Voyage au cœur de la planète financière, juste avant l’explosion

«Lorsque la musique s’arrêtera, en terme de liquidité, les choses seront compliquées. Mais tant que la musique joue, il faut se lever et danser. Nous dansons encore». L’homme qui prononce cette phrase le 10 juillet 2007, dans le Financial Times de Londres, est inconnu du grand public. Chuck Prince est alors le grand patron de Citigroup, un monstre de la finance, la première banque américaine, et un dingue absolu. Quelques jours après cette déclaration, la finance mondiale est à court de liquidité.

Il faut imaginer une voiture qui roule sur l’autoroute et tout d’un coup le moteur s’arrête parce que l’essence n’arrive plus. Le réservoir est plein, mais l’essence ne parvient plus dans les cylindres. Que se passe-t-il ? Que faites-vous ? Vous partez en tête à queue à 130 km/h au milieu du trafic ! A la mi-août 2007, ceux que l’on appelle parfois les grands argentiers de la planète, ceux dont le métier est de faire en sorte que l’économie soit alimentée en liquidités s’affolent. La musique s’arrête. On ne danse plus, on panique. Les banques ne se font plus confiance les unes aux autres, la BNP Paribas ne prête plus à la Société Générale. La Banque centrale européenne injectera 200 milliards d’euros dans le système pour qu’il redémarre, mais pendant deux ans le monde de la finance va se retrouver confronter à la crise la plus grave de son histoire.

Oui, le capitalisme a frôlé le désastre

Lire Le Choc des marchés de Mohamed El-Erian, c’est un peu visiter une centrale nucléaire avec un ingénieur du Commissariat à l’énergie atomique. On n’est pas sûr de son objectivité, mais au moins on voit les choses de très près, on sent battre leur cœur du réacteur. L’homme, d’origine égyptienne à fait ses études en double, à Cambridge et à Oford, avant de travailler au Fonds monétaire international (FMI), puis de présider la Management Harvard Company, qui gère une trentaine de milliards d’actifs financiers de la célèbre université américaine et de devenir Co-CEO de Pimco, l’un des plus importants fonds d’investissement privé de la planète et écrit régulièrement dans le Financial Times ou dans le New York Times. Bref, il a quelques références.

Célébré dans le monde anglo-saxon, le livre est passé inaperçu en France. A tort. Mohamed El-Erian, dit, depuis son balcon sur les marchés financiers, ce que d’autres ont éructé. Le capitalisme a été confronté à un risque systémique et il n’est pas, aujourd’hui encore, tiré d’affaire. Il ne suffit pas de dénoncer la « financiarisation » de l’économie pour faire avancer les choses. Notre guide, lui, démonte les mécanismes qui ont abouti à un quasi Tchernobyl. Le 18 janvier 2008, le jour ou, en France, Jérôme Kerviel se fait prendre, le Wall Street Journal évaluait à 108 milliards de dollars les dépréciations d’actifs liés à la crise des subprimes, annoncés par les banques. Avec les 2 milliards de la Société Générale, dévoilés quelques jours plus tard cela aurait fait un compte rond.

Touché au cœur

Le premier élément à prendre en compte est que l’accident est arrivé au centre du système financier mondial aux États-Unis et en Europe occidentale. Autrefois, les crashs survenaient en Malaisie, au Mexique, en Argentine, bref, à la périphérie, quand, depuis 1929, le centre paraissait épargné. Mieux, les institutions du centre seront sauvées par la périphérie. En novembre 2007, quatre mois après les déclarations de Chuck Prince, le danseur de Wall Street, l’Adia, le fonds souverain d’Abu Dhabi, va injecter 7,5 milliards de dollars dans Citigroup. Quelques semaines plus tard, l’UBS, « la » banque suisse était sauvée par un consortium emmené par le Government Investment Corp. (GIC) de Singapour. L’argent venait des pays en développement vers les économies matures.

En octobre 2007, le monde est bipolaire avec d’un côté les États-Unis qui affichent un déséquilibre de leur balance des paiements qui frise les 800 milliards de dollars (ils s’endettent auprès du reste du monde) et, de l’autre côté, la Chine, dont l’excédent, approche les 400 milliards. Le pays riche est pauvre, le pays pauvre est riche. A l’époque, la Russie est du « bon » côté de la barrière, la France du mauvais. Le Pakistan s’approche de l’équilibre dont le Portugal, l’Espagne ou la Grèce s’éloignent. (Voir Les Perspectives de l’économie mondiale – Rééquilibrer la croissance, avril 2010. FMI — PDF —)

Wall Street est au centre de la déflagration et la mèche est allumée par « l’expansion du crédit et les innovations financières aux États-Unis mêmes », note le Financial Times, donnant une définition simple des subprimes. Et la City suivra avec la faillite de Northern Rock et les files d’attente des déposants. En juxtaposant les faits et la théorie financière, Mohamed El-Erian apporte un éclairage parfois déroutant de simplicité.

