Le code, langue vivante 2 des journalistes?

Plus de développeurs et moins de journalistes. C’est ainsi que les équipes éditoriales du Guardian vont être remaniées, a annoncé le rédacteur en chef du quotidien britannique, Alan Rusbridger. Car au Guardian comme ailleurs, le futur du journalisme passe par la compréhension du code.

Pourquoi? Parce que, derrière chaque site d’informations et chaque application mobile, il y a des lignes et des lignes de signes (lettres, chiffres, ponctuation) incompréhensibles pour le quidam mais sans qui, en ligne, il n’y aurait aucun habitacle susceptible d’accueillir des contenus journalistiques.

Il serait donc temps d’apprendre à “taper” ces “lignes” de code. Ou, du moins, à en saisir la logique. D’autant que les “codeurs” incarnent la nouvelle élite, selon le Washington Post. le A l’Ecole de journalisme de Sciences Po, certains étudiants estiment que c’est LA nouvelle langue à ajouter à leurs CV. L’un d’entre eux m’a indiqué, par email, l’existence de leçons, en ligne, gratuites et en anglais, pour commencer à programmer.

Ecole de code

Un clic plus tard, me voici à la Codecademy, la Star Academy du code, un site créé en août dernier par deux compères, Zach Sims and Ryan Bubinski, issus de l’Université de la Columbia, à New York. Leur pari? Faire de l’apprentissage du code une résolution de l’année 2012.

Les journalistes, étudiants ou professionnels, ne sont pas les seuls concernés. Selon ces jeunes entrepreneurs, savoir coder sera, dans les années à venir, aussi fondamental que savoir lire ou écrire. Sims et Bubinski ont déjà convaincu plus de 280.000 “élèves” de suivre leurs cours, dont le maire de New York, Michael Bloomberg. Tous sont désormais inscrits à la Codecademy comme on s’inscrirait à une salle de sport, pour se maintenir à flot. Et les apprentis codeurs tweetent leur progression, sous le hashtag #codeyear.

Au programme, donc, des leçons pour apprendre en s’amusant des langages informatiques, à commencer par Javascript. Oui, “apprendre en s’amusant”. Car la Codecademy repose sur le même principe de “gamification” que le site de géolocalisation Foursquare: chaque exercice réussi fait gagner des points. Puis des badges, dont les participants peuvent s’enorgueillir en les affichant sur les réseaux sociaux.

Scripts, commandes, etc.

En vrai, c’est ultra simple et bien pensé. Même pour des littéraires. “Tout se fait sur Internet et c’est interactif”, décrit Zach Sims, interrogé par CNN Money. “Vous n’aurez jamais besoin de lire un livre sur la programmation puis de vous exercer sur un ordinateur, vous faites juste à ce que vous montre notre programme”.

“Comment vous appelez-vous?”, interroge le programme, en indiquant qu’au moment de taper la réponse, dans un espace ressemblant à un chat de messagerie instantanée, vous devez mettre votre prénom entre guillemets – obligatoire dans Javascript pour les mots, mais pas pour les chiffres. Puis il vous demande de retaper votre prénom entre guillemets et de compléter par .length (longueur, en français) – ce qui donne, dans mon cas, “alice”.length – puis de taper “entrée”. Le programme vous indique alors combien de lettres composent votre prénom. Vous avez ainsi réalisé votre premier “script”.

Ensuite, cela se complique pour passer en revue d’autres commandes, comme envoyer un message d’alerte qui s’afficherait en pop-up depuis un navigateur, ou définir des variables qui correspondent chacun à un jour de la semaine.

26 exercices plus tard, 230 points et 3 badges obtenus au prix d’heures d’acharnement déraisonnable, j’ai arrêté de croire que cela suffirait à me transformer en développeuse accomplie. D’après les fondateurs de Codecademy, rien n’est impossible à condition de suivre le programme pendant un an, à raison d’une leçon par semaine au minimum. Pour l’instant, s’il y a une leçon à retenir, c’est qu’en tapant du code, le seul oubli d’un point virgule à la fin d’une ligne peut ruiner toute velléité de programmation.

Je l’ai déjà écrit dans un précédent WIP intitulé “Premières leçons de code”. S’initier aux rudiments du code, ça sert, pour un journaliste, à «penser» selon deux approches: la forme ET le fond, les interfaces ET les contenus.

