Vacances et révisions pour WIP

Crédit: Flickr/CC/End User

C’est la trêve estivale pour Work In Progress. Merci à tous pour votre fidélité, merci à tous pour vos commentaires, vos “likes” et vos “retweets”.

En attendant de nouveaux WIP, fin août, vous pouvez lire ou relire une sélection de ce qui a ponctué cette année scolaire 2010-2011, entre actualité exceptionnelle, irruption de formats éditoriaux, questionnements sur les réseaux sociaux et mutations journalistiques…


La vie des rédactions

– Pourquoi et comment le journalisme continue-t-il à muter en 2011?

Comment produire des informations calibrées pour le mobile?

Quel impact a le SEO sur l’écriture journalistique?

Premières leçons de code

Le futur du journalisme? Apprendre à entreprendre

– La chasse aux trolls

– La novlangue des journalistes en ligne

– Ces journalistes accros aux statistiques


L’actualité, motrice des innovations

– A l’occasion des noces de Kate Middleton et du Prince William, le mariage royal de la télévision et de Twitter

Les médias à l’école DSK

L’Egypte, un carton sur le Web, un bide à la télé


Journalisme et réseaux sociaux

L’école des chartes: faut-il encadrer ce que les journalistes disent sur Twitter et Facebook?

– Les critères d’un contenu “facebookable”: quand, quoi et comment poster sur Facebook?

Facebook, votre site d’informations


Tendances numérico-américaines

– Facebook, Google, Twitter, Yahoo!: Leçons d’innovation aux médias

– Journalisme et réseaux sociaux: 8 tendances venues des Etats-Unis

 

Très bon été à tous!

Alice Antheaume

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Réseaux sociaux et journalistes: l’école des chartes

Un journaliste a-t-il le droit de publier sur Twitter une photo de sa rédaction presque déserte, en visant ses collègues qui ne sont pas au travail dès potron-minet? Peu de rédactions françaises l’interdisent. Ou disons plutôt: peu de rédactions estiment qu’elles ont besoin de l’interdire tant cela leur semble évident qu’on “ne balance pas sur les horaires d’arrivée des journalistes de sa propre maison devant la terre entière”. Certes, Twitter n’est pas la terre entière, mais c’est quand même plus de 3 millions de personnes, selon une récente étude de Semiocast.

Lorsque le cas se présente, les directions se révèlent perplexes. A la rédaction du Nouvel Observateur, ce cas est survenu. “Je ne vois pas en quoi tweeter la photo du plateau, donnant l’impression que la rédaction est vide, alors qu’il y avait des journalistes qui travaillaient, aurait pu être drôle. Même au troisième degré”, me confie Aurélien Viers, rédacteur en chef du NouvelObs.com. “Cela peut être mal interprété, et a été mal interprété”. De fait, un autre journaliste du Nouvel Observateur a riposté aussitôt, également sur Twitter, en saluant la “pointeuse”. Ambiance.

“Je ne pensais pas que cela arriverait, nous n’avons jamais eu aucun souci”, reprend Aurélien Viers. “Aucun journaliste ne tweete sur son canard ou sa direction en les critiquant, c’est enfoncer des portes ouvertes, mais il fallait que cela soit précisé”. Il a alors envoyé un email à son équipe, rappelant quelques règles simples et de “bon sens” sur l’utilisation de Twitter par les journalistes, dont il s’explique dans cette tribune publiée sur WIP.

Or ce qui est le bon sens pour les uns ne l’est pas toujours pour les autres. Et c’est toute l’ambiguïté de l’appréciation de ce qui est “évident”. Alors faut-il l’expliciter via une charte, ou un “règlement intérieur”, comme l’appelle Eric Mettout, rédacteur en chef de lexpress.fr? “Comme si, parce que nous nous exprimons sur Twitter ou Facebook en notre nom, nous y oubliions notre carte de presse et les comportements qui y sont attachés et dont nous sommes abreuvés depuis l’école”, regrette-t-il. Faut-il aller jusqu’à demander aux journalistes de ne pas dénigrer leur direction en public? Lorsque Anne Lauvergeon a été annoncée à la présidence du conseil de surveillance de Libération, les journalistes de ce titre ne se sont pas privés de marquer leur désapprobation sur Twitter.

