Dans les allées de la FIAC, des tissus, des vêtements, des accessoires, hors mode.

Avec le Carlton Hotel Project, Marwa Arsanios travaille sur la mémoire du lieu. Construit dans les années 60 à Beyrouth, le bâtiment fut démoli en 2008. Avec le « Travelling curtains project », l’artiste a récupéré les rideaux de l’hôtel, ensuite les tissus ont voyagé dans le monde et ont été transformés. Ultime étape, ils deviennent vêtements prêt-à-porter et sont exposés suspendus à des cintres. Galerie Mor. Charpentier.

C Carlton Hotel Project, 2008, installation view, FIAC, Mor. Charpentier, Paris, 2014.

À la galerie Praz-Delavallade est présenté le travail d’Amanda Ross-Ho. Née à Chicago, elle a suivi des études d’art et a travaillé à ses débuts comme designer textile. A la FIAC est exposée notamment une forme de tee-shirt surdimensionné avec le slogan : Leave me alone. Untitled textile arrangement (Towel rack #2) empile les serviettes de bain et gants de toilettes travaillés en taches de teintures.

Jeu de mot à tiroirs avec Home suit Home (Diabolo rouge), 2013, une oeuvre de Didier Faustino. Moquette, fer et colliers de polyester transparents compose la silhouette en creux d’un nouvel homme. Galerie Michel Rein.

Des collages, des dessins et des objets, le quotidien est revisité par Hans-Peter Feldmann. Avec Golden shoes, un accessoire quasi fétichiste, une couleur symbole du luxe et un détournement improbable puisque sont posées sur la semelle intérieure des punaises. Attention danger. Galerie Massimo Minini.

Dans les allées de la FIAC, une quête autour d’oeuvres qui peuvent avoir un lien avec la mode, avec le textile. Pièces tissées, uniformes, quotidien, avatars, primitivisme…

-Joel Kyack avec The bachelor-Stripes met en scène sans doute la perplexité du célibataire malhabile qui ne gère pas particulièrement bien les taches ménagères. Une chemise assez classique à rayures (stripes) pour signifier le travail ? Sur la toile pend, au bout de son cordon, un fer à repasser (pendu ?). La semelle du fer a traversé la toile et a laissé son empreinte brûlée. L’artiste américain a étudié à Boston et est passé en résidence en Italie. Il utilise souvent l’humour ainsi l’installation Old sailors never die.  Galerie François Ghebaly.

-Immense artiste « textile » Sheila Hicks a dans la FIAC un des rares espaces monographiques. De petites oeuvres de tissages dont certaines avec couteau –coquillage- inséré dans la trame. De petites pièces, exquises « miniatures », et des oeuvres surdimensionnées (la taille des fils) jusqu’à des assemblages baroques magnifiques. Un plaisir pour les yeux. Galerie Frank Elbaz.

-A la galerie Peter Freeman, Une oeuvre de Catherine Murphy  Moire chair, un gros plan gigantesque d’un tissu d’un bleu profond et la ligne de démarcation de la chaise qui le recouvre. Un travail qui agrandit souvent les détails de scènes de la vie quotidienne prises sous un angle photographique. Dans le choix du close up, on pense à Gnoli, mais Catherine Murphy a sa patte bien à elle.

-Artiste allemand, Franz Erhard Walther travaille sur des formes et utilise des tissus réalisés par des professionnels de la couture. Ses teintes sont très travaillées. La toile n’est plus le seul support, elle est l’oeuvre. Des formes géométriques assemblées dans des compositions agencées. « J’ai défini des formes de cadres et de nombreux dispositifs d’encadrement reposant sur l’idée que le spectateur remplirait virtuellement les surfaces ».  Galerie Peter Freeman.

