Le saute-mouton, bientôt sport olympique
Le Brésil croit tenir une génération de nouveaux cracks, autour des Neymar, Ganso, ou Lucas Moura. Attention aux espoirs déçus.
A Londres, lors des JO, cela devait être simple. Le Brésil devait rencontrer l’Espagne en finale et la battre pour annoncer la couleur avant la Coupe du Monde 2014 à la maison. Mais voilà: la Rojà a pris une pilule d’entrée de jeu (pour le plus grand bonheur du reste de l’Europe) et la Seleçao a perdu contre une équipe du Mexique bien meilleure qu’elle lors du dernier match.
Pour certains, une médaille d’argent, ce n’est pas si mal, c’est juste le signe que la malédiction continue pour le Brésil qui n’a jamais remporté les JO (au contraire du Canada, de la Belgique ou du Nigeria…). Dans deux ans, espère-t-on du côté de Rio, les jeunes pousses seront définitivement prêtes. Pour d’autres, c’est l’heure de l’inquiétude. Le sélectionneur, Mano Menezes, est contesté, mais peut-être ne peut-il pas y faire grand chose.
La folie amoureuse des fans autour de Neymar en Grande-Bretagne et les derniers transferts d’Oscar à Chelsea ou de Lucas Moura au PSG (pour une arrivée en janvier) laissent plutôt penser qu’il y a un emballement autour de jeunes joueurs sans être certain qu’ils soient si bons que ça. Nous nous sommes amusés à calculer la valeur totale de l’équipe sélectionnée pour les JO, soit 15 joueurs de 23 ans ou moins et 3 légèrement plus âgés, Thiago Silva, Marcelo et Hulk. Autant de joueurs qui ont encore leur carrière devant eux, et tout à prouver sur le long terme (à part le défenseur néo-parisien et le madrilène sans doute). Si l’on fait l’addition des valeurs supposées de ceux qui sont encore en Amérique du Sud et des transferts de ceux arrivés en Europe, la valeur totale de l’équipe tourne autour de 345 millions d’euros !* Soit plus de 19 millions d’euros par personne, en moyenne. Et si on fait le calcul des milieux et des attaquants uniquement, ceux qui traditionnellement attirent la lumière et les biftons, on arrive à une valeur supposée de 255 millions au total. 28 millions d’euros par personne…
C’est un peu fou. 28 millions étant théoriquement la valeur d’un très bon joueur, l’équipe du Brésil n’aurait que des prodiges à se mettre sous la main. Et encore faut-il ajouter à ce groupe des joueurs un peu plus âgés, comme les défenseurs Daniel Alves ou David Luiz. Sur le papier, le Brésil devrait tout casser donc en 2014… Or, d’expérience, on sait qu’il est impossible que tous ces joueurs deviennent des cracks. Si l’on regarde l’équipe du Brésil en 2008 à Pékin, il ne reste plus que Pato et Thiago Silva, à la limite Robinho. Les autres comme Ilsinho, Anderson ou Diégo n’ont pas forcément déçu mais plus personne ne voit en eux des sauveurs de la patrie auriverde.
Plusieurs raisons peuvent expliquer cette bulle spéculative. Un jeune joueur brésilien vaudra toujours plus qu’un Nigérian ou un Japonais, à niveau égal. Ils attirent plus, ils font vendre plus de maillots et ils sont potentiellement revendus plus cher. Autant qu’un pari sportif, un Auriverde est souvent un pari commercial. La montée en puissance du championnat local y joue aussi pour beaucoup. Les clubs ont aujourd’hui les moyens – ils sont soutenus par des grands groupes ou des milliardaires – et un jeune n’a pas plus forcement d’intérêt financier à quitter le pays. Il y a dix ans, Neymar aurait sans doute déjà joué en Europe. Mais cette manne financière peut avoir un revers. Si quelques très bonnes équipes se dégagent, beaucoup ont encore un niveau très faible. La formule actuelle des championnats brésiliens fait jouer six mois par an contre des équipes de niveau régional. Comme si, en France, le PSG jouait la moitié de l’année contre le Red Star et Créteil (même si dans le championnat Paulista, Santos rencontre de temps en temps les Corinthians ou le Sao Paulo FC). Cela encourage les scores fleuves, les défenses à trous et, du coup, les jolis buts parfaits pour YouTube et les agents de joueurs. Mais cela devient compliqué d’évaluer le vrai niveau de jeunes mecs qui n’ont que trop rarement à affronter des adversaires coriaces. Sur la vidéo ci-dessous par exemple, vue plus de 500 000 fois, Neymar (qui doit encore apprendre à tirer les pénos) s’amuse contre un défenseur de Catanduvense, une équipe promue en 2012 en première division du championnat de Sao Paulo…
Et ce joli but de Lucas Moura a aussi été marqué contre un promu au niveau national, Ponte Preta.
L’emballement médiatique autour d’eux peut également les pousser à croire qu’ils sont déjà les meilleurs alors que quelques confrontations musclés en Ligue des Champions ne leur feraient pas de mal. Les déclarations de papis gâteux comme Pelé qui estiment que «Neymar est meilleur que Messi» sont pour eux des cadeaux empoisonnés.
