d’arrêter le temps réel mais de naviguer entre l’un et l’autre, et produire des types de contenus adaptés à des habitudes variées – et des connaissances de l’actualité différentes selon qu’on est très connecté, moyennement connecté, ou pas du tout.

En termes d’organisation rédactionnelle, cela signifie bénéficier d’une équipe assez grande pour qu’elle comporte à la fois des sprinteurs, des marathoniens, et des coureurs de relais. “Quand on essaie de décélérer, d’enquêter pendant une semaine sur les pilules de troisième ou quatrième génération, il ne faut pas se laisser déborder par les urgents”, dit encore Aurélien Viers. Or les urgents, et l’actualité en général, on ne la contrôle pas.

Autre problème, paradoxal: les journalistes, habitués à faire de la veille en ligne et à réagir au quart de tour, se sentent parfois démunis lorsqu’ils ont soudain la possibilité de passer deux jours sur un format plus long. “Au final, on reçoit assez peu de propositions de sujets qui nécessiteraient une semaine de travail en dehors du flux alors qu’on essaie d’encourager nos journalistes à le faire”, soupire un responsable.

Avez-vous pris la résolution de tempérer votre addiction au temps réel? Dites-le dans les commentaires ci-dessous, sur Facebook et sur Twitter, merci!

Alice Antheaume

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L’union entre télévision et deuxième écran en question


«Il va y avoir de nouvelles interactions entre les écrans», prédit Cédric Mangaud, d’HTC, lors de la conférence UbiQ, organisée à Paris les 18 et 19 juin 2012. Une conséquence de l’émergence de la télévision sociale (Social TV en VO), qui consiste à voir un programme sur un premier écran (l’écran télé) et à utiliser un deuxième écran (ordinateur, tablette, mobile) pour réagir à ce même programme en allant le commenter sur les réseaux sociaux ou en cherchant, sur le Web, des informations complémentaires à l’émission visionnée.

Tandis qu’aux Etats-Unis, 52% du temps qu’un utilisateur passe sur mobile ou sur tablette se déroule pendant que cet utilisateur regarde la télévision, et qu’en France, les trois quart des internautes utilisent «au moins occasionnellement» un deuxième écran lorsqu’ils consomment des programmes télé, les questions affluent sur la connectivité de ces deux – ou plus – écrans.

Qui télécommande l’autre?

Comment relier ces écrans? Comment faire passer des contenus de la télévision au téléphone à la tablette – et vice et versa – en simultané? Qui, de la télé, du mobile ou de la tablette, télécommandera l’autre? Quelle série télévisée permettra au spectateur de faire pause pendant le visionnage sur le premier écran pour déterminer, sur le deuxième écran, la suite de l’histoire parmi plusieurs options, à la façon de ces petits «livres dont vous êtes le héros» d’antan?

Avant d’aller plus loin, observons ce que font au juste sur ce deuxième écran les utilisateurs quand ils regardent aussi un programme télé. La majorité (58%) d’entre eux se sert de ce deuxième écran (tablette ou téléphone) pour commenter, lire ou chercher des informations en rapport avec le programme devant lequel ils sont assis, selon une récente étude de l’Observatoire de la TV connectée.

Quant aux restants, ils s’adonnent à de toutes autres activités, comme lire leurs emails, en écrire, faire un tour sur Facebook et Twitter, regarder des photos ou des vidéos, ou encore faire des recherches qui n’ont rien à voir avec le sujet du programme.

Interactions entre le téléphone et la télévision

Et pourquoi l’utilisateur n’aurait pas soudain envie d’interrompre l’émission vue sur le premier écran pour y insérer une photo qu’il vient de retrouver sur son portable? Un scénario sur lequel travaillent nombre de fabricants de téléphonie, dont HTC, pour qui il suffit d’un geste de la main partant du téléphone en direction de la télévision pour y projeter un contenu issu de son mobile.

Autre option possible: le «grab magic» (l’attrapeur magique) imaginé par Aral Balkan, lauréat 2012 du TV Hack Day au Marché International des Programmes de Cannes. Avec ce système, il est possible de prendre avec sa main une capture d’écran de la télévision et la faire apparaître sur son écran de téléphone portable en une seconde.

 

Quel geste, avec les doigts ou avec la main, inventer qui ferait désormais référence? Pas si sûr, d’ailleurs, que cela soit un geste et non un clic ou encore la voix qui contrôlerait tous les contenus, option privilégiée par Apple pour sa télévision et décrite par Pete Cahsmore, de Mashable, comme étant une hypothèse «incontournable» en 2012.