-Senga Nengudi, Américaine de Chicago. Dans ses oeuvres, notamment la série RSVP (à partir de 1975), elle utilise des collants et du sable pour les lester. Elle joue sur les tensions qui peuvent être obtenues avec l’élasticité de la matière et orchestre des chorégraphies où parfois elle inclut aussi son propre corps. Si elle parle d‘issues féministes, elle n’oublie pas la complexité de ses origines. « The real deal is looking at the old traditional African dance  and dance on any diasponic city street and see the new that looks like the old ».

-Galerie Esther Schipper, le travail d’Isa Melsheimer, avec ses « insectes », des têtes, des masques tribaux qui, avec leurs antennes, se métamorphosent. Des créations réalisées pour un spectacle imaginé avec des aveugles. Un côté ethnique, art brut et la question magique du « masque ».

En correspondance, en résonance, avec des oeuvres d’art, des thématiques, se déguste la magnifique exposition autour de la mode de Dries van Noten : Inspirations.

Belge issu du groupe des six, Dries van Noten a, dès le départ, créé en s’inspirant d’une forme d’exotisme et faisant référence parfois à des oeuvres (artistiques, cinématographiques…) pour composer un style à la fois simple et aux accents baroques. Dans ses collections fleuves règnent les harmonies des couleurs les plus belles, s’esquisse une certaine douceur avivée par la richesse de brillances. Un orientalisme d’aujourd’hui mis en résonance avec des oeuvres d’art et l’esprit du voyage. Parfois directe, l’inspiration se dessine en couleurs comme les pulls avec des dégradés de couleurs suggérant les camaïeux de Rothko. Sa collection de  l’automne hiver 2009 s’imagine comme une explosion de couleurs suscitée par la visite de l’exposition de Francis Bacon.  « J’ai été immédiatement sidéré par son sens de la couleur, par l’énergie de sa pâte et par le fait qu’elle comprend des teintes et des nuances que l’on n’utilise pas dans l’habillement. J’ai eu envie de voir ce que donnerait ces teintes hors normes sur des vêtements et d’examiner si sa façon de traiter la représentation par le fragment et la déformation des corps et des visages pourrait être appliquée à la formation et à la reconstitution de motifs à fleurs… »

Passerelles jetées entre art et mode, entre passé et présent forment de délicieuses alcôves où le visiteur est invité à la rêverie. Des motifs géométriques où le noir s’oppose au blanc dans un esprit op art ou cinétisme avec un portrait de Gainsbourg en toile de fond.

L’esprit de La leçon de piano de Jane Campion. Des oeuvres de Van Dongen, Bronzino, Yves Klein, Damien Hirst,… Associations d’idées, thématiques, analogies, influences, … Sans oublier des rencontres avec des créations du passé de la mode : Schiaparelli, Dior, Balenciaga…

Une exposition chaleureuse qui n‘est pas sans rappeler certains défilés mémorables de Dries van Noten : le 50ème sous forme de banquet, un autre sur la scène d’un théâtre dans une ambiance breugelienne ou encore des baraques de foire dans la cour de l’École des Beaux-arts…. Sweet memories.

Une exposition à ne pas manquer et même à conseiller aux réfractaires de la « mode ».

Musée des Arts décoratifs Paris

Prolongation jusqu’au 2 novembre

Plongeon dans la vie sous-marine pour Shiatzy Chen. Une légende chinoise imagine qu’en quête d’un élixir d’immortalité un alchimiste rencontra les Jiaoren, des sirènes de l’Ouest. Coraux, coquillages, perles (larmes de sirène) ont servi de territoire d’exploration pour cette collection estivale.

Vêtements aux formes graphiques dans des soies précieuses. Imprimé marin dans un esprit sinisant et gamme de couleurs magnifiant un verre céladon délicat.

Expérimentale, futuriste et infiniment poétique, la mode d’Iris van Herpen travaille les constructions, développe les possibles de matières atypiques dans le champ de la mode.

Cette saison, Magnetic Motion explore les forces d’attraction. La créatrice a visité le Large Hadron Collider du CERN, le plus puissant accélérateur de particules mis au point par des scientifiques. Spectaculaires dans sa collection, les formes enveloppes, cocons comme cristallisées sont extraordinaires.

