Rouge à lèvres et éclat vif du soleil levant fusionnent en un rouge Kyoto imaginé par Nicolas Degennes pour Givenchy. Une belle rencontre avec un pays, avec ses traditions, avec un savoir-faire qui perdure malgré la fuite du temps… Maître doreur à Kyoto, Hiroto Rakusho travaille les feuilles d’or et d’argent (dans la ville où deux des temples, dits pavillons, sont d’or et d’argent). Avec ses techniques, le maître d’art a composé des fourreaux précieux pour habiller les rouges à lèvres. Savoir faire artisanal, couleurs en fusion pour des oeuvres abstraites dont chaque modèle est différent. Une série unique et limitée pour rouge exquis et magnifique.
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Dans une époque où le genre est remis en question, où les frontières entre masculin et féminin sont floues et où la mode tente la revendication de l’unisexe, où se situe le parfum ? Historiquement, il n’a pas toujours été genré. À la fin du XIXème siècle, le sexe s’est inscrit dans les codes de la parfumerie dans une classification très cliché, femme fleur versus fraîcheur et homme des bois. Pour Francis Kurkdjian : “Le parfum masculin répond à un impératif de fraîcheur car il est relié à l’hygiène, au propre. L’expression « ça sent la cocotte » est lié aux femmes de mauvaise vie au XIXème siècle. Ainsi, par convention un homme ne se parfume pas. Il se désodorise, d’où cette idée de fraîcheur.” Mais, si les grands groupes se sentent dans l’obligation de choisir un camp, ce n’est pas le cas des marques de niche qui ne revendiquent pas le « genre ».
Il était une fois
Depuis la nuit des temps, hommes et femmes se parfument, mais c’est à la fin du XIXe siècle que des séparations claires s’imposent dans la société « bourgeoise ». Parfumeur pour Annick Goutal, Isabelle Doyen associe cette évolution à l’apparition des notes synthétiques qui « a accentué la possibilité d’orienter les parfums et de les sexuer ». Par convention, la répartition se fit selon une certaine logique : un parterre de fleurs pour les femmes et à l’homme les bois, mais aussi les cuirs, une lavande proprette et la « fougère » (un accord masculin de lavande et coumarine notamment). Un seul territoire est demeuré sans partage et a conservé le privilège de l’unisexe : l’immuable Cologne, originaire d’Italie et implantée en Allemagne où elle a acquis son nom en bordure du Rhin. Aujourd’hui tout se complique avec la multiplication des hermaphrodites : l’homme fleur et la femme cuir. La violette de Fahrenheit, l’iris de Dior Homme, la fleur d’oranger de La fleur du male (Gaultier), la fleur imaginaire de KenzoPower…
Si les odeurs créent les genres, le packaging renforce cette perception. Le flacon masculin s’élance à la verticale tandis que le féminin est en courbes sinueuses, en rondeur, en douceur avec volupté. Chez Goutal, seule marque de niche où les flacons se distinguent, un même parfum peut se retrouver en courbes au féminin et au masculin dans une rigueur géométrique.
Unisexe
Avec un (pré)nom qui oscille entre masculin et féminin, Jicky (1889) de Guerlain peut être perçu comme un transsexuel.
Probablement conçu à l’origine pour les hommes, il devint trans-genre et, en raison de son fond chaud et sensuel magnifiant opoponax et surtout vanilline et coumarine, il se féminisa. Oeuvre d’art, ambiguïté et rêve de parfum imaginaire s’incarnent dans Belle haleine, Eau de voilette (1921), oeuvre dadaïste de Marcel Duchamp historiquement vendue pour un montant de 8.913.000€ (collection Pierre Bergé chez Christie’s). Photographié par Man Ray, Marcel Duchamp, travesti en femme à l’image de son double, Rrose Sélavy (Eros c’est la vie !), joue sur l’ambiguïté de ce personnage qui lui permit de changer de sexe. Sur un flacon existant de Rigaud fut simplement apposée l’étiquette. Dans le jeu de mot se cache l’idée d’un bain de bouche où la discrète violette s’abrite en voilette.
Dans les années 1920, un nouveau style de femme apparaît. Victor Margueritte publie La Garçonne en 1922. L’héroïne, Monique Lerbier, vit librement, émancipée et scandaleuse. La mode suit le mouvement avec Chanel et Jean Patou qui s’intéresse à ce qui deviendra le sportswear tandis qu’il habille sur les courts Suzanne Lenglen. En 1929 le couturier lance, pour cette femme qui se réapproprie les codes masculins, un parfum qu’il veut unisexe. Baptisé « Le sien », il met en scène une égérie qui pratique un sport, comme « lui ». La communication revendique l’égalité : « Le sport est un terrain où la femme et l’homme sont égaux ». Jean Patou signe : « Je l’ai composé dans cette note franche, saine, très « en dehors » qui convient à l’homme, mais qui s’allie bien aussi avec la personnalité de la femme moderne qui joue au golf, fume et conduit sa voiture à 120 à l’heure ».
