Ce jeudi débute sur Canal+ The Big C, une “dramedy”, comme on dit, dont l’héroïne, Cathy, la quarantaine, prof de lycée, découvre qu’elle est atteinte d’un cancer incurable, et décide, tant bien que mal, de profiter du temps qui lui reste, de changer, de s’amuser. Une série dont la saison 2 a déjà été diffusée sur Showtime outre-Atlantique, et qui profite de la lumière de l’excellente Laura Linney. L’an dernier, j’étais allé faire un saut à Londres pour lui poser quelques questions. Les voici, avec ses réponses…
On fait difficilement plus casse-gueule que le cancer, comme sujet…
Le cancer est encore considéré comme un sujet tabou, notamment à Hollywood, parce qu’il concerne énormément de gens, qu’il a un effet dévastateur sur les familles qui sont touchées, et parce qu’il fait peur. Ce qui m’a en partie convaincu de faire cette série, c’est l’utilisation de la comédie comme un moyen de faire face à une maladie mortelle.
Comment parler du cancer ?
Le cancer est en fait l’arrière-plan de la série. C’est ce qui va influer sur le comportement des personnages, ce qui biaise leur façon de réagir, et provoque des réactions qui peuvent être comiques. Je crois aussi que le ton de la série est lié au personnage de Cathy, et au moment précis où elle se trouve dans sa vie, comment elle gère cet instant, elle qui sait qu’elle n’en a plus pour longtemps à vivre. D’ailleurs, nous avons tous peu de temps à vivre. Le cancer créé juste une urgence.
Il faut éviter de tomber dans les clichés larmoyants…
La série est écrite par une petite équipe de scénaristes, et ils ont tous été touchés un jour, de près ou de loin, par le cancer. Donc, tout ce qui paraît improbable dans la série ne l’est pas complètement, tout ce qui a l’air excessif contient une part de vérité. Si vous êtes réaliste et précis, vous pouvez éviter les clichés.
Comment rire du cancer ?
Il est humain de rire face à un personnage qui a du mal à se sortir d’une situation complexe. Si The Big C se moquait du cancer avec méchanceté, ou prenait de haut ceux qui traversent cette épreuve, je crois qu’aucun d’entre-nous n’accepterait d’y jouer. C’est avant tout une série qui parle d’êtres humains qui tentent de vivre avec quelque chose d’inconcevable, et l’arrogance que nous manifestons quand nous pensons savoir qui nous sommes et contrôler quoi que soit. The Big C n’est pas une comédie dont il faut avoir peur. Vous n’allez pas vous sentir mal à l’aise si vous riez, vous allez au contraire vous sentir bien. Vous n’aurez pas peur de rire de quelqu’un qui a un cancer.
Ce rôle vous a-t-il fait réfléchir à votre propre mortalité ?
Oui, j’ai réalisé que vieillir est un privilège. Je trouve très inquiétant l’obsession de jeunesse, la peur de vieillir. C’est presque insultant pour ceux qui n’ont pas eu la “chance” de vieillir. Dans ma vie, j’ai essayé de me rapprocher la mort, de ne pas avoir peur, pour mieux profiter de ma vie, pour ne pas être en panique face au changement.
La réaction de Cathy n’est-elle pas trop positive ? N’est-ce pas impossible de « profiter de la vie » quand on sait qu’on est mourant ?
Je ne sais pas si on peut être aussi fort qu’elle face à cette terrible échéance, mais j’ai entendu pas mal d’histoires sur des gens qui, se sachant condamnés, ont changé de comportement et sont devenus hyper positifs et extravertis. En tant qu’acteur, c’est une opportunité de réfléchir à la façon dont on réagirait nous même…
The Big C est aussi une comédie sur les classes moyennes américaines, comme Weeds, par exemple . Que dit-elle de différent ?
L’idée est simple : Cathy vit dans un monde censé être conventionnel… mais on réalise rapidement que sous les apparences, les choses sont bien différentes. Je ne crois pas qu’il existe de gens vraiment conventionnels. Sous la surface, nous sommes tous uniques. Cathy est comme beaucoup d’Américains moyens, elle sait très bien « fonctionner », travailler, s’organiser, mais elle ne sait pas « vivre. » C’est assez terrible de « fonctionner » toute sa vie… sans vivre.
Image de Une : Laura Linney dans The Big C (Showtime/Canal+)