Mais c’est quoi cette crise? Chronique d’une crise paradoxale (1)

Coluche a dit : “Il paraît que la crise rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres. Je ne vois pas en quoi c’est une crise. Depuis que je suis petit, c’est comme ça.”

En d’autres termes la question est : c’est quoi cette crise ou le pouvoir d’achat des ménages augmente et ou l’on a jamais vendu autant de voitures neuves ? L’Insee vient en effet d’annoncer que le pouvoir d’achat du revenu disponible des ménages a progressé au 3ème trimestre 2009 de 0,6% et de 2,2% sur l’ensemble de l’année. Les signes de la crise sont connus. Il y a la chute de la production intérieure brute (PIB -2,3% en 2009), des investissements (-6,6%), des exportations (-11,3%), mais il reste une question : C’est quoi une crise qui semble en place depuis 1973 et qui voit le pouvoir d’achat des ménages progresser?

La crise dans tous les dictionnaires du monde est une rupture brutale des équilibres. Peut-on parler de crise en 2008 et 2009 quand LA crise a commencé au tout début des années 70. Le premier choc pétrolier a installé le mot dans les esprits, il n’en sortira plus. Le 17 octobre 1973, les pays producteurs réduisent leurs livraisons de brut aux pays occidentaux, en premier lieu aux Etats-Unis, en représailles à la guerre du Kippour. Le prix va passer en quelques semaines de 3 à 18$ le baril.

Depuis le mot crise n’est plus jamais sorti des pages des journaux. Alors ou sont les ruptures brutales? Depuis 1982, la moyenne du taux de chômage observée par l’Insee en France métropolitaine est de 8,8%. Au 3ème trimestre 2009, il a atteint 9,1% ce qui ne constitue pas, fort heureusement un sommet puisque le plus haut date du 2ème semestre 1997 : 10,9%. Il n’y a donc pas là de rupture.
Prenons un autre critère: la création d’entreprises. En période de crise, elle doit s’effondrer. Nous en sommes loin. Depuis l’an 2000, l’Insee relève mois après mois le nombre d’entreprises qui voient le jour. En moyenne, 24.323 entreprises naissent chaque mois. Depuis janvier 2008, nous sommes dans une situation florissante puisque 37.400 entreprises voient le jour chaque mois.
Regardons les défaillances d’entreprises. Là, il y a bien un signe, mais pas exactement une rupture. Depuis le 1er janvier 1993 et jusqu’au 31 juillet 2009, l’Insee enregistrait 3.905 disparitions d’entreprises en données brutes. Entre le 1er janvier 2008 et juillet, le chiffre est grimpé à 4.329 disparitions.
Regardons un indice bêta : les transports terrestres de marchandises en France, par millions de tonnes/km. La crise est indiscernable. L’Insee comptabilise entre janvier 1982 et septembre 1998 (au-delà de cette date les chiffres sont classés “Secret statistique”!) : 16.946 Mt/k. Sur les 24 derniers mois de la période considérée, nous sommes à 20.952 Mt/k. Soit une augmentation de 67% par rapport aux 24 premiers mois pris en compte. Peut-on parler de crise?
Les ventes de voitures devraient chuter avec une crise digne de ce nom. Eh bien, elles grimpent. Cette fois le relevé de l’Insee démarre le 1er janvier 1995 et s’arrête en septembre 2009. Il y a 14 ans nous sommes à un indice de chiffre d’affaires de 62. Depuis, la moyenne est de 87, mais sur les 24 derniers mois nous sommes à 106. Drôle de crise donc.
Pour trouver une rupture il faut regarder la balance des paiements et là, il y a de quoi être inquiet. Les chiffres courent de janvier 1999 à octobre 2009, presque 10 ans et une rupture nette. Jusqu’en décembre 2003, la France affiche une balance positive. Mois après mois, les paiements à l’étranger sont inférieurs aux paiements de l’étranger de 2,2 milliards d’euros. Après, elle devient négative de 1,6 milliard. Et le plus étonnant est la persistance du phénomène. La bascule peut être déterminée avec précision : octobre 2004. Avant cette date la balance est positive, après elle devient négative à 4 exceptions prêt. Et il faut remonter à novembre 2006 pour trouver un mois positif.

Revenons sur la chute de la production industrielle. Un indice évident de la crise parmi d’autres. Regarder les chiffres sur une longue période inciterait plutôt à le classer dans la catégorie mutation de société plutôt que des “ruptures brutales”. L’indice de la production industrielle de biens durables (CVS) est passé de 125 dans les années 90 à 76. Cela fait 50 points perdus très régulièrement en 19 ans.

Soyons humains! La population a-t-elle baissé? Une vague d’émigration a-t-elle frappé la France? Non. Au contraire, nous étions 53 millions en janvier 1975, nous sommes 63 millions. Prenons un dernier indice, un indice d’une grande douceur : la natalité entre janvier 1975 et octobre 2009. En moyenne, la France affiche un taux honorable de 13,3 naissances pour 1000 habitants. A-t-il bougé? Un peu : 13,7 sur les 17 premières années, 12,6 après.
Peut-être faut-il trouver un autre mot pour désigner une crise qui dure depuis 1975, voit le pouvoir d’achat des ménages et les ventes de voitures neuves progresser? La croissance, caractérise les 30 douloureuses qui ont succédé aux 30 glorieuses.
PhDx

Un commentaire pour “Mais c’est quoi cette crise? Chronique d’une crise paradoxale (1)”

  1. […] éléments de ce que nous appelons une crise paradoxale. La consommation des produits informatiques, numériques, de téléviseurs, ou de GPS, bref ce que […]

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