Le jeu dangereux de la référence.

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“From the network that brought you Twin Peaks.” C’est par ces mots ô combien casse-gueule que débute la bande annonce de Happy Town, diffusé depuis la semaine dernière sur ABC. “Par la chaîne qui vous a offert Twin Peaks.” Ce genre de périphrase est une habitude dans la promotion sérielle, une manière de sous-entendre que la série qu’on s’apprête à voir nous ravira autant que celle à laquelle on fait référence. Si ABC a pu pondre Twin Peaks, alors pourquoi Happy Town serait-elle moins bonne ? Un petit jeu de référencement aussi subtil qu’un Hulk au pays des Schtroumpfs, qui débouche bien souvent sur une comparaison fatale pour le nouveau-venu…

Il faut dire qu’ABC nous prend un peu pour des buses. Depuis le jour où nous avions pris connaissance du projet Happy Town, sa filiation avec le chef d’œuvre télé de David Lynch était évidente. Une petite ville isolée, “sans histoire”, pleine de gens a priori sympathiques comme tout, mais qui cachent, tous ensemble, un lourd secret lié à une série de meurtres, le tout saupoudré de fantastique. N’en jetez plus. Un peu plus et Lynch pouvait crier au plagiat. “From the network that brought you Twin Peaks“, tu m’étonnes. Et après ? Après, on s’attend à quelque chose d’au moins respectueux de ce parrainage. Et on aiguise sa plume, parce que nous faire croire que le nouveau Twin Peaks, c’est pour aujourd’hui, ça sent l’arnaque à plein pif.

Pauvre Happy Town. Si ABC avait osé un “from the network that brought you Dirty Sexy Money“, on n’en aurait pas attendu autant d’elle. Parce que pour ce qui est de tenir la comparaison avec Twin Peaks, c’est pas gagné. Résultat : le critique agacé taille sévère. Admet quelques qualités — le décor de Haplin, la “ville joyeuse” du titre, un beau casting — mais appui surtout là où le bât blesse : suspens trop pauvre, personnages pas assez épais et caricaturaux, cliffhangers poussifs… Twin Peaks était une œuvre ambitieuse, étonnante jusque dans ses longueurs. Happy Town est un simple divertissement, médiocre de bout en bout.

L’an passé, ABC nous gratifiait d’un “from the network that brought you Lost” pour lancer Flashforward. Erreur fatale. Tout le monde s’est dit que la série de David Goyer (Batman) devait prendre la suite de celle de J.J. Abrams dans nos cœurs. Il n’en n’a rien été, pour la simple et bonne raison que Flashforward n’a pas la force narrative et l’intelligence feuilletonnesque de Lost — ni les personnages, d’ailleurs. A trop vouloir appâter le chaland, ABC court à la catastrophe. Le petit jeu de la référence à une œuvre culte risque de n’entraîner qu’une conséquence : la déception de téléspectateurs en attente d’un “aussi bien” qu’ils n’auront jamais.

Image de Une : Happy Town, ABC.

Un commentaire pour “Le jeu dangereux de la référence.”

  1. Dès le début (trailer et premier épisode), tout le monde s’est méfié de Happy town, que ce soit les fans ou les critiques. Je pense qu’une certaine “éducation” est en cours et qu’on ne la fait plus aussi facilement aux fans.

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