Dans la classique typologie des fragrances masculines, le sport occupe le terrain depuis quelques années. Confronté aux éléments, l’esprit sain s’échappe de la mêlée pour se blottir dans un corps sain et « frais ». Après la pratique se dessine aujourd’hui la victoire avec Invictus (Paco Rabanne).
Augmentant la fraîcheur et jouant, en communication, sur un corps quasi zéro défaut, les masculins relèvent souvent de mêmes codes d’odeurs : fraîcheur hespéridée, lavande, notes boisées et parfois une touche de cuir. Avec le temps et l’évolution des métrosexuels et übersexuels, dont les mots sont déjà dépassés, l’homme fleur apparut ensuite. Mais, c’est avec la notion de sport, perçue de façon virile, que le terrain de jeu ajoute un zeste de fraîcheur en plus. Beaux physiquement, les héros affrontent les éléments (air, mer ou piste de course). Si quelques tentatives d’association avec le sport eurent lieu dans le passé, c’était plutôt le simple choix d’une égérie : Rafael Nadal prenant la balle au bond pour Lanvin, André Agassi pour Aramis ou encore Sébastien Chabal et l’ovalie pour le mythique Pour un homme de Caron.
Après l’essai d’Escada Sport au féminin ou mixte, ce sont les masculins qui ont ingéré le sport, multipliant les lancements ces trois dernières années. Boss Sport était sur la ligne de départ avec le séduisant Jenson Button qui a passé le volant à Ryan Reynolds. Armani Code Sport plonge un corps athlétique dans le grand bleu d’une piscine. Jude Law, entre voiture à toute vitesse et hors-bord, incarne le Dior Homme Sport dans un esprit de séduction.
Pour Dolce & Gabbana, The One Sport, l’athlète traverse un stade antique puis se repose, dolce vita sous le soleil exactement. Justin Timberlake joue pour le Play Sport de Givenchy. Pas d’incarnation masculine pour L’eau d’Issey pour Homme Sport, mais un flacon en sobriété avec des accents technologiques façon grip. Burberry Sport le pratique en doublette et même en version Ice, le feu sous la glace. L’exquis Habit rouge de Guerlain voit aussi la vie en sport. Chez Chanel, après Allure Homme Sport, la version Eau extrême s’incarne avec un dompteur d’océan, le surfeur hawaïen Danny Fuller, en action.
Azzaro Chrome, fragrance transgénérationnelle a aussi sa version Sport. Pour Gucci by Gucci Sport, James Franco surgit des ondes, roi du tee-shirt mouillé.
Le terrain du sport utilise aussi bien les acteurs que les mannequins ou les sportifs ; il cible une clientèle un peu plus jeune (des hommes en âge de pratiquer un sport ?) avec des fragrances qui accentuent la fraîcheur. Si l‘air a son mot à dire (Chrome et l’avion), c’est surtout l’eau qui est privilégiée. Faut-il y voir un retour aux sources, au souvenir du liquide amniotique ? Peut-être pas ! Une eau de régénérescence pour une nouvelle naissance où le corps parfaitement maîtrisé devient exemplaire et objet de séduction ? Peut-être pas davantage, mais le grand plouf de fraîcheur est toujours très suggestif.
À contre-pied du héros en surpuissance, l’Homme Sport de Kenzo joue l’humour de façon décalée (prix de la meilleure communication aux FIFI français). Un bateau vire de bord, du vent dans les voiles… d’un jouet mené à la main par un « sportif ». De même une exténuante partie de baby foot en bord de plage. Les héros sont fatigués. Pour la version extrême, des muscles en gros plan, parés pour l’action ? Non, le corps s’évente, que calor, farniente du héros qui s’étire et se repose, vainqueur de chaise-longue.
Chez Paco Rabanne, leader mondial avec One million, le nouveau parfum s’approche du sport, mais sans le nommer. Vae victis, le vainqueur est Invictus. Le gimmick est poussé à son paroxysme avec un flacon en forme de coupe. Boisé frais, le parfum est signé Véronique Nyberg entourée d‘Olivier Polge, Dominique Ropion et Anne Flipo. L’égérie est un joueur de rugby à XIII australien, Nick Youngquest. Sa prestation sur le stade de Barcelone approche une grandeur mythologique. Arrivée sur le terrain sous les clameurs, le héros court, poursuivi par une horde de figures en « marbre » qui se disloquent ; sur son passage, les déesses en perdent leurs voiles. Allégorique, la troisième mi-temps se passera dans les vestiaires avec les déesses.