Mais l’unisexe n’est globalement pas une voie qui inspire les marques, la confusion des genres n’est pas encore de mise. Féminins et masculins sont créés, bien séparés. Les clivages ont la vie dure en parfumerie.
Des années 70 à aujourd’hui
Si l’aventure unisexe a tenté des marques, le plus souvent ce développement s’est imposé en lien cohérent avec l’univers de mode d’un couturier ou d’un créateur.
Après avoir sérieusement bousculé les codes en mode, notamment avec le port du pantalon associé à son smoking au féminin, Yves Saint Laurent a imaginé un parfum unisexe, une fragrance de fraîcheur pour elle et lui. Audacieuse, son Eau libre est lancée en 1974 avec une communication un peu à la Benetton avant l’heure avec une main blanche effleurant une main noire, deux corps à l’unisson : « Tout ce qui est à toi est à moi ». Cette mixité était sans doute trop en avance et le parfum ne réussit pas à s’imposer.
Quand en 1994 Comme des garçons lance son premier parfum boisé, épicé, il n’est pas fait mention de genre. La maison a ensuite continué sa belle aventure la plupart du temps sans définir les fragrances, si ce n’est les « man ».
Très en phase avec son époque, Calvin Klein a commencé par des duos complémentaires pour elle et pour lui : Obsession et ses effluves de liberté sexuelle, Eternity aux senteurs de cocooning et Escape pour la fraîcheur d’un retour aux sources, vers mère nature. Le créateur, en observant le comportement de sa fille et ses copains dit la légende, eut l’idée en 1995 de CK One : un vrai unisexe frais à l’heure du thé (vert). Tout un univers intelligemment mis en scène accentuait la confusion des genres avec des jeunes où l’un était l’autre : filles en pantalon, garçons aux cheveux longs, sous l’oeil noir et blanc de Steven Meisel.
Un prix accessible et une distribution atypique dans les Tower Records participèrent au succès. Une fragrance d’échange, de communautés, pour clans, très bien identifiés par Michel Maffesoli en 1988 dans Le temps des tribus. Un CK Be en noir, frais et musqué, joua les prolongations avant que les parfums Calvin Klein ne reviennent aux duos traditionnels.
Dans la foulée, le succès planétaire de CK One fit quelques émules. Le sport se dessina en nouveau territoire pour aller vers lui et vers elle. Escada lança Escada Sport en 1996 avec trois parfums Country Weekend, Feeling Free et Sport Spirit, un trio conçu indifféremment pour homme et femme. Légitimement pour Paco Rabane qui avait approché le vêtement dans ce sens avec des modèles unisexes. Paco sera lancé en 1996 et suivi de Paco Energy en 1998, là surfant aussi sur la vague du sport qui finira par s’imposer dans les années 2000, mais du côté d’une virilité toute masculine.
Dans la mouvance surréaliste, les parfums Dali ont toujours magnifié le corps. En 1996 est imaginé un hybride de menton d’homme et de bouche de femme : Dalimix, parfum frais et fruité pour lui et pour elle.
Dans sa mode, Jean Paul Gaultier a toujours été en quête de rencontres, d’échanges, voire de fusion entre les sexes. Ses femmes portent la culotte comme des garçonnes des années 80 tandis que ses hommes osent la jupe, passant, pour rester à carreaux, par la case rassurante du kilt. En 1985, il signe une collection emblématique : Garde-robe pour deux. Quand il a imaginé son premier parfum, il a tout de suite pensé à la voie de l’unisexe, mais en a été dissuadé pour démarrer son histoire parfumée avec des piliers plus classiques. Quelques parfums (dont de grands succès comme Le Male) plus tard et vingt ans après la garde-robe pour deux, il choisit de créer en 2006 un parfum unisexe avec la belle idée de deux flacons qui se rencontrent, s’attirent et s’aimantent. Baptisé Gaultier 2 (prononcer Puissance 2) le parfum donnera son nom (un peu compliqué) à une ligne de vêtements unisexes. Signée Francis Kurkdjian, la fragrance s’est posée dans un registre d’attraction, de désir avec des notes d’ambre, de musc et de vanille. Un parfum de séduction à double exposition.