Pour le reste, les hypothèses actuelles d’interaction entre les écrans prévoient que le mobile soit le centre nerveux de l’univers de contenus d’un particulier. Logique, reprend Ammar Bakkar, de MBC group, un autre intervenant présent à la conférence UbiQ. «Le taux de pénétration des smartphones dans le monde est actuellement de 30%. D’ici 2016, il sera de 60%».

La télé est morte, vive la télé!

Dans ce monde envahi d’écrans de toute sortes, la consommation de contenus audiovisuels continue d’augmenter. Ainsi, les Français regardent la télévision en moyenne 3h47 chaque jour, selon Médiamétrie. C’est plus que l’année précédente: 3h32 en 2010.

Ce qui a changé? «On consomme toujours des programmes télé, mais on les consomme quand et où on le veut, et on les consomme sciemment. En d’autres termes, on ne s’avachit plus devant sa télévision pour regarder “ce qui passe”», analyse cet article de Business Insider.

Hormis des moments d’actualité brûlante et quelques rendez-vous sportifs, le flux serait donc condamné au profit d’une consommation de programmes exponentielle sur tous les écrans (ordinateur, tablette, téléphone, téléviseur). Et Business Insider de rappeler que, d’après une étude Nielsen, le pourcentage d’Américains qui regardent des vidéos sur un ordinateur au moins une fois par mois (84%) est maintenant plus élevé que le pourcentage de ceux qui regardent la télévision.

Alice Antheaume

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Mise à jour: Tous scotchés au live

Mort de Mouammar Kadhafi, G20 à Cannes, matchs de foot, débats politiques… Le «live», ce format éditorial qui permet de raconter en temps réel un événement en mixant textes, photos, vidéos, contenus issus des réseaux sociaux et interactions avec l’audience, est un appât à lecteurs. La preuve par (au moins) deux: 1. selon les estimations, il récolte minimum 30% du trafic général d’un site d’infos généralistes – un pourcentage qui peut augmenter très vite en fonction de paramètres décrits ci-dessous. 2. Le «live» est un facteur d’engagement de l’audience, les internautes restant plus longtemps, beaucoup plus longtemps, sur ce type de format.

>> Lire cet article en anglais >>

MISE A JOUR: Ce lundi 14 novembre, France Télévisions lance sa plate-forme d’informations en continu, disponible sur le Web et sur mobile (1). Le projet pousse la logique du «live» à son paroxysme. En effet, il repose sur un «live perpétuel» qui relate, de 6h du matin à minuit, l’ensemble des actualités du jour (la grève annoncée à Pôle Emploi, la nomination de Mario Monti, les derniers propos sur DSK, les otages libérés au Yémen, etc.) via vidéos, photos, textes… Le tout est réalisé par des «liveurs», c’est-à-dire des journalistes devenus des spécialistes du «live» numérique, qui répondent aux questions et réactions de l’audience sur l’actualité en temps réel.

Côté hiérarchie de l’info, la logique de ce «live permanent» est la suivante: si c’est une information secondaire, trois lignes suffisent, alors qu’une information essentielle fera l’objet de plusieurs entrées, voire plusieurs développements, dans et en dehors du «live» du jour.


Pour Nico Pitney, éditeur exécutif du the Huffington Post interrogé par le Nieman Lab, le «live» intéresse deux personnes sur trois. «Imaginons trois types de lecteurs», détaille-t-il. «Les premiers veulent les éléments-clés sur une information, une solide vue d’ensemble qui correspond à la lecture d’un article traditionnel. Cette catégorie n’est pas intéressée par le développement minute par minute ni par la couverture en “live”. La deuxième catégorie connaît déjà le résumé des informations mais veut aussi les éléments-clés et la couverture en “live”. Le troisième type de lecteurs – et nous considérons que c’est la majorité de nos utilisateurs – veut d’abord un aperçu de l’actu, mais une fois qu’ils ont vu le “live”, cela les plonge en profondeur dans l’histoire»…

Sous entendu, ils restent scotchés, pris dans les filets du «live», et de la promesse de ce format de leur délivrer les dernières informations disponibles sur l’événement «livé», au fur et à mesure que celui-ci se déroule.

Le live est la nouvelle télé

Pourquoi le «live» fascine-t-il tant, pour reprendre l’intitulé de l’un des ateliers organisés ce mardi aux Assises du journalisme à Poitiers (2)? En partie parce que ce dispositif permet aux utilisateurs de jouer un nouveau rôle, estiment la plupart des intervenants de cette conférence.

