L’année dernière, à South by South West, on ne jurait que par l’«ambient social networking», c’est-à-dire, en mauvais français, du réseautage «ambiant», lequel permettait d’être averti dès que ses amis (ou amis d’amis) étaient dans les parages. Cette année, au Woodstock des nouvelles technologies à Austin, au Texas, quelles sont les tendances 2013?
Avec l’iWatch d’Apple, une montre intelligente dont Bloomberg assure qu’elle pourrait être commercialisée dès cette année, et les lunettes «Glass» qui vous indiquent où vous êtes, envoient un message à qui vous voulez quand vous parlez, et prennent des photos quand vous le leur demandez, la mode est aux accessoires «connectés» à porter sur soi. A South by South West 2013, Google a ainsi présenté des chaussures parlantes, des baskets qui disent qu’elles s’ennuient lorsque vous êtes assis trop longtemps et vous félicitent après une bonne séance de sport. Elles sont même capables de publier des commentaires sur votre activité directement sur votre flux Google Plus.
On vient de le voir: on peut commander à un ordinateur avec sa seule main, on peut demander à des lunettes qu’elles enregistrent aussitôt la scène que l’on est en train de voir. Geste de la main, des doigts, voix, mots du quotidien: les façons dont l’homme interagit avec la machine sont désormais basées sur des gestes du quotidien, que l’on effectue des milliers de fois par jour, et non sur des manipulations qui devraient être apprises via un mode d’emploi. On remet ainsi du réel, pour ne pas dire du quotidien, dans l’environnement numérique pour donner davantage de repères aux utilisateurs. C’est ce que fait aussi Apple lorsqu’il conçoit son kiosque, où les versions numériques des revues et magazines sont rangées sur une représentation d’une étagère en bois. L’art d’insérer “un élément de design ou une structure qui ne sert aucun but dans l’objet formé mais qui était essentiel dans l’objet fait à partir du matériau original” porte même un nom en anglais: le skeuomorphisme.
Sous une tente, près de la rivière d’Austin, c’est l’effervescence. On peut y voir la technologie proposée LeapMotion, qui a fait sensation à South by South West. Sur l’écran des ordinateurs disposés ça et là, un tableau de bord d’un véhicule et une route pour faire la course comme dans un jeu vidéo. Devant l’écran, vous. Rien ne vous relie à l’écran: ni fil ni clavier ni manette ni souris. Pourtant, vous pouvez conduire la voiture, juste en tenant un volant imaginaire entre vos mains. “Ma main devient mon login et mon mot de passe”, détaille David Holz, le co-fondateur de LeapMotion, “je ne veux pas qu’on m’implante sous la peau du bras un clavier”. Autant dire que souris et clavier seront bientôt des animaux préhistoriques.
Cela va même plus loin, car “la meilleure interface, c’est pas d’interface du tout“, annonce Golden Krishna, designer chez Samsung. “On essaie de résoudre nos problèmes de la vie quotidienne avec des écrans, et résultat, nous sommes entourés d’écrans”, diagnostique-t-il, moquant notre amour des interfaces via des images de pierre tombale dotée d’une épitaphe écrite sur écran et de toilettes pour enfants pourvus d’une tablette. L’avenir serait donc à la disparition totale non seulement des souris et claviers mais aussi des écrans. “Pour ouvrir le coffre de la voiture quand vous avez les mains pleines, vous n’allez pas poser vos sacs pour ensuite pianoter un code sur un écran pour l’ouvrir”, reprend Golden Krishna, faisant l’éloge d’un système où l’on passerait son pied sous le pare-choc, signal pour dire “coffre, ouvre-toi”.
Bre Pettis, fondateur d’une start-up appelée Makerbot, quadra aux cheveux poivre et sel et lunettes foncées, est apparu comme le prophète de cette tendance, lors d’une keynote remplie à ras bord le vendredi 8 mars à Austin.”Photoshop a changé la façon de faire des images, Makerbot va changer la façon d’imprimer. La révolution sera l’impression en 3D”, s’exclame-t-il, enchanté à l’idée que, bientôt, n’importe qui pourrait dessiner une tasse ou une chaise à domicile et l’imprimer aussitôt. Et de rêver aux activités des enfants qui, dans le futur proche, joueront aux Lego autrement: “imaginez qu’ils aient une imprimante 3D au lieu d’avoir un Lego. Non seulement ils pourront fabriquer des logos mais aussi créer des objets de leur futur”. Car désormais, ce sont bien des choses qui peuvent être imprimées, alors que, jusqu’alors, seuls des fichiers pouvaient l’être. Problème: les armes peuvent elles aussi être imprimées en 3D.
On connaissait déjà Square, cet accessoire carré qui se branche sur la prise écouteurs de son smartphone ou sa tablette, et permet d’y glisser sa carte bancaire pour… payer. Aux Etats-Unis, nombreux sont les taxis qui sont équipés de la sorte pour permettre à leurs clients de régler leurs courses. A South by South West 2013, un autre système de paiement sur mobile a fait une percée remarquée: il s’agit de LevelUp, une application qui se télécharge sur son téléphone. Après avoir pris en photo sa carte bancaire, l’application fournit un “QR code” que l’on présente à la caisse, qui est scanné via un laser, et hop, c’est fini. Il en coûte 2% sur chaque transaction opérée par ce biais aux commerçants équipés de ce système.
