Continuum : Rachel Nichols discute SF, famille et… altermondialisme

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Découverte dans Alias – elle jouait Rachel Gibson dans l’ultime saison de la série de J.J. Abrams – passée par Esprits Criminels, G.I Joe et Conan (le remake avec Khal Drogo dedans), l’Américaine Rachel Nichols bosse désormais de l’autre côté de la frontière, dans la canadienne Continuum, qui débute ce soir à 20h45 sur SyFy. Elle y incarne Kiera Cameron, une flic de l’an 2077 – un futur dominé par des multinationales sans pitié – propulsée 65 ans plus tard, à notre époque, sur les traces d’une bande de terroristes altermondialiste (les Liber8), partie dans le passé tenter de modifier ce futur ultra capitaliste. Un polar SF avec un petit air de José Bové, donc, et pas mal de prises de têtes en mode Lost sur le présent, le futur, le passé, et la solitude du type planté sur son île – où coincé dans son passé. J’ai pu en discuter avec elle…

Dans Continuum, notre présent est le passé du futur, mais si notre présent est modifié, le futur, qui est le présent de la série, peut être modifié. Bref, il y a risque de paradoxe spatiotemporel…
C’est une des choses que j’aime le plus dans cette série. Elle joue beaucoup avec les temporalités. C’est à la fois une complication, parce qu’on ne peut pas faire n’importe quoi, et un atout majeur, que le créateur de la série Simon Barry tente d’utiliser au mieux, sans s’emmêler les pinceaux dans ce qu’on peut faire dans le passé – en fait notre présent – et qui aura (ou pas) un impact sur le futur… C’est un élément mineur de la saison 1, beaucoup plus important dans la saison 2.

C’est aussi un élément émotionnel, puisque votre personnage est coincé 65 ans à l’écart de sa famille, de son époux et de son fils…
Elle a beau se dire qu’elle a sans doute été envoyée 65 ans en arrière pour accomplir une mission, elle ne peut s’empêcher de vivre dans l’angoisse d’une disparition de son futur. Quand bien même elle arriverait à faire fonctionner l’outil qui permet de voyager dans le temps, elle n’a aucune assurance que son futur est toujours là. Quand vous êtes coincé sur un île, vous savez que ceux que vous aimez vivent quelque part, là-bas. Si vous êtes 65 dans le passé, votre famille n’existe pas encore !

Est-ce une vision métaphorique de notre relation au destin ? Doit-on créer notre futur, ou doit-on l’attendre ?
Absolument. Kiera pourrait faire l’autruche et ne rien toucher pour ne rien changer, mais elle décide au contraire d’agir. Elle n’est pas le genre à rester les bras croisés. Elle pense que son seul moyen de rentrer chez elle est d’affronter les terroristes qui se sont évadés du futur, d’accomplir sa mission. Sa mission passe avant tout, même si elle risque de modifier le futur.

Les créateurs de Continuum sont des petits malins : ils font de notre présent le passé d’un futur bourré de technologies. Du coup, c’est une série contemporaine, mais qui se fait passer pour un truc futuriste !
J’adore cette idée ! C’est encore plus malin que ça, parce qu’en plus on joue au voyage dans le passé, mais il n’y a aucun effort à faire sur les décors et les costumes, puisque le passé, c’est aujourd’hui ! Le présent devient passéiste, car le futur qui n’existe pas change tout…

Le futur de Continuum, l’année 2077, craint un peu, non ?
Il craint à mort oui ! Les technologies sont cool, mais la bouffe est atroce, le gouvernement est dirigé par des multinationales, la loi est répressive… Le taux de criminalité est faible, mais ce n’est pas une époque agréable.

Du coup, même si ce sont des criminels, les Liber8 n’ont pas complètement tord, dans leurs idées, non ?
En 2077, Kiera est très fermée d’esprit. Elle est flic, pour elle tout est noir ou blanc, légal ou illégal. Donc, si les Liber8 ne respectent pas la loi, ils méritent de mourir. En remontant le temps, elle réalise que le passé était bien mieux, et que les gens de son temps sont malheureux et opprimés. Elle découvre les zones grises, comprend que ce n’est pas aussi simple que « le bien » contre « le mal. » Elle se met à comprendre les motivations de Liber8…

Continuum serait une réflexion SF sur l’altermondialisme ?
C’est un des intérêts de la SF. On peut tenir un propos politique, commenter un climat social sans être critiqué ou censuré. Continuum est avant tout une série SF, une histoire de voyage temporel, un divertissement… mais avec un sous-texte sur l’état du monde, et sur la direction qu’il est peut-être en train de prendre.

Pourrait-on voir un jour Kiera changer de camp, et s’opposer à l’ordre établi ?
Peut-être pas au point de rejoindre les Liber8, mais elle a un petit côté loup solitaire, elle travaille avec la police de Vancouver mais n’est pas complètement à l’aise avec les règles. Je croise qu’elle pourrait devenir un agent libre, qui se bat seule pour ce qu’elle croit être juste.

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Vous avez joué dans Alias. Kiera n’est-elle pas une descendante de Sydney Bristow ?
Il y a un petit côté Sydney Bristow dans Kiera, oui. Ce sont des personnages très physiques. D’ailleurs, ma première scène de combat a été pour Alias, et m’a donné envie de faire plus de séries d’action. C’est une des choses qui me plait dans ce job : voir les scènes de combat être montées, transformées, l’action naître des chorégraphies qu’on a répété sur le tournage. Par ailleurs, Sydney et Kiera sont des personnages complexes, pas juste des combattantes. Elles sont vulnérables et fortes, émotives, souvent solitaires…

A ce propos, vous avez pas mal de scènes où vous parlez, à travers une sorte de radio interne, avec Alec, un informaticien qui vous aide dans vos enquêtes. Donc, vous parlez seule… Est-ce difficile à jouer ?
Ça l’est. Mais Erik Knudsen, qui joue Alec, est un type adorable, qui vient souvent sur le plateau quand je tourne, pour me donner la réplique hors-champ. S’il n’est pas là, quelqu’un d’autre joue son rôle, mais ce n’est pas aussi bien.

Un dernier détail : Continuum est une série canadienne, pas américaine. Ça change quelque chose ?
Peut-être qu’il y a encore 5 ans, voire moins, il y avait une grosse différence entre une série canadienne et une série américaine – même si les Américains tournent beaucoup au Canada. Franchement, je ne vois pas la différence, sur le plateau, entre Continuum et Esprits Criminels ou Alias, que j’ai tourné aux USA. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que leurs séries et les nôtres sont interchangeables.

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