Journalisme et réseaux sociaux en ménage

Si les rédactions anglo-saxonnes ont la culture de la charte et documentent les droits et devoirs de leurs journalistes, les rédactions françaises n’ont pas ce réflexe, craignant sans doute d’entraver la liberté de ton de ses journalistes ou de devoir, pire, réactualiser les règles en permanence en fonction des cas rencontrés. Surtout, elles ne veulent pas freiner les enthousiasmes de ceux qui tweetent et participent ainsi à la visibilité de leur titre en dehors des pages et colonnes traditionnelles.

La véritable raison d’une charte sur les réseaux sociaux, c’est d’assurer le prolongement des devoirs journalistes (pas de diffamation, pas d’atteinte à la vie privée, etc.) prévalant sur les publications traditionnelles (sites Web, journaux) aux publications annexes (blogs, Twitter, Facebook, lorsque les comptes sont ouverts). Car un journaliste l’est 24h/24, quel que soit l’endroit d’où il parle.

France Télévisions a, de son côté, écrit une charte des antennes. “La charte de France Télévisions est plus subtile que ce que l’on a bien voulu en dire, détaille Bruno Patino, directeur général délégué au numérique, également directeur de l’Ecole de journalisme de Sciences Po. Twitter n’est pas au centre de la charte. Celle-ci prend seulement en compte un fait avéré: il n’est pas possible d’avoir sur les réseaux sociaux deux identités, une privée et une professionnelle, qui soient imperméables l’une à l’autre. En clair, il ne faut pas dire des choses sur tweeter que l’on n’assumerait pas à l’antenne. Notre crédo, c’est “think before your tweet”, réfléchissez avant de tweeter.”

Le Nouvel Observateur a aussi une charte, créée en 2004, et révisée en 2010, qui concerne l’ensemble des devoirs des journalistes, et non l’utilisation spécifique des réseaux sociaux. Mais Aurélien Viers laisse la porte ouverte: “il faut l’envisager, d’autant que les 130 journalistes du titre vont davantage utiliser leurs comptes Twitter et Facebook” dans les mois à venir.

En ligne ou hors ligne, même combat

Quant à l’AFP, elle est en train d’en élaborer une, dont la première partie concerne la vérification du matériel trouvé sur les réseaux sociaux, la deuxième partie devant s’attaquer à ce que les agenciers peuvent publier, ou non, sur Twitter et Facebook. En préambule, m’explique François Bougon, journaliste à l’AFP, “on va rappeler que les journalistes sont encouragés à être présents sur les réseaux sociaux (veille, recherche d’infos, etc.) et que leur présence n’est pas différente de celle dans le monde réel et elle doit continuer à être guidée par les mêmes droits et devoirs tels qu’ils sont consignés dans des textes fondateurs comme par exemple la déclaration des droits et devoirs des journalistes, adoptée à Munich en 1971”.

De même, le SNJ, le Syndicat National des Journalistes, a également mis à jour, le 5 juillet 2011, son code de conduite et s’attaque à l’instantanéité: “la notion d’urgence dans la diffusion d’une information ou d’exclusivité ne doit pas l’emporter sur le sérieux de l’enquête et la vérification des sources.” Façon de calmer la course au premier tweet.

Enfin, à l’Ecole de journalisme de Sciences Po, où je travaille, nous avons écrit une charte, en vigueur depuis la rentrée scolaire 2010, pour que les étudiants suivent les mêmes règles journalistiques, qu’ils produisent des contenus pour un site Web d’infos, sur une page Facebook, sur un compte Twitter, dans un journal télévisé ou un flash radio.

Les règles des rédactions anglo-saxonnes

Pour finir sur ce sujet intarissable, voici quelques uns des mots d’ordre observés dans différentes rédactions à l’étranger.

