Breaking Bad est la plus grande série du moment. Pas la plus agréable, pas la plus simple, pas la plus évidemment brillante, mais la plus intense, la plus dure, la plus forte et la plus violente. Le premier épisode de sa quatrième — et semble-t-il avant dernière — saison, diffusé hier soir aux Etats-Unis sur AMC, l’a encore démontré brillamment. Voici mon avis sur “Box Cutter”, bien entendu TRUFFE DE SPOILERS. Donc, regardez l’épisode avant de lire ceci !
Fidèle à ses préceptes narratifs et à sa réalisation, Vince Gilligan (au scénario) offre une leçon de distorsion du temps. Cet épisode, d’une lenteur propre à Breaking Bad, passe à la vitesse de l’éclair. Il ne s’y “passe” presque rien, l’action est limitée, mais l’impact des faits, aussi lents et longs soient-ils, sur les personnages (et sur nous) est dévastateur. La saison 3 s’était refermée sur un doute : Jesse avait-il abattu Gale, et de fait sauvé la tête de Walt et la sienne ? Gilligan ne nous fait languir que le temps de la séquence pré-générique, histoire de nous rappeler à quel point Gale était une bonne poire (David Castobile reste d’ailleurs pour moi éternellement coincé dans Flight of the Conchords, où il jouait une autre bonne poire) et donc une victime “innocente”. Jesse a tiré. Tout ce qui a précédé ce geste extrême ne vaut presque plus rien. Le principe même de Breaking Bad, la chute, est passé dans sa dernière phase, la plus terrible : celle où il faut tuer ou être tué, qui semble devoir tendre les épisodes à venir.
Ce qui se dessine dès-lors dans cet épisode charnière, en deux scènes magistrales, c’est la transformation définitive (?) de Walt et Jesse. Au début de l’épisode, ils sont médusés — Jesse tellement effaré de sa propre violence qu’il ne résiste pas à sa prise en otage par le bras droit de Mike et Gus, Victor. Puis vient la peur, dans une de ces scènes extraordinairement brutales dont Breaking Bad a le secret. La froideur de Gus, qui se déshabille lentement, son silence, sa concentration, la barbarie brute avec laquelle il assassine Victor, est aussi empreinte d’un humour noir et d’une ironie propres à la série (le cutter du titre de l’épisode, celui-là même qui ouvrait au début de l’épisode les boîtes du futur laboratoire, finira en arme du crime). Nulle part ailleurs à la télévision on ne verra une scène à ce point étirée, où la violence prend aux tripes. Surtout, Gilligan laisse le temps à ses personnages de voir la mort, laisse le choc résonner, souligne l’horreur (les gargouillis de Victor sont limites supportables) pour l’imprimer dans la rétine de Walt et Jesse comme dans la notre. Les longues secondes qui suivent la mort de Victor contamineront à jamais la série.
Un clin d’oeil à la saison 1 plus tard — cette fois-ci, la dissolution du corps de la victime se passe sans encombre, preuve que Jesse et Walt sont de vrais criminels, plus des bricolos — se profile la seconde scène clef de cet épisode selon moi : les deux héros, assis dans un diner, font le point. Ils viennent d’assister à l’horreur absolue, mais leur constat est rapidement établi : Jesse s’en fout — en apparence. L’illusion de l’indifférence ne bluffe personne. Un seul plan semble indiquer que quelque chose s’est cassé en lui, son visage au moment où Victor est égorgé par Gus (incroyable tension de Aaron Paul). Walt, de son côté, ressemble de plus en plus à Gus. Calculateur, froid, s’inquiétant brièvement de l’état de son compagnon avant de passer à autre chose : son plan.
