Portrait de la France des consommateurs d’informations

Comment, en 2012, s’informe-t-on? C’est sur cette question que s’est penché le Reuters Institute Study of Journalism, en analysant la façon dont les Américains, les Anglais, les Allemands, les Danois et les Français sont en contact avec l’actualité.

Cette étude (en PDF), publiée le 9 juillet 2012, montre que Facebook joue désormais un rôle clé dans le partage d’informations, supplantant les emails et Twitter, que les plus jeunes (16-24 ans) s’informent sur les réseaux sociaux plutôt qu’en cherchant dans des moteurs de recherche et que les smartphones sont de plus en plus utilisés pour accéder à l’actualité – 28% des Anglais et des Américains et 32% des Danois disent utiliser leur mobile chaque semaine pour ce faire. La France s’y révèle très active: elle est en effet prolixe en matière de participation aux sondages en ligne et de production de commentaires, pas tant dans l’impasse que cela.

En reprenant les questions posées par cette enquête, voici le portrait, en creux, des consommateurs d’informations français.

  • Quelle source d’informations avez-vous utilisée au cours de la dernière semaine pour vous informer?

Les Français répondent en majorité la télévision et le Web, comme les Danois, quand les Allemands restent attachés aux journaux imprimés – qu’ils regardent à 68% au moins une fois par semaine, et les Américains et les Anglais privilégient le Web.

Et si l’on regarde de plus près les sources d’informations uniquement en ligne, les Français se connectent avant tout sur les sites des journaux, les Anglais sur les sites des chaînes de télévision, et les Américains sur d’autres sources d’informations en ligne, comme les pure-players et les portails d’informations tels Yahoo! et Google News, ainsi que sur les blogs et les réseaux sociaux.

Crédit : Reuters Institute for the Study of Journalism

  • Quelle catégorie d’informations vous intéresse le plus?

Les Français préfèrent les sujets de politique intérieure, juste devant la politique tout court ; la politique intérieure remporte aussi les suffrages aux Etats-Unis, suivie des informations locales ; quant aux Allemands, ils sont davantage portés vers les informations internationales régionales.

La catégorie d’informations qui marche le moins bien, à contrario? Les informations économiques et financières pour la France, tandis qu’en Angleterre et aux Etats-Unis, ce sont les arts et la culture qui font chou blanc – alors que ce type d’actualités est prisé en France.

Crédit : Reuters Institute for the Study of Journalism

  • Quel outil avez-vous utilisé au cours de la dernière semaine pour vous informer?

En France, et dans tous les autres pays analysés dans cette étude, c’est l’ordinateur qui domine, et de très loin, suivi du mobile et de la tablette, dans de plus faibles proportions. Le Danemark est le pays où le mobile fait la percée la plus forte, derrière l’ordinateur néanmoins.

  • Avez-vous déjà payé en ligne pour obtenir des informations?

Là encore, le Danemark a une longueur d’avance, ses habitants étant les plus nombreux à être passés à l’acte de paiement en ligne pour de l’info. De l’autre côté de l’échelle, les Anglais sont les plus réticents à cette idée – seuls 4% d’entre eux disent l’avoir déjà fait, quand les Français et les Américains le font un peu, mais dans de faibles proportions.

  • Avez-vous participé à la production d’informations en ligne au cours de la dernière semaine?

Discussion par messagerie instantanée sur l’actualité, partage d’informations sur les réseaux sociaux, publications de commentaires sous un article, etc.: les Américains sont une majorité à participer à la production et au partage d’informations en ligne. Et, surprise, la France est le “pays européen le plus engagé” sur ce créneau, devant l’Allemagne, l’Angleterre et le Danemark.

Crédit : Reuters Institute for the Study of Journalism

  • De quelle façon participez-vous à la production d’informations ou partagez-vous des infos?