En 2006 Benetton lance trois parfums ; un Man, une Woman et un troisième genre : Unisex, une fragrance imaginée comme un tee-shirt, vêtement emblématique de l’asexualité. Qui dit tee-shirt dit coton d’où une fragrance à base de fleur de coton entourée de bambou, gaïac et muscs. Si le tee-shirt est unisexe, les parfums jeans de Benetton sont eux restés masculins et féminins tout comme les fragrances Jeans de Versace alors que ce vêtement est aussi un des fondamentaux de l’unisexe.
Dans ses collections sous son nom, Karl Lagerfeld privilégie la simplicité, il va à l’essentiel. Il aime le noir, le blanc et n’hésite pas à jouer d’une certaine ambiguïté masculine dans ses silhouettes féminines. Il dit avec humour : « Tout le monde a une tête, deux bras, deux jambes » d’où le parti pris d’unisexe dans sa collection de parfums Kapsule (2008). Une édition en trois volumes (veste, jean, chemise ?) écrites en trois familles : Light, Floriental, Woody, que ce soit pour elle ou lui.
Pour les vingt ans de Kenzo en parfumerie (2008) a été lancé en édition éphémère un unisexe, inscrivant l’histoire de ce mixte autour d’une thématique baba bobo, hommage à une époque de liberté. Annick Ménardo a composé joliment ce Kenzo Vintage dans un esprit oriental. Une tête mandarine se pose sur un coeur cèdre, héliotrope sur un fond sensuel de fève tonka, musc et vanille. Quant au flacon, il affiche le symbole « peace and love » en relief.
Chez Hermès, les voyages n’ayant pas de sexe, Jean-Claude Ellena, parfumeur maison, a mis l’aventure en bouteille sans la définir sexuellement (une démarche qu’il affectionne pour les Jardins ou pour les Hermessences, créations plus confidentielles). Le parfumeur a voulu un parfum à partager, il sera pour elle et pour lui. Il a choisi, comme à son habitude de prince des haikus parfumés, une écriture simple et fraîche autour de quelques notes : verte angélique, baie de genévrier, bois, muscs… Pour cette envolée belle, un flacon aux allures d’étrier tourne autour d’un axe, ludique. En 2015, son dernier Jardin, celui de Monsieur Li a été élu meilleur parfum féminin de l’année et meilleur masculin de l’année en France par le jury des professionnels. L’heure de l’unisexe serait-elle enfin venue ?
Calvin Klein revient sur le terrain de l’unisexe en 2016 avec CK2, une confusion des genres orchestrée autour d’une opposition entre fraîcheur et chaleur, le tout pimenté de wasabi pour un nouveau “vivre ensemble”.
Et s’il devait y avoir des unisexes liés à des noms de mode ? Si le très beau Untitled de Maison Martin Margiela aurait pu ne pas être genré (surtout avec son nom !), on pourrait imaginer des créations unisexes très logiquement chez Marithé & François Girbaud ou chez Naco.
No sex
Les marques de niche ont une approche différente. Sans se préoccuper des genres, leurs parfums sont pure création. Les cibles ne sont pas identifiées dans une fourchette d’âge (ah les mots élégants du marketing qui inscrivent le consommateur dans des cases). Ne communiquant pas ou peu pour la plupart, elles n’ont donc pas la nécessité de se trouver des égéries au féminin ou au masculin pour le rêve et l’identification. Le flacon est générique à la marque (Serge Lutens, Frédéric Malle, Diptyque, The different Company,…) et le plus souvent sobre et épuré. Seule exception chez Annick Goutal où le masculin est puissant, géométrique et sobre (très élégant) et le féminin tout en rondeur et bouchon doré. Un même parfum peut être disponible dans les deux flacons comme le joli Mandragore ; l’étonnant Sables (fleurant merveilleusement l’immortelle de l’île de Ré) semble poursuivre sa belle route uniquement au masculin.
Francis Kurkdjian a la plupart de ses parfums qualifiés de mixtes, comme son Aqua Universalis, mais il a aussi pris le parti de composer des duos, des binômes qui se répondent en deux versions Homme et Femme : Amyris, APOM, Lumière noire.
Aujourd’hui les grandes marques ont toutes peu ou prou imaginé et développé des collections, privées, particulières qui parfois continuent des histoires ou en créent ex nihilo. Une création plus libre, des matières de belle qualité, pas de test consommateurs… régissent, en principe, ces nouveaux espaces sur le modèle des marques de niche. Chez Chanel des parfums anciens étaient toujours disponibles, ils ont servi de point de départ à la belle collection des Exclusifs qui s’enrichit au fil du temps. Boy, le dernier opus reprend le surnom du grand amour de Coco Chanel et se dessine autour d’une fougère revisitée.
