Duo « ultra-manche » et « puzzulaire » (deux jolis néologismes), Aganovich (Nana Aganovich et Brooke Taylor) présente sa quincaillerie. En hommage à ce lieu quotidien, « musée du banal », dont les deux créateurs voient l’inéluctable perdition, ils lui ont imaginé une nouvelle vie « exotique ». L’idée de quincaillerie prolonge aussi leur collection de l‘automne-hiver 2011 inspirée du bleu de travail et dédiée aux variations sur cette couleur dans un esprit puzzle et géométrique.
Sur facebook, le groupe de la quincaillerie d’Aganovich multiplie les interventions loufoques, les propositions d’images, de trouvailles dans un grand bazar.
Le week-end du 10 décembre, ils ont ouvert un pop up shop dans un garage de la rue des archives. Cette gentille subversion d’un lieu automobile a mélangé des vêtements de la collection d’hiver (dans des cartons, sur des cintres…) et aussi des pièces intemporelles du quotidien dans un esprit quincaillerie : verres Duralex, canifs Opinel…
Si les pop up sont dans l’air du temps, celui ci ajoute humour et culture.
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S’il avait déjà lancé une marque il y a quelques années, John Malkovich revient aujourd’hui dans la mode avec « technobohemian », un néologisme unissant, sauce anglaise, la notion de techno (dans le sens de technologique) et bohemian dans le sens de bohême. L’acteur a découvert ce terme dans un roman italien (non publié) et a demandé à l’auteur ( ?) l’autorisation de l’utiliser.
Essentiellement made in Italy (sauf le denim au Japon), la collection propose des vestes, pantalons, chemises et quelques accessoires dans un style chic et décontracté.
L’acteur a dessiné les croquis et choisi les tissus de fabrication des modèles qu’il porte.
S’ajoutent quelques produits de l’artisanat italien de Toscane et un peu de cuisine. Dans le dossier de presse, l’acteur explique : « J’aime l’Italie, c’est maintenant ma deuxième maison. Avec l’Opificio JM qui porte mes initiales, j’ai voulu rassembler le meilleur de la tradition de la Toscane que je souhaite promouvoir dans le monde. N’est-ce pas une très belle idée ». Un concept store éphémère (du 5 au 24 décembre) abrite la nouvelle collection à Paris : Opificio JM, dans le show room °°°by, 14 Rue d’Uzès, un nouveau lieu qui proposera des ventes éphémères
Bohêmes du nouveau millénaire engagés dans un monde de technologie, rendez-vous jusqu’au 24 décembre pour être Dans la peau de John Malkovich. L’acteur et metteur en scène sera au Théâtre de L’Atelier en janvier pour une adaptation des Liaisons dangereuses.
Photos 1 Alessandro Moggi 2 et 3 Sandro Miller
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Le Musée des arts décoratifs de Paris rend hommage à un des créateurs majeurs de la scène contemporaine : Hussein Chalayan.
Elevé entre deux cultures, Hussein Chalayan hybride deux mondes : son île natale de Chypre et la Grande-Bretagne où il a étudié à la Saint Martin’s School. S’il a commencé par défiler à Londres, c’est à Paris qu’il présente ses collections depuis plusieurs années. Si tous les professionnels s’accordent à reconnaître son indéniable talent, le grand public ne le connaît pas vraiment. L’exposition parisienne permettra peut-être d’élargir son audience.
Pas dans un banal registre de séduction, mais appartenant à une famille plus radicale et audacieuse, il s’apparente à ceux qui font avancer la mode, qui lui insufflent un salutaire air nouveau. Si sa création s’approche aussi parfois du concept, du design, de l’architecture dans des défilés qui n’hésitent pas à intégrer les technologies les plus pointues (parfois spectaculaires), il ne perd jamais de vue la notion de vêtement. Ses modèles demeurent pour la plupart portables, même si toujours est sous-jacente une profonde réflexion du créateur que ce soit d’ordre philosophique ou un regard posé sur la société, les problèmes du monde… Son déracinement se traduit par des références aux exilés avec des collections pour nomades perpétuels. Une collection rouge et se trame la mémoire d’une couleur symbolisant le sang des morts de guerre. L’ethnicité se dessine avec le passage d’une robe turque traditionnelle et ses avatars pour devenir occidentale…
Collections choisies au fil de l’exposition.
-Buried dress (1995). Sa collection de fin d’études avec des tissus enterrés.
-Airmail dress (1999). Sa première collection commerciale avec des modèles de robes qui se plient comme une enveloppe (en tyvek).
-Between (1998). Des mannequins nus, d’autres masqués (forme d’oeuf) et des tchadors de longueurs différentes, un manifeste et un événement dans l’histoire de la mode.
