Snapchat Discover fait un stop en France

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Ils sont 8 heureux élus. Le Monde, L’Equipe, Tastemade, Cosmopolitan, Vice, Paris Match, Melty et Konbini sont les premiers médias non anglophones à figurer sur Snapchat Discover, la section dédiée aux informations de Snapchat créée en janvier 2015 et qui, jusque là, n’accueillait que des contenus en anglais. Top départ? Ce jeudi 15 septembre à 6h du matin, heure française.

Pourquoi Snapchat Discover s’installe-t-il en France?

Parce qu’il y a un bassin important d’utilisateurs français de Snapchat. Parmi les 150 millions d’utilisateurs quotidiens de Snapchat dans le monde, la France en compte 8 millions. “C’est énorme, c’est sans doute le deuxième réseau social utilisé en France”, s’enthousiasme Michael Szadkowski, du Monde. Une “communauté” que l’équipe de Snapchat, venue à Paris pour l’occasion, juge prometteuse. D’autant que les agences de publicité et les annonceurs dans l’hexagone se sont dits prêts à investir sur ce réseau – on recense déjà les publicités de Schweppes, Sephora, Louis Vuitton en ce premier jour d’éditions françaises.

Snapchat Discover en France

Pourquoi maintenant? L’imminence de la campagne présidentielle française a-t-elle quelque chose à voir avec ce lancement?

Officiellement non. Même si, bien sûr, les porte-paroles de Snapchat espèrent que les informations publiées sur Snapchat Discover permettront à des jeunes, dont certains voteront sans doute pour la première fois au printemps 2017, de s’intéresser à la politique.

Qui verra les contenus des éditeurs français?

Ceux qui se connectent à Snapchat depuis la France. Pour l’instant, les lecteurs même francophones de Suisse ou d’Afrique de l’Ouest n’y ont pas accès.

Comment Snapchat choisit ces partenaires médias pour Discover?

N’importe quel média ne peut pas avoir sa chaîne sur Snapchat Discover. Pour être sélectionné, il faut d’abord produire des éditions pilote pendant plusieurs semaines (2 semaines et 60 contenus tests pour Paris Match, 4 semaines et près de 330 contenus tests pour Le Monde), que Snapchat regarde ensuite, avant de donner son accord.

Contrairement aux Facebook, YouTube, Twitter et Pinterest, qui hébergent les contenus de tous les volontaires, Snapchat a une logique d’éditeur. Le réseau social a non seulement pris soin de mixer des titres traditionnels à des médias plus récents dans son offre française mais a aussi choisi des éditeurs dont les contenus ne sont pas redondants : informations généralistes pour Le Monde, sport pour L’Equipe, recettes de cuisine pour Tastemade, féminin pour Cosmopolitan, etc.

Pourquoi Le Figaro n’est pas sur Snapchat Discover France?

Parce que Le Monde y est. De même, si BFM y figurait, ni LCI ni iTélé ne pourraient compter parmi les éditeurs partenaires de Snapchat.

Pourquoi de nombreux médias aspirent-ils à apparaître dans Snapchat Discover?

Parce qu’ils espèrent toucher une audience jeune qui s’est détournée des sources d’informations traditionnelles ou, pire, n’en a jamais entendu parler. “La plupart des utilisateurs de Snapchat sont sur une tranche d’âge 18-34 ans, soit un public qui connaîtra sans doute, via Snapchat, ses premières expériences de lecture du Monde”, confirme Michael Szadkowski. Néanmoins, “personne ne nous demande d’avoir 14 ans et de nous transformer en faux jeune!”, m’explique Marion Mertens, rédactrice en chef numérique à Paris Match.

Quels sont les contenus qui cartonnent sur Snapchat?

Difficile à dire. Une chose est sûre, “il n’est pas envisageable de se contenter de recycler des contenus déjà publiés sur le site ou dans le magazine”, continue Marion Mertens, pour Paris Match.

Tastemade France sur Snapchat Discover

Place aux contenus visuels forts, verticaux, avec grands renforts d’animations et d’effets graphiques : des flashs sur un défilé de photos de stars enceintes, comme sur un tapis rouge ; un photomontage avec Elisabeth II au volant d’une grosse voiture, accompagnée de Kate Middleton ; un labyrinthe avec lequel jouer pour faire arriver un joueur de foot jusqu’au but ; une vue à donner le vertige au dessus d’une falaise filmée avec une Gopro ; des infographies animées pour donner à voir la cartographie de l’espace ; des titres émaillés d’émoticônes.

Edition de Paris Match sur Snapchat Discover

Chaque jour, du lundi au dimanche, entre 10 et 15 contenus sont publiés sur chaque chaîne, pour une durée de 24h. On y entre via une image carrée qui introduit le sujet – quand, avant l’été, l’entrée se faisait via les logos des médias, sous la forme d’un cercle. Une refonte du design de Snapchat Discover qui devrait augmenter l’engagement des lecteurs sur les contenus.

D’après les expériences des médias anglo-saxons sur Snapchat Discover, les éditions thématiques (CNN avec une série sur le cannabis) donnent de très bons résultats, parfois meilleurs que les éditions présentant 10 informations différentes. Ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd, puisque Le Monde a prévu de publier des éditions thématiques le week-end.

Comment se répartissent les revenus entre les médias et Snapchat?

Top secret. Chaque média partenaire a signé un accord de confidentialité qui l’empêche de dévoiler la répartition des revenus publicitaires.