Chez Dior, la Collection privée a débuté par trois Cologne et choisit, pour nommer ses nouvelles fragrances, des noms de matières ou des références à l’univers du couturier. Dernier parfum, La Colle noire rend hommage à la demeure du couturier et magnifie la rose.
Chez Yves Saint Laurent un vestiaire met en bouteilles des classiques de la garde-robe : Caftan, Trench, Tuxedo, Saharienne, Caban.
Maison Martin Margiela avec Replica reprend le principe de la mode en élisant un lieu, une date… La voie des matières est elle privilégiée par Prada, Carolina Herrera, Van Cleef & Arpels…
Les odeurs n’ont pas de sexe, mais les parfums des grandes marques ont acquis leur genre via des univers où s’expriment féminité et masculinité : nom, forme des flacons, égérie, type de senteurs… Dans les rayons des parfumeries, les genres ne se mélangent pas, chacun a sa place et il est toujours problématique de « ranger » un unisexe qui finit souvent des deux côtés. D’où l’élection aux FIFI 2015 du Jardin de Monsieur Li meilleur parfum masculin et meilleur parfum féminin. À interpréter comme un clin d’oeil sur la nécessité du genre ? Si marques de niche ou collections pratiquent le no sex, le choix se porte là essentiellement sur le parfum, la composition, sans a priori et sans famille. Mais l’égalité des sexes n’est sans doute pas encore pour demain en parfumerie grand public si ce n’est le partage des eaux et les Cologne, immuables unisexes d’une fraîcheur pour tous.
NB Ce texte est la réactualisation d’un premier sujet publié sur slate.fr il y a quelques années.
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Avec talent, Ohko Ishida continue le métier de son père : modiste. Elle perpétue la fabrication artisanale des chapeaux et présente aujourd’hui, pour la première fois en France, son travail éminemment poétique.
Si Akio Hirata a créé son univers de haute mode au Japon il y a quelques décennies, c’est après un séjour en France où il était venu se perfectionner auprès de Jean Barthet dans les années 60. Il a réellement introduit la « haute mode » au Japon », créant tout aussi bien pour la famille impériale (les formes de « pillow box » de l’impératrice) que pour les créateurs de mode les plus importants (Comme des garçons, Issey Miyake, Yohji Yamamoto…) avec des fantaisies de formes et des réalisations techniquement de haut vol. Pour populariser le port du chapeau dans son pays, Akio Hirata avait ouvert en 1971 une école avec des cours de « modisme » (NB j’ai eu la chance de suivre sa formation en 1987-1988).
Sa fille, Ohko Ishida, continue avec brio la tradition familiale et est venue à Paris (où elle est née) exposer ses créations. Avec des noms très français, ses chapeaux font voguer l’imaginaire vers le cinéma, la littérature. Le minutieux travail avec les lanières de paille est particulièrement remarquable.
-George Méliès, « le Voyage dans la lune, 1902 se met en boule, semble flotter en apesanteur dans un ton crème en parabuntal (une paille qui n’est plus aujourd’hui produite, comme malheureusement beaucoup de matières du métier).
-La lune d’Indochine voyage vers l’Asie avec sa forme de chapeau chinois.
-Plusieurs hommages à Cristobal Balenciaga et à son sens de l’architecture dont un modèle en « rubans » suggérant la traîne d’une robe.
-Le manteau de Jean Cocteau, tout en courbes, en lin noir à effets de transparence.
-Fujiwara Teika, Homage to Camelia, du nom d’un poète japonais qui célébra la fleur, une version camélia blanc.
-Quant au chapeau rose qui ne porte pas de nom, si les Japonais le qualifient de sakura, en hommage à la couleur de la fleur du cerisier, les Français y voient un macaron. La forme et la couleur me suggèrent un autre nom : Huitre rose.
À la fin de l’exposition une sélection de chapeaux est là pour que les visiteurs les essayent, pour le plaisir.
Galerie de l’Europe. 53 Rue de Seine. Jusqu’au 7 mai.
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Retour sur le devant de la scène pour Marithé et François Girbaud avec une approche originale qui échappe au circuit classique de la mode.
Philosophe, Marithé Girbaud évoque à peine les déboires avec leur partenaire indien qui ont conduit à la fermeture des boutiques et à la liquidation… Elle préfère aller de l’avant et parler avec bonheur de cette nouvelle aventure. Les créateurs ont conservé leur patronyme (ils ont toujours travaillé pour des marques dont ils inventaient les noms) et redémarrent avec un collectif : Mad Lane (sans oublier le souvenir, avec humour, de la madeleine de Proust).
