Sublime endormie, la maison Schiaparelli se réveille, se révèle avec la première collection de Bertrand Guyon*. Se dessine un subtil jeu entre références du passé, doucement nostalgiques, et une vision plus contemporaine d’un style en devenir. Allers et retours entre hier et présent. Imprimés inspirés de Vertès et de Bérard et motifs très Schiap : le soleil, le coeur, l’oeil…
Un rose absolument shocking et un zeste de surréalisme.
Dans une poche s’est glissé, en accessoire, le motif de l’ancien cadran de téléphone travaillé avec Dali en poudrier. Des formes utilisées par Elsa comme la cape s’opposent à d’amples vêtements quasi oversized.
Le perfecto s’avance, magnifique, réinterprété.
Les influences se télescopent. Un regard vers le passé avec le nom de Lee Miller et l’audace de son esprit d’aventure. Et un oeil vers le mythe de Leigh Bowery, de quoi bousculer les codes de la haute couture avec ses tenues fantasques et extravagantes qui n’auraient sans doute pas déplu à Elsa Schiaparelli. Des silhouettes parfois masculin-féminin (tailleurs pantalons, tissus à carreaux), mais aussi et surtout ultra féminines, glamour d’aujourd’hui.
Des volumes amplifiés, des effets de poches. Valse de matières somptueuses, retravaillées, rebrodées. Superbes patchworks de fourrure mêlant les couleurs avec audace.
Baptisée le « Théâtre d’Elsa », la (re)présentation de cette première est réussie.
* Le créateur a fait ses armes chez Givenchy, Lacroix et plus récemment Valentino.
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Venue des Pays-Bas, Ilja Visser est cette saison invitée dans le calendrier officiel. Sur le thème Ingenium Existere (nos voisins n’oublient pas le latin !), elle a choisi de construire et de déconstruire en s’appuyant sur des volumes géométriques mettant en équilibre ou en quasi déséquilibre la silhouette (en jouant sur l’asymétrie).
Des tissus aux étoffes un peu raides mêlent des techniques anciennes avec une attitude décontractée qui reflète, dans l’esprit de la créatrice, l’ambiance de sa ville natale : Amsterdam. Des vêtements sculptures, parfois baroques. Mélange de matières, maille à gros points, des volumes, des pointes.
Une palette riche, multicolore et originale. Des formes amples avec des salopettes.
Le souvenir des volumes opulents que Christian Dior avait réintroduit avec le new look. Un zeste d’une vision d’un vêtement futur (une question que peu de créateurs se posent) mais qui se tourne vers la vision de Metropolis. Un zeste de bleu Klein, des panneaux géométriques, d’immenses volants.
La collection tourbillonne. Le décor du jardin de la résidence de l’ambassadeur des Pays-Bas y ajoute une dimension bucolique.
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Si le travail d’Adeline André est toujours demeuré admirable dans la perfection d’un style minimaliste et dans le choix d’une gamme de couleurs exquises, elle signe cette saison une collection parfaite.
Ses modèles uniques comme les vestes à trois emmanchures sont là, mais revisités dans un travail sur les coupes qui innove. Incroyables manches « spriradline », allongées et structurées. Le premier manteau en cachemire double face nuit donne le ton avec son col capuche et son jeu d’emmanchures.
Les tons se succèdent avec poésie : genêt, lune, nuit, mimosa, ciel, incarnat, terreau… Les couleurs tiennent haut le verbe.
Quelques pièces du vocabulaire masculin empruntent au Japon avec un choix de sashiko indigo. Longues, très longues, les manches se posent, un jeu de boutonnage infini, des attaches en liens noués prêts à se défaire. Les zips s’ouvrent et le vêtement se transforme, s’ouvre sur le corps, dégage un bras.
Recouvertes de collants, les chaussures géométriques d’United Nude participent à la perception globale de la silhouette.
Des mannequins atypiques, amies de la maison, fidèles de la créatrice amplifient par leur élégante et intemporelle présence la perception d’une parenthèse enchantée où la couture n’est pas forcément cousue d’or.