Pour être dans la course du temps, l’homme joue la carte du sport, en parfum.
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Il y a vingt ans, c’est par la porte alors étroite de la couture que le duo néerlandais faisait son apparition dans la cour de la mode parisienne. Désormais dans le calendrier du prêt-à-porter, les Viktor & Rolf viennent de faire une très jolie incursion (à suivre ?) en couture pour célébrer leur anniversaire. Dans un magnifique décor évoquant un jardin zen très Ryôan-ji, s’est imprimée la trace du râteau en cercles concentriques et parallèles sur le kaolin de papier. L’imaginaire complète et dessine océans et montagnes… En guise de pierres immobiles, des coussins géométriques, de noir vêtus, îles mystérieuses.
Habillés de noir (mais pas masqués comme les kuroko), les deux créateurs font « défiler » leurs vingt mannequins aux robes construites et déconstruites. Chaque silhouette est guidée, placée pour composer de nouveaux tableaux : sculptures de chiffons immobiles.
Dans le Ryôan-ji, sur les quinze pierres, il est impossible, quel que soit le point de vue, de les percevoir toutes. En serait-il de même pour les vingt modèles ?
Le défilé installation, conceptuel, va bien au duo néerlandais. Un délicieux moment de poésie, plongée nocturne vers le soleil levant.
En clin d’oeil à leur parfum Flowerbomb (L’Oréal), une édition collector nommée Haute Couture accompagnait le carton d’invitation.
Photos Peter Stigter
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Subtil raffinement de la collection de Yiqing Yin dont le travail incroyable des textures, des broderies, toujours éblouit. Effets de ruchés, tissus bouillonnants, volumes délicatement plissés, effets dévorés. Asymétrie. Sur une robe du soir se suspendent, traits rouges mystérieux, des fils.
Coup de coeur absolu pour la robe du final en volume de « corail » organique enserrant le buste et oblitérant le visage.
Raffinement d’un talent sûr à la maîtrise couture. Dédiés aux « Rives de Lunacy », à « la nébuleuse de la méduse », les modèles emportent le ballet aquatique dans des profondeurs sous-marines aux récifs enchanteurs. Une collection spectaculaire et sculpturale, mais aussi superbement poétique.
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Sans conteste dans la cour des « grands » de la haute couture, Jean Paul Gaultier en possède la maestria. Si la dénomination des espaces laissait présager des rugissements de fourrure avec ses noms de « bêtes » : lynx, ocelot… ; c’était surtout en clin d’oeil. Les effets fauves maniaient illusion (cristaux Swarovsky) et impression (imprimés) pour dessiner la femme panthère.
Élégantes et citadines, les tenues portaient des noms évocateurs : Mata Hari, Madame porte la culotte, Kill Bill, Catwoman, Cruella de Ville »…
Extension du domaine de la poche avec d’extravagantes pièces surdimensionnées qui renvoient aux silhouettes d’un clown revu par Bowie plus qu’aux pantalons de gaucho.
En ponctuation s’inclinent de petits chapeaux coniques, toujours dans l’esprit du cirque, une des inspirations du défilé, Fellini n’est pas loin. Du masculin-féminin, des trenchs, des mélanges audacieux, et toujours du chic et du popu… et un magnifique travail de couture.
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Avec sa collection « Artisanal », la Maison Martin Margiela continue la belle histoire d’un nom dont les racines sont profondément ancrées dans le recyclage. Ce côté récup(ération) est magnifié au moment de la couture avec un travail fait main (le nombre d’heures nécessaire à la fabrication est indiqué) et un ennoblissement des matières choisies. Dans le droit-fil d’une forme d’anonymat, les mannequins défilent le visage oblitéré de masques, broderies ethniques, semis de fleurs ou écho aux tenues. Le fantôme de Leigh Bowery pourrait planer sur ces étonnants visages anonymes.
Pour le jour, dans une série de pièces en latex, la gomme est mise, colorée et associée à des jeans.
Autour d’un thème de « bustes » hiératiques, hommage au marbre avec des cabochons de pierre. Pour Chopin, col blanc, gilet noir et veste verte. Homère en marbre blanc ajoute un effet de toge drapée de satin pourpre.
À partir de planches d’encyclopédie, des broderies d’oiseaux sont ensuite assemblées. Une nouvelle vie surgit pour les robes de « prom » des années 50 transformées en vestes, robes bustier. Tulle et plumetis à l’honneur pour une nouvelle fête.
Rideaux, vêtements de l’opéra de Pékin où le costume d’empereur devient manteau…
Un recyclage d’exception pour une haute couture d’aujourd’hui.
