“Annettegate” : on s’en fout, mais…

Les séries françaises ont la polémique qu’elles méritent. Les Américains ont Charlie Sheen, les Anglais ont Skins, nous avons le « Annettegate. » Une histoire grotesque, quelque part entre le soufflé au fromage carbonisé et la private joke de scénaristes à bout. L’histoire est apparue hier, peu de temps après la diffusion d’un teaser des Mystères de l’Amour, la suite de la suite de la suite d’Hélène et les garçons, sur TMC. Hélène (Hélène Rollès) appelle son père, Roger Girard (Bruno Le Millin) pour l’informer qu’elle va se marier. Roger, c’est le « Monsieur Girard » de Premiers baisers. Parce que, si vous ne le saviez pas, Hélène est la grande sœur de Justine, et Hélène et les garçons est un spin-off de Premiers baisers. Hélène cause donc avec papa, tranquillou allongé dans son lit, et qui lui aussi a un truc à lui dire. La caméra pivote subtilement (Gus Van Sant est à la réal) et… ah… oh… hi… oh… uh… scandale ! Roger couche avec Annette (Magalie Madison), la candide à couettes de Premiers baisers, la meilleure copine de sa fille ! D’où le « Annettegate. »

Si Roger veut s’envoyer en l’air avec Annette, sur le papier, ça ne me gêne pas. A son âge (elle a la trentaine bien sonnée) elle fait ce qu’elle veut de son corps. Roger, avec ou sans petite pilule bleue, est aussi un type libre, et s’il fallait ça pour raviver sa libido, pourquoi pas. En fait, cette histoire fait même plutôt honneur aux Mystères de l’Amour. C’est furieusement méta. On est à fond dans l’exploitation du potentiel des spin-offs made in AB Production, avec un tournant sexuel clairement adressé aux téléspectateurs adultes, qui regardaient un tant soit peu les séries originelles – pauvres de nous. Franchement, si Les Mystères de l’Amour se lâchent comme ça toutes les semaines, que ses scénaristes s’amusent à glisser dans tous les épisodes ce genre de dérapages libidineux (je regrette juste qu’ils n’aient pas laissé à Annette ses couettes, tant qu’à faire), d’autres « shark jumpings » de ce gabarit olympique, je vais peut-être changer mes habitudes du dimanche aprèm.

Au moins, le « Annettegate » m’aura permis de voir 2 minutes 30 de plus de cette série, et de me rappeler à quel point elle est mauvaise. Parce que le vrai « scandale » est là. On s’en fout que Roger fasse des galipettes avec Annette. Ça ne changera pas la face des séries françaises, et encore moins mes fantasmes nocturnes. En revanche, ça veut dire qu’il reste des gens pour regarder Les Mystères de l’Amour. 653.000 précisément, le 17 février dernier. 653.000 pour entretenir la flamme des productions AB, ces horreurs made in 90s’ qui saturent nos mémoires amusées, et celle de la télé française. Les 2 minutes de la vidéo sont édifiantes : non seulement le rebondissement scénaristique est nul, ridicule, au mieux (involontairement) tordant (d’où mon enthousiasme), mais sa mise en scène est inexistante, ses dialogues faux, et son interprétation terrifiante de nullité. Le soap est un genre, mais il peut-être bon. La médiocrité de telles productions ne font rien pour aider à son développement chez nous.

Alors, au final, le « Annettegate », on s’en fout. Mais l’indigence des Mystères de l’Amour, dans un paysage sériel français qui fait des efforts pour se dépasser, on ne s’en fout pas.

Image de Une : Les Mystères de l’Amour (TMC)