Les ploucs ont la cote

Et si l’avenir de la série américaine ne se trouvait pas à Hollywood ou à New York (les deux leaders incontestés du décor de série), mais au fin fond de l’Amérique, dans les bleds paumés, avec les “vrais gens”, les “Américains d’en bas” ? De plus en plus d’oeuvres se risquent à quitter les grandes villes pour aller voir si les drames sont plus dramatiques ou les comédies plus drôles dans des coins reculés, loin de toute frime citadine, loin de paysages où chaque rue nous rappelle une autre histoire, où chaque pierre cache un code — fric pour Beverly Hills, jolies filles si c’est Santa Monica, violence dans le Bronx, mode à Manhattan, etc. Exemples récents : True Blood, immergé quelque part dans le bayou de la Louisiane profonde, Breaking Bad, à Albuquerque au Nouveau Mexique, pas exactement une mégalopole, The Middle, quelque part dans l’Indiana, la région agricole américaine par excellence, etc.

Récemment, quatre chaînes du câble ont annoncé des séries qui, elles aussi, se dérouleront dans l’Amérique rurale, du moins dans le “milieu” de l’Amérique, loin des cotes. FX (The Shield, Damages, Nip/Tuck) dégainera la première avec Justified, qui démarre dans deux semaines. Timothy Olyphant (vu dans Damages) y incarne Raylan Givens (le nom à lui seul sonne cowboy), un “marshall” à l’ancienne, nerveux de la gâchette, muté dans le Kentucky, région qui l’a vu naître, pour faire le ménage. A voir les premiers trailers, ça sent la poussière, le gros fusils et l’accent pas possible sans sous-titres… (voir vidéo ci-dessous).

Autre projet, plus ambitieux encore, Delta Blues, concocté par la chaîne TNT (The Closer, Raising the bar) et produit par George Clooney “himself.” A Memphis, dans le Tennessee, Jason Lee (le héros de Earl) y incarnera un flic qui, la nuit venu, se transforme en sosie d’Elvis dans les bars de la ville… La nouvelle chaîne Epix (lancée à l’automne dernier) a elle aussi choisi le Tennessee pour sa première série, Tough Trade, mais préfère Nashville. C’est là que Sam Shepard enfilera les bottes de pilier d’un clan de musiciens locaux. Enfin, A&E (The Beast, The Cleaner) ira voir du côté de la Floride (pas celle de Miami et de son béton, celle de l’extrême sud, plus sauvage, marécageuse) avec Sugarloaf, polar sur les traces d’un flic de Chicago muté dans la région.

Ce phénomène de délocalisation n’est pas sans précédents. La petite maison dans la prairie, Le Rebelle ou Walker, Texas Ranger n’étaient pas exactement des séries citadines. C’est en revanche une preuve irréfutable, dans le cas des quatre séries présentées plus haut, de l’ambition des chaînes du câble de s’engager dans une course à l’originalité (et à un certain “exotisme”, surtout vu de chez nous), à une heure où on s’inquiète de leur capacité à secoué le paysage sériel américain. Ainsi, des villes quasi jamais vue dans les séries se payent un petit coin de lucarne : Abuquerque, Nashville, Memphis, donc, mais aussi Detroit dans Hung, Tucson dans Sons of Tucson (sur la Fox, donc loin du câble, mais dans l’Amérique profonde tout de même), etc. New York et Los Angeles, qui gagnent une nouvelle série chaque mois, ne sont pas prête de perdre leur leadership, mais l’air frais qui souffle de ces nouvelles venues n’est pas pour nous déplaire.

Photo de Une : Justified, FX.