  • Ne soyez pas stupide (Wall Street Journal)

Le message est simple: ne soyez pas stupide”, demande Alan Murray, l’éditeur du Wall Street Journal. Si vous couvrez la politique, vous n’allez pas tweeter que vous venez de voter pour John McCain. Si vous êtes Bob Woodward et que vous allez rencontrer Gorge Profonde dans un garage, vous n’allez pas le fanfaronner sur Twitter. Le problème, dans les grosses organisations comme le Wall Street Journal, c’est qu’il y a inévitablement des gens qui font des choses stupides, et d’autres gens du titre qui estiment que, s’il y a des gens qui font des choses stupides, il faut tenter de codifier la stupidité.”

  • Si vous ne voulez pas qu’on voit quelque chose de vous en ligne, ne le mettez pas (Washington Post)

“Les journalistes du Washington Post doivent savoir que, quel que soit le contenu qui leur est associé sur les réseaux sociaux, celui-ci est considéré comme l’équivalent de ce qui peut apparaître à côté de leur signature, sur le site Web ou dans le journal.”

  • Conduisez-vous en ligne comme vous le feriez en public (NPR)

Dans ses règles à tenir sur les réseaux sociaux, la radio américaine NPR énumère plusieurs points, donc celui-ci: “tout ce que vous écrivez ou recevez sur un réseau social est public. Toute personne ayant accès au Web peut accéder à votre activité sur les médias sociaux. Et même si vous êtes attentif à essayer de séparer professionnel et personnel, en ligne, les deux s’imbriquent”. Et plus loin: “vous devez vous conduire en ligne en pensant à ce que votre comportement et vos commentaires (…). Autrement dit, conduisez vous en ligne comme vous le feriez en public.”

  • Ne mettez pas en péril le modèle économique de votre média (Reuters)

A la question “quand puis-je tweeter?”, répertoriée dans sa charte, Reuters répond: interdit aux journalistes de l’agence de poster un scoop sur Twitter. Toute information exclusive doit d’abord être publiée dans le fil de dépêches. Logique, puisque Reuters a un modèle économique qui repose notamment sur l’achat d’informations par des clients, lesquels verraient d’un mauvais oeil le scoop publié sur une plate-forme accessible à tous, sans abonnement. En revanche, il est possible de retweeter un scoop quand c’est celui de quelqu’un d’autre, reprend Reuters, dans son manuel.

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Alice Antheaume

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Il était une fois les journalistes sur Twitter…

W.I.P. demande à des invités de donner leur point de vue. Ici, Aurélien Viers, rédacteur en chef au NouvelObs.com, explique pourquoi il a envoyé, à ses équipes, un email sur l’utilisation journalistique de Twitter.

Twitter et les journalistes? Une belle histoire. A croire que les fondateurs ont forgé un service de micro-blogging sur mesure pour la profession.

En mode passif, le réseau social sert d’outil de veille, d’alertes, et comme agrégateur de flux d’informations. On suit en temps réel des médias, des hommes politiques, des sites d’infos, des blogs, etc.

En mode actif, ce couteau suisse peut aussi être utilisé comme moyen de diffusion par le reporter, qui délivre des infos, souvent depuis son smartphone, par tranche de 140 caractères.

Enfin, le réseau permet de rechercher des contacts (interlocuteurs, spécialistes, etc.), d’entrer en relation avec eux – comme avec le reste du monde – et d’établir un dialogue en direct entre le journaliste et le public.

En bref, Twitter = veille + information + communication + discussion.

Là où les rédactions permettaient aux journalistes de s’exprimer dans un format défini et limité (une page dans le journal, un reportage dans une émission de radio), Twitter permet aux journalistes de s’exprimer avant, pendant, après le bouclage. Jour et nuit.

Comme ils le veulent? Oui. Les journalistes se sont appropriés le réseau. Chacun à leur manière. Certains ne diffusent que des infos sur leur secteur d’’activité, par exemple, et partagent leur veille. D’autres recherchent des témoins. D’autres encore débattent sans fin de l’actu. Beaucoup en rigolent. Et puis, certains font tout cela à la fois: veille, information, discussion, débat, humour.

Tout dépend de la couleur que vous annoncez dans votre biographie, ces quelques lignes que l’on écrit à côté de la photo de son profil. Et si c’était le contrat de lecture que vous passez avec ceux qui vous suivent – vos followers?

On peut être journaliste Web et ne pas s’empêcher de plaisanter de temps en temps. Ce que fait très bien Alexandre Hervaud, qui se présente sur son profil comme “journaliste en quasi-vacances. CECI N’EST PAS UN COMPTE (trop) SERIEUX”.

