Borgen, la politique au féminin

Lancée jeudi dernier sur Arte, la série politique danoise Borgen entame ce soir sa deuxième semaine. Elle suit le parcours d’une femme, Birgitte Nyborg, à la tête du gouvernement danois. J’ai pu croiser au début de l’année le créateur de Borgen, Adam Price, avec qui j’ai pu notamment discuter de l’image de son héroïne et des femmes politiques dans les séries. La suite de Borgen, c’est ce soir jeudi à 20h35 sur Arte. Et c’est chaudement recommandé par la maison.

En France, on ne dit pas simplement Borgen, on dit Borgen, une femme au pouvoir. C’est un détail lourd de sens non ?
Je crois surtout que c’est pour que le public comprenne un peu de quoi il s’agit, parce que «Borgen », pour un Français, ça ne veut rien dire… Je trouve ça déjà très bien qu’ils aient gardé le titre danois. C’est une décision courageuse.

Certes, mais le côté féminin doit-il être mis en avant ?
Le personnage principal est une femme, et c’est un point capital, oui. La plupart d’entre nous, à tort ou à raison, pense que les femmes sont toujours plus proches de leur vie de famille et de leurs enfants que les hommes, et qu’elles n’ont pas la facilité qu’ont les hommes à abandonner les leurs au nom de la politique. Le nerf de Borgen, c’est ce conflit entre servir son pays et s’occuper de ceux qu’on aime.

Donc, si ça avait été un homme, la série n’aurait pas d’intérêt ?
Disons qu’elle n’aurait pas grand-chose de neuf à apporter… Ce qui est intéressant, c’est que Birgitte a mauvaise conscience, qu’elle ne veut pas faire le choix d’abandonner sa famille, mais qu’elle doit le faire régulièrement. Elle est « empoisonnée » par le pouvoir dès le moment où elle perd confiance en ceux qui travaillent avec elle. Elle doit tout diriger elle-même, du coup elle n’a plus le temps pour rien, même pas pour sa famille…

Mais pourquoi faudrait-il qu’elle s’occupe de sa famille plus que les hommes ? N’est-ce pas un stéréotype ?
Mais je crois qu’elle peut laisser tomber sa famille, bien sûr ! Seulement, les hommes font ça depuis 10.000 ans ! Les femmes, elles, ne s’y sont misent qu’il y a un siècle à peine. C’est une nouveauté. Regardez les magazines féminins. Quand ils font le portrait de femmes de pouvoirs, elles insistent toujours sur le fait qu’elles ont une vie de famille épanouie, qu’elle font des crêpes au petit déjeuner, qu’elle ne rate jamais les spectacle de leurs petits derniers, etc.

Comment justement jouer intelligemment de ces stéréotypes dans Borgen ?
Nous avons beaucoup réfléchi à ça. Pour dire les choses schématiquement, chaque épisode est un nouveau pas de l’idéalisme vers le cynisme, ou vers l’abandon de ceux que Birgitte aime.  Partant de là, nous prenons chacune des situations, et nous tâchons de la nettoyer de tous clichés. Je n’aurais pas la prétention de dire que nous évitons tous les clichés, mais nous faisons au mieux. Par exemple, son mari est un homme aimant, qui accepte de s’occuper de la famille… mais qui lui aussi finira par se fatiguer.

Les femmes font-elles de la politique différemment des hommes ?
Certaines d’entre elles, sans doute. Globalement, je crois que les femmes politiques ont mauvaise conscience plus facilement que les hommes. Il faut attendre encore un peu, laisser l’histoire faire son travail, pour voir si elles deviennent grâce à ça des politiciens meilleurs et différents des hommes… ou si elles s’adaptent et deviennent aussi mauvaises que nous…

Les personnages de femmes politiques, quelle que soit la série, semblent toujours faire preuve d’une certaine candeur. Du moins, au début…
Notre héroïne a des idéaux, et nous avons voulu éviter qu’elle les perde tous. La charge de son travail va la « corrompre », va la forcer à privilégier sa carrière politique sur sa vie de famille, et va entamer son idéalisme. Elle ne va pas pour autant devenir complètement cynique, mais plus… réaliste, plus à même de faire des compromis. Le compromis est au cœur de la démocratie moderne.

A l’automne dernier, une femme a été élue Premier Ministre dans votre pays, le Danemark. Pensez-vous que la série a eu un impact sur ce vote ?
Non, franchement, ce serait donner trop de pouvoir à une série télé. En revanche, nous avons fait un sondage pour connaître l’impact de Borgen sur le téléspectateurs, et il semble que la série n’a aucun impact sur le fait que les gens vont voter à droite ou à gauche, mais qu’elle les pousse à voter, ce qui est déjà une excellente nouvelle !

Images : Borgen (Arte) / Adam Price (D.R)

Un commentaire pour “Borgen, la politique au féminin”

  1. ” Pour faire les meilleures séries télé, autant prendre le pire de la nature humaine “.

    Mais quand même le slogan publicitaire, personne ne réagit ?

    Moi si, sur mon blog :

    http://www.mathildefonvillars.com/

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