«Les internautes ont l’impression de faire l’info», explique l’une d’entre eux, Karine Broyer, rédactrice en chef Internet et nouveaux médias de France 24. «Lors des événements en Egypte, certains posaient dans le live une question pour notre envoyé spécial qui se trouvait alors Place Tahir au Caire, en l’interpellant par son prénom, Karim (Hakiki, ndlr)». Et, si la question était pertinente, Karim Hakiki leur répondait, donnant peut-être l’impression aux lecteurs d’avoir enfin leur mot à dire dans la construction de l’information…

«Lorsque ont eu lieu les débats télévisés des primaires socialistes, nous avons choisi de ne pas ouvrir de live sur le site – trop franco-français pour un média international comme France 24. Nous avons peut-être eu tort, je ne sais pas. Toujours est-il que nos utilisateurs nous ont hélés sur Twitter sur le mode “vous dormez ou quoi? Il faut vous mettre en live…”»

Typologie de réactions en live

«Les internautes sont acteurs», reprend Jonathan Parienté, journaliste de la cellule présidentielle du Monde.fr. Il note trois formes de commentaires lors des «lives»:

  1. Les commentaires basiques du type «j’aime, je n’aime pas/c’est bien, ce n’est pas bien»
  2. Les commentaires sous la forme de questions
  3. Les commentaires qui apportent des informations.

Alors que, par défaut sur lemonde.fr, aucun commentaire n’est publié dans un «live» avant validation par la rédaction, les règles du genre sont simples: le type de commentaire 1 est retenu si l’internaute développe un peu son jugement mais, pour être honnête, cela n’a pas d’intérêt journalistique. Le genre 2 constitue l’essentiel des réactions publiées dans les «lives» et sont utiles pour articuler le dispositif éditorial, en donnant une sensation visuelle de dialogue entre internautes et rédactions, lesquelles restent en position de magistère. Le genre 3, très rare, est très utile d’un point de vue journalistique, nécessite certes vérification avant publication mais renverse la vapeur (l’apport vient cette fois de l’extérieur de la rédaction).

Les ingrédients d’un «live» réussi? Cela tient avant tout à «l’intérêt de l’actualité», assure Karine Broyer. «98% des lives que nous lançons sont issus de breaking news», autrement dit traitant d’actualités non anticipées.

Les accélérateurs de «live»

Outre la force d’une actualité, il y a des facilitateurs de réussite:

  • si la rédaction bénéficie de matière première qui fera la différence avec la concurrence, comme la présence de sources sur le lieu de l’événement qui peuvent donner des informations de première main
  • si le «live» a lieu en journée, aux heures de bureau, heures de «pointe» de l’audience sur un site Web d’infos
  • si l’actualité traitée dans le «live» est feuilletonnée, avec si possible, des rebondissements (l’affaire DSK, les révolutions arabes, Fukushima sont des cas d’école)
  • si le format comporte plusieurs URL, une URL principale pour aboutir au «live» en intégralité, et des URL spécifiques pour chaque entrée du «live».

Sur un outil comme Cover It Live, utilisé par la majorité des sites d’informations en France (La Nouvelle République, Le Monde, Libération, France 24, etc.), le live n’a qu’une URL unique. Des outils développés en interne, comme celui du Huffington Post, attribue une URL par «post» et augmente le taux de partage sur les réseaux sociaux, chaque utilisateur pouvant citer l’un des contenus du live, une photo, un décryptage, une citation, plutôt que de pointer sur un titre très général du type «vivez en direct tel événement».

A l’Ecole de journalisme de Sciences Po, la construction de «live» sur le Web fait partie de la formation des étudiants depuis septembre 2010, au même titre que l’apprentissage d’un reportage télévisuel, ou d’un flash radio. Car raconter en instantané ce qu’il se passe, en apportant du contexte aux informations, en les mettant en perspective, en répondant aux questions de l’audience sur le sujet, et en pratiquant le fact checking, cela demande de la rigueur. Et de l’endurance. Surtout lorsque le «live» dure des jours voire des semaines – celui de Reuters sur Fukushima, entre le 11 et le 26 mars, a duré 15 jours et comporte 298 pages.

Trop de lives tuent-ils le live?

Et après? Si tous les médias «livent» aux mêmes moments les mêmes informations, quel intérêt? «Je ne vais pas m’arrêter de faire du “live” parce que tout le monde le fait», tranche Karine Broyer. D’autant que, selon la matière dont on dispose, les sources, les liens qu’on y met, le ton et le tempo, aucun live ne ressemble à un autre, complète Jonathan Parienté. Pas d’inquiétude, donc, il y a de la place pour tous sur ce format encore expérimental: «la pluralité des lives est la même que la pluralité des médias», conclut Florence Panoussian, responsable des rédactions Web et mobiles de l’AFP.

(1) Bruno Patino, le directeur de la stratégie numérique de France Télévisions, est également directeur de l’Ecole de journalisme de Sciences Po, où je travaille.
(2) Atelier auquel j’ai participé en tant qu’animatrice. Merci à Bérénice Dubuc, Jean-Christophe Solon, Karine Broyer, Jonathan Parienté, et Florence Panoussian, pour ces échanges.

