Mais achetez donc Louie !

Promis, c’est la dernière. De toutes les séries récentes, Louie doit être le dernier exemple de perle non achetée (officiellement) par une chaîne française. Et encore. N’ayant commencée que cet été sur FX, il se pourrait bien que mon coup de gueule du jour ne tombe à l’eau. D’ailleurs, tant que j’y pense, n’hésitez pas à me suggérer des séries lancées entre 2009 et cet été, qui mériteraient d’être vues chez nous. Je me ferai un plaisir de les défendre… ou de vous expliquer pourquoi, selon moi, elles méritent de rester de l’autre côté de l’Atlantique… Donc, chers directeurs des acquisitions (les mesdames et messieurs chargés d’acheter les séries pour nos belles chaînes nationales), je vous recommande chaudement, si vous voulez faire de la presse, d’acheter Louie, la comédie la plus insolente, la plus politiquement incorrecte et la plus originale de cette années 2010.

Louie, c’est Louis C.K, un comédien de “stand up” américain, inconnu chez nous, mais suffisamment renomé aux Etats-Unis pour lancer une série sur son nom. Louis a une grosse quarantaine d’années, du bide, du poil, une calvitie, un divorce et deux gamines. Et sa vie est misérable. Sexuellement, humainement, amicalement. C’est lui qui le dit. Dans chaque épisode de Louie, il passe un temps fou, sur scène et dans son quotidien, à nous prouver qu’ il a tout foiré, qu’ il y a peu de chances qu’il s’en sorte, et que même s’ il trouve l’amour, le réconfort, le bonheur, il sera malheureux, parce qu’à la fin, on crève tous la bouche ouverte, c’est bien connu. Voilà pour la bonne humeur de cette série d’un humour noir à se casser trois côtes, qui ne fera sans doute pas marrer les dépressifs graves, mais qui, moi, me fait un bien fou — et pourtant, j’ai à peine 30 ans, et je suis pas rigolo tous les jours.

Produite, écrite, réalisée et jouée par Louis C.K, Louie est un objet télévisuel unique, complètement bancal, sans doute en grande partie improvisé — entendons du type d’improvisation dont sont capables les comédiens de stand up, qui brodent sur une trame solide. Les scènes de stand up (imaginez les intros de Seinfeld, version trash) servent de voix-off à la série, pour que Louis C.K nous dise — pardon, nous jette au visage — son mal être, avec un humour pince sans rire d’une rare efficacité, et un sens du politiquement incorrect qui semble n’avoir aucune limites : homosexuels, jeunes, vieux, femmes, blancs, noirs, juifs, Texans, tout le monde en prend pour son grade, dans un mélange de cynisme et de tendresse qui fait passer sans douleur la pire des offense — pour peu qu’on ai l’intelligence d’en comprendre la subtilité.

Seinfeld arty, Californication sans la classe et sans les filles, Louie ne ressemble malgré ces comparaisons à aucune oeuvre passée ou présente, et surprend à chacun de ses épisodes, tantôt par une scène d’introduction hallucinante — la partie de poker, déjà culte, qui illustre à la perfection l’humour corrosif de la série, voir ci-dessous en vidéo — tantôt par des passages absurdes, comme ce voyage dans une Amérique d’en bas grotesque, où il manque de mourir en avion, se fait huer par le public et est finalement forcé… d’embrasser un flic.

Maintenant, reste à savoir quelle chaîne du PAF sera assez folle pour diffuser cette chose tordante mais hautement instable. A ce stade, il faut l’admettre : seule Orange Cinéma Séries est assez sélective et confidentielle pour s’y risquer. Ou peut-être Canal+, via ses petites chaînes. Après tout, Comédie ! diffuse bien It’s always sunny in Philadelphia, aussi particulièrement corsée (et servie sur la même FX outre-Atlantique). Alors, à vos chéquiers mesdames et messieurs. Louie n’est sans doute pas la série la plus chère du moment. Son rapport rire/prix vaut à n’en pas douter quelques euros.

Image de Une : Louie, FX.