-Before Minus Now (2000). Autour des forces : vent, magnétisme, érosion. Les vêtements se métamorphosent.
-Inertia (2009). Après la vitesse, le crash et ses conséquences.
-Readings (2008). A partir d’anciens cultes solaires, l’effet de rayons lasers sur des vêtements.
-Earthbound (2009). Fusion entre mode et architecture avec des imprimés béton, bitume, échafaudages…
-Sakoku (Printemps été 2011, en film). Autour de l’idée de pays fermé (le cas de l’archipel japonais très longtemps) avec des tissus transparents comme des shojis, mais dans des couleurs de kabuki.
-Kaikoku (Automne-hiver 2011). Hybridation, le pays s’est ouvert (comme le Japon) avec des motifs orientaux et des structures occidentales.
La scénographie est signée Block Architecture. Si le contenu est assez extraordinaire, il aurait eu besoin d’espace et il est difficile de créer un univers particulier dans un décor de vitrines aussi présent que les salles des arts déco dévolues à la mode ; seul bémol à l’exposition.
Musée des Arts décoratifs de Paris. A voir jusqu’au 11 décembre.
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Fleuron de la couture, la broderie a longtemps brillé en France autour du nom de François Lesage qui vient aujourd’hui de disparaître à l’âge de 82 ans. Quasiment né dans la broderie (il n’a jamais imaginé un destin autre), il a perpétué une maison familiale (reprise en 1949 après le décès de son père) qui oeuvrait pour Vionnet, Schiaparelli….
Le maître d’art (il reçut ce titre en novembre dernier) a multiplié les collaborations les plus extraordinaires avec les plus grandes maisons et a aussi ouvert en 1992 une école de broderie ouverte à tous pour perpétuer la formation de nouveaux artisans.
Il a composé les plus remarquables broderies pour Yves Saint Laurent. Comment oublier les somptueuses réalisations en hommage à l’art que ce soit les réinterprétations d’oeuvres de Van Gogh ou Braque. François Lesage parlait des iris de Van Gogh comme de la broderie qui avait nécessité le plus de temps (plusieurs centaines d’heures de travail).
Pour Chanel, il a imaginé, sur une demande de Karl Lagerfeld en 1982, un écho aux fameux paravents en laque de Coromandel.
Il appréciait aussi beaucoup Christian Lacroix qu’il considérait comme un filleul et qu’il avait rencontré chez Patou et pour qui il créait chaque saison.
Son intérêt s’est aussi porté sur des talents plus jeunes : Frank Sorbier ou récemment Anne Valérie Hash.
Techniquement, il ne s’est pas limité aux techniques anciennes et a osé des innovations comme le brûlé (une technique au chalumeau pour enlever l’impression de neuf) ou encore le mouillé, jouant aussi de l’endroit et de l’envers.
En 2002 sa maison a intégré le giron de Chanel (dans une belle démarche pour maintenir les artisanats les plus précieux gravitant autour de la couture et regroupés « Paraffection »).
Et si son nom reste attaché aux grandes maisons, il a aussi accompagné de jeunes créateurs ; il suivait avec attention le travail des nouveaux venus, n’hésitant jamais à venir discrètement regarder les défilés, toujours avec une grande discrétion et une incomparable gentillesse.
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La marque de la maquilleuse américaine célèbre ses vingt ans avec le photographe Bruce Weber. Deux décennies d’une carrière où Bobbi Brown voit la beauté de façon simple et pratique pour toutes les femmes. Maquilleuse de profession, elle choisit, il y a vingt ans, de créer des produits moins « artificiels ». Elle a envie de rouges à lèvres pas parfumés, ni trop secs, ni trop gras et proches de la carnation des lèvres. Elle travaille avec un chimiste et sélectionne dix teintes : Saumon, Beige, Raisin, Rose… Elle débute ainsi en 1991 chez Bergdorf Goodman avec une petite collection de Lip Color ; cent unités sont vendues la première journée (l’objectif fixé pour un mois). Bobbi Brown Essentials devient une marque et développe ensuite fonds de teint, couleurs, tout en gardant à l’esprit les notions de simplicité et praticité (mère de famille, elle comprend qu’une femme puisse n’avoir que quelques minutes chrono pour se maquiller).
Quatre ans plus tard, la marque est rachetée par Estée Lauder, mais la créatrice y poursuit son aventure avec aujourd’hui 1000 points de vente. Elle publie des livres dont Bobby Brown Beauty : The Ultimate ressource, best-seller vendu à plus de 100.000 exemplaires.
