Quand je dis ça, j’ai l’impression de radoter, mais c’est un fait : les séries ne sont pas encore reconnues à leur juste valeur artistique en France. Je ne dis pas que la presse les méprise. Je ne dis pas non plus que les Français ne les regardent pas. Je dis qu’elles sont encore considérées par une part trop importante de nos concitoyens comme un vulgaire produit de consommation – ce qu’elles sont certes, mais pas que. Surtout, une vilaine image leur colle aux basques : celle du « mauvais film de télévision. » Quand ça va mal, le type filmé par TF1 s’emporte toujours ainsi, « c’est bien triste, je croyais qu’on ne voyait ça que dans les films de télévision. »
Excusons d’abord le profane de ce vocabulaire approximatif. Par « film de télévision », il sous-entend bien sûr « série », au pire « téléfilm. » Un lexique daté, mais là encore, ne jetons pas la pierre au Français pour qui HBO signifie « Hydro Bicarbonate d’Oxygène » sur le tableau périodique des éléments. Il suffit de mettre les pieds dans un festival de séries pour entendre des réalisateurs et des producteurs de séries parler à longueur de conférence de leur dernier film – ce qui, en plus, à l’heure du numérique, a de moins en moins de sens.
Bref, retournons à nos moutons. Ce matin, mon radio réveil s’allume. C’est l’heure du journal. On parle du meurtre de sang froid d’un livreur, abattu durant la nuit dans une zone industrielle de Moselle. Un type qui vit à deux pas de là a entendu les coups de feu. Il témoigne : « C’est un quartier dangereux, mais là ça dépasse ce qu’on imaginait. C’est comme dans un mauvais film de télévision. » Sous-entendu : ce qu’on voit à la télé est non seulement déprimant, mais aussi mauvais. L’interviewé ne pense pas à mal, c’est un réflexe, presque une expression courante. Les expressions ont la vie dure, il faut des générations pour qu’elles disparaissent.
Soyons donc patients, et nous entendrons peut-être ceci, dans une vingtaine d’années : « C’est un quartier dangereux, mais là ça dépasse ce qu’on imaginait. C’est comme dans une mauvaise série de network. » A moins que les networks américains ne se réveillent et, dans trente ans, on entendra peut-être ça : « C’est un quartier dangereux, mais là ça dépasse ce qu’on imaginait. C’est comme dans une mauvaise websérie. » Les webséries étant d’une qualité grandissante, si tout se passe bien, dans 40 ou 50 ans, on entendra enfin ça : « C’est un quartier dangereux, mais là ça dépasse ce qu’on imaginait. C’est comme dans une… euh… c’est vraiment flippant. » Tout court.
Image de Une : Photo Marie Blanchardon, l’Union
Heuu j’ai plus l’impression que cette expression fait référence aux téléfilms, qui d’M6 à TF1, de “Au fond du bleu de tes yeux” à “Clémentine la bonne soeur unijambistes qui sauvent les enfants alcooliques” qui sont effectivement affligeants, plutôt qu’aux séries en général 🙂
C’est plutôt les responsables des chaînes qui devraient revoir leur vision des productions télévisées pour leur permettre d’être une expression artistique plutôt qu’un bouche trou bon marché! (ce qui est le cas aux états unis, pour le coup)
Si ce gars ne regarde que des séries françaises, on le comprend ;-)…
Oui, je l’ai compris comme “C’était comme dans un mauvais Navarro/Julie Lescaut/Le juge est une femme/Derrick”. Mais quand on voit les séries chinoises, on se dit que finalement c’était pas si mal, “Les Cordier, juge et flic”