Ronnie emmène ses potes de Flamengo en boîte
C’est un document de 24 pages qui ferait s’évanouir n’importe quel souverainiste. L’Observatoire des footballeurs professionnels a livré lundi son rapport sur les migrations de joueurs dans le monde en 2010.
Les transferts dans 101 ligues ont été analysés et classé par les chercheurs du CIES de Neuchâtel et de l’université de Franche-Comté. Ils fournissent ainsi un aperçu des grandes tendances qui structurent ce marché largement ouvert depuis l’arrêt Bosman en 1995. Des Français Vincent Laban, Thierry Henry ou Mehdi Benatia, en passant par le Brésilien Deco, nous avons choisi sept personnages illustrant les aspects les plus intéressants de ce rapport.
Vincent Laban
Le Platini de l’Anorthosis Famagouste. Ce joueur français, héros local depuis le beau parcours du club chypriote en Ligue des Champions lors de la saison 2008-2009, est un précurseur. Débarqué sur la petite île méditerranéenne dès 2005 après avoir été chassé du FC Nantes, Laban régale la Ligue Marfin Laiki depuis presque six ans. En 2010, il a été rejoint par un nombre considérable de joueurs étrangers. Les 14 clubs de l’élite chypriote et les 14 pensionnaires de la D2 locale ont recruté 219 joueurs étrangers, soit huit nouvelles têtes non-chypriotes par équipe. Le champion en la matière s’appelle l’AEP Paphos, qui a enrôlé 18 joueurs étrangers en un an. Une nouvelle preuve de la démocratisation des transferts dans le foot mondial. Tout le monde a le droit à sa starlette brésilienne…
Sur l’année 2010, Chypre est évidemment le premier “importateur” mondial de footballeurs. Mais de manière générale, les arrivées massives ne signifient pas pour autant que le championnat sera parmi les plus compétitifs. Dans le Top 3 des plus gros recruteurs, on trouve, derrière Chypre, la Grèce et le Portugal. Des championnats qui ont ouvert leurs portes à Daniel Cousin et Romuald Peiser…
Deco
Outre l’ancien milieu de terrain de Chelsea, la liste est longue des (ex)-internationaux (Brésiliens, ou naturalisés Portugais, comme Deco) revenus au pays dernièrement: Adriano, Ronaldinho, Ronaldo, Juninho. L’attrait du carnaval et des “Maria Chuteira” (les WAG’s locales) sûrement… En langage statistique, ça se traduit comme ça: le Brésil est le champion des “ré-importations”, c’est-à-dire du rapatriement de joueurs du cru dans les championnats nationaux.
Au total, 135 Brésiliens sont revenus à la maison en 2010, dont 10 pour le seul club de Flamengo. Ce sont souvent des anciennes gloires en fin de carrière, puisque le championnat auriverde compte la plus haute moyenne d’âge parmi les acteurs de retour (29 ans), alors que l’Italie recrute au berceau (22,8 ans).
Dans le même temps, le Brésil confirme sa réputation de réservoir d’artistes plus ou moins confirmés, avec 280 joueurs vendus à l’étranger en une seule année, loin devant la France (en cinquième position avec 77 joueurs vendus). Le Brésilien s’exporte dans pas moins de 58 pays, de l’Iran au Portugal, en passant par les Philippines et la Corée du Sud. A noter que l’Argentine est deuxième de ce classement (215 transferts). Ce qui fait dire aux auteurs du rapport que l’Amérique du Sud est la “plateforme du foot mondialisé”, même si le cœur de son activité économique se trouve en Europe.
Thierry Henry
Le pote de Tony Parker a réalisé son rêve américain en rejoignant, juste après le Mondial sud-africain, les Red Bulls de New York. Les ligues de soccer nord-américaines ont enregistré 116 arrivées de joueurs étrangers en 2010, devant l’Allemagne (113), l’Italie (112) et la France (79). Le mouvement pourrait s’accélérer en 2011 puisque l’ancien capitaine des Bleus a été rejoint en février par plusieurs Français, comme Eric Hassli, Ousmane Dabo et Didier Domi. Moyenne d’âge: 32 ans… La MLS sera-t-elle jamais autre chose qu’une maison de retraite?
Mehdi Benatia
Le défenseur franco-marocain, tricard à Marseille, relancé à Clermont, a apparemment bien fait de partir à l’Udinese en juillet dernier. Le club frioulan, très bien placé en Série A cette saison, est la première rampe de lancement européenne, avec 23 transferts (achats et ventes) réalisés en 2010. “Le club a probablement développé la chaîne de valeur la plus consistante”, lit-on dans le rapport. Pas faux, quand on sait qu’Alexis Sanchez, crack chilien acheté trois francs six sous à l’âge de 16 ans, pourrait rejoindre une des grosses équipes européennes l’été prochain, pour plusieurs dizaines de millions d’euros cette fois.
Claude Guéant
Oui oui, vous avez bien lu. A lire ce rapport, on a envie d’adresser un sérieux tacle à notre ministre de l’Intérieur, qui rêve de réduire l’immigration légale en France. La balance des transferts des Ligue 1 et Ligue 2 est en effet déjà largement déficitaire: – 70 joueurs en 2010, record mondial. Certes, cela valorise la formation du cru, mais le niveau global ne s’effrite-t-il pas avec cette fuite des talents? Claude, pitié, pense à nos samedis soirs et aux 0-0 en pagaille que tu risques de provoquer !
Le défenseur africain
Il existe un cliché vivace dans le foot: celui du défenseur africain peu discipliné tactiquement, mais robuste physiquement. Un diamant brut à tailler, mais sur lequel se ruent les clubs européens, car bon marché. Or, on apprend par exemple dans ce rapport que 80% des Ghanéens transférés en 2010 étaient des joueurs à vocation offensive. Le continent africain est d’ailleurs celui qui exporte proportionnellement le moins de défenseurs. A l’inverse, le Danemark et l’Italie semblent séduire les recruteurs avec leurs arrières. Moralité: le cliché de la brute défensive est périmé? On en a un autre pour vous: la pépite à la technique affûtée à force de jouer pieds nus (Milla, Abedi Pelé).
Les Tanguy du foot sont…
… les Roumains. L’âge moyen du départ du championnat local est de 28 ans. Alors que les Monténégrins et les Macédoniens n’hésitent pas à prendre leur envol beaucoup plus tôt. On ne sait pas trop comment analyser cette info, si vous avez une idée…
Mais que tous les candidats à l’exil sachent une chose: “Les trajectoires transnationales sont plus souvent descendantes que montantes. Par exemple, de nombreux Brésiliens qui émigrent d’abord vers le Portugal sont incapables de rejoindre ensuite de meilleurs championnats et finissent par jouer pour des clubs chypriotes ou arméniens.”
Sydney Maréval
Suivez-nous aussi sur Facebook et sur Twitter
Photo: Reuters/Joueurs de Flamengo derrière Ronaldinho