Et si le « see now buy now » met en émoi le système actuel, le duo, avec ce projet, est au coeur de l’action. Marithé Girbaud raconte qu’au cours de leur carrière, ils ont parfois suivi des chanteurs en tournée et que leur façon d’appréhender le système est inspirée du même principe. Un tour de France avec des étapes dans de grandes villes et une billetterie sur internet qui donne des rendez-vous à horaire précis dans des lieux éphémères loués pour quelques jours.
Au moment de la disparition de leurs marques, les Girbaud se sont rendu compte que leur clientèle était « orpheline », d’où la volonté et l’envie de recommencer. Le redémarrage s’est effectué avec une structure légère pour ne pas s’alourdir avec les charges. « De toute façon on n’avait pas les finances et on voulait être et demeurer libre. » La communication autour de ces ventes événements s’effectue par le relais d’un fichier client et par les réseaux sociaux, notamment facebook. Grâce à la billetterie qui limite le nombre d’invités par heure, le service est là, proche du client. Si la vente s’effectue en direct, les prix doivent aussi néanmoins répercuter les coûts de la tournée. Maîtres à bord, les Girbaud font aussi le choix de la qualité pour proposer de « bons produits ».
La collection n’est pas gigantesque, mais propose des jeans, des tee-shirts, des robes, des vestes… Tout est fabriqué en amont, mais le duo travaille avec des fournisseurs qui les suivent, les soutiennent dans leur démarche ; ils peuvent ainsi se réapprovisionner rapidement. Marithé Girbaud explique : « On travaille directement avec les industriels au niveau des tissus, il s’agit de créer pour faire avancer la mode. Pour le stretch, il faut une usine avec de bonnes machines pour contrecoller ainsi une usine du Portugal spécialisée dans le vêtement de sport ». Les avancées technologiques, la recherche et aussi une démarche qui tient compte de la pollution (de la même façon qu’ils avaient fait évoluer le jean) demeurent des axes de travail. « Au départ de notre création, on travaille avec le modéliste, c’est un couple qui fonctionne en duo, c’est très important. Il y a peu d’exceptions en solo comme Alaïa qui fait tout… ».
Et en France ? « En France il y a notamment une petite usine de bonnetterie, la bonnetterie c’était très français, c’est du tubulaire, du marcel quoi ! Ces machines datent d’il y a 50 ans, mais avec un beau fil d’Ecosse, il est possible de faire de nouveaux modèles ».
Et la vogue de l’unisexe ? « L’unisexe n’est pas nouveau pour nous et on a 40 ans d’archives. Cela a toujours été ainsi, on a travaillé en couple et en parallèle. Regardez aujourd’hui les hommes vont au rayon femme, c’est juste une question de taille, de style et parfois de couleurs. Nous, on n’a jamais eu un style féminin, on fait du casual, notamment notre spécialité de pantalon. L’unisexe est casual. »
Un tour de France à suivre sur girbaud.com
Photos Alban Verneret
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Rituel de la parfumerie, les FIFI* sont célébrés en France depuis 24 ans par la Fragrance Foundation. Cette année, entre quelques « tableaux » du Lido dont le mythique french cancan ont été distribués les trophées qui récompensent les lancements emblématiques de l‘année écoulée.
Fruit d’un vote via internet de plus de 35 000 participants, le prix public du meilleur parfum féminin a été décerné à La vie est belle (Lancôme) dans sa version Edp Intense, une variante du parfum N°1 du marché français pour 2015.
Du côté des masculins, le gagnant est Ultra Male de Jean Paul Gaultier, la dernière déclinaison du magnifique Male (les deux composés par Francis Kurkdjian). La fragrance quitte BPI sur un joli succès (+ 10,5% de progression pour Le Male en 2015) et passe dans le giron Puig.
En grande distribution, au féminin Minuit à New York de Gloria Vanderbilt et Black de Daniel Hechter. Sous enseigne propre, So Elixir Bois sensuel d’Yves Rocher (Olivier Cresp et Marie Salamagne) et L’Eau de cédrat de l’Occitane au masculin.
Le prix des experts réunit des passionnés de parfums, 24 jurés (journalistes, blogueurs et évaluateurs) pour choisir parmi la pléthore de lancements des marques de niche (plusieurs centaines). La dernière délibération se déroule en blind test pour départager les finalistes des deux catégories. Pour la marque de niche, c’est Tabac Tabou de Parfum d’Empire de Marc Antoine Corticchiato qui a remporté les suffrages (comme l’année dernière avec son Corsica Furiosa) avec de la feuille de tabac, du narcisse, de l’immortelle et une touche de « vert » ; un parfum puissant et intrigant.