En 2014, les joueurs devront savoir gérer une immense attente populaire. Cela peut les porter, mais cela peut aussi les tétaniser. Contre une équipe européenne moins talentueuse sur le papier ou en valeur marchande mais bien mieux organisée et rompue aux combats «à mort», Neymar et ses amis ne pourront pas se permettre de caviarder 25 occasions et d’enchaîner les opérations portes ouvertes en défense.
Clément Noël
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*voilà en fin de papier la valeur réelle ou supposée de chaque joueur en euros: si vous n’êtes pas d’accord, indiquez-le dans les commentaires. Pour Ganso, l’estimation correspond à sa baisse relative de rendement et donc de valeur ces derniers mois.
Rafael Cabral (7 millions) ; Neto (3,5) ; Ale Sandro (9) ; Danilo (13) ; Rafael da Silva (transfert ancien, valeur actuelle non précisée) ; Marcelo (7) (montant du transfert en 2007, valeur actuelle sans doute plus importante) ; Thiago Silva (42) ; Bruno Uvini (4) ; Juan Jesus (4) ; Romulo (8) ; Sandro (10) ; Lucas Moura (40) ; Ganso (12) ; Oscar (30) ; Pato (environ 30) ; Hulk (plus de 40) ; Damiao (environ 25) , Neymar (jusqu’à 60).
Photo Reuters, le Brésil lors de sa défaite contre le Mexique, aux JO.
Bienvenue dans la société du spectacle et sa surmédiatisation.
Comme le dit si bien l’article, les plus grand clubs Brésilien sont maintenant quasi tous détenus par les multimillionnaires ou des grand groupes qui alimentent allègrement les finances des clubs et permettent de garder les pépites sur le marché local (un peu comme au Mexique).
Le phénomène vidéos en ligne comme celui des agents qui ne font que montrer que les exploits de leurs protégés au détriment du jeu dans son ensemble laisse croire que le Brésil des Garincha est éternel alors que les résultats de la Salecao démontrent parfois le contraire.
Tout comme la génération des JO de 2008, je ne suis pas certains que de Londres verra tous ses membres en devenir être des cracks adaptable au jeu à l’européenne.
Pourvu que cela ne touche pas le “génie” qui doit arriver en janvier au PSG.
Le football et les joueurs brésiliens capitalisent à fond sur une réputation forgée il y a 50 ans (mais aujourd’hui parfaitement usurpée…).
Quoi de mieux pour vendre des rêves (et des maillots, des pompes, des cartes bancaires, des rasoirs, etc…) que cette image de réussite facile, grâce à un talent inné, qui permet non seulement de vaincre d’obscurs besogneux (et d’être payé 20 fois plus qu’eux), mais en plus en s’amusant et en réalisant des gestes surnaturels.
Il y a quelques années, la campagne de pub Nike “Joga Bonita” témoigne bien de ce cliché ridicule, mais soigneusement entretenu.
Pas une seule équipe du Brésil depuis 40 ans n’a réellement dominé le football de manière outrancière. Les sélections de 1994 et de 2002 étaient de bonnes équipes, mais pas plus que ne l’ont été l’Italie de 2006 ou la France de 1998. Et aucune n’arrive à la cheville de l’Espagne actuelle…
Et pourtant, ça continue, tout ce cirque futebol-samba-champagne… Encore, que le péquin moyen s’y laisse prendre, admettons, c’est un joli rêve…
Mais que des professionnels, entraîneurs, journalistes, continuent d’encenser des marioles et de les acheter 10 fois leur valeur parce qu’ils ont réussi 3 passements de jambes lors d’un tournoi de quartier de foot en salle…
Que le passeport du joueur brésilien soit son premier gage de qualité comme l’AOC d’un poulet de Bresse, et que cela continue alors qu’on en a vu un paquet qui se révèlaient être de véritables chèvres…
Le cas Neymar est emblématique de ce phénomène de surcote, du simple fait qu’il vaut 50 fois le PIB du Zimbabwe sans avoir jamais rien prouvé. Il est peut être aussi bon qu’on le prétend, mais nul ne peut l’affirmer.
je suis complétement d’accord avec ce qui est dis dans le papier.
un bref rappel historique : le brésil, plus grande équipe nationale du XXéme siécle, a vu les équipes européennes leur courrir apres afin de rattraper le “retard” technique, en compensant par la tactique. j ai bien conscience de la dimension cliché de ce que je raconte, mais je ne pense pas etre loin de la vérité, simplement grace à ce constat simple que je pense chaque amateur de foot un peu curieux a fait comme moi : les équipes, et donc les joueurs brésiliens sont à la bourre tactiquement, et à moins qu’ en deux ans toutes ces otaries viennent se rompre en europe, le brésil se fera éclater par n’importe quelle équipe un peu solide. il me tarde de le voir neymar, mettre des grands ponts à t.silva, piqué, ramos, ou vidic mais ca n’arrivera pas. et je dirai meme plus, je crois que le brésil ne gagnera plus rien pendant de tres longues années.