En effet, comment, en ligne ou sur mobile, concevoir le meilleur format éditorial possible si l’on ne sait pas ce qu’il est possible de faire ou pas, techniquement parlant? Et comment, dans les rédactions, travailler avec des robots sans comprendre comment ceux-ci sont programmés?

Avez-vous testé Codecademy? N’hésitez pas à écrire vos impressions ci-dessous.

Et merci de partager cet article sur Facebook et Twitter!

Alice Antheaume

17 commentaires pour “Le code, langue vivante 2 des journalistes?”

  1. Et il faudrait aussi qu’ils soient mécanicien, au cas où la voiture avec laquelle ils partent en mission tombe en panne, ou électronicien pour réparer leur caméra.

    L’évolution de la société est de plus en plus désolant. Développeur et journaliste n’ont aucun rapport et s’il faut des premiers pour créer des sites internet de publication de contenu, embauchons en plus. Mais laissons leur temps aux journalistes de pouvoir fouiller leurs articles et les rédiger correctement.

    Sous couvert d’économies toujours plus drastiques, de rendements toujours plus juteux, on nous culpabilise de ne pas travailler gratuitement (cf. la polémique Huffington Post), 70h par semaine, et faisant tous les métiers. C’est n’importe quoi.

    Bonne continuation et bon courage pour la suite

  2. Il y a plus simple, gratuit et très accessible: le site du zéro! Un site communautaire où les petits pépins en cours de codage sont résolus moyennant un peu de recherche.
    En fait, apprendre à coder, c’est comme apprendre une langue étrangère: on apprend les bases et si on veut compliquer, on cherche, on demande, on regarde ce que font les autres…
    On n’apprend pas à coder sans son ami super calé au bout du fil, en somme.

  3. Le web français regorge de sites pour appréhender la programmation,
    Le site du zero reste l’exemple le plus fort: gratuité, qualité,diversité des langages proposé, pédagogie qui part de zéro, monétisation par publication de livres..

  4. Bastien a tout dit
    La programmation aux programmeurs, le journalisme aux journalistes

  5. Bonjour Bastien,

    je pense que votre point de vue est biaisé par de grandes illusions sur le métier de développeur. J’en sais quelque chose, c’est mon métier et je donne régulièrement des cours en école de journalisme.

    Si vous pensez qu’on encourage les journalistes à développer pour des considérations purement économiques, vous vous trompez. Comme le souligne Alice et un bon nombre de ses collègues, l’intérêt de la programmation pour les journalistes n’est plus à prouver. On ne cherche pas à créer des profils mutant, qui assume toutes les casquettes, on veut juste que les deux métiers puissent collaborer harmonieusement et que, dans certaines situations, les journalistes soient autonomes face à la technologie. Fluidifier la collaboration, ni plus, ni moins.

    En outre programmation et journalisme on beaucoup de points communs, il faut juste faire preuve d’un peu d’ouverture d’esprit pour s’en rendre compte.

    Merci tout de même pour votre commentaire.
    Merci Alice pour cet article !

  6. C’est bien gentil d’apprendre à coder mais encore faut-il rester à niveau. Parce qu’aux dernières nouvelles le boulot de journaliste c’est chercher, l’info, la vérifier et la mettre en forme. Et que quand on veut faire du bon boulot, c’est déjà un travail à temps complet. Ou alors on parle de gens qui passent leur journée le cul sur la chaise pour faire deux papiers par semaine avec deux coups de téléphone et une recherche sur Google. Je trouve ça un peu léger.
    Par contre avoir des bases pour mettre en place un projet avec des personnes compétentes et spécialisées, savoir ce qui est faisable ou pas et le temps que ça demande, c’est une bonne chose.

  7. Bonjour,

    Je suis moi aussi développeur et j’ai été un peu étonné par cet article. Contrairement à Pierre, je suis d’accord avec Bastien.
    Le job des développeurs, c’est justement que les utilisateurs (dans ce cas les journalistes) puissent faire leur boulot sans se soucier de la technique. On est aujourd’hui en mesure de faire des éditeurs de texte en ligne aussi simple que Word.
    Alors oui les journalistes doivent apprendre à mettre en forme un article mais cela doit se résumer à un bouton à cliquer ou un raccourci clavier à taper mais pas une balise à insérer.
    Qui se voit encadrer chaque partie à mettre en gras de ou même de [b][/b]? Non, ça c’est au développeur de le faire et pour l’utilisateur, l’interface doit être transparente.
    Quant à apprendre à développer en ligne, c’est possible (enfin dans certaines limites) mais cela demande du temps, sûrement trop pour le cumuler avec un autre travail…

  8. Je ne sais pas si j’appellerai “le code” une langue vivante. Déjà parce que dans ce cas l’interlocuteur n’est pas vivant (et ça n’est pas un appel à débat philisophique). Et aussi parce que “le code” n’est pas UN langage, mais une multitude de langages (java, C, python etc…).