Du côté des grandes marques, c’est Misia (nom hommage à Misia Sert, amie chère de Coco Chanel), la première composition d’Olivier Polge chez Chanel pour les exclusifs ; autour de senteurs d’iris et de violette, un parfum délicat et subtil.
Les prix professionnels (environ 400 votants) ont élu au féminin Le jardin de Monsieur Li d’Hermès et au masculin, le même ! Une fragrance dans une collection (les jardins) où le genre ne se pose pas. Au travers de senteurs de jasmin, pierres mouillées, pruniers, kumquats…, l’esprit d’un jardin chinois, une belle flânerie, composée par Jean-Claude Ellena.
Pour le prix du flacon, au féminin, le Miu Miu de Miu Miu, s’est distingué par sa personnalité ludique, le choix de l’opacité d’un ton gris bleu coiffé d’un bouchon rouge vif.
Au masculin, hommage est rendu au classicisme chic avec Sauvage de Dior.
Pour les meilleures campagnes. Chance Eau vive (Chanel), un film délicieux et drôle signé Jean Paul Goude où le flacon se lance, boule de bowling en action sur la piste.
Au masculin, Gentlemen Only (Givenchy) et son égérie Simon Baker (The Mentalist) qui se ballade dans Paris.
Les Fifi d’or sont choisis par un jury qui cette année était présidé par Jean-Charles de Castalbajac. Pour le président ; « Dans une époque totalement matérialiste comme aujourd’hui où tout est image, je trouve que l’olfactif c’est l’ultime poésie ». Les jurés évaluent dans cette catégorie un parfum dans son ensemble : fragrance, flacon, nom, campagne de pub… Au féminin, ils ont choisi l’Extase de Nina Ricci, un parfum floral signé Francis Kurkdjian dans un flacon en forme de clutch au fermoir doré et de couleur violine.
Au masculin Icon de Dunhill dans un flacon signé Mark Eisen et un parfum de Carlos Benaim.
* slate.fr est partenaire des Fifi
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Le vent de l’unisexe semble souffler sur la mode et susciter un nouvel engouement autour d’une histoire vieille comme mes robes (Hérode). Si les attributs accentuent la séparation entre masculin et féminin chez les humains, la morphologie joue aussi un rôle, induisant une différence de taille. Mais les passerelles vestimentaires ont été nombreuses : le jean ou le tee-shirt sont parfaitement unisexes. C’est surtout à la fin du XIXe siècle qu’en Occident la femme se pare, accentue sa féminité alors que l’homme installe bourgeoisement son apparence dans un costume deux ou trois pièces.
Du féminisme aux hippies en passant par la case futur
Le choix de la masculinité a parfois été un besoin d’affirmation des féministes comme le port du pantalon (encore illégal en France jusqu’en 2013). George Sand devait demander l’autorisation du port du pantalon seulement toléré avec une bicyclette ou un cheval. En mode, Coco Chanel a simplifié le style et portait des pantalons. En 1966 Yves Saint Laurent avec le smoking pour femme bousculait à nouveau les codes. Après avoir ouvert une boutique Eve et une autre Adam, Pierre Cardin fusionna avec Cosmocorps (1968) la vision des deux genres en une combinaison unisexe aux accents futuristes. Oublié aujourd’hui, Jacques Estérel oeuvra pour l’unisexe d’abord avec un costume jupe bermuda en tergal pour les hommes. En 1970 le couturier imagine des binômes avec la même robe pour lui et pour elle avec ses Sumériennes (à voir dans Fashion Forward au Musée des Arts décoratifs).
Dans une interview télévisée, il explique le nom par le choix de la civilisation la plus ancienne qui représentait l’homme et la femme avec un même vêtement. Las, la robe ne s’est pas imposée au masculin dans la rue. Ted Lapidus proposait également une mode aux accents unisexes.
Les années 70 ont parfois gommé les différences avec les pantalons pattes d’éléphant, mais la féminisation se marquait dans les accessoires, les foulards, les colliers…
Paco Rabanne dans les années 90 imagina une nouvelle ligne et un parfum dans le registre unisexe : Paco.
En 2000 c’est Michel Harcourt qui baptise une de ses collections “Le troisième sexe” avec l’idée ” d’abolir le sens de ce qui est masculin ou féminin dans notre société ” avec des mannequins au style androgyne. Pour incarner la marièe (couture), un garçon en veste et traine de tulle. Une collection trop “osée” à l’époque.