Si, pour communiquer, elle choisit de privilégier des femmes le plus souvent anonymes (choisies par concours sur internet notamment), avec des « avant-après » dans la première grande campagne de pub, Pretty Powerful, en 2010.
Pour les 20 ans, Bruce Weber a réalisé une série de clichés de façon informelle avec un pêle-mêle d’âges, d’ethnies… Amis de la famille, mannequins ou encore l’étonnante Iris Apfel ont participé à un shooting en liberté, entre amis. Une fête « improvisée » dans une propriété des Hampton’s. Des photos et un film pour une vision simple et réaliste de la « beauté ». Un vent de fraîcheur dans le monde de la beauté où les retouches dépassent leur rôle de correction, amélioration, pour s’enfoncer dans la modification.
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Avec des imprimés fauves et une touche de bling or, Versace rugit chez H&M. Ephémères et événementielles, les collections de créateurs sont une astucieuse façon de communiquer de la maison, tout en mettant la mode à portée de tous les budgets. Avec Versace, l’hiver sera glam et haut en couleurs.
Donatella Versace avait déjà donné le coup d’envoi de la collection H&M cet été à la fin de son défilé homme en portant une robe noire cloutée or, armure de déesse conquérante. Elle définit la collection H&M : « J’ai choisi des pièces iconiques,… il y aura de l’or, du glamour, ce sera excitant, rock’n’roll ».
Le 8 novembre à New York, une soirée people (Jessica Alba, Blake Lively, Uma Thurman, Linda Evangelista…) présentait la collection mise en vente le 17 novembre (après des soirées shopping privées) et qui va sans aucun doute susciter l’hystérie des client(e)s.
Les codes de la maison, avec l’emblématique méduse, seront visibles. Un poil d’imprimé léopard accentue l’esprit jungle. Des motifs paradisiaques avec effets paillettes, palmiers et mer bleu turquoise pour dolce vita au soleil.
Sans oublier les hommes avec un graphisme à la géométrie op en noir et blanc (sur des caleçons) ou encore un blouson avec des manches aux imprimés glam dorés et fauves (so Versace).
La maison aussi en verra de toutes les couleurs avec des coussins, une couverture à l’imprimé oriental cumulant les références : éventail, origami, bambou, fleur de cerisier…, un joyeux archipel de japonaiseries.
Sans oublier une vidéo de temps modernes au royaume de Midas. La femme est poupée, pantin articulé, petit cobaye tournant sans fin dans sa roue, en cage ou encore cherchant la sortie d’un labyrinthe,… Cette vision de femmes à la chaîne, mécaniques, compose un film plutôt très drôle et réjouissant, mais qui ne devrait pas plaire aux féministes sans humour.
300 magasins verront la déferlante Versace. L’orchestration du premier jour de shopping sera quasi militaire pour maîtriser les troupes (hordes). H&M distribuera des bracelets de couleurs qui correspondront aux rayons. 14 couleurs seront données à des groupes de 20 personnes pour les 280 premiers ; après, la chasse sera ouverte, bataille dérangée dans des corners vêtus de panthère bleu turquoise et vert.
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Pendant des années, Benetton a milité pour le mélange des couleurs (des pulls aux carnations) et puis a aussi imaginé des campagnes plus polémiques voire choc (une personne mourant du sida en 1993, des reliques de vêtements de soldat croate tué en Yougoslavie…). Sans Olivieiro Toscani, La Fabrica, le centre de recherche de la communication Benetton né en 1994 et qui édite le magazine Colors, avait semblé un peu s’endormir.
Aujourd’hui la marque italienne revient en force sur le terrain de la communication avec des baisers aux couleurs politiques qui embras(s)ent la création de la fondation Unhate qui prône la tolérance et dont le projet vient d’être présenté par Alessandro Benetton. La fondation va militer pour la « non haine » entre les pays, les personnes. Chacun peut déposer sur le Kiss wall, son baiser (sans oublier facebook). Un think tank, l’idée d’un jour de « non haine », des actions surprise sur le terrain de lieux symboliques…
La campagne a démarré le 16 novembre avec un affichage dans les grandes villes du monde ainsi à la Bastille à Paris. Des photomontages, inspirés du baiser historique entre Brejnev et Honecker (photo de Régis Bossu prise en 1979), immortalisent ces improbables étreintes. L’entente entre la France et l’Allemagne se scelle entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel.
Les couples politiques se multiplient, associant leurs leaders pour le meilleur et éviter le pire : Israël et Palestine, les deux Corée, Chine et U.S.A… Mais si la politique est en majeur, la religion a aussi droit de cité, peut-être plus polémique en Italie quand le pape embrasse l’imam Mohamed Ahmed al-Tayeb. Le Vatican a réagi et Benetton annonce finalement le retrait de cette image de la campagne.
