Dix jours après le Grand Prix et un mois avant le mariage princier, la semaine prochaine, y’a séries à Monaco. Tous les ans, le petit cirque télé – pour le cirque tout court, c’est en janvier – se retrouve en bord de mer, entre deux Maserati et trois mémés botoxées. On appelle ça le Festival de Télévision de Monte Carlo, qui n’est pas tant un « festival » qu’un gros “press junket”, un défilé d’actrices et d’acteurs internationaux devant une meute de journalistes en quête de quoi remplir les pages de dizaines de canards télé – et les minutes de quelques émissions. Un exercice complexe, parfois frustrant mais nécessaire, et un des trop rares moments de l’année où le spécialiste des séries peut remplir sa besace de réponses plus ou moins inspirées pour l’année à venir. J’y serai…
Le journalisme d’ « entertainment » ressemble assez au journalisme sportif, où il faut souvent se contenter de quelques mots lâchés par des personnalités fatiguées. Sur dix interviews, on obtient en moyenne 6 discours parfaitement rodés, quasi appris par cœur sous la dictée d’un communiquant – au mieux, vous aurez de supers réponses… identiques à celles du canard concurrent. Deux autres interviews seront limites embarrassantes, face à un acteur – au choix – saoulé d’être là, frappé d’une vilaine gueule de bois, pas inspiré par vos questions (le journaliste aussi est faillible), carrément grossier (du genre « cause toujours tu m’intéresse »), ou pas très malin. Reste enfin les deux perles, les « clients », parce qu’ils bossent sur une série captivante et sont du coup captivants, ou parce qu’ils ont l’intelligence de prendre un peu de recul sur leur métier – typiquement, les acteurs de soap ont cette intelligence-là.
L’an passé, un internaute m’attaquait après avoir lu un post où je me plaignais des interviews mitraillettes, d’où ne sortaient souvent que de la soupe de communicants. Il me reprochait d’être un snob, cynique et blasé, incapable de profiter de ma chance unique de parler avec les vedettes de la télé. Une erreur de jugement, car je ne suis pas un fan — aussi geek sois-je. J’essaye d’obtenir des informations et des analyses intéressantes. Le journalisme est autant valable en séries télé qu’en politique. Siroter un mojito au bord de la piscine avec une actrice, c’est une « chance unique » pour n’importe qu’elle homme, journaliste ou pas. Faire une interview, c’est un job, aussi plaisant soit-il. D’où une certaine frustration face à des interviews compressées entre 5 minutes – quasi ingérable – et 15 minutes – un mini luxe.
Je suis le premier à me rendre chaque été à des milliers de kilomètres d’ici, à San Diego, au Comic Con, où les conditions sont bien pires qu’à Monaco, où on ne doit pas rester plus de deux minutes avec chaque interviewés. C’est une mine d’or pour spécialiste, et un plaisir immense… mais on est loin d’un vrai bon journalisme, posé et analytique.That’s my point. Ces “junkets” sont indispensables, vitaux même, mais ils ne remplaceront jamais une interview longue. Ils sont une poignée, des Américains, à avoir le luxe de pouvoir prendre leur temps, d’aller au-delà des apparences. Les seules personnalités avec lesquelles j’ai pu faire de vraies interviews sont des showrunners, des scénaristes, des réalisateurs. Des gens qui peuvent prendre une heure de leur temps pourtant précieux pour vous répondre, parce qu’ils ne sont pas trop sollicités – à tort, mais c’est tant mieux. A ma grande tristesse – et peut-être leur tristesse à eux aussi – les acteurs restent généralement des apparitions furtives. C’est la loi du business, et la rançon du succès des séries.
Bref, cette année, je serai à Monaco, l’Hebdo Séries aussi, et je reviendrai avec des interviews brèves mais je l’espère passionnantes de William H Macy, Felicity Huffman, Maggie Q, Archie Panjabi, Patrick Duffy (si, si), le cast de Game of Thrones, Jesse Tyler Fergusson, Jason Priestley (si, si, bis) et une bonne quinzaine de personnalités, dont un grand nombre de séries de network (Esprits Criminels, Grey’s Anatomy, Mentalist, etc.). A suivre donc. Je posterai quotidiennement un petit journal du festival de lundi à jeudi.
Image de Une : le Forum Grimaldi de Monaco, décor du festival…