Les 10 séries les plus… louées (si, si)

Je n’ai loué qu’une fois une série télé. C’était il y a cinq ou six ans et, devant écrire un papier compliqué sur Lost, je m’étais avalé le temps d’une journée, en accélérant de temps en temps, toute une saison de la série insulaire. Pourtant, mettez les pieds dans un vidéoclub, et vous trouverez forcément un rayon séries. Si vous avez du pot, vous verrez peut-être même un type louer Homeland, Mad Men ou Salut les Musclés (pour Homeland, je déconne). Difficile de dire qui sont ces êtres étranges, qui respectent la loi et empruntent, disque après disque, les feuilletons que nous consommons souvent… autrement. Ils existent pourtant, et Cynthia les a vu. C’était le long d’une route solitaire… parisienne, dans le 11e, pour être précis. Elle bosse dans un vidéoclub un jour par semaine*. Au prix de recherches et de calculs déments, elle dresse ici un top 10 des séries les plus louées de l’année 2012 – dans son vidéoclub, hein. Un classement qui fait plaisir à voir.

10. Game of Thrones. 56 locations. Tu spoile, t’es mort. Attention, parce que justement, on va SPOILER la fin de la saison (vous voyez ce que je veux dire…)
Si jamais, un jour, vous décrochez un job dans un vidéoclub, apprenez à la fermer, et à ne jamais spoiler les clients. Ça m’est arrivé une fois, dans le passé, sur The Office. Une des clients du magasin empruntait une à une les saisons de la version US. A la saison 5, je n’ai pas pu m’empêcher de lui lâcher, « profitez bien de Michael Scott. » Elle ignorait que Carell avait quitté la série. J’ai pris un savon. Rebelote avec Game of Thrones (que certains appellent Le Jeu du Trône, ne pas rire, ne pas rire, ne pas rire…).  Un client prend la saison 1, et me rend le DVD accompagné d’un « olalala, Ned Stark ! » Moi, ni une ni deux, crevant d’envie d’en parler, je lui réponds « Ouais, je n’y croyais pas au début mais bon quand on voit sa tête au bout de la pique, il n’y a plus de doute, il est vraiment mort, à moins de faire un coup à la Prison Break ! Ah, ah, ah. » Fière de ma vanne, j’offre un large sourire au client. Qui en retour révise son dictionnaire des insultes et jure d’avoir ma peau. Dis, client, si tu me lis, tu me pardonnes ?

9. The Shield. 62 locations. A pleurer.
Imaginez un retraité russe. Larges épaules, gueule du mec qui en a vu d’autres (sur sa télé), loueur régulier de bons gros films de castagne, il veut essayer une série. Je lui conseille The Shield, comme ça, au pif (rires) et, parce que je suis une reine du spoiler (vous avez lu le paragraphe du dessus ?) je lui parie qu’il finira les aventures de Vic Mackey la larme à l’œil. Rires, clins d’œil, mais ouais mais ouais ma petite je vais chialer comme une madeleine. Location de la saison 1. Puis de la 2. Compulsifs, le bonhomme enchaine, commente, intarissable, les rebondissements. Jusqu’au dernier DVD. Là, il se plante devant moi, grave, et me lâche (avec l’accent russe, s’il vous plaît) : « vous aviez raison, j’ai pas pu me retenir. » C’est pour ces moments-là qu’on fait se métier. Et qu’on est fan du Shield.

8. Dexter. 64 locations. C’est plus ce que c’était, mais ça se loue quand même.
Vieux, jeunes, femmes, hommes, amateur de coup de boule ou de romance, tout le monde aime Dexter. Et donc tout le monde loue Dexter. L’ironie, c’est qu’à chaque location, ou presque, c’est la même rengaine : « Je suis déçu. C’est plus aussi bien qu’avant. Limite si ça ne devient pas n’importe quoi. Je crois que je vais laisser tomber. » Pourquoi louer la suite ? Parce que, comme tout le monde, on ne rate pas un épisode, mais au bout de vingt minutes on décroche, et on se jure qu’on a eu notre dose. Avant d’y retourner.

7. The Walking Dead. 76 locations. Un truc de mec.
Je suis une fille, j’ai rien contre les zombies, les entrailles encore chaudes et la cruauté post apocalyptique. Je suis fan de The Walking Dead. Les chiffres sont formels, outre-Atlantique, il y a plus de dames que de messieurs devant AMC le dimanche soir. Pourtant, dans mon vidéoclub, 9 loueurs de la série zombiesque sur 10 sont des mâles. Si c’est un couple, la fille me lâche un regard complice, du genre « lui regarde ça, moi je loue Bowling » – le truc avec Catherine Frot. A noter, pour les amateurs de tripes de Caen, que The Walking Dead est une des rares séries dispo en blu-ray chez nous, et donc louée dans ce format – avec Spartacus, une autre série à consommer à jeun.

