Les séries américaines sont un nid à pubs à peine déguisées. Le placement de produits y pullule, avec plus ou moins de finesse. Grâce à 24, on sait que pour sauver le monde, il faut un Nokia, un Dell et une Ford. Dans les soaps, des pans de scénarios entiers sont consacrés à la promotion de certaines crèmes ou céréales. En général, c’est pour dire du bien, montrer une image positive d’un produit. En général. En l’espace de deux semaines, j’ai vu passer deux placements de produits hallucinants, dans deux de mes comédies préférées, Eastbound & Down et Community. Des mises en scène de marques qui font preuve d’un beau sens de l’autodérision.
Il y a d’abord eu Eastbound & Down (Kenny Powers chez nous) et Kia, constructeur automobile coréen. Très visible, la marque apparaît dans une scène où Kenny retrouve son sidekick (et larbin) Steve employé chez l’ignoble Ashley Schaeffer (Will Ferrell, à mourir de rire), concessionnaire. Voyez la vidéo ci-dessous.
Autrefois, Schaeffer avait un garage BMW. Désormais, il bosse avec Kia. En s’arrêtant à ce simple constat, c’est une double insulte pour Kia. 1. Schaeffer est tombé en disgrâce chez BMW, il s’est donc rabattu chez Kia « des machines vastes et supérieures », affirme-t-il sans qu’on y croit une seconde. 2. Schaeffer est un psychopathe, et donc son entente avec Kia n’est pas à l’honneur de la marque.
Pire, l’épisode se clôt sur un diner où Schaeffer reçoit dans sa demeure coloniale les patrons coréens de Kia, qui en prennent plein la poire, passent au mieux pour de braves types incrédules devant tant de connerie, au pire pour des crétins. « Ce n’est pas un placement de produit, a expliqué Jody Hill, co-créateur de la série, au site Creativity. Nous ne faisons jamais de placement de produit. Nous prenons juste des marques que nous voulons faire intervenir dans la narration. […] Je n’ai jamais parlé avec les gens de Kia, mais un de mes collègues l’a fait. Ils ont été cool, et n’ont pas demandé qu’on change quoi que ce soit. »
Second exemple d’anti-placement de produit, Community et la chaîne de sandwicherie Subway. Déjà très présente dans les séries US, responsable d’une mémorable campagne en faveur de la survie de Chuck, la voilà dans une situation plus subtile, et plus tordue.
Pour remettre en contexte l’extrait, un magasin Subway a été littéralement implanté dans la cafétéria de Greendale, le Community College du titre. Or, il faut, pour ouvrir un stand, qu’il appartienne au moins à 51% à un étudiant de la fac. Ce à quoi Subway répond en embauchant un étudiant qui a accepter de changer son nom pour « Subway. » Autrement dit, une invasion totale de la vie privée, une attaque déshumanisante de l’entreprise sur l’être, un tour de passe-passe monstrueux qui fait passer Subway pour la World Company du sandwich… Bref, une invention hilarante et surréaliste dans la série, mais pas franchement flatteuse pour l’image de la marque…
Enfin, ne soyons pas candide. Si ces marques acceptent ces mises en scènes, c’est qu’elles savent (ou du moins qu’elles pensent) qu’elles serviront leur image. La simple existence de ce post tendrait à prouver que le processus marche. Jouer les méchants dans une série cool, c’est cool. Tout le monde (ok, surtout les fans d’Eastbound & Down et de Will Ferrell) veut conduire la voiture de ce malade d’Ashley Schaeffer. Tout le monde (ok, surtout les geeks) veut manger le sandwich préféré de Chuck Bartowski, qui porte aussi le nom d’un étudiant de Greendale. La pub est décidemment une science fascinante et perverse…
Image de Une : Eastbound & Down (HBO/Orange Cinéma Séries)
j’avoue que manger le sandwich préféré de Chuck Bartowsky me fait bien plaisir, mais de la à dire que je suis un geek il y a de la marge.
J’avais déjà remarqué ce placement de marques parfois hyper subtil…
Exemple dans Bones (selon mes souvenirs) : “Mais ! Que faites-vous, Bones ?!
– Je parle à mon GPS ! Comme c’est pratique ! Avant, je ne savais jamais les faire marcher !” puis gros plan sur la marque du véhicule à l’arrivée.
Ah oui, comme ça donne envie. Je plains les acteurs par contre.