    Et oui, quand je passe des heures (parce que je suis pas très douée) à chercher l’erreur dans mon script, et que je m’aperçois que c’est parce qu’il manque un virgule, j’ai juste envie de pleurer…

  9. Je crois que dans un tel rapprochement, les deux parties sont concernées. Que les journalistes découvrent le monde de l’informatique, c’est bien. Que les programmeurs découvrent le monde du journalisme, ce serait un pas supplémentaire: Que veulent mes utilisateurs? Comment travaillent-ils? En plus de fournir un produit qui fait juste ce qu’on lui demande, comment inventer, créer des outils qui améliorent la qualité, l’efficacité et le confort des utilisateurs?

    Tout cela est faisable simplement en communiquant, en étant attentif à l’autre, et dans les deux sens. Juste apprendre un langage est peut-être un peu réducteur, à mon avis.

  10. J’avais vu en conférence Alain Colombani il y a quelques années qui expliquait que les journalistes ne savaient plus où se situer, entre la déliquescence économique des médias traditionnels, et la généralisation des blogs et du “journalisme” populaire. Soyons clairs : les journalistes ont perdu de leur puissance, et ils le vivent très mal.

    On n’apprend pas à coder en quelques mois, et la compréhension globale des nouvelles technologies demande de nombreuses années : le développement reste un travail éminemment professionnel, et il ne supporte pas la médiocrité, pour des raisons de performance et de disponibilité.

    Que les journalistes reviennent à leur métier, sur le terrain, plutôt que de glandouiller sur facebook et wikipédia. Autrement, ils seront remplacés à terme par des automates capables de rédiger des articles.

  11. Beaucoup de journalistes feraient bien de commencer par acquérir une connaissance correcte de l’orthographe, de la grammaire et de la syntaxe de leur langue maternelle ou de la langue dans laquelle ils rédigent leurs articles.

    Au vu de ce qui se publie actuellement, cela me semble beaucoup plus urgent et fondamental.

  12. Etonnant cet article.

    – Un journaliste photographe n’a pas besoin de maitriser toutes les règles de la physique et de l’optique pour faire des photos.
    – Un JRI n’a pas à connaître le fonctionnement complet de sa caméra (mécanique et électronique) pour manipuler
    le bouton du zoom, balance des blancs etc … (même si bien sur dans les deux cas, les personnes maitrisent certains points).

    Dans un monde dans lequel les utilisateurs cherchent de plus en plus la simplicité, je pense que les journalistes aiment bien, eux aussi, utiliser des outils qui facilitent la vie.

    Je travaille beaucoup avec des logiciels comme WordPress et il me semble plus facile d’appuyer sur un bouton pour mettre un mot en gras que de le coder avec les balises HTML (même si cela reste faisable).
    Dans les années à venir, l’évolution sera plutôt :
    – développeurs => mise au point des logiciels “user friendly” (interface de plus en plus facile à utiliser)
    – et non pas utilisateurs => apprendre le code pour faire des choses sympa.

    Quand à apprendre en ligne le code, c’est possible, mais je ne pense pas que cela remplacera des années d’étude d’un ingénieur informaticien. C’est un autre métier.

    Attention à ne pas confondre des choix pour faire des économies d’échelle dans une entreprise et un réel besoin d’un métier (en l’ocurence journaliste ici).
    A force de vouloir des personnes qui font tout, on risque d’avoir des personnes qui ne feront plus rien de bien.

  13. Je suis étonnée par certains commentaires : Alice l’a souligné, l’intérêt pour les journalistes de savoir coder un minimum c’est de pouvoir expliquer de façon claire leurs attentes aux développeurs, et d’anticiper les limites techniques d’une plateforme. De même que les développeurs doivent comprendre quels sont les besoins d’une rédaction.