Confusion des genres
Les mannequins aussi brouillent les codes avec leur corps parfois androgyne. Déjà le succès phénoménal de CK One pour Calvin Klein est à mettre en relation avec la photo de Steven Meisel où les membres de la tribu se différenciaient peu, filles en pantalon et garçons aux cheveux longs. Bruce Jenner en devenant Caitlyn est devenu(e) une vedette au-delà de la seule télé réalité. Posant pour Jean Paul Gaultier, Andreja Pejic ne se définissait pas homme ou femme. Bruce Weber pour Barneys (printemps-été 2014) a lui mis en scène des personnalités trans-genre. & Other Stories (H&M) en 2015 a signé une campagne entièrement transgenre, de l’équipe créative aux mannequins.
Conchita Wurst joue sur une autre forme d’ambiguïté. Les frontières sont de plus en plus floues entre les sexes. Acné Studio pour l’hiver 2015 a choisi un petit garçon, mais habillé comme une femme. Jeu des apparences pour un troisième sexe hermaphrodite ?
L’un est l’autre
Les collections où l’un est l’autre semblent se démultiplier. Plus spectaculaire du côté masculin, la métamorphose serait-elle en route ? Difficile de faire bouger les lignes en dehors des podiums, la rue demeure assez réfractaire. Jean Paul Gaultier avait déjà pas mal oeuvré pour le port du kilt. Jupes et demi-jupes sont aussi apparues chez de nombreux créateurs ainsi Comme des garçons. Mais aujourd’hui le mouvement semble prendre de l’ampleur. J. W. Anderson avec son vestiaire unisexe a remis les robes sur le dos des hommes et n’a pas hésité à utiliser des rubans et à proposer des bustiers. La marque Vêtements devenue la coqueluche de l’unisexe reprend les bonnes vieilles idées d‘un Martin Margiela qui surfait déjà sur cet esprit. Le collectif annonce un défilé mixte fusionnant les collections. Gucci décrète la fusion des deux collections dans le droit-fil des correspondances déjà en germe dans ses dernières présentations. L’homme d’Alessandro Michele porte tissus à fleurs et chemises en dentelle tandis que les tailleurs pantalons sont l’apanage des femmes. Les enseignes grand public aussi s’y mettent, Zara a imaginé Ungendered, une collection capsule, mais au final très sage, cantonnée au vestiaire masculin et sportif. Un jean ou un sweat ne sont par définition pas « genrés ». Le sport est toujours proche de l’unisexe avec des différences en taille, en coupe. Pour Nike, Riccardo Tisci a imaginé des couples qui se répondent, binôme de style à découvrir en juillet, Nike Lab X RT, des trainings portés en couple.
Mais pas grand chose de nouveau sous le soleil du sport où des marques proches de cet univers (Gap, Uniqlo…. ) jouent très souvent les correspondances avec des modèles qui se différencient par les tailles et la gamme de couleurs. Selfridges a imaginé un espace de propositions sans genre. Baptisé agender (avec un alpha privatif), le lieu n’a pas de genre défini : « moving between genders or with a fluctuating gender identity (gender fluid, third gender ou other gendered), includes those who do not place a name in their gender ». Un espace « maison » conçu par Faye Toogood qui crée aussi des vêtements unisexes sous son nom. Sur une affiche, les He et She sont barrés au profit d’un nouveau Me.
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Parmi les vêtements proposés : des créations de Rad Hourani, Yang Li, Hood By Air, Jean Paul Gaultier, Comme des garçons, Anne Demeulemeester… Une démarche intéressante, mais proposée seulement de façon éphémère…
Les tenants de l’unisexe
Mais l’esprit unisexe n’est pas nouveau ; pour quelques créateurs, c’est un choix, une constance. Désirée Heiss et Inès Kaag ont créé Bless en 1997 ; le duo a toujours tissé des passerelles entre les modèles lors de leurs défilés happenings et dans leurs collections.
Le Canadien Rad Hourani, dans un esprit couture, compose des collections toujours définies unisexes.
Trublion de la mode, Naco a bâti son histoire depuis plus de dix ans autour de l’unisexe. Il ne s’agit pas pour lui d’un simple gimmick, pas un effet de mode, mais la construction de silhouettes parfaitement interchangeables avec humour et fantaisie. Le jeu entre masculin et féminin s’exprime aussi chez lui dans sa vie où il se transorme parfois en un autre personnage, fantasque et ambigu baptisé Madame Paris. Dans ses collections, ses duos sont particulièrement révélateurs d’une apparence où l’un est l’autre. Et si la mode est pour lui rébellion, résistance, avec cette nouvelle vague autour de l’unisexe, son heure est peut-être enfin venue.