Les subprimes et les guimbardes

Les subprimes ? Pas compliqué, il suffit d’appliquer la règle du marché des guimbardes, des bagnoles d’occase, des « lemons » en anglais développé par George Akerlof, Prix Nobel d’économie 2001. « Réfléchissez à ce qui se produit lorsqu’un acheteur n’a pas les informations suffisantes pour distinguer les tacots des voitures saines (…) les prix des bonnes voitures seront contaminés par la présence des guimbardes », s’amuse Mohamed El-Erian. « Il se produit un délitement du marché, avec notamment le retrait des fournisseurs de produits de qualité (…) »

Quand on ne sait plus où on en est sur la qualité des produits, on arrête d’acheter et on va sur un marché plus sûr, par exemple chez un concessionnaire. C’est économiquement absurde puisqu’on est certain de ne pas faire la bonne affaire, mais c’est la sécurité. Les prêts hypothécaires américains reconditionnés en CDO, en RMBS, en CMBS ou autres produits exotiques devenaient des guimbardes, des tôles. Après, la confiance envolée, l’enchaînement ressemble furieusement à une réaction en chaîne ou à un jeu de domino. Même constat pour les dérivés des produits financiers complexes à élaborer et à commercialiser. La chaîne des acteurs et des responsabilités s’étire : « Il n’est donc pas surprenant que trop de gens, y compris les principaux intéressés, se soient retrouvés en 2007 avec une trop grande exposition au risque, au mauvais prix, selon les mauvais termes et au mauvais moment », écrit Mohamed El-Erian. Des propos sévères qui rappellent ceux d’un journaliste du Financial Times, Martin Wolf, cité dans le Choc des marchés. Le 5 septembre 2007, le journaliste écrit : « Il a fallu des emprunteurs sots et des intermédiaires rusés, ces derniers ayant persuadés les premiers d’emprunter plus qu’ils ne pouvaient se permettre et les seconds d’investir dans ce qu’ils ne comprenaient pas. »

Un pays pauvre, les États-Unis

Alors que le coeur du capitalisme fond littéralement, les économies de la périphérie et pas seulement les pays producteurs de pétrole se développent. La Chine, l’Inde ou le Brésil émergent quand les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France s’immergent. La Chine devient la banquière du monde, les États-Unis le premier emprunteur.

Cette redistribution des cartes, se traduit par une recomposition des forces. Il y avait un centre, il y a des centres émergents, si l’on ose dire. La Chine et l’Inde contribuent plus aujourd’hui à la croissance mondiale que les États-Unis, l’Union européenne ou le Japon. Un pôle, deux pôles culturellement proches, d’un côté et de l’autre de l’Atlantique, on comprend, dix pôles disséminés, cela devient plus difficile à saisir, à suivre, à maîtriser. Et cette tendance ne va pas s’inverser. Tant mieux ou tant pis, nous allons à grande vitesse vers un système plus complexe sans avoir forcément les outils pour l’appréhender prévient Mohamed El-Erian. Certains rêvaient d’une économie planifiée, elle n’est pas au rendez-vous.

Les larmes de Churchill

Pour autant l’auteur du Choc des marchés réclame un encadrement des opérateurs et même une gouvernance planétaire pour que les États-Unis réduisent leur consommation, que la Chine, elle, stimule sa consommation interne et que l’Europe et le Japon accroissent leur productivité. La difficulté consistant à faire en sorte que cela se produise simultanément. Ce tournant vers le FMI note qu’il y a un travail considérable avant de le voir évoluer pour peser un tant soit peu face aux différents acteurs présents. Pourquoi la Chine prêterait-elle une oreille, une seule, aux experts du FMI ? La Belgique pèse d’un poids comparable à la Chine quand il s’agit de voter au FMI ! Il y a 2,13 % des voix d’un côté, 2,94 % de l’autre.

La mondialisation des marchés et la titrisation ne sont pas sur le point de s’arrêter, à moins qu’un nouvel accident n’interviennent et n’impose dans l’urgence, c’est à dire dans la pire des situations la définition et l’observation de règles communes. Un peu comme dans la crise grecque, en fait la crise de l’Euro, gérée avec un temps de réaction compris entre un et trois mois quand les marchés bougent en 7 à 8 secondes. En fait, Mohamed El-Erian est un peu l’héritier de Churchill qui, le 13 mai 1040 se présentait à la Chambre des Lords en déclarant : « Je n’ai rien d’autre à offrir que du sang, de la peine, des larmes et de la sueur ». Question : où est Churchill ? Clinton est trop américain, Vladimir Poutine est trop russe. Hu Jintao et Wen Jiabao, respectivement président et premier ministre la République populaire de Chine, on assez à faire avec la maîtrise de la croissance chinoise Japon change de leader trop souvent, Dominique Strauss-Kahn est au bon poste, mais peut-il élever la voix. Et le président de l’Union européenne? Herman Van Rompuy? Il doit d’abord s’imposer à la tête de l’UE.

PhDx

Le Choc des marchés. Mohamed El-Erian, Valor Edition

When Markets Collide: Investment Strategies for the Age of Global Economic Change. Mohamed El-Erian, Mc Graw Hill (juillet 2008)

10 commentaires pour “Voyage au cœur de la planète financière, juste avant l’explosion”

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