Moins abruptement, certains glissent aussi à leur audience qu’ils manient le second degré. Nicolas Filio, par exemple, rédacteur en chef adjoint de Citizenside, affiche son “amour pour la langue française” quand la moitié de ses messages sont écrits en anglais.

L’ironie, le second degré, l’humour transpirent dans les articles à la française. Alors, les bâillonner sur Twitter?

Un journaliste ne peut oublier qu’un tweet, même écrit en une seconde, ne peut colporter des éléments non vérifiés. D’autant que, hormis ceux qui perdent toute retenue, le journaliste sait que cet espace, Twitter, est public, voire grand public, avec plus de 3 millions d’inscrits en France.

Au sein de son média, dans son service, lors des conférences de rédaction, le journaliste discute avec ses collègues. Ceux-ci s’interpellent et s’opposent parfois. C’est plus que normal. C’est nécessaire. Mais s’en prendre à son propre média, ou critiquer sa direction? Cela peut bien sûr arriver, mais ces séquences n’ont pas vocation à se retrouver déballées à l’extérieur de la rédaction. Il en va de même sur Twitter.

C’est pour rappeler ces quelques règles élémentaires et de bon sens (voir à ce sujet le très intéressant billet d’Eric Mettout, le rédacteur en chef de lexpress.fr) que j’ai adressé un email au service Web du Nouvel Observateur. Un message repris in extenso (sans m’avoir contacté) par Télérama.fr, puis évoqué dans un article du Monde.

Avec ou sans charte d’utilisation des réseaux sociaux (le Nouvel Observateur a une charte de déontologie, mais pas de charte relative à ce que les journalistes ont le droit ou pas d’écrire sur Twitter ou Facebook, ndlr), les journalistes laissent transparaître leur personnalité sur les réseaux sociaux – continuons ainsi.

Les surréalistes ont beaucoup cité le vers d’Arthur Rimbaud – il faut absolument être moderne. Sur Twitter, nouvel espace d’expression, où tout reste à expérimenter, journalistes, restez vous-mêmes. Il faut absolument être non terne.

Aurélien Viers

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Autopsie du tweet

“Vous êtes ce que vous tweetez”. Tel est le slogan de cette application créé par Visual.ly, un site qui permet de créer des graphiques à partir de données.

Ainsi, en scannant les messages postés sur un compte Twitter indiqué, les interactions, le nombre de followers et de followés, et la sémantique utilisée, l’application génère une infographie, comme celle ci-dessous, créée pour l’exemple à partir de mon compte Twitter, @alicanth.

L’application peut radiographier n’importe quel compte Twitter, y compris celui des personnalités, du moment que le compte est ouvert. En faisant l’exercice avec le compte Twitter de Barack Obama, le président des Etats-Unis, celui-ci révèle un comportement… “politicien” et dont les mots les plus récurrents sur Twitter sont “watch”, “live”, et “future”. Utile pour un usage journalistique.

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Comment produire des informations calibrées pour le mobile?

Crédit: Flickr/CC/leppre

D’ici 2015, la majorité du trafic sur Internet pourrait se faire à partir d’un terminal mobile, et non plus d’un ordinateur fixe. En France, déjà 16,1 millions de personnes se sont connectées à Internet depuis un téléphone portable. «Le mobile n’est pas le prochain “gros truc”, déclare Ian Carrington, de Google . C’est déjà bien au delà de cela.»

En plein essor, le téléphone distribue des contenus d’actualité, sous une autre forme et une autre temporalité que celle pratiquée sur les sites Web. Une nouvelle donne qui change, pour les lecteurs, la façon de consommer des informations. Et qui change, pour les journalistes, la façon de les fabriquer.

Si, au début des années 2000, les rédactions se demandent «comment écrire pour le Web», en 2011, elles s’interrogent: comment écrire pour mobile? Quels formats sont adaptés à la consommation d’infos sur téléphone portable? Faut-il monter une rédaction spécifique pour ce support? Pour être mobile, un contenu doit-il lui-même être produit depuis un téléphone portable?