Iris van Herpen travaille en collaboration avec un architecte, Philip Beesley et un artiste, Jolan van der Wiel (sculptures « dynamiques »). Découpes au laser, impression trois D… participent à une belle aventure.

Naturalité et science, Iris van Herpen imagine une mode très personnelle où elle enracine la technologie dans une forme de vie primitive issue d’un imaginaire chaos.

Au-delà du spectaculaire des pièces emblématiques, une mode qui avance également sur les chemins du prêt-à-porter.

Collection happening pour Jean-Charles de Castelbajac, sur la route 74, cap vers le Sud. Flash -black en 1974 avec le souvenir de Farrah Fawcett et une inspiration Raymond Loewy. Graphique et géométrique, la collection est dominée par les trois couleurs primaires soulignées du binôme blanc et noir.

Un sportswear habillé pour aventureuses citadines. Poches « écrans », visières, sandales à velcro et découpes géométriques simples. De grands aplats de couleurs et des détails façon surpiqûres.

Formes amples et effets dentelles s’opposant à des transparences plastiques.

Un défilé performance avec la musique « Soucoupe » de Calypso et du street art sur les murs du garage par Sowat & Lek. So JCC.

C’est officiel, John Galliano va à nouveau faire partie du paysage de la mode et c’est une excellente nouvelle. Un communique de OTB (Only the brave), la société de Renzo Rosso annonce sa nomination en tant que directeur artistique de la Maison Martin Margiela. Un des plus grands créateurs arrive dans la maison d’un de ceux qui a beaucoup et intelligemment bousculé la mode pendant vingt ans avant de choisir de la quitter. Au quasi anonymat de celui qui ne se montrait pas et qui posait des étiquettes blanches dans ses vêtements succède un talent qui fut exubérant et fantasque dans son apparence. D’un côté une mode parfois minimaliste, souvent radicale et de l’autre un style de folie créative à la féminité exacerbée. La fusion va être intéressante et sans doute extraordinaire en couture où la récup de l’un va découvrir le baroque de l’autre. La simplicité du prêt-à-porter va sans doute aussi s’embarquer dans des voies inexplorées. Premier rendez-vous pour la couture en juillet, d’ores et déjà un événement.

Photo Patrick Demarchelier

La forêt cache les arbres chez Chanel avec une collection manifeste et manifestation. Décor grandiose de rue aux immeubles haussmanniens, le « Boulevard Chanel » vit battre le pavé par les mannequins avant de défiler joyeusement avec des slogans mélangeant humour, féminisme, luttes et mode : « make fashion, not war ».

Une joyeuse confusion à laquelle se joignit Karl Lagerfeld en guise de salut. L’esprit de la collection reprend les codes Chanel, mais démultiplie les rencontres de styles et de motifs dans un début tonitruant où les imprimés à fleurs viennent allumer le classique tweed chiné.

Beaux passages de robes en métal argent et jeux op entre noir et blanc.

Sous les pavés, la mode.

Belle collection pour Véronique Branquinho avec une géométrie féminisée. Une palette de couleurs sobre : blanc, beige, marron, bleu denim et noir final, relevée d’éclats d’or et d’argent. Superpositions, attaches en corde en passementerie brillante.

Du long, très long, des « marcels » avec plastrons. Quelques transparences et un jeu de plissés exquis.

En détail, des « froufrous » sur les bras, les épaules, entre accessoire et vêtement. Une impression de légèreté.

C Gorunway

Début ultra coloré pour Elie Saab avec des imprimés floraux à grands motifs chamarrés parfois entourés de bords à rayures noir, blanc.

Jeu d’une nouvelle géométrie. L’inspiration vogue vers la Méditerranée, vers les bleus des fonds marins, les couleurs de corail.

Et puis le style d’Elie Saab, avec la perfection du travail de dentelles, de broderies reprend le fil de la collection. Sequins brodés pour reflets irisés. Robes glamour pour féminité précieuse.