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Exception française, la haute couture a son calendrier désormais étoffé des présentations de la joaillerie des grands acteurs de la place Vendôme. Cette saison, les membres sont au nombre de treize : Adeline André, Alexandre Vauthier, Alexis Mabille, Bouchra Jarrar, Chanel, Christian Dior, Frank Sorbier, Giambattista Valli, Givenchy, Jean Paul Gaultier, Maison Margiela, Maurizio Galante et Stephane Rolland. Les membres correspondants viennent apporter un souffle d’exotisme venant d’Italie, du Liban, des Pays-Bas… : Atelier Versace, Azzedine Alaïa, Elie Saab, Fendi, Giorgio Armani, Valentino, Viktor & Rolf. Mais chaque saison des membres invités complètent le calendrier. Cette année : Dice Kayek, Ilja, Julien Fournié, Rad Hourani, Ralph & Russo, Schiaparelli, Serkan Cura, Ulyana Sergeenko, Yiqing Yin et Zuhair Murad. À ces défilés, il faut ajouter les créateurs qui choisissent ce temps suspendu et ce calendrier moins encombré pour y présenter leurs collections. Une parenthèse enchantée où les broderies donneront le ton et où les robes longues sont prêtes à s’avancer sur tapis rouge.
Du 5 au 9 juillet.
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Vestige du passé la toile de Jouy ? Non, trois expositions la mettent en scène avec fantaisie et souvent humour. À déguster au musée de Jouy-en-Josas et hors les murs à HEC.
On the toile réunit des interprétations contemporaines autour de la fameuse toile ainsi une projection vidéo de Brigitte Zieger où, dans un décor champêtre, les personnages (des femmes) se lèvent et munies d’un revolver (caché dans les jupes) tirent façon Calamity Jane avant de retourner sous les branches bienveillantes d’un arbre.
Sheila Bridges, afro–américaine de Harlem, se pose la question de ses origines. Dans Harlem Toile, elle réintroduit des personnages africains, jouant non sans humour sur les clichés. Brooklyn Toile est un papier peint imaginé par une agence (Revolver New York, Vincent Ficarra, Adela Qersaqi) pour Mike Diamond des Beastie Boys qui voulait un motif en hommage à son quartier. Se découvrent façon toile de Jouy Brooklyn Bridge, Coney Island…
Isabelle de Borghrave (re)connue pour son travail sur les costumes en papier a conduit la toile sur de nouveaux territoires dans de grands panneaux peints.
Sans oublier quelques pièces plus contemporaines réinterprétées par des créateurs ainsi Jean Paul Gaultier pour Hermès.
Et en passant dans le musée, un oeil sur des motifs traditionnels comme le coquecigrue inspirée d’un nom du bestiaire de Rabelais. Un délicieux mot à ajouter à son vocabulaire pour remplacer baliverne.
À l’extérieur, l’arbre de Jouy renoue avec une des histoires d’Alice, les rosiers peints. L’artiste Casilda Desazars de Montgaillard imagine une toile mise à sécher, entourée de fleurs et d’un bain coloré « rouge ».
L’autre exposition, Le tapis Moghol, une tradition réinventée remet la « toile » à l’heure indienne. Des artistes se sont penchés sur ces toiles de chintz, dites indiennes à qui Oberkampf a légué le nom de toile de Jouy. Juste retour des choses que les indiennes inspirent leur pays d’origine. Douze artistes se sont plongés sur cette histoire et la font baigner dans l’univers des mythes indiens et rendent hommage à la nature. Shrabani Roy associe passé et présent dans A journey from Chintz to Tattoo parlor avec des motifs de tatouées.
Un livre accordéon inspiré des « thangkas » traditionnels (Paula Sengupta). Aditya Basak choisit des motifs de kalamkari, qui furent très prisés par les Occidentaux ainsi l’histoire du jeune Krishna dérobant des vêtements de femmes…
Sur le campus d’HEC dans l’espace d’art contemporain, les regards se sont posés sur la toile de Jouy réinterprétée par les artistes. Actions anonyme met la toile de Jouy (universelle) dans tous ses états de produit de consommation et questionne : mondialisation, globalisation… Sharon Kivland imagine une pastorale, mais dont les personnages ne sont pas « complets ».
Corine Borgnet a grandi dans une chambre aux murs tapissés de toile de Jouy et demeure fascinée par cet environnement qui a bercé (imprimé ?) son enfance. Aujourd’hui elle métamorphose la toile en objets, curieuses expansions habillées de motifs de toile de Jouy.
Kouka brouille les repères dans sa « Toile de Jouy bantoue » enrichie de représentations de guerriers africains.