Parmi les autres tendances observées à South by South West, figurent le “multi-éditionning” prôné pour l’information sur tablette, la suprématie des réseaux sociaux sur les blogs d’antan – j’y reviendra dans un prochain WIP -, les statistiques pour tout, tout le temps – on mesure ses pas, ses kilomètres parcourus, ses calories ingurgitées, le nombre de “likes” recueillis par ses photos postées en ligne, son nombre de retweets, etc. – et par un narcissisme grandissant en ligne.
Etiez-vous à South by South West 2013 ou avez-vous lu des articles sur le sujet? Avez-vous repéré d’autres tendances? Merci de les partager sur Twitter ou Facebook.
Alice Antheaume
lire le billetAprès le plantage de quelques médias américains, New York Times compris, au moment de donner le nom de l’auteur de la tuerie de Newtown – le nom de Ryan Lanza est d’abord apparu avant que la correction soit faite pour attribuer le meurtre à son frère Adam Lanza, les techniques de fact-checking ont été très débattues à South by South West 2013, le festival des nouvelles technologies qui se tient chaque année à Austin, aux Etats-Unis. Journalisme de niche, le fact-checking politique est devenu une vraie spécialité, estime Bill Adair, le fondateur de Politifact, un projet lancé en 2007, récompensé par un prix Pulitzer, qui veut disséquer les propos des responsables politiques du pays afin d’en distinguer le vrai du faux.
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Comment ça marche dans les cuisines de Politifact? Comme dans un fast-food, détaille Bill Adair lors d’une table ronde intitulée “Fast food and fact checking”, avec des procédures éditoriales pour garantir la “fraîcheur” du produit, des “mesures de sécurité”, et une “recette secrète” pour composer les contenus.
1. Le sujet de la déclaration qu’on s’apprête à vérifier peut-il intéresser quelqu’un?
Il faut une audience pour tout contenu.
2. La déclaration de tel ou tel homme politique est-elle vérifiable et mérite-t-elle de l’être?
Selon Bill Adair, “si on est sûr que c’est vrai, et que cela n’apporte rien que de procéder à un fact-checking, on laisse tomber”.
3. Est-elle vérifiable dans un temps “raisonnable”?
“On ne passe pas plusieurs semaines sur une phrase”, tranche Bill Adair.
4. La déclaration est-elle un jugement de valeur?
Si oui, passez votre chemin, car “les opinions ne se vérifient pas”, reprend le patron de Politifact.
Chaque contenu sur Politifact est composé de plusieurs ingrédients, comme les couches qui forment un hamburger.
* Le pain –> le titre.
* La moutarde –> le descriptif de la situation au cours de laquelle le responsable politique a prétendu telle ou telle chose.
* La salade –> la déclaration qui va être passée au crible.
Celle-ci est citée in extenso et est complétée par le “plus de contexte possible”, souligne Bill Adair.
* La tranche de tomate –> la transition.
Elle permet de passer de la déclaration aux paragraphes suivants, qui concernent les faits.
* Le steack –> l’exposé des faits et l’analyse qu’en tire le journaliste.
* Les grains de sésame sur le pain –> la conclusion.
Elle tient en deux lignes et indique au lecteur si la déclaration politique examinée est vraie ou fausse.
Pour Bill Adair, il importe aussi que chaque contenu soit correctement tagué: “il faut assigner à chaque fact-checking le nom d’un homme politique (celui qui a fait la déclaration), d’une campagne électorale (le contexte), d’un sujet (ce sur quoi porte la déclaration), d’un reporter (l’auteur du fact-checking) et un vote (son nombre de likes et de retweets)”, développe-t-il, pas peu fier d’avoir pensé à cette structure, car au moment de lancer l’application mobile de Politifact, le “rangement” était d’autant plus simple à mettre en place avec des catégories déjà installées.
Alice Antheaume
lire le billet«Cela ne sert à rien de dupliquer, sur une tablette, les contenus prévus pour un journal imprimé», lance Mario Garcia à South by South West, le festival des geeks organisé chaque année à Austin, aux Etats-Unis. Cela ne sert à rien, et pourtant, la majorité des éditeurs d’informations ont ce réflexe. Ils seraient plus avisés d’observer de près deux des activités préférées des propriétaires de tablettes: le fait de se pencher en avant, pour chercher dans l’instant une information, et le fait de se pencher en arrière, pour consulter au calme, et souvent le soir, des contenus. Comment les internautes lisent-ils des informations sur les tablettes? Et comment les éditeurs devraient, en conséquence, concevoir leurs applications? Mario Garcia, ex-journaliste, expert du design en fonction des supports, et Sarah Quinn, du Poynter Institute, ont donné un cours collectif intitulé “Storytelling in the age of the tabletle vendredi 8 mars à South by South West 2013.
