USA network ne perd jamais

Aujourd’hui, à 16h10, TF1 lance, quasi incognito, Covert Affairs. En France, personne n’en entendra parler, pas plus qu’on n’entend parler de White Collar (renommée FBI : Duo très spécial), de Burn Notice, de Royal Pains, de In Plain Sight (renommée US Marshals : protection de témoins), de Psych (renommée Enquêteur malgré lui) ou de Fairly Legal (renommée Facing Kate). Parce qu’elles ont toutes des titres français complètement nazes ? Sans doute, mais surtout parce qu’elles sont diffusées sur des petites chaînes (Série Club, 13^e Rue, W9…) ou dans des cases horaires fantomatiques sur TF1 ou M6. Pourtant, ces séries incarnent un phénomène télévisuel rare en ces temps chaotiques : le succès d’audience, celui de la chaîne du câble « basic » USA Network, dont aucune série récente n’a été annulée depuis 2008.

Le câble « basic », pour faire simple, c’est le câble avec pubs, à la différence du « premium » de HBO ou Showtime. USA Network n’est pas une jeune première. Elle a été lancée en 1971, et a diffusé des séries dès les années 80 (notamment une saison de Supercopter), et surtout les années 90, avec le bon goût qui a symbolisé cette décennie : Pacific Blue, Code Lisa, La Femme Nikita. Rien de bien glorieux. Les années 2000 ont marqué les premiers gros succès de la chaîne, et lentement dessiné ce que deviendra sa marque de fabrique avec Monk, lancée en 2002 (et bouclée en 2009) et Les 4400 (2004-2007, la seule série de USA à avoir eu droit à du prime time hertzien chez nous à ce jour, sur M6).

Monk a été le vrai socle de la recette « miracle » de USA Network, qui n’a pas connue un seul échec depuis 2008. La dernière annulation d’une série de USA remonte à 2007 et au bide de Starter Wife (Monk n’a pas été annulée, elle s’est finie). Psych (2006), Burn Notice (2007), In Plain Sight (2008), White Collar et Royal Pains (2009), Covert Affairs (2010) et Fairly Legal (2011, le 11 avril sur 13^e Rue) sont toujours en vie. Un cas étonnant à l’heure où les annulations se multiplient sur les networks et sur les concurrentes du câble basic (Terriers et Lights Out sur FX, Rubicon sur AMC…).

Derrière un slogan très qualitatif, « characters welcome » (en gros, « on aime les personnages forts »), USA applique une recette qui semble pour l’instant infaillible : de la légèreté, du fun, du charme. Toutes ces séries sont des « plaisirs coupables », qui seraient sans doute en danger sur un network, mais qui font un carton sur une chaîne câblée. Un pied dans le drama classieux, un pied dans la série de genre, un pied dans la comédie (je sais, ça fait trois pieds…). Tous les héros de USA sont belles et beaux gosses (la dernière en date, Sarah Shahi, est l’incarnation ultime de ce charme), tous savent garder le sourire, aucun ne viendra nous ruiner notre moral et notre soirée.

Recette miracle ou comble de l’artifice et de la série en plastoc ? Les avis divergent. USA fait du bon divertissement, « gentil », « inoffensif », avec plus ou moins de talent. J’aime White Collar, un peu moins Psych, d’autres l’inverse. Reste que, si la chaîne ne fait pas franchement avancer l’histoire des séries (à la différence d’AMC, par exemple), elle semble avoir trouvé la parade idéale à l’échec des programmes grand public. Sans prétention, sans explosions, sans castings de stars, USA fait le pari du divertissement « efficace » comme un bon vieux manège, qui vous détend, vous fait lever les bras une ou deux fois, vous fait passer un chouette moment sans essayer de vous faire vomir votre quatre heures. Certains appelleront ça un manque d’ambition crasse, mais il faut reconnaître la victoire de USA, dont les séries sont désormais identifiables en un clin d’œil.