Alice Antheaume

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Que change le nouveau Facebook au journalisme?

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Révolutionnaire pour les uns, inutile pour les autres, la mue opérée par Facebook, que l’on voit arriver cette semaine en France, a et aura de l’impact sur la vie des rédactions. Après l’apparition du bouton «like», voici venu le temps du réseau dans le réseau, d’un Facebook qui veut devenir l’Internet. Un lieu de vie, donc, où l’on partagerait tout, on discuterait avec ses amis, posterait des photos, écouterait de la musique, lirait des informations, commenterait les publications des autres, etc. Revue des nouveaux éléments de Facebook qui pourraient (encore) changer la donne pour les éditeurs et les journalistes.

  • Journalistes RSS

«Sur Facebook, nous sommes tous des objets», avaient prévenu Justin Osofsky, directeur de la division média de Facebook, et Julien Codorniou, directeur des partenariats pour la France, lors de la première formation donnée en France par Facebook aux journalistes, en juin, à Sciences Po. Par «objets», ils entendaient des éléments avec lesquels les inscrits de Facebook peuvent interagir (en cliquant dessus, en commentant dessous, en likant l’objet, en le partageant, etc.).

Désormais, n’importe quel profil peut devenir un flux RSS auquel les membres peut s’abonner. Ainsi, «vous pouvez suivre directement des personnes – comme des journalistes, des artistes ou des personnalités politiques – qui vous intéressent mais que vous ne connaissez pas personnellement (et avec qui vous n’êtes pas amis, ndlr)», explique Zach Rait, ingénieur de Facebook. A la condition, bien sûr, que le journaliste, l’artiste, le politique (ou n’importe qui d’autre) ait accepté de transformer son profil en flux RSS en donnant son accord ici (cliquer sur «allow subscribers»). Une fois cela fait, le propriétaire du flux RSS n’aura plus la main sur qui s’abonne à lui – mais il pourra toujours déterminer ce qu’il rend public (donc envoyé, via le flux RSS, à ses abonnés) ou non. Une nouvelle fonctionnalité très proche du système d’abonnements de Twitter et qui permet aux profils Facebook, jusque là limités à 5.000 amis, d’avoir un nombre infini d’abonnés.

Le tout devrait se faire au détriment des «pages» (qui ne sont pas des profils, si vous avez bien suivi), dont celles des médias. Lexpress.fr a pris les devants, en publiant jeudi matin sur Facebook le message suivant:

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De quoi tenter de mieux cibler la demande des lecteurs qui, selon un chiffre rendu public début septembre, n’étaient que 7.5% à voir chaque jour un post publié par la page dont ils étaient fans. Est-ce que le nouveau Facebook fera mieux? C’est encore à voir.

  • De la visibilité dans le flux d’actualités

Le newsfeed – ou fil d’actualités –, l’entrée numéro 1 pour accéder aux contenus, est désormais composé de deux parties. Dans la partie inférieure, on a accès aux informations les plus récentes (recent stories). Dans la partie supérieure, on observe un tri des informations et éléments qui devraient être les «plus importants» pour l’utilisateur (top stories), un choix opéré par l’algorithme de Facebook, le edge rank, dont j’ai déjà parlé ici. En clair, plus un élément (statut, photo, lien, etc.) est commenté et «liké», plus il a de chances d’apparaître dans le fil d’actualités. De même, s’il provient d’un utilisateur avec qui on est souvent en contact, il peut figurer en tête de file.

Pour un journaliste, cela va être la lutte pour être visible dans le newsfeed. Deux options s’offrent à lui 1. comme avant, poster des contenus qui puissent être appréciés (selon des critères sur lesquels le journaliste n’a pas la main) par l’algorithme du réseau social, afin qu’ils remontent dans la partie haute (top stories). Vous l’aurez compris, mieux vaut le faire avec son profil personnel plutôt qu’avec la page de son média. 2. publier des infos de dernière minute, pour apparaître dans le newsfeed, rayon «recent stories», mais pas que (voir point suivant)…

  • Une boîte à temps réel

Là aussi, les équipes de Facebook avaient annoncé la couleur depuis des mois: ils souhaitaient que les journalistes publient davantage de «breaking news», d’informations de dernière minute, sur le réseau social. Jusque là, il n’était pas sûr que cela soit très visible, et donc payant. Faille comblée? Non seulement un «urgent» peut être vu dans la partie inférieure du newsfeed, mais surtout dans une nouvelle boîte appelée «ticker», en colonne de droite, à côté du newsfeed. Cette nouvelle fonctionnalité montre les dernières informations publiées, et, en passant le pointeur dessus, cela ouvre une pop-up à gauche pour découvrir l’histoire en plus grand, et pouvoir la commenter et la partager. «Parce que le ticker est en temps réel, les rédactions devraient sans doute reconsidérer la fréquence de leur publication» sur Facebook, veut rassurer Vadim Lavrusik.