>> Lire ou relire les tendances de South by South West 2012 >>
On distingue plusieurs catégories de lecteurs d’informations sur tablettes, d’après la dernière étude EyeTrack de Poynter qui, à l’aide d’une caméra sophistiquée, a pu analyser en simultané les mouvements oculaires que font les utilisateurs lorsqu’ils s’informent sur tablette et les points qu’ils fixent sur l’écran.
– 61% des sondés par Poynter sont qualifiés de «lecteurs intimes» («intimate readers»), c’est-à-dire qu’ils ne cessent de toucher l’écran pendant qu’ils lisent, quand les 39% restants sont des «lecteurs détachés» («detached readers»), qui, une fois qu’ils ont choisi le contenu qu’ils souhaitent lire, retirent leurs doigts de l’écran.
– il y a aussi les lecteurs méthodiques, qui décident ce qu’ils vont lire et s’en tiennent à leur décision, et les lecteurs qui fonctionnent comme des scanners et butinent ici et là des fragments de contenus. Les seconds, les butineurs, sont plus nombreux (52%) et plus implantés chez les 18-28 ans, quand les premiers, les méthodiques, appartiennent plutôt à la classe d’âge des 45-55 ans.
Avant de choisir le premier contenu qu’ils vont lire sur tablette, les lecteurs fixent en moyenne 18 points sur la page d’accueil de leur application. Ceux qui ne finissent pas la lecture de leur article ont regardé seulement 9 points. Et sur le premier contenu qu’ils consultent, ils passent en moyenne 1 minute et demi, relève encore Sarah Quinn, reprenant les conclusions de l’étude Poynter.
Sur tablettes, les lecteurs seraient plus «engagés» que sur smartphones, prétend ce rapport réalisé par Adobe Digital Index en mars 2013. Même si la tablette est moins répandue dans le monde que le téléphone, elle génèrerait plus de trafic en ligne. En effet, un utilisateur de tablette surfe sur 70% de pages Web de plus que lorsqu’il utilise son smartphone.
70% des utilisateurs de tablettes préfèrent lire en version paysage plutôt qu’en version portrait, toujours selon l’étude EyeTrack de Poynter. Un argument supplémentaire pour implorer les éditeurs de ne pas reproduire, sur tablette, le format du journal imprimé. «Aucun lecteur ne sert d’une tablette comme d’un journal», martèle Mario Garcia.
Les internautes attendent trois principes d’une application d’informations disponible sur tablette: 1. de la «curation», pour voir quels contenus les éditeurs ont sélectionnés pour eux 2. les dernières nouvelles disponibles, «breaking news» compris, et 3. des contenus issus du journal/magazine/programme de télé ou émission de radio si l’application est celle d’un média déjà installé dans le paysage. Conséquence: «vous pouvez mettre le PDF de votre journal, mais à condition que votre PDF soit mis à jour dans la journée», dit encore Mario Garcia, qui prévoit, dans les mois à venir, de plus en plus de «multi-editionning», comme le fait le New York Times, avec une édition du journal le matin, une édition le midi, et une édition le soir.
L’institut Poynter a testé les réactions des lecteurs sur trois applications différentes sur tablette. La première application s’inspire de l’interface de la BBC, à savoir une mosaïque d’images qui, lorsqu’on clique dessus, renvoient vers des contenus. La deuxième application, traditionnelle, ressemble à l’interface proposée le plus souvent par les journaux, avec une place majeure laissée au texte et aux titres, des rubriques en nombre, et une séparation par colonnes, qui donne une idée claire de la hiérarchie journalistique proposée par l’éditeur. La troisième et dernière interface ressemble à l’interface de Flipboard. Résultat du test: les utilisateurs interrogés par Poynter préfèrent à 50% la version numéro 1, qui leur donne l’impression d’avoir un buffet devant eux, à 35% le modèle hiérarchisé et à 15% l’équivalent de Flipboard.
Sur tablette, une application d’informations a un seul impératif: parler à plusieurs sens. Elle doit s’adresser «à la fois aux yeux, au cerveau et aux doigts», avertit Mario Garcia. «Ne frustrez jamais les doigts de vos lecteurs! Il faut rendre les doigts heureux, leur proposer des points sur lesquels interagir de façon tactile».
Les images sont devenues des principes de navigation au détriment des titres d’articles. C’est dur à encaisser pour les éditeurs, mais le titre d’un éditorial ne peut guère servir d’appel au clic. Sur tablette, l’application The Times of London a pris le parti de consacrer toute la surface de son application à une seule histoire qui est souvent une vidéo, et celle du Huffington Post propose une interface uniquement basée sur les images.
67% des sondés de l’étude Poynter utilisent les boutons de contrôle installés dans leur navigateur – comme les flèches pour revenir sur la page précédente – pour passer d’un contenu à l’autre, plutôt que des boutons créés par les développeurs dans une application. «Ils utilisent ce qu’ils connaissent», résume Sarah Quinn. Pas la peine, donc, pour les éditeurs de consacrer un temps déraisonnable à la création de telles fonctionnalités quand elles existent déjà par défaut sur le support.
Alice Antheaume
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