6. Treme. 77 locations. Un truc de papas.
Je ne sais pas comment vous dites, mais nos clients, eux, disent Trémé. Une poignée seulement, ceux qui veulent se la jouer connaisseurs, articule un beau Treuuuumeeeyyyy quand il demandent le DVD. Ceux qui louent des DVD ont rarement moins de 30 ans – je me demande bien où les autres vont voir leurs séries, c’est un vrai mystère ! L’âge moyen varie en fonction des séries. Treme fait un carton chez les hommes de plus de 40 ans. La série de mamans, c’est The Killing – version originale – massivement louée par les dames de plus de 50 ans.

5. Luther. 106 locations. Brrrrrrr.
Tout le monde adore, mais personne ne veut voir la suite. 106 locations pour la saison 1… 36 pour la saison 2. Soit les loueurs sont des radins, et le format en 4 épisodes seulement du second chapitre les refroidi, soit ils n’ont pas le courage d’aller plus loin. Pourtant, tous se revendiquent fans de la série. Ce post tenant du journalisme d’investigation, j’ai mené mon enquête la semaine dernière. Réponse : « Luther ? J’adore, c’est génial, mais c’est trop réaliste et trop glauque, alors j’ai pas pu aller au-delà de la saison 1. » On ne loue pas l’intégrale des Bisounours. Dommage.

4. Breaking Bad. 108 locations. Pas d’accord !
Conseiller les gens qui ne savent pas quoi louer, en séries, demande un sang froid digne de Chuck Norris. Conseillez les aventures de Walter White à un client, et on peut vous répondre « oh non, pas ça, c’est nul. » A peine le temps de répondre, un client surgit du fond du magasin, manque de renverser une pile de 15.000 DVD, s’étale en hurlant « QUOI, BREAKING BAD, C’EST NUL ? » Ça arrive toutes les semaines. Deux clients qui s’écharpent sur les choix de Walt, sur le côté gonflant de Skyler, etc. Les contres hurlent qu’il ne se passe rien, que ce n’est pas crédible et qu’on tourne en rond. J’ai même entendu un « mieux vaut regarder The Big C, c’est drôle et c’est mieux, dans l’esprit, quand on a un cancer. » Si vous pouvez passer le message à Heinsenberg…

3. Homeland. 45 locations (sur un seul mois, donc on la met ici). On se bat pour la voir.
On se lève tous pour Danette… et on se bat tous pour Homeland. Je n’avais vu ça dans le passé que pour Drive. Deux clients qui s’arrachent un coffret. Au revoir la politesse, adieu la galanterie. Conséquences de la paranoïa distillée par la série ou pas, depuis que le coffret de la saison 1 de la série est arrivé sur nos étagères, c’est la guerre… Si elle tenait ce rythme de location toute l’année, ça ferait plus de 500.

2. The Wire. 130 locations. J’aime pas les séries, j’aime The Wire.
Ceux qui loue Sur Écoute l’on souvent déjà vue. Ils veulent juste la revoir, et ils savent très bien pour quoi. Aucune dissension au sein de la communauté loueuse : c’est la meilleure, la plus intéressante, la plus intense. Les fans hardcore, de temps en temps, osent s’aventurer vers d’autres DVD. Ils risquent alors un « bonjour, je n’aime pas les séries, je n’en regarde pas, mais j’ai adoré The Wire. J’aimerais quelque chose du même niveau. » La bonne blague. J’essaye quand même, je leur sors la crème de la crème. Le constat, au retour du DVD, est invariable. « On n’en fait plus des comme The Wire… »

1. Mad Men. 156 locations. La suite, tout de suite !
Chez le boulanger, on entend souvent « bonjour, une baguette s’il vous plait. » Chez nous, c’est « dites, elle arrive quand la saison 5 de Mad Men ? » Je dois entendre ça quatre ou cinq fois par jour. Ce qui n’est pas rien quand on sait que la location de DVD de séries ne représente qu’environ 15% des locations…

Cynthia Bertin, avec Pierre Langlais

* JM Vidéo, 121 avenue Parmentier, dans le 11e arrondissement parisien.

Image de Une : Mad Men (Canal+ / AMC)