Pour l’instant, l’impact du ticker sur le trafic des contenus n’a pas encore été mesuré, et selon les premières impressions, il est surtout perçu comme quelque chose de distrayant, dont on ne peut se débarrasser. En outre, cela pose des questions éditoriales. «Qu’est-ce qui fait qu’une info est nouvelle?, s’interroge Emily Bell, de l’école de journalisme de la Columbia. Le fait qu’elle soit dans une boîte tout en haut à droite? Ou autre chose?».

A terme, Facebook a d’autre tours dans son chapeau pour l’exploitation de ce ticker, notamment y glisser des «histoires sponsorisées». Dont les revenus reviendraient à Facebook, pas aux médias.

  • Plus de temps sur Facebook

Sur les 800 millions d’inscrits à Facebook, 1 sur 2 s’y connecte tous les jours, selon les statistiques fournies par le réseau social. Aux Etats-Unis, le réseau de Mark Zuckerberg aspire même 16% du temps passé en ligne. Autant dire que l’activité facebookienne est intense. La question, pour un média, c’est: que faire pour attirer les lecteurs alors qu’ils passent de plus en plus de temps sur Facebook? A priori, le temps n’étant pas incompressible, rien ne permet de penser qu’un utilisateur sacrifiera ses minutes de Facebook pour aller sur un site d’informations généralistes à la place.

Pour le Wall Street Journal, la solution est «simple»: «il faut rendre nos contenus disponibles là où les gens se trouvent», estime Alisa Bowen, du WSJ Digital Network. Sur Facebook, donc. Dans cette optique, ils ont lancé une application spéciale pour Facebook, qui permet aux utilisateurs, en restant sur le réseau de Zuckerberg, de consommer des informations du Wall Street Journal, recommandées par leurs amis, et… de voir des publicités dont les revenus reviennent au Wall Street Journal – et non pas à Facebook.

Du gagnant-gagnant? C’est ce que veut croire Jeff Bercovici, de Forbes: d’un côté, les utilisateurs consomment des informations à l’intérieur de Facebook, et de l’autre, Facebook permet au Wall Street Journal de vendre ses propres pubs à l’intérieur de l’application. Malgré tout, ce sont et cela restera les règles de Facebook, quand bien même l’éditeur y développera sa propre application.

  • Des applications pour remplacer les sites Web d’infos?

Mark Zuckerberg l’a dit lors de la dernière conférence F8: l’avenir est aux applications. Et si les médias devenaient uniquement des applications sur Facebook, sans site Web associé? Pour Jeff Sonderman, du Poynter Institute, ce n’est pas de la science fiction, c’est juste «une question de temps». Son argument tient à l’évolution de Facebook: «Si le médium est le message, que se passe-t-il lorsque Facebook devient le médium? Le message (le contenu) va commencer à devenir un peu différent.»

Le Wall Street Journal, le Guardian et le Washington Post ont tous développé des applications qui permettent aux inscrits de Facebook de consommer des informations de ces médias sans quitter Facebook, et d’y voir l’activité (ce qu’ils lisent, ce qu’ils recommandent, ce qu’ils commentent) de leurs amis. A terme, cela sera-t-il la routine? L’avantage des applications, c’est qu’elles peuvent être sponsorisées par des marques, rappelle Emily Bell, qui cite l’exemple de l’application sur iPad du Guardian, EyesWitness, une sélection quotidienne de photos légendées, montée en quelques jours, grâce au soutien financier de Canon.

  • Timeline, l’identité numérique dévoilée

Avec la refonte du réseau social, les profils Facebook se présentent maintenant sous la forme d’une frise chronologique plongeant dans le passé. Pour Vadim Lavrusik, qui travaille pour le réseau social, c’est un outil de «contextualisation» pour les journalistes. La chronologie permet, écrit-il, de voir comment l’empreinte numérique d’un utilisateur a été «moulée dans le temps, grâce à des expériences de vie, des intérêts personnels, des gens avec qui nous partageons notre vie, et avec lesquels nous n’avons pas peur de révéler notre vraie identité».