En une petite heure, cet épisode a tout dit : la violence de ce qui arrive et le glissement irrémédiable de ses personnages principaux (le reste de la famille de Walt ne progresse en revanche pas. On espère que Gilligan a encore des billes pour le génial Hank, immobilisé dans son lit, et du coup vaguement inutile). Le jeu d’échec qui devrait se mettre en place entre Gus, Mike, Jesse et Walt devrait être passionnant. Et Breaking Bad va sans doute, lentement, lourdement, dans le silence étouffant de sa violence viscérale, nous offrir quelques grands moments, et une magistrale leçon de télévision…
Image de Une : Breaking Bad, saison 4, épisode 1, AMC/Orange Cinéma Séries
Ca a battu des records niveau audience !!
2.6 Millions hier soir !!
Awesome !!
J’ai juste peur Pierre, que Hank soit paralysé jusqu’à la fin de la saison, voire jusqu’à la fin de la série !!
Ce sera une véritable déception. Mais j’ai confiance, car comme ils ont guéri Walter, ils peuvent faire de même pour Hank, n’est ce pas ?
Walt n’est pas sorti d’affaires. Son cancer n’est pas guéri, juste en rémission, Vince Gilligan est clair là-dessus, il est toujours mourant…
J’attendais votre réaction. Elle a été rapide ^^.
Je n’ai rien d’autre à ajouter si ce n’est que je me pose la question de savoir où ils vont emmener le personnage de Skyler. La scène du serrurier m’a laissé, comment dire ?…dubitatif.
Ouais, je ne l’entends plus du tout toussé comme en s01. Et, je crois que on a mentionné sa maladie qu’en début de s03.
Attendez Pierre, ça peut vouloir dire selon ce que vous avez dit que la fin de BB se clôturait par la mort de Walter. Non, non et non. Ce serait tragiquement débile ou grandiose.
Allez à la semaine prochaine pour votre second billet sur cette pépite. Awesome !!
Non, pas de second billet :/ Je pars pour le Comic Con, puis en vacances. Post de repos demain 😉
Pour la scène du serrurier je pense qu’elle permet d’inituer une sorte de “breaking bad” j’ai Skyler, mais après ce n’est clairement pas la meilleure de l’épisode.
Mon interprétation des réactions de Walt et Jesse au meurtre de Victor est différente. Pour moi l’échange de regard entre Jesse et Gus indique un changement profond chez Jesse, il réalise qu’il est devenu un meutrier, ce regard échangé entre eux est le signe d’une entente mutuelle (comme l’explique Jesse à Walt dans le resto) : ils sont tous les 2 des meutriers
Walt pour moi est redevenu plus humain et moins calculateur (il panique presque quand le corps de Victor tombe par terre et que le sang s’approche de ses pieds, alors que Jesse lui est fasciné par le geste). Il réalise dans quelle situation il est et que les conséquences peuvent être terribles. De mon point de vue Gilligan souligne cette réhumanisation de Walt avec le comportement quasi mécanique (dénué d’humanité donc) de Gus qui enlève minutieusement ses affaires, ne dit rien, se lave et sa démarche lente. Cette scène est d’ailleurs merveilleuse par son intensité, un régal.
Excellent épisode, encore une fois. Mais mon œil aguerri aura titillé sur un faux raccord, hélas…
La mort de Victor. Il tombe en avant, et un filet de sans coule de son corps vers l’avant-droit. Sur le plan deux images plus tard, on voit seulement le sang s’étaler, en cercle. Dommage.
Mais cela n’enlève rien à la qualité et à la tension globale de l’épisode! Vive Breaking bad !
D’accord avec ton interprétation du regard de Jesse à Gus, lefoudupuit. Quelques jours plus tôt il se serait écroulé. Là, il relève le défi de Gus.
Par contre, si Walt réagit, c’est plus parce qu’il n’est pas habitué à la violence. Mais je crois que dans le fond il se fout de ce qui arrive à Victor du moment qu’il arrive à sauver sa peau et celle de Jesse.
Mais surtout la différence de réaction entre les deux personnages est là pour souligner l’évolution de Jesse.