Des pulls et des hommes (politiques).
Sans oublier le petit film de baisers pas volés.
Il y a quelques mois Loulou de la Falaise était encore à l’affiche de l’exposition Rive Gauche à la Fondation Yves Saint Laurent. C’est cette même fondation qui a annoncé le décès de la muse et amie du couturier et aussi créatrice sous son propre nom. Personnalité originale et fantasque de la mode, elle avait une façon particulière de s’habiller, osant les mélanges, multipliant les accessoires dans un style bohême chic et baroque.
Sa mère Maxime était mannequin vedette chez Schiaparelli et la légende raconte que Loulou (Louise Vava…) fut baptisée avec le parfum de Schiaparelli, Shocking. Des études en pension, quelques années à New York où elle pose pour les plus grands photographes (Avedon, Newton…) et puis Paris. De sa rencontre avec Yves Saint Laurent naquit une indéfectible amitié et une collaboration pour les accessoires. Quand le couturier choisit de se retirer de la mode, elle ouvrit plus tard (2003) des boutiques à son nom notamment Rue Cambon. Dans un style proche du sien étaient proposés accessoires et bijoux dans un cadre chaleureux et bohême. Parmi ses dernières collaborations figure une collection de bijoux destinée à la boutique du jardin Majorelle à Marrakech, son histoire avec Saint Laurent se prolongeait…
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A l’origine « maquilleur d’Hollywood », le Japonais Shu Uemura a créé une marque de cosmétiques célébrée pour ses originales propositions de couleurs, ses faux-cils insensés, ses vernis… La marque est aujourd’hui dans le giron de L’Oréal. Pour cette fin d’année, a été développé un joli projet avec Wong Kar Wai avec un petit film, des visuels et une collection éphémère de produits en collaboration avec le réalisateur.
Le film est un poème visuel intitulé Mask, composé autour de deux couleurs fards : rouge et bleu.
Un poème de Charles Bukowski s’ajoute à la trame :
Burning
In water
Drowning
In Flame
Ou encore
Praying through broken lips
Searching through blinded eyes
Gold dusted broken beggar
Living inside alone alive…
One silver bullet from god’s own gun
Chemical equation for flying to the sun.
Actrice émergente du cinéma taiwanais, Sandrine Pinna prend le masque sous la caméra de Wong Kar Wai. Reflets dans un oeil d’or, pluie aurifère ; elle danse entre passion brûlante, feu d’artifice et un océan de calme. Faux-cils langoureux et ongles diamants…
La collection de fin d’année rend hommage, avec la complicité du cinéaste, aux deux couleurs de l’inspiration. Deux palettes de couleurs, sextuors d’ombres à paupières, une aquatique avec des camaïeux de bleu et une plus flamboyante autour de rouge, rose et violet ; sans oublier les emblématiques faux cils et des vernis à paillettes. Un packaging habillé de photos et de la signature de Wong Kar Wai. Une séduisante passerelle entre beauté et cinéma avec des objets collectors.
http://www.youtube.com/watch?v=rZ8eb0rasxU&feature=player_embedded
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Maille (reine), coutures à l’envers, rayures, démode, autant de mots qui (dés)habillent Sonia Rykiel et sa mode. Avec ses dessins, croquis joyeusement enlevés, elle a joué au petit dictionnaire.
Dans le désordre des lettres, le sien est joliment déglingué, jeu de piste en cadavre exquis.
Mots choisis, sans hasard
Démode
Faire la mode par rapport à son corps, à soi, et non pas à celui des couturiers. C’est une forme d’excentricité puisqu’elle détient l‘image du créateur pour inventer une image particulière.
Pantalon
C’est l’égalité avec celle qui ont de jolies jambes.
Toute femme est infiniment femme en costume d’homme.
Rayure
C’est la mémoire du corps, l’entre-les-lignes, le dedans qui écrit sur le dessus.
C’est le corps, les yeux ouverts.
C’est une balafre sur un tissu, une entaille dans le dessin, un trait qui poursuit un autre trait.
Mes rayures sont reconnaissables, si particulières que je peux dire sans me tromper que ce sont les miennes.
Tricot
C’était mon destin.
Couture(s) à l’envers
Surpiquées. La couture qui raconte ce qu’elle a vu, insolente
Tu as mis ton pull a l‘envers tu auras un cadeau.
Rouge
Le R de rouge, je le pose, je le compare, je remets du grenat, du corail.
Trop fort, pas assez cassé, je rajoute de l’écarlate… Et je redescends avec un peu de jaune. C’est juste.
…
Editions Flammarion
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