Crédit: New York Times
C’est l’attraction de ce début de semaine à New York. Les «TimesCast», des vidéos de 6-8 minutes dans lesquelles on voit les débats internes autour des sujets couverts par le New York Times, sont depuis lundi mises en ligne tous les jours, du lundi au vendredi, entre 13 heures et 14 heures, heure locale (entre 18 et 19 heures en France, où ils cartonnent, m’a confié le responsable du projet). «On a testé le format pendant des mois avant de le lancer, me raconte Jigar Mehta, journaliste au pôle vidéo du New York Times. Le but est de montrer le fond de la boîte noire aux internautes, car s’ils voient ce qu’il se passe, ils comprendront mieux qui nous sommes et ce que nous faisons.» Une façon de maintenir – ou créer? – le lien entre les internautes et la marque du quotidien américain. «Cela montre quels sujets nous décidons de couvrir, et comment on décide de les raconter, avait dit Ann Derry, directrice éditoriale, dans un communiqué. Nous donnons à nos internautes un accès inédit à nos coulisses.»
Transparent
La tentative est louable: viser la transparence. Une valeur clé et un peu fantasmatique du Web. Sauf que, à y regarder de plus près, la spontanéité n’y est pas. Le «TimesCast» fait l’objet d’un savant agencement, en quatre séquences, dont la première est la plus percutante, car elle montre une partie de la réunion dédiée à la première page («page one meeting»). Dans les séquences qui suivent, plusieurs conversations entre journalistes et rédacteurs en chef, mais qui paraissent peu naturelles à l’écran. A tel point que le site Gawker a ironisé sur le format, en évoquant une saga télévisuelle rebaptisée «you-are-there newsroom web show».
Ce qui fait sourire le service vidéo du New York Times, parmi lesquelles quatre personnes (!) travaillent sur les «TimesCast». «C’est vrai que que c’est un show», dit le responsable de la séquence vidéo. «Mais on ne force personne de la rédaction à parler devant la caméra, seuls sont filmés ceux qui le souhaitent».
Pas de script, mais un conducteur
A la question «les discussions des “TimesCast” sont-elles scénarisées?», Jigar Mehta répond «non, il n’y a pas de script». En revanche, il y a bel et bien un conducteur qui établit, avant le tournage des séquences, les deux ou trois points principaux qui doivent être cités pour expliquer un sujet. «Quand le sujet le plus chaud du jour est le retrait de Google de Chine, comme c’était le cas ce mardi, nous n’allons pas ré-expliquer ce qu’est Google, mais nous allons donner des éléments de contexte, de diplomatie, d’économie, mais aussi revenir sur les usages des internautes en Chine.»
Une case monétisable
Impossible de connaître pour l’instant le nombre de personnes qui ont cliqué sur le bouton lecture des premiers «TimesCast»; les chiffres ne sortiront pas de l’enceinte du New York Times.
Parmi les réactions relevées sur Twitter à la sortie du premier numéro, certains se sont étonnés du costume-cravate que portent tous les participants de la conférence de rédaction. Remarque anecdotique, mais qui n’est pas infondée. «Les journalistes du New York Times ne vont pas à la “page one meeting”, ce sont leurs chefs qui s’y rendent, m’explique un journaliste du pôle multimédia. Lorsqu’ils en ont besoin, les chefs de service appellent leurs reporters (via un système qui permet à la table d’entendre la conversation, ndlr) pendant la conférence pour avoir des explications sur tel ou tel sujet. Ces chefs ont des responsabilités, ce qui les oblige à rencontrer beaucoup de monde toute la journée et assurer la visibilité du titre», d’où leur mise moins décontractée que ceux qui restent derrière l’écran du site Web toute la journée.
Au New York Times, le «TimesCast» mobilise. Jamais deux ou trois caméras n’avaient obtenu chaque jour leur entrée dans la réunion de la première page. Mais si le format intéresse, c’est aussi parce qu’il est pourvoyeur de publicités. Le transporteur FedEx le parraine, et les éditeurs du programme réfléchissent à insérer, au milieu de la vidéo, une autre «page» de pub. «C’est un rendez-vous quotidien, qui peut fidéliser», argue l’équipe chargée de monétiser le contenu. Des arguments qui devraient parler aux annonceurs.
Alice Antheaume
La service vidéo du New York Times a noté un pic de connections depuis la France sur les «TimesCast». Ils m’ont demandé pourquoi ça intéressait tant les Français. A votre avis, pourquoi?