Premières ébauches de réponses.

  • Accompagner la mobilité

Selon Jérôme Stioui, président de la société Ad4Sreen, qui donnera à la rentrée un cours sur les contenus mobiles à l’Ecole de journalisme de Sciences Po, «il faut se poser la question suivante: qu’est-ce qui fait que les utilisateurs vont éprouver le besoin de lire une information sur mobile plutôt que d’attendre d’être sur leur ordinateur?».

«Les lecteurs en mobilité veulent des bouchées d’information qui vont leur servir à l’instant T», estime le site Mashable. Autrement dit, il faut imaginer que le contenu puisse être vu/lu dans une situation de mobilité, dans les transports, dans un café, entre deux rendez-vous.

Sans surprise, aux Etats-Unis, selon le rapport annuel du Pew Project for Excellence in Journalism, le mobile s’avère très consulté pour les infos locales. 47% des Américains disent obtenir des infos concernant leur quartier/ville/région sur leurs téléphones portables, ou d’autres appareils mobiles, comme des tablettes.

L’information locale, cela peut être de l’information de proximité, adaptée, donc à une situation de mobilité: je suis dans une ville, je suis géolocalisé grâce à mon portable, et j’ai besoin d’informations sur mon environnement immédiat, par exemple pour savoir ce que vaut le film qui commence dans 5 minutes dans le cinéma du coin, et je consulte la critique depuis mon smartphone.

  • Alpaguer des lecteurs sollicités en permanence

Les Anglais dotés d’un smartphone le prendraient en main 18 fois par jour afin de consulter des contenus, sur l’Internet mobile ou via des applications, d’après l’étude «Mobile in the Media Day» d’IAB Research. En France, les chiffres sont moindres: 55,1% des «mobinautes» (personnes qui naviguent sur Internet depuis un appareil mobile) déclarent consulter un site sur l’Internet mobile au moins une fois par semaine. Et 33,4% au moins une fois par jour, apprend-on à la lecture de l’étude 2010 de l’Association française du multimédia mobile.

Pourtant, le mobile est une «tâche secondaire», reprend le site Mashable, c’est-à-dire que les utilisateurs utilisent leur téléphone pendant qu’ils font autre chose, qu’ils voyagent, qu’ils regardent la télé, ou qu’ils fassent la queue à la caisse du supermarché. Distraits et mobilisés en permanence, les consommateurs d’infos sur mobile peuvent à tout moment fermer leur session: parce qu’ils ont un appel téléphonique, ou un SMS, parce que l’ascenseur arrive, parce qu’il est temps de descendre du bus, etc.

En pratique, sont donc bienvenus des contenus où l’on voit dès le début, c’est-à-dire en haut, l’idée principale de l’article, l’info maîtresse, voire une série de tirets qui résume les éléments à retenir. Dans le cas d’une vidéo, mieux vaut indiquer la longueur de la séquence, afin que les utilisateurs décident s’ils ont ou pas le temps de la regarder.

Autre contrainte à prendre en compte: éviter un trop grand nombre de clics pour accéder au contenu requis, chaque page nécessitant un temps de chargement parfois rédhibitoire, surtout dans des zones mal couvertes par la 3G, comme dans les sous-sols du métro. Moralité, préconise Mashable: de la concision et de l’efficacité dans les mots, afin que cela tienne sur une seule page. Laquelle peut néanmoins être longue, si les paragraphes sont bien identifiés, indiquant au lecteur quelle information se trouve dans quelle partie.

  • S’adapter au tout petit écran

Taille d’un écran d’iPhone? 3.5 pouces, soit 8.89 centimètres. Ce qui ne donne pas la même vision des images, des vidéos, et des textes, que sur un écran qui mesure plus du double (9,7 pouces pour un Ipad), le triple (ordinateur portable) voire le quadruple (certains ordinateurs fixes). «Il faut donc anticiper, reprend Elodie Drouard, éditrice photo à France Télévisions, professeur à l’Ecole de journalisme de Sciences Po, afin que les photos soient visibles sur ce petit format. Si la photo est un plan large, cela risque d’être difficile pour le mobinaute de la voir. Car une photo de 80 pixels de large, c’est un confettis.»