Une toile de Jouy bien vivante aujourd’hui.
Musée de la toile de Jouy et HEC jusqu’au 27 juillet
C Les artistes et le Musée de la toile de Jouy à Jouy-en-Josas
+ Jacotte Courtois de Viçose
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Longtemps Oberkampf a été pour moi le nom d’une station de métro parisien. Mais, en cette année 2015 qui célèbre le bicentenaire de sa mort, il est désormais associé et à jamais à la belle histoire de la toile de Jouy.
Au XVIIe siècle, les indiennes imprimées venant d’Inde étaient tellement prisées qu’elles furent interdites par mesure protectionniste. En 1759, l’autorisation de créer des tissus est donnée à nouveau et la fabrication redevient légale. En visionnaire, Christophe-Philippe Oberkampf, avec sa formation de coloriste, décide d’installer une manufacture d’indiennes à Jouy-en-Josas. En 1770, il est naturalisé français. Son entreprise progresse rapidement ; quinze ans après ses débuts, elle occupe près de 1000 ouvriers. L’usine introduit divers perfectionnements ainsi des techniques d’impression avec plaques de cuivre flexibles gravées en creux pour les motifs monochromes (à base de colorants naturels). La manufacture devient royale en 1783 et Oberkampf devient maire de Jouy-en-Josas en 1790. Les régimes changent, mais la toile continue à être prisée. En 1806 Napoléon, en visite avec l’impératrice, décore Oberkampf de la légion d’honneur.
Mais, après de belles heures de gloire, le déclin se profile en 1815 et suivra une fermeture définitive en 1843.
Que reste-t-il aujourd’hui de cette aventure textile ? D’abord un terme générique, celui de toile de Jouy donné à ces tissus imprimés souvent d’une couleur sur fond écru ou bistre avec des scènes champêtres et bucoliques. Des fables, des histoires, des fleurs, mais aussi des motifs exotiques peuplent les créations d’hier et parfois encore d’aujourd’hui.
Le musée qui fut celui d’Oberkampf porte désormais le nom de la toile de Jouy et abrite des collections de tissus, de vêtements, du matériel d’impression.
Un lieu à découvrir.
C Musée de la toile de Jouy
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Sous les auspices d’Hermès, la marque Ancient Greek Sandals donne des ailes aux pieds. Fondée en 2012, la jeune marque est due à l’initiative de Christina Martini et Nikolas Minoglou.
Si elle est styliste diplômée du collège des cordonniers, lui est titulaire d’un MBA et a repris l’entreprise familiale de chaussures.
Leurs sources d’inspiration plongent dans l’art antique, la mythologie, la joaillerie, l’architecture… Toute une partie de la collection est fabriquée avec des techniques traditionnelles autour du cuir, matériau phare. Mais la marque s’aventure aussi sur le terrain de la fantaisie avec les modèles en plastique de toutes les couleurs de la collection Jelly en caoutchouc recyclable : Ikaria.
Cet été, l’inspiration vient de la nature avec un motif de feuilles grimpant le long de la jambe dans un esprit spartiate.
Les noms Néphélé, Filareskia, Thais, Homeria,… emportent l’imaginaire. À côté des ailes d’Hermès, un motif d’éclair s’invite et tombe la foudre de Zeus.
Pour amplifier la notion de mode, les créateurs n’hésitent pas à collaborer avec des designers ainsi Marios Schwab, Carven, Peter Pilotto… Avec Ilias LALAoUNIS s’invitent des bijoux dans des modèles aux noms d’îles grecques.
Après leur Pop up store et la customisation (impression de noms sur les parties en cuir), les Ancient Greek Sandals sont installées au Bon Marché dans le nouvel espace chaussures.
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Sandales artisanales réinventées par Gemma Serra-Vila (architecte de formation), la marque Ball Pagès (2013) renoue avec une technique artisanale d’Ibiza, Eivissa en catalan. Tissées à la main selon un savoir-faire ancestral avec des fibres 100 % naturelles de « pita » ou agave, les sandales se posent sur une semelle de corde façon espadrilles. Un tressage minutieux dessine la chaussure qui se noue délicatement autour de la cheville. Si à l’origine ces chaussures se portaient au champ, elles sont devenues au fil du temps un accessoire de mode associé à « el ball pagès », danse folklorique d’Ibiza. La créatrice a choisi ce nom pour faire danser ses chaussures. D’abord lancées à Toulouse (une des deux villes de Gemma Serra-Vila avec Barcelone) chez Département féminin, puis repérées par Opening Ceremony et par APC, les sandales font leur chemin et sont maintenant aussi fabriquées dans un atelier à côté de Barcelone.