Sauf que, à y regarder de plus près, l’utilisateur peut éditer chaque élément présent sur sa timeline: soit en le «featurant» (en le mettant en valeur), soit en supprimant, soit… en modifiant sa date – cette dernière option n’est plus visible au moment où j’écris cet article. Cela rend l’exercice journalistique particulier: certes la timeline d’un homme politique est intéressante, elle peut dévoiler des particularités d’un parcours que l’on n’aurait pas repérées sans cela, mais ces éléments sont à prendre avec des pincettes, dans la mesure où l’élément peut être «manipulé». Du fact checking d’empreinte numérique en perspective…

Au final, s’il est encore difficile d’apprécier l’impact du nouveau Facebook sur l’activité des éditeurs d’infos, il y a au moins trois questions auxquelles les rédactions peuvent d’ores et déjà réfléchir:

1. Quelles sont les informations ayant vocation à être partagées sur Facebook et qui auraient de la visibilité dans le newsfeed?

2. Les journalistes professionnels doivent-ils faire vivre les productions de leur média sur leur profil Facebook, éventuellement transformé en flux RSS?

3. Cela vaut-il vraiment la peine de développer des applications dédiées, sur le modèle du Wall Street Journal, pour trouver un public déjà présent sur Facebook et monétiser les contenus par ce biais?

N’hésitez pas à partager cet article sur Facebook et/ou à le poster sur Twitter. Merci!

Alice Antheaume

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Au prochain épisode, un Google News personnalisable

Google News, lancé en 2002 aux Etats-Unis, se paie un – joli– ravalement de façade. Aux Etats-Unis, l’interface vient d’être reconfigurée afin que «les informations que vous lisez soient plus pertinentes pour vous», annonce Kevin Stolt, ingénieur, sur le blog officiel du moteur de recherche américain. Il est désormais possible de personnaliser l’outil en sélectionnant les sujets, les rubriques et les mots-clés à suivre, et de partager les contenus indexés sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter et Google Buzz).

Histoires inédites

Dans une section intitulée «spotlight», Google News propose «de mieux mettre en valeur les articles dont vous ignoriez l’existence», reprend Kevin Stolt, comme des reportages d’investigation, des tribunes d’opinion, bref, des contenus à haute valeur ajoutée. Enfin, la colonne de droite est consacrée aux informations locales. «Nous référençons maintenant la météo locale et l’actualité qui concerne votre ville, votre quartier, ou votre région».

Version française en préparation

Pour les connaisseurs, la révolution vient du fait que Google laisse la main humaine paramétrer son algorithme, en indiquant ses préférences pour l’indexation des news, et en indiquant sa localité dans la partie dédiée à l’actu locale. Selon le Nieman Lab, Google News est en train de mixer deux tendances majeures, et parfois contradictoires, issues de la consommation d’informations en ligne: la personnalisation et la sérendipité, c’est-à-dire des découvertes inattendues.

A quand la version française? «On n’a pas de calendrier pour l’arrivée de cette nouvelle home page Google News dans l’hexagone, me répond Google France. Ce que je peux vous dire, c’est que nous y travaillons!».

Pensez-vous que la nouvelle interface de  Google News pourrait modifier votre consommation d’informations en ligne? Et vous désintéresser des agrégateurs d’informations comme Netvibes par exemple?

AA

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Like ou pas?

Facebook a inondé le Web de ses outils «sociaux». Parmi ceux-ci, un petit rectangulaire de quelques pixels bleus est apparu sur la Toile, avec un pouce levé vers le ciel et cette mention, «j’aime». Ce bouton «like», une petite bombe numérique, va probablement modifier les pratiques des internautes en général, et des journalistes en particulier. Liste des premières impressions après trois semaines d’utilisation.

  • Au pays des Bisounours

Les sites Web sont désormais constellés de «j’aime». Une semaine après l’apparition de ces outils sociaux sur Facebook, 50.000 sites les avaient déjà intégré à leur système; aujourd’hui, on en compte plus de 100.000 selon les chiffres cités par Allfacebook.com. En outre, près d’un milliard de «j’aime» est enregistré chaque jour sur les serveurs de Facebook. En revanche, aucun bouton pour dire «je n’aime pas».

Pour tous les journalistes qui ont vu l’essor des commentaires – souvent acerbes – et votes assassins sous leurs articles, c’est déroutant. Comme si, désormais, tous les lecteurs ne pouvaient que vivre dans l’amour des contenus proposés. Et si, a contrario, ils n’aiment pas les articles? Ils ne peuvent cliquer nulle part pour le dire, sinon à laisser, comme jusqu’alors, un bon vieux commentaire sous l’article concerné. Facebook a bien prévu un bouton «dislike» sur les pages de son réseau social, mais il ne s’exporte pas.