En revanche, des photos de visages s’avèrent identifiables, même sur un écran de téléphone portable. Et, puisque l’entrée par l’image est au moins aussi importante que par le titre, il faut penser à rendre la photo cliquable, dotée d’une légende en caractères adaptés à la taille de l’écran, et faire en sorte «que l’on puisse zoomer sur cette photo».

«Il y a des contraintes formelles sur un téléphone: tu es sur un écran vertical, sans colonne de droite, ajoute Thibaud Vuitton, rédacteur en chef adjoint de la plate-forme d’informations à France Télévisions. Tu proposes un flux de nouvelles, mais tu perds la contextualisation des informations que tu pouvais permettre en colonne de droite».

Une contextualisation qui s’effectue aussi, sur un site Web d’infos, dans l’écriture des articles, qui comportent des liens vers des suppléments d’informations. Or qui clique sur des liens sur un article sur mobile sachant le temps que prendra le chargement de la page «linkée»? «Même sur un téléphone portable, je ne m’empêche jamais de cliquer sur des liens, reprend Thibaud Vuitton, et je compte sur les prochains navigateurs à onglets sur mobile pour résoudre ce problème de lenteur».

Actuellement, les smartphones permettent certes d’ouvrir plusieurs fenêtres Web dans le navigateur, mais pas plusieurs onglets dans la même fenêtre, ce qui restreint les options de lecture, contrairement à une navigation sur ordinateur.

  • Penser social

Parmi les applications les plus consultées sur mobile, Facebook arrive en tête. Parmi ses 750 millions d’inscrits dans le monde, 250 millions sont des utilisateurs actifs via téléphone portable. Leur activité préférée? Partager des contenus avec leurs amis. «En 2004, les gens partageaient 1 objet (photo, statut, article, vidéo, ndlr) par jour, rappelle Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook. Maintenant, 4 milliards d’objets sont partagés chaque jour». Et ce sont, à 60%, des liens vers des contenus publiés, d’actualité ou pas. En outre, sur Twitter, la majorité des messages postés sont écrits depuis un terminal mobile.

Conséquence: pour être adaptées au mobile, les informations doivent être «facebookables» et «twittables», c’est-à-dire susceptibles d’intéresser les membres des réseaux sociaux et de provoquer leurs réactions. Les utilisateurs ont un vrai besoin de communiquer avec leurs amis lorsqu’ils utilisent leur téléphone, qui est, avant tout, un outil de communication. Vagabonder sur le Net pendant des heures, comme on le fait sur ordinateur, n’est pas un usage très répandu sur un téléphone, utilisé avant tout pour être en liaison avec sa communauté.

C’est pourquoi chaque page et chaque application réalisées par un éditeur doivent intégrer les outils et notions de partage communautaire, les boutons Facebook, Twitter, bien sûr, mais aussi des possibilités d’envoyer des photos, du texte, de la vidéo.

  • Imaginer des formats adéquats

En réalité, la spécificité de l’information sur téléphone est moins une question de rubrique qu’une question de format. Quel format permet de raconter telle histoire sur mobile? «Je ne suis pas sûr qu’une expérience de webdocumentaire de 15 minutes soit fascinante sur un mobile», pense Thibaud Vuitton. En effet. A l’inverse, les «lives» et autres directs (cf les applications radio), les listes, à la fois automatiques (les plus populaires, les plus récents, etc.) et les manuelles (les 25 meilleurs dessins animés de tout les temps, cf l’application du Time), et les options permettant de «sauvegarder» un contenu pour le lire plus tard (Business Insider, New York Times) sont adaptées à un usage fragmenté.

«Il faudrait réinventer la newsletter pour mobile et multiplier résumés et synthèses, ajoute Aurélien Viers, rédacteur en chef du Nouvelobs.com. Idem, les diaporamas de photos, lorsque l’on est connecté en Wifi sur son téléphone, sont efficaces. Il y a sans doute des postes d’éditeurs pour mobile qui vont se créer. Pour moi, c’est le métier de demain, sinon de cette année.»