La collection de l’été 2015 se décline en quatre modèles et sept couleurs : blanc, bleu ciel ou nuit, bordeaux, moutarde, noir ou nature. Une délicate palette en écho à la gamme de couleurs sourde utilisée par le grand-père de la créatrice, le peintre Calço tandis que les photos des modèles esquissent un univers à la Morandi.
Éloge du fait-main à base de « pita », d’un zeste de cuir et de teintures artisanales, des chaussures uniques.
Et un eshop : www.ball-pages.com/shop
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Suggérer l’univers du parfum en photos, c’est le choix qu’a osé la Fragrance Foundation France dans une exposition grand public. L’imaginaire vagabonde au fil des images tandis que l’esprit découvre au dos, en textes, le lien avec le parfum. Un cheminement chronologique expose différentes thématiques, la filière parfums, les matières, la composition, les flacons… Autour de l’olfaction, un parcours de sensations.
Le gourmand est là avec une belle photo « barbe à papa » signée John Batho. Pour les ingrédients, la sublime vanille en bouquet de gousses et photographiée par Jean-Louis Bloch-Lainé met superbement en appétit.
À découvrir également la droguerie selon Martin Parr et les odeurs qui s’y attachent. Promenade dans les bois avec une évocation de bois ciré…
Le commissaire de l’exposition, Gabriel Bauret, a cherché des images qui sentent… Là réside sans doute la difficulté de l’exercice où parfois les évocations ne plongent pas directement dans le sujet, mais obligent à « chercher ». Mais, rien que pour les yeux, c’est toujours un plaisir de voir ces photos en grand format (150 X 180cm) comme celle de Javier Vallhonrat. Fièrement dressés dans les allées des jardins du Palais Royal, les panneaux invitent à musarder et à sentir.
Une exposition qui réussit le pari d’être intelligente et grand public.
Dans les jardins du Palais Royal jusqu’au 14 juin, entrée libre de 7 à 23h.
ALLEZ-Y
C
John Batho
Sanwald & Moulton
Lucie & Simon
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Après une 7ème édition de la Fashion Week à Tunis, la galerie Joyce présente quelques uns des créateurs de mode qui y ont défilé. Aux sources des créations se dessine un savoir-faire artisanal autour des broderies et une hybridation du vêtement jetant des passerelles entre deux continents. Un juste retour des choses après l‘orientalisme rêvé par les artistes et écrivains en Occident. Enfin et surtout la mode peut aussi être une façon de s’exprimer librement dans le pays.
Venus de France, deux invités cette saison : Sakina M’sa et Defined Moment.
En parallèle à l’événement eut lieu un défilé et une manifestation « Stands for Bardo » avec des robes offertes par des créateurs : Alaïa, Stéphane Rolland, Lanvin, Saint Laurent, On aura tout vu, Sakina M’sa… et vendues aux enchères.
Pour Joyce, Marie Chantal Doyonnard a choisi de présenter une sélection parmi les designers qui ont défilé.
À découvrir, une robe de Fella (marque de Samia Ben Khalifa) disparue cette année à l’âge de 88 ans et qui habilla Grace Kelly, Farah Diba, Michèle Morgan… Chef d’entreprise, elle reçut de nombreux prix et sut créer des vêtements contemporains avec des références au patrimoine vestimentaire de son pays.
Mouna Ben Braham (Atmosphère) a étudié à Esmod et s’est formée auprès de Chantal Thomass. Elle imagine des robes du soir très travaillées.
Mehdi Kallel s’inspire du passé et s’intéresse à l’héritage Amazigh et ses costumes. Il travaille des matériaux comme le corail, le fil d’or, ainsi un vêtement dont la réalisation au fil d’or a nécessité 6 mois. Le jeune designer a présenté un défilé « tapis rouge » de robes du soir.
Et aussi Seyf Dean Laouiti pour sa marque Narciso Domingo Machiavelli.
Galerie Joyce Jusqu’au 16 juin.
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