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Chaque saison confirme le talent et la voie choisie par Alexandre Vauthier. Dans des défilés au rythme trépidant, sa femme trace sa route, en conquérante, mais tout en féminité assumée. Les modèles soulignent le corps féminin, ses courbes avec des ouvertures astucieuses et audacieuses, des effets de transparence pour laisser libre cours à la sensualité. Jupe fendue sur la jambe, décolleté plongeant, le corps surgit. Jeux d’OPposition entre noir et blanc ou le beige est chair. Total robe en transparence, seconde peau glissée sur des sous-vêtements noirs.
Blouson noir, vestes construites, zips… À la structure des vestes répond la douceur des drapés des jupes.
Vénus en fourrure sous le manteau court bleu tendre et haut tout en transparence.
Un zeste de brillance avec quelques éclats brodés et un jeté de plumes en final.
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Jolie surprise chez Julien Fournié avec une belle collection aux matières précieusement travaillées. Superbe dévoré de paillettes qui se caresse et se joue entre or chatoyant et noir laque brillant.
Fourreaux du soir aux corps allongés (le couturier fait référence aux femmes de Modigliani). Le zip s’affiche, se pose et s’impose (hommage à Schiap ?). Des imprimés art déco, un poil de fourrures, des tissus recomposés comme une riche marqueterie. Des dessus d’épaules s’échappent des excroissances en pointes, façon origami, pour tenues hybrides, en référence au titre de « Premières chimères » ?
La gamme de couleurs joue le doré, le bronze, hommage à Klimt et ses tableaux enluminures. Tissus pour nouvel âge d’or entre années 30 et kimonos précieux.
À noter les belles coiffures en appliques d’éventails capillaires et le maquillage de Nicolas Degennes avec un subtil petit trait doré posé en équilibre sur les cils supérieurs.
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Architecte et créateur, Gustavolins déconstruit et reconstruit la mode. Parfois il part d’une simple pièce de tissu qui semble juste attachée, liée d’un tour de main.
Vers le soleil levant le porte son intérêt pour un de ses plus grands architectes : « Le travail de Tadao Ando m’a toujours impressionné. Cette architecture qui laisse la place au vide, le rôle de la lumière,… » Du vide, de l’espace, le « ma » japonais s’instille dans sa création. Le kimono traverse son travail, la distance avec le corps, la beauté des doublures, l’amplitude des manches, la palette de couleurs (discrète en apparence, flamboyante à l’intérieur). Une touche de couleurs et fleurit cette saison le coquelicot.
Elégance graphique d’un soleil noir, motif de « gouttes » peint à la main. Noir blanc, calligraphie et éclair de rouge.
Une touche de masculin et féminin. À la fois géométrie et douce enveloppe, le corps se drape, exquise esquisse.
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Hommage à Giovanni Boldini et ses portraits pour Alexis Mabille dans sa collection couture où « la vie est en mouvement ». Les dames du « monde » se succèdent : Cléo de Mérode, Gertrude Vanderbilt, Gabrielle Réjane … et déambulent dans un intérieur bourgeois. Souvenirs du passé dans des robes du soir où le crêpe princesse est roi. Des couleurs vives, des fourreaux, du long. Quelques imprimés et majestueux manteau rouge.
Le noeud fétiche signe quelques robes, en détail.
En point sur le i de la silhouette, de charmantes coiffures avec l’ajout de petites fleurs en pointillé, pour têtes d’oiseaux.
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Membre invité, Iris van Herpen a, sans conteste, sa place dans le calendrier de la haute couture. Vision futuriste et travail d’exception conduisent sa mode vers les sphères les plus hautes de la création. Intitulée Beyond Wilderness, sa collection part à la recherche d’une beauté cachée dans les forces de la nature. Son vêtement est une expérience où se développent créativité, technologie, artisanat… un vrai travail d’exception où interviennent aussi des « artistes ». Formes organiques étranges, souvenirs de la structure d’un squelette humain. Parmi les collaborations, la présence continue, pour les chaussures, de Rem D Koolhaas et United Nude avec un modèle sabot volumineux aux allures de plat de nouilles ! Inquiétante étrangeté dans la présentation où les mannequins regardent le public, l’observent, le dévisagent, le jaugent ; une troublante inversion des rôles amplifiée par une musique puissante et oppressante.
Découpes au laser, « broderies » d’un nouveau genre », plastique à effet de plumes pour robe de phénix aux têtes animalières, latex…
MAGNIFIQUE
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