Sortez moi de là, je suis un journaliste traditionnel

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W.I.P. demande à des invités de donner leur point de vue. Ici, Vincent Glad, journaliste, qui écrit sur Slate.fr et sur bienbienbien.net.

Huis Clos sur le Net, c’est terminé. Comme on pouvait s’y attendre, l’expérience n’a accouché d’aucune révélation fracassante sur les nouveaux médias. Je rappelle le concept: cinq journalistes francophones ont passé une semaine dans un gîte du Périgord (métaphore de l’isolement) en ne s’informant que par Facebook et Twitter (métaphores de la sur-communication).

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Voici leurs conclusions sur l’expérience, recueillies sur le site officiel, leurs médias respectifs ou dans des interviews:

Nour-Eddine Zidane (France Inter)

«Sur la “twittosphère” francophone, […] la politique […] est surreprésentée par rapport à l’actualité internationale […] ou l’économie […]. Autre élément notable: la rubrique faits divers/justice est absente alors qu’elle est presqu’un produit d’appel sur les médias traditionnels les plus populaires: RTL, Le Parisien, TF1

Benjamin Muller (France Info)

«Le premier [enseignement] est la rapidité de relais qu’offre twitter. […] Le deuxième enseignement est que les médias traditionnels nous manquent pour comprendre et pour décrypter l’actualité qui nous parvient. […] Le troisième enseignement est la hiérarchie qui ressort de Twitter. […] Les petites polémiques franco-française (“Quoi? Michelle Alliot-Marie et Brice Hortefeux se détestent ?”) sont à la “une” de Twitter, quand sur France Info ou TF1 l’on parlera bien plus de la grève SNCF.»

Nicolas Willems (RTBF)

«Peut-être pas de véritable remise en question, mais une réflexion qui est restée la même pendant toute la semaine: nous devons toujours revenir vers les mêmes fondamentaux, vérifier l’information, la source. Il faut être très subtil, très vigilant. Ce sont des outils complémentaires à notre travail de journaliste au quotidien.»

Anne-Paule Martin (RSR)

«Les gens qui sont sur Twitter sont dans une logique de guerre, de concurrence entre les médias traditionnels et les nouveaux médias comme les réseaux sociaux.»

Janic Tremblay (Radio Canada)

«Pour le citoyen ordinaire, Twitter reste un formidable outil d’alerte. Récemment, le séisme en Haïti en a été un bon exemple. Aucun journaliste ne peut concurrencer un tel réseau. Mais sur une base quotidienne, c’est beaucoup plus facile de s’en remettre aux médias traditionnels pour savoir ce qui se passe dans le monde. Ce n’est pas une affaire de supériorité. Simplement de ressources et de temps.»

Point de postérité

Toutes ces conclusions étaient déjà connues des utilisateurs avertis des réseaux sociaux et il n’était sans doute pas nécessaire de louer un gîte dans le Périgord pour cela. L’intérêt de l’expérience aura seulement été de communiquer ces réflexions à un large public. Le dispositif (des journalistes, un Loft, le Périgord) n’était qu’une manière spectaculaire d’habiller un simple reportage “embed” sur les réseaux sociaux qu’il était possible de réaliser à Paris, Montréal ou Bruxelles.

Si la science n’en retient rien, Huis Clos sur le Net aura au moins appris quelque chose aux reclus du Périgord: la nécessaire humilité du journaliste en milieu Web.

Les premiers jours des journalistes-lofteurs ont été un véritable enfer. Sur Twitter, les internautes ont multiplié les critiques et ont essayé de les piéger en tweetant de fausses informations. Anne-Paule Martin, la journaliste suisse, a ainsi parlé de «cabale» à leur encontre. Janic Tremblay, de la radio canadienne, balaye d’un revers les critiques: «Il y a eu évidemment des gens qui sont tombés dans la vulgarité mais je ne les regardais pas vraiment passer».