Faut-il pour cela que les journalistes eux-mêmes produisent des infos depuis un mobile? Pour la BBC, c’est une piste à explorer – et c’est avant tout une façon d’accélérer le processus de publication. Ils ont ainsi développé une application, non publique, pour que les journalistes de la BCC, pendant qu’ils sont en reportage, puissent mettre des éléments de leur reportage directement dans le système de publication de la BBC. Ces éléments sont ensuite plus vite exploitables pour diffusion.

  • Justifier l’urgence

Si l’on reprend la question posée par Jérôme Stioui – «qu’est-ce qui fait que les utilisateurs vont éprouver le besoin de lire une information sur mobile plutôt que d’attendre d’être sur leur ordinateur?», l’urgence d’une actualité peut constituer un autre élément de réponse. L’arrivée des ex-otages Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière sur le tarmac de Villacoublay, le 30 juin, le coup de théâtre autour de l’affaire DSK, survenu le vendredi 1er juillet, sont des titres qui intéressent les lecteurs au moment où cela survient.

Vu le pic de connexions sur l’appli mobile du monde.fr le samedi soir à 23h, nombreux sont ceux qui veulent connaître le nom du gagnant, et le score, du match de foot qui vient de s’achever. Le succès des informations sportives – et notamment des résultats des matchs – vues depuis un téléphone n’est d’ailleurs pas un secret: l’appli lequipe.fr est la 3e application la plus consultée en France, selon le classement OJD de juin 2011 – après lemonde.fr et La Chaîne Météo.

Les informations de dernière minute sont donc de bons leviers pour le mobile, à condition que les éditeurs aient prévu, dans l’application, la possibilité d’envoyer des pushs, des notifications qui arrivent sur l’écran d’accueil du téléphone, en urgence, et que l’utilisateur les ait autorisés. Pour l’instant, le taux d’acceptation des pushs s’échelonne entre 50 et 80%, selon les chiffres fournis par Jérôme Stioui. Le taux paraît important, mais risque de baisser, les pushs pouvant vite être assimilés à une forme de spam. La limite du push? Gaver le lecteur.

  • Etre présent tôt le matin et tard le soir

Les pics de connexion sur l’Internet mobile? Tôt le matin, entre 6h et 9h, et le soir, après 20h. Pour beaucoup, le premier geste du matin, et le dernier geste du soir, c’est de consulter son téléphone portable. Selon une étude réalisée par Ericsson en mai 2011, 35% des propriétaires de smartphones (Android et iPhone) aux Etats-Unis se connectent à une application sur mobile avant même de sortir de leur lit.

«Après 20h, il commence à y avoir un transfert du Web au mobile», explique Jérôme Stioui. Plutôt que de relancer leur ordinateur, le soir, les utilisateurs préfèrent ainsi utiliser leur téléphone, déjà allumé.

Qu’est-ce que cela veut dire en termes de production éditoriale? Faut-il calibrer l’offre de contenus en fonction des horaires de consultation des lecteurs sur mobile en offrant, par exemple, un résumé des infos essentielles de la journée au moment de ces «prime times» du mobile? Difficile à dire, car aucune expérience de ce type n’a encore été menée en France. Pour l’instant, les éditeurs français ont dupliqué les contenus déjà publiés leurs sites Web, en adaptant largeur et hauteur pour que cela colle avec la taille de l’écran d’un smartphone, mais sans vraiment créer d’expérience spécifique à la consommation d’infos sur mobile.

  • Ne pas oublier le référencement

Dans la mesure où, dans le monde, «50% des utilisateurs de l’Internet mobile se connectent en commençant par faire une recherche sur Google», assure Ian Carrington, de Google, il semble que la consommation d’informations depuis un smartphone soit dictée par la réponse à une requête, formulée avec des mots-clés, depuis un mobile. Dans ces conditions, afin que votre information remonte facilement dans les premiers résultats de recherche, mieux vaut avoir travaillé le SEO (Search Engine Optimization) de vos contenus. Et, cela va sans dire, puisque le mobinaute cherche à une réponse à sa question, le contenu doit l’y aider.

>> Sur l’impact du SEO sur l’écriture, voir ce WIP >>

Qu’avez-vous envie de trouver comme information sur téléphone portable? N’oubliez pas de «liker» et «tweeter» cet article, merci!

Alice Antheaume

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