    Le problème, c’est que les développeurs et les journalistes ne travaillent pas physiquement ensemble et n’ont pas consciences des contraintes et des besoins de l’autre partie. C’est difficile d’imaginer une pièce pleine de gens qui passent leur temps au téléphone, qui enchaînent les aller-retours, et d’espérer pouvoir se concentrer sur ses lignes de code. C’est inimaginable de se pencher sur l’écran d’un développeur pour observer pendant quelques heures comment il s’y prend pour sortir une interface qui n’est pas une usine à gaz parce que l’emploi du temps du journaliste est déjà bien chargé.

    Les remarques sur le JRI ou le photographe qui ne connait pas ses appareils ne me semble pas judicieuse : à l’usage, on va savoir quelle est la partie de la caméra qui est défectueuse, quel est l’entretien à effectuer sur son reflex… Il ne s’agit pas de connaître les mécanismes de l’appareil sur le bout des doigts, mais simplement de comprendre suffisamment son fonctionnement.

    Si vous allez voir votre garagiste en disant : “bonjour, ma voiture fait du bruit”, cela lui prendra plus de temps que de dire “bonjour, je crois qu’il y a un problème avec mon embrayage”.

  14. Je comprends la démarche, qui peut aider à une collaboration efficace entre journalistes et webmestres, savoir ce qu’ils peuvent demander, ce qui est possible, leur donner des idées pour aller plus loin… Reste qu’il ne faut pas rêver et bien sûr ça n’est pas leur travail et il convient qu’ils se concentrent sur leur cœur de métier.

    Un langage qu’ils peuvent apprendre en quelques minutes et qui leur évitera d’avoir à apprendre html : Markdown.

    http://michelf.com/projets/php-markdown/syntaxe/

    Ultra simple en prises de notes en texte brut, oubliés Word et autres traitements de textes inefficaces pour le web, de même que les boutons de mise en forme dans WordPress ou autres qui ne produisent que du code pourri et avec lesquels il faut se battre.

    On peut utiliser un simple TextEdit configuré en texte brut UTF-8 sur Mac ou encore un petit éditeur dédié, pas cher, qui vous servira de machine à écrire en éliminant toute distraction de l’écran comme : iA Writer, ByWord, WriteRoom ou même nvAlT sous Mac OS ou Markdownpad sous Windows. C’est aussi parfait pour prendre des notes sous iPhone ou iPad, avec les même logiciels cités dans leur déclinaison pour tablettes, ou encore l’excellent Daedalus Touch. L’essayer c’est l’adopter.

    Ensuite il suffit d’ajouter un plugin dans WordPress ou autre logiciel de blog pour qu’il vous traduise vos notes en code parfait, sans erreur, aucune ; un must.

  15. Dans cette approche, Mozilla a deux initiatives :

    1 – Inventer le futur du journalisme, mêlant designers, dévelopeurs et journalistes : https://drumbeat.org/en-US/journalism/

    2 – Hackasaurus. Effort pour permettre aux jeunes de comprendre le fonctionnement du Web et des pages Web. http://hackasaurus.org/en-US/

  16. […] W.I.P. (Work In Progress) » Langue vivante 2 : le code Je l’ai déjà écrit dans un précédent WIP intitulé “Premières leçons de code” . S’initier aux rudiments du code, ça sert, pour un journaliste, à «penser» selon deux approches: la forme ET le fond, les interfaces ET les contenus. En effet, comment, en ligne ou sur mobile, concevoir le meilleur format éditorial possible si l’on ne sait pas ce qu’il est possible de faire ou pas , techniquement parlant? […]

  17. Ce billet se veut à l’évidence provocateur de débat et sur ce point, c’est réussi. De nombreux arguments sont avancés (commentaires y compris) et beaucoup sont judicieux. Et je souhaiterais en rajouter un. Admettons qu’il faille former les étudiants journalistes au code. Aucune école aujourd’hui n’a les moyens et les créneaux pour un module technique de code. Dans les emplois du temps, sont déjà apparus les enseignements multimédia, transmedia, médias sociaux, data journalisme. Alors comment trouver encore du temps ? Et pourquoi ne pas proposer de former aussi les journalistes au flash ou à l’html5 ? Et aussi un perfectionnement Photoshop et illustrator. Et aussi, et aussi !
    Tout ça pour se rendre compte une fois en poste que les systèmes sont verouillés par un service informatique tout puissant.
    Peut-être serait-il plus réaliste de penser qu’on peut, dans une école de journalisme, insuffler une “culture web”, de façon transversale, dans tous les secteurs du journalisme.
    Enfin, ne l’oublions-pas, coder c’est un vrai métier.
    Un prof de journalisme web

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