40% des Français sondés déclarent participer à un sondage en ligne chaque semaine et 21% commentent des informations sur les réseaux sociaux. “L’élection présidentielle française était en cours lorsque notre étude a été menée”, précise le Reuters Institute, “ce qui peut expliquer ces chiffres légèrement plus élevés” en France.

Conclusion? La rapide mutation du papier vers le numérique telle que l’ont connue les Etats-Unis ne trouve pas vraiment “sa réplique dans les pays européens”, constate l’étude du Reuters Institute, qui veut pour preuve l’exemple de l’Allemagne, très attachée au papier et dont “les habitudes de lecture montrent une faible utilisation d’Internet”.

Alice Antheaume

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Le mariage royal de la télévision et de Twitter

Crédit: REUTERS/Olivia Harris

MISE A JOUR: Oui, le mariage royal a battu tous les records de commentaires sur les réseaux sociaux. Le pic a été atteint, en ce vendredi  29 avril 2011, avec 15.000 tweets par minute dotés du hashtag #royalwedding dans le monde, selon ABC News (13.000 tweets par minute selon USA Today). En France, le visionnage de l’union princière sur les télévisions de l’Hexagone a généré plus de 13.000 tweets francophones lors de cette journée spéciale, concluent le cabinet Novédia et le site DevantLaTele.com.

Le mariage du Prince William et de Kate Middleton est-il le plus gros événement «live» que le Web connaisse? C’est ce que parie Rory Cellan-Jones, de la BBC, sur son blog. Ce mariage «pourrait surpasser l’impact de l’investiture de Barack Obama» sur Internet, prévient-il. «Espérons que Google aie un ou deux serveurs en réserve….»

Outre Google, les réseaux sociaux s’attendent à un volume extraordinaire de commentaires postés en temps réel, en ce vendredi 29 avril, jour de l’union princière. Plus que lors des révolutions arabes ou du tremblement de terre/tsunami/crise nucléaire au Japon? Sans doute.

D’après les estimations du Telegraph, plus d’1 milliard de personnes dans le monde vont regarder le «mariage du siècle» à la télévision, et le volume de messages postés sur Twitter devrait dépasser les 5.000 tweets par minute atteints lors de la mort de Michael Jackson, en juin 2009. A fortiori les 3.051 tweets par minute réalisés lors du but final de l’Espagne à la Coupe du Monde, en juillet 2010. Et les 1.200 tweets par minute au moment du tsunami au Japon, en mars 2011.

L’agence britannique Greenlight, qui a traqué le terme «royal wedding» sur les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, les forums, les sites d’infos et les blogs, a vu l’apparition en ligne de 9.000 posts par jour concernant ce fameux mariage, lors de la semaine du 18 avril.

Les détails les plus débattus sont – dans l’ordre d’importance – la robe de Kate Middleton, la liste des invités et les cadeaux pour les futurs mariés. Des sujets plutôt «positifs», donc. Cela tombe bien, les contenus porteurs de bonnes nouvelles bénéficient d’un plus fort taux de partage sur Facebook, comme décrit dans ce précédent WIP sur les critères d’un contenu facebookable.

Crédit: Greenlight

Près de «800.000 personnes vont se presser dans les rues de Londres», peut-on lire sur le site the media on line, «tweetant et postant sur Facebook, tournant des vidéos aussitôt envoyées sur YouTube. Un “social networking” aux proportions épiques.»

Serveurs spéciaux

En annonçant avoir besoin d’un serveur supplémentaire, Twitter s’y prépare. Un travail de fond s’opère «afin d’assurer que nous soyons capables de gérer un tel volume», assure la compagnie de San Francisco. «Là où un mariage royal est facile à prévoir, un tremblement de terre suscitant un fort volume de tweets ne l’est pas toujours. Il faut donc être prêt à tout moment».

Outre servir d’outil pour diffuser les informations urgentes, Twitter se positionne sur un autre usage «journalistique»: rendre la télévision plus «live». Comment? En surfant sur cette nouvelle tendance qu’ont les internautes, lesquels commentent sur les réseaux sociaux les programmes télévisuels qu’ils regardent.