Leur surprise et leur désarmement devant l’avalanche de critiques est typique du journaliste issu des médias traditionnels qui descend pour la première fois dans l’arène Internet. Le rédacteur web est lui habitué au contact direct avec ses lecteurs: en-dessous de chacun de ses articles, un espace ouvert — les commentaires — soumet son travail à un examen critique. C’est souvent impitoyable mais cela apprend l’humilité et pousse à travailler davantage, afin d’échapper à l’impayable brigade du Web 2.0.

Le métier de journaliste est un des plus critiqués de France

En radio, en télé et en presse écrite, le rapport avec le public est beaucoup moins direct. Le seul vrai lecteur ou auditeur avec qui le journaliste peut échanger est son rédacteur en chef. Pour le reste, les réactions se réduisent en général à la portion congrue: un compliment des parents ou du conjoint, un coup de fil énervé d’un attaché de presse et à l’occasion une lettre d’insultes ou une demande en mariage qui arrivent par La Poste. Une erreur dans un article est bien plus souvent relevée sur le web, et ensuite corrigée, que dans les médias traditionnels.

En tant que journaliste Web, je sais que je n’échapperai jamais lors de la rédaction d’un article politique à la critique de «sarkozysme» (une fois sur 2) ou de «gauchisme» (une fois sur 2). Les journalistes des médias traditionnels ne le savent pas puisque la barrière à l’entrée pour critiquer leur travail — un timbre ou une communication téléphonique — est trop élevé pour qu’il y ait des réactions. Pourtant, ils savent que leur travail ne plaît pas à tout le monde: le métier de journaliste est un des plus critiqués de France. D’après le baromètre de la confiance politique réalisé en décembre dernier par TNS-Sofres, seul 27% des Français font confiance aux médias… alors que les banquiers, pour qui le fond de l’air n’est vraiment pas favorable, recueillent 37 % d’opinions favorables.

Reprenons la conclusion d’Anne-Paule Martin, l’une des participantes: «Les gens qui sont sur Twitter sont dans une logique de guerre, de concurrence entre les médias traditionnels et les nouveaux médias comme les réseaux sociaux». En fait, «les gens qui sont sur Twitter» sont juste des lecteurs/auditeurs normaux. Qui ont un avis. Un avis qu’ils expriment sur Internet.

Vincent Glad

4 commentaires pour “Sortez moi de là, je suis un journaliste traditionnel”

  1. Bon alors voilà une article ouvertement sarkozyste qui ne manque pas d’utiliser au passage des ficelles gauchistes. Vous abaissez les journalistes du service public à leur ignorance des ces médias. En gros c’est : “médiatisez plus pour gagnez plus”. Mais de l’autre vous flattez l’internaute. Il ne lui manquait que la parole, il l’a. Où nous mènera ce populisme 2.0?

    En somme plus aucun râtelier ne vous indiffère…

    Signé: un citoyen attentif
    ————————————
    Ca va j’ai bon là en commentaire vulgaire et guerrier?

  2. Il est compliqué cher Vincent Glad de commencer la lecture de votre billet par : “un gîte du Périgord (métaphore de l’isolement)” et “Facebook et Twitter (métaphores de la sur-communication)”.

    Votre commentaire est dès lors ouvertement sarcastique et subjective quand notre lecture est biaisée.

    Dommage.

  3. Oui vous avez très bon en commentaire guerrier, félicitations !

    Je ne sais pas si vous êtes sérieux quand vous parlez de “populisme 2.0” mais si c’est le cas, ça renvoie à le traditionnelle angoisse qu’ont les politiques face à l’Internet. L’avis de leurs électeurs, ça va tant qu’il est exprimé sur un marché, mais dès qu’il est exprimé en-dessous d’une vidéo Dailymotion, il fait très peur.

  4. Non je n’étais même pas sérieux, ou j’avais peur de l’être. Ils font même des lois sur la politique de proximité, mais quand les adresses IP se rencontrent, peut-être que tout compte fait… le marché c’est bien aussi, le samedi matin.

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