Edition de Paris Match sur Snapchat Discover

Et si, finalement, le résultat était décevant?

C’est un risque que les médias acceptent de prendre, après avoir mis en place des équipes de plus de 5 personnes (et jusqu’à 7 au Monde) pour produire chaque jour autant de contenus calibrés pour Snapchat. Il faut donc avoir les reins solides.

Mais ces efforts ont aussi des vertus en interne. Au Monde, “le fait de devoir publier tous les jours des informations sur Discover, avec des formats visuels et mobiles, assez différents de ce qu’on fait d’habitude, va nous donner de nouvelles compétences et de nouveaux réflexes de publication”, souligne Michael Szadkowski. Même topo chez Paris Match où Marion Mertens espère expérimenter un ton “un peu plus fou” que d’habitude. Des laboratoires bienvenus lorsqu’il faut imaginer des “formats innovants, 100% graphiques et mobiles”.

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Alice Antheaume

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franceinfo: la télévision venue du Web?

franceinfo dans le métro

Une photo publiée par Alice Antheaume (@alicanth) le

3… 2… 1… Top ! Jeudi 1er septembre, à 20h, la nouvelle franceinfo est officiellement lancée sur le canal 27 de la TNT – ou 77 sur la Freebox. Depuis l’immeuble de NextRadioTV, dans le Sud de Paris, la rédaction de BFM regarde sa concurrente faire ses premiers pas. «On ne voit pas bien les titres blancs sur le fond gris», commente l’un. «Bizarre, ce plan de profil avec la table à mi-cuisses», continue une autre. «Oui, mais bon, si on revoyait le lancement de BFM, en 2005, on aurait sans doute beaucoup à dire aussi. Ils vont ajuster au fur et à mesure», défend un historique de la chaîne.

Synergies de groupe

Après plusieurs heures de visionnage, une chose est claire : il y a, dans l’offre de franceinfo, la volonté de mettre les codes du Web à la télé. Et ce n’est pas une mince affaire quand il s’agit de réunir les forces de plusieurs entités qui, si elles ont en commun d’incarner le service public, n’en ont pas moins des façons de travailler très différentes :

Radio France connaît par cœur la hiérarchie des informations et la puissance de la voix mais est néophyte en mise en images ;

France TV est maître en puissance de l’image et en rythmique entre plateaux et illustrations mais ne sait pas encore articuler des informations en continu ;

France TV Info sait calibrer des contenus pour le petit écran des mobiles mais n’a pas encore l’habitude de travailler dans un dispositif si complexe ;

France 24 est volontiers tournée vers les standards anglo-saxons pour faire de la télévision, standards qui n’ont pas encore infusé dans la société française ;

et l’INA met en valeur le patrimoine médiatique français mais n’a pas encore la connaissance de la gestion d’un flux en continu.

Au centre du dispositif, figure un totem, sur lequel est visible le «live» permanent de feu France TV Info, l’application mobile lancée en novembre 2011, qui pousse le temps réel de l’information à son paroxysme et utilise les interactions avec l’audience comme des transitions narratives. Les présentateurs de franceinfo, installés dans la newsroom de France TV, y reviennent souvent, et montrent par là que les temporalités du Web sont devenues les leurs.

Le totem de la newsroom de franceinfo

Pushs, rappels de titres, reportages

Si la maison de la radio se charge des rappels de titre toutes les dix minutes, l’équipe de France TV Info se charge, elle, d’envoyer sous forme de notifications sur les téléphones les dernières informations urgentes survenues. Elle a d’ailleurs eu droit à sa première expérience de push dans ce grand dispositif dès mardi dernier, lors de la démission d’Emmanuel Macron de son poste de ministre de l’Economie.

Deux points engagez-vous

Quant aux discussions avec les internautes, elles sont, elles aussi, mises en majesté. Le nouvel habillage le martèle, avec ces fameux deux points sur lesquels on a beaucoup glosé, moi la première, mais qui sont un appel à l’interaction, à «liker, tweetez, commenter, partager».

Ces deux points, rondouillards, rappellent les petites boules qui s’affichent lorsque l’on discute par SMS ou messagerie instantanée et que l’on attend la réponse de son interlocuteur, en restant scotché à son écran, dans l’attente de la suite. Pour un peu, on n’est pas si loin du journalisme de conversation dont j’ai déjà parlé ici, à l’occasion du «chat» mobile de Quartz, inauguré en février 2016 et basé sur des outils de messagerie, un usage alors inédit pour le journalisme.

Outre ces deux points, il y a plusieurs lignes de synthés – les sous-titres, en quelque sorte – affichés en bas de l’écran :

Au niveau inférieur, les titres, rédigés de façon traditionnelle, avec la source de l’information mise entre parenthèses comme le fait l’AFP dans ses titres de dépêches.

Au niveau intermédiaire, le logo suivi de la dénomination de la rubrique diffusée (la chronique des sports, le journal du monde, l’eurozapping, un week-end très politique, etc.) ou du thème du reportage. Juste au-dessus peut aussi figurer l’icône de géolocalisation, reprise de celle de Google Maps, pour indiquer le lieu des événements.

L'icône de géolocalisation

Enfin, et c’est la section que l’on n’avait pas vue ailleurs, des bouts de phrase surlignés de jaune, de vert, de bleu, apparaissent ponctuellement, et affichent ici un commentaire, là une touche d’ironie, là encore une question sarcastique. Bref, c’est une ligne de «social TV» qui, contrairement aux autres niveaux qui comportent des informations