«Le mariage royal s’inscrit dans une campagne plus générale qui consiste à travailler avec les chaînes télés pour mieux intégrer Twitter à leurs expériences, notamment pour le direct», m’explique l’équipe du site des messages de 140 signes.

La télévision tweetée, c’est un créneau porteur, estime Robin Sloan, qui travaille sur les meilleures utilisations de Twitter par les médias. «La télé en direct et l’information en temps réel se renforcent l’une l’autre. A chaque fois qu’il se produit quelque chose d’important lors des Video Music Awards, diffusés sur MTV, nous constatons un pic massif et immédiat de tweets qui en parlent. Rihanna a fait une apparition surprise lors de la prestation d’Eminem, et aussitôt, son nom était cité dans 4.700 tweets par minute (…). Ce volume de messages permet aux gens de voir que les Video Music Awards se déroulent en ce moment-même et que le show a l’air excitant.»

La télévision qui fait tweet

Regarder la télévision (sur petit écran ou ailleurs), smartphone branché sur Facebook ou Twitter en main, c’est un usage qui se répand. Jean Yves Stervinou, 36 ans, ancien de Six Apart, la plate-forme de blogs, l’a bien compris. Il a créé, dès février 2010, DevantLaTele.com pour donner une nouvelle «dimension sociale aux instants télé». Le principe: agréger, par chaîne de télévision (française), les commentaires postés sur Facebook et Twitter en temps réel qui évoquent les émissions de ces chaînes. Uniquement les messages en français.

«J’en ai eu l’idée en visionnant des programmes qui encouragent les téléspectateurs à envoyer des SMS, mais ces SMS n’arrivent nulle part. Moi, j’avais besoin d’échanger avec les autres. Il y a bien les forums mais certaines discussions datent de plusieurs semaines. Je voulais une vraie conversation, à plusieurs, et surtout, en live.»

Résultat, en ligne, on peut suivre, comme dans le salon avec des amis, les commentaires des internautes sur l’émission qui est diffusée au même moment. La difficulté de l’exercice, lors des live tweets, c’est d’identifier les bons mots clés qui évoquent la conversation télévisuelle. «Un bon hashtag (un mot clé sur Twitter, ndlr) saisit en peu de signes l’essence d’un événement: on doit comprendre de quoi il s’agit un premier coup d’oeil», m’avertit Twitter. Exemples: #royalwedding, c’est simple et efficace, alors que #tele, c’est trop vague, reprend Jean-Yves Stervinou.

La crainte de celui-ci pour vendredi? Que «Twitter tombe en rade» sous l’afflux de commentaires. Mais il se rassure: «Parfois, même quand Twitter.com est down, l’API, une interface de programmation que j’utilise pour récupérer les tweets pour DevantLaTele.com, fonctionne toujours.»

Et si cette union princière ne générait pas autant de communi(cati)on? A contre-courant, Alexandre Hervaud, journaliste à Libération et assidu de Twitter, ne compte pas poster de commentaires sur le mariage et annonce qu’il «lira un livre à place».

«Commenter les commentaires, très peu de moi», dit-il. «Je subis les live tweets télévisuels. Je ne vois pas l’intérêt de “liver” un événement que tout le monde peut voir à la télévision. Les live tweets intéressants, ce sont ceux qui permettent de raconter ce que les gens ne peuvent pas voir ni entendre, par exemple, lorsque Lionel Tardy, député UMP, commente sur Twitter une commission qui se tient à l’Assemblée nationale à huis clos, et interdite d’accès au public. Sinon, et même si j’ai moi-même versé dans le live tweet de la Nouvelle Star en 2009, je trouve maintenant cela saoulant, ça paralyse le flux d’informations qui arrivent.»

Et vous, commentez-vous le mariage royal sur les réseaux sociaux? Entre deux messages, n’oubliez pas de liker cet article.

Alice Antheaume

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