Air du temps.
L’unisexe vogue vers un troisième sexe indéfini, mutant. (R)évolution ? En mode, le concept n’est pas réellement révolutionnaire et se joue volontiers en binôme. À défaut d’avoir des nouveautés en matière de création, de style, la nouvelle voie serait-elle de surfer sur l’air du temps en choisissant de gommer les différences entre les genres ? Dans la société la (con)fusion des genres s’affirme notamment chez les jeunes de moins en moins nombreux à se définir exclusivement hétérosexuels. Un réel phénomène de société où l’on parle de modernité liquide (Zygmunt Bauman après analyse des relations amoureuses) trouve ainsi un écho mercantile dans la mode (d’un point de vue très pratique, la fusion des deux collections diminue les coûts et anticipe les délais de vente pour la femme). Alors oui l’unisexe en mode, est le reflet d’une société qui mêle les genres, qui en change au gré d’une terminologie qui ne cesse de croître avec le troisième genre, l’unisexe et en anglais : gender neutral, gender fluid,… Un air du temps que tendanceurs et marketeurs de tout poil observent et traduisent avec jubilation en « produits » ; les créateurs ajoutent leur couplet à défaut de vision. L’un e(s)t l’autre dans une mode unique en son genre.
Sur les Sumériennes
http://www.ina.fr/video/I06117463/
Sur le port du pantalon
Quand la femme pourra-t-elle enfin porter la culotte en France ?
-Naco. Photo : Blondie. models : Marie Douchet & Quentin Favrié
Hair/ Make-up : Karine Marsac.
-Sumériennes dans Fashion Forward.
-Campagne Agender. Photo Matt Writtle 2014 © Matt Writtle 2014
-Naco. Photos Natydred.
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Valse des communiqués chez Kering autour du départ du directeur artistique et de l’arrivée de son successeur dans la maison Yves Saint Laurent qui, au passage, retrouve l’usage du Yves.
1er avril. Après 4 ans de pouvoir sous la bannière d’(Yves) Saint Laurent, Hedi Slimane quitte la maison. Le communiqué officiel indique que le positionnement opéré autour de la marque « a donné un nouveau souffle et ouvert un nouveau chapitre » dans l’histoire de la maison. Oui, le chiffre d’affaires a beaucoup progressé. La mode a vu en quelques saisons le travail d’un directeur artistique revisitant les codes d’une maison. Du masculin-féminin, des blouses transparentes, des tuxedos, des mini jupes en cuir, de grands chapeaux, un imprimé bouches, des paillettes, une slim attitude, des collerettes, de la fourrure,… Une touche de punk, un zeste de grunge (collants déchirés), le tout encanaillé de rock… So what ?
Quelques coups d’éclat ont aussi frappé les esprits. Dès l’arrivée d’Hedi Slimane un petit effet d’annonce : la marque devient Saint Laurent Paris, le Yves disparaît, même si l’initiale Y est évidemment conservée dans le logo dessiné par Cassandre et connu dans le monde entier. Le choix de l’installation du studio à Los Angeles pour une marque française ? Logique et pratique ? La prise en main par le directeur artistique de la communication, optant pour une esthétique noir et blanc avec des personnalités en égéries et dont la dernière image est Jane Birkin. Le succès d’Hedi Slimane est surtout le reflet d’une époque où la vraie création n’est sans doute plus la priorité et où le vêtement est un produit et le it bag une cash machine.
4 avril. Le choix du nouveau directeur artistique s’est porté sur Anthony Vaccarello, créateur d‘origine belge passé par la Cambre, lauréat du festival d‘Hyères en 2006 et du prix de l’Andam en 2011. Le créateur avait travaillé pour Fendi, était directeur artistique chez Versus Versace et défilait sous son nom à Paris. Francesca Bellettini, présidente directrice générale d‘Yves Saint Laurent déclare à son sujet : « Les silhouettes d‘Anthony Vaccarello équilibrent impeccablement des éléments d‘une féminité provocatrice et ceux d‘une masculinité aiguë. » Une annonce mettant l‘accent sur la confusion des genres dans le droit fil des créations du couturier à son époque et dans un air du temps où se profile l’unisexe.
Après Alber Elbaz, Tom Ford, Stefano Pilati, Hedi Slimane, un cinquième successeur pour la maison Yves Saint Laurent.
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