  • Décalage

«Quand la police a découvert une bombe dans une voiture à Times Square, à New York, c’était très étrange de voir plein de gens “liker” les différents articles sur le sujet qui apparaissaient dans ma timeline», raconte Cécile Dehesdin, étudiante à l’école de journalisme de la Columbia, aux Etats-Unis, et auteure du Médialab de Cécile. De fait, les mots bombe, attentat, terrorisme, ne font pas partie du champ sémantique de «j’aime». Cette distorsion entre faits parfois graves et réactions est un problème pour nombre d’éditeurs, comme le souligne Jennifer Martin, directrice des relations publiques pour CNN Worldwide, pour qui il est très compliqué de voir des utilisateurs dire qu’ils «aiment» un article qui parle d’un fait tragique ou d’un sujet polémique. Ils ont alors préféré utiliser le bouton «recommander», qui tient plus du registre intellectuel, plutôt que le bouton «like», qui fait référence à du sentiment.

Conséquence ou pas? Pour l’instant, en France, rares sont les sites à avoir pour l’instant intégré le «like»à ses pages, sauf lepost.fr et ecrans.fr. Sur lefigaro.fr, on trouve en bas de chaque article un bouton «j’aime» mais il fait partie de la plate-forme communautaire du Figaro, il n’est pas relié à Facebook. (1)

Est-ce qu’un internaute clique sur «j’aime» pour dire qu’il aime le contenu ou qu’il aime l’article? C’est une question de journaliste plutôt que d’internaute, pense Marie-Amélie Putallaz, journaliste animatrice de communautés à lexpress.fr. Avant de se raviser: sur lepost.fr, plusieurs lecteurs se sont émus que l’on puisse cliquer sur«j’aime» sous un article parlant d’un viol collectif. «Le bouton “like” représentait dans ce cas une énorme source de confusion, m’explique Aude Baron, journaliste à lepost.fr. Qu’est-ce que cela voulait dire? J’aime le viol? Ou j’aime cet article? La formule peut mettre très mal à l’aise.»

  • Du participatif en toute facilité

Beaucoup estiment que le bouton «like» encourage la participation des internautes sur les sites Web d’infos. Car un clic pour «liker» prend une demi-seconde quand l’identification sur un site Web d’info pour commenter, puis la rédaction de ce commentaire nécessite beaucoup plus de temps. Et d’engagement, donc. A ce titre, le bouton «like» est ultra efficace. Et peut faire réagir des internautes qui, jusque là, n’interagissaient pas avec les contenus – ou n’étaient pas inscrits sur les sites d’infos. «On demande aux internautes de s’inscrire pour commenter, mais ils peuvent toujours le faire sous pseudo. Alors que pour dire “j’aime” via le bouton, ils donnent leur vrai nom, tels qu’ils se sont inscrits sur Facebook, reprend Aude Baron. Cela va casser le principe d’anonymat.» Même avis de Marie-Amélie Putallaz: «Tout le monde n’a pas forcément envie d’apparaître sur un site d’info avec son identité réelle. Par ailleurs, je ne suis pas sûre que ce seront les mêmes catégories d’internautes qui commenteront, voteront ou cliqueront sur “j’aime”.»

Néanmoins, soyons clair: si l’absence de commentaire est le degré 0 du participatif, et que le commentaire est le niveau 1, le «like» est le degré 0,5 de l’apport d’un internaute. Un apport quantitatif (tant de personnes ont vu et aimé cet article), mais nullement qualitatif (l’internaute n’apporte pas d’informations supplémentaires pour enrichir le contenu).

  • Chemin de lecture

Autre point non négligeable, relevé par Jonathan Dube (ABCnews.com), cité par Poynter: depuis l’intégration des outils sociaux de Facebook sur son site, il a vu une augmentation de 250% des citations des contenus d’ABCnews sur Facebook. En mars, juste avant que n’apparaisse les outils sociaux de Facebook, le réseau social aux 450 millions d’inscrits générait déjà du trafic sur les sites d’infos – en France, en moyenne, pour un site français d’actualité, Facebook générait près d’une visite sur 100 toutes sources confondues.

Et maintenant? «Nous préparons l’intégration du bouton “like” dans les pages de lexpress.fr, mais l’apport de trafic n’est pas notre intérêt premier, me confie Marie-Amélie Putallaz. Même si Facebook apporte du trafic, ce volume reste pour l’instant infiniment moindre qu’un article bien placé sur Google News, ou d’un mot-clé bien référencé sur Google. Pour Marie-Amélie Putallaz, l’intérêt, c’est le principe de recommandation. C’est-à-dire «le chemin qu’empruntent les internautes pour lire les articles. A terme, plutôt que de regarder les trois titres de la tête de “home page” d’un site d’info, je vais regarder les trois articles que mes amis ont lus.»

Le phénomène n’est pas nouveau: Facebook avait déjà commencé à s’immiscer dans notre façon de consommer de l’actu. Mais il  confirme la décrue des entrées par la page d’accueil au profit de chemins annexes, notamment via les réseaux sociaux. D’autant que les publicitaires le savent bien: les internautes cliquent d’autant plus facilement sur un lien qu’il est envoyé par un ami. «En voyant instantanément quels articles sont populaires auprès de leurs amis, les utilisateurs sont plus disposés à passer du temps sur ces contenus – et le temps passé sur des sites Web est très prisé par les annonceurs, bien plus que le nombre de pages vues» ou de visiteurs uniques, souligne le site Social Beat.

  • «Like» = LOL

Pour Philippe Berry, journaliste high-tech à 20minutes.fr, il n’est pas dit que le bouton «like» soit aussi percutant que l’on veut bien le dire. «Sur les sujets très technophiles, comme sur Techcrunch, les internautes interagissent davantage en retweetant les articles qu’en likant les articles sur Facebook». Même avis de sa collègue Charlotte Pudlowski, qui se demande «si ça ne va pas encourager les journalistes Web à faire encore plus de LOL, puisque ce sont le plus souvent ces articles-là (vidéos, buzz, petites phrases, ndlr) qui sont “likés”, plutôt que les analyses de géopolitique compliquées».

  • La fin du journalisme de lien?

Dernier point – et non le moindre. Et si le bouton «like» poussait les journalistes et éditeurs à écrire les articles différemment? C’est la question que pose CNN, sous le titre «Le cauchemar de Google: que les like remplacent les liens». Petit rappel: Google indexe les contenus en fonction du nombre de liens qui pointent vers ce contenu, et en fonction du nombre de liens que contient ce contenu. Un système sur lequel ont travaillé tous les sites Web d’infos pour être le mieux référencés possible dans le moteur de recherche. «Facebook parle des “like” comme de liens sociaux – mieux qu’un lien car c’est lié à un utilisateur spécifique, explique Pete Cashmore, le patron de Mashable. Si l’usage des boutons “like” décolle, c’est vraiment une très mauvaise nouvelle pour Google, puisque son algorithme utilise les liens entre les sites pour déterminer leur place dans son indexation». Pete Cashmore va plus loin: Google et les autres moteurs de recherche n’ayant pas accès à tous les «like», la société la mieux positionnée pour indexer le Web pourrait être… Facebook».

Conséquence pour les éditeurs de sites Web: si Facebook dicte les prochaines règles de référencement, plutôt que Google, tout sera à refaire, en terme de développement éditorial et de SEO.

(1) la fonction existait sur la partie magazine Slate.fr avant d’être désactivée pour des raisons techniques. Elle devrait revenir bientôt.

Le bouton «like» change-t-il votre façon d’interagir avec les contenus? Si oui, comment?

Alice Antheaume

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Le journalisme à l’ère du copié-collé

«Mobilité et ubiquité: qui fait l’info à l’heure des réseaux sociaux?». Pour (tenter de) répondre à cette question, un colloque, organisé par MSN – en partenariat avec l’école de journalisme de Sciences Po, s’est tenu ce mardi 13 avril dans les locaux de Microsoft, à Issy-les-Moulineaux. En toute subjectivité, voici ma sélection de citations à retenir parmi les interventions.

«Il y a plus d’informations parce qu’il y a plus d’émetteurs. Tout le monde est un média. La Maison Blanche, l’Elysée, BMW, etc. (…) La mission du journaliste, c’est de trouver le signal dans le bruit» Eric Scherer, directeur de la stratégie de l’AFP

«Même en 140 signes, sur Twitter, oui, on peut faire du journalisme» Célia Meriguet, rédactrice en chef du Monde.fr, en réponse à Jérôme Bureau, directeur de l’information de M6

«Les journalistes de la rédaction Web d’Europe1.fr sont de plus en plus des prescripteurs et “valideurs” d’infos pour la rédaction d’ Europe 1» Laurent Guimier, directeur de la rédaction d’Europe 1

«Les journalistes Web vivent dans l’immédiateté, leurs lecteurs pas forcément (…) C’est là toute la difficulté, conjuguer les différents temps de l’information. Est-ce que le temps immédiat modifie en profondeur la nature de l’information? Je ne crois pas…» Bruno Patino, directeur de France Culture et de l’école de journalisme de Sciences Po

«Nous vivons une période de copié-collé» Jean-François Fogel, consultant, professeur associé à l’école de journalisme de Sciences Po

«Axés sur l’information chaude, les sites d’infos se ressemblent un peu tous aujourd’hui» Johan Hufnagel, rédacteur en chef de Slate.fr

«L’iPad a un formidable pouvoir d’attraction. Nous nous jetons tous dans la piscine, sans savoir s’il y a de l’eau à l’intérieur (…) Il n’y a pas d’immédiateté du drame, nous avons le temps de nous adapter» Pierre Conte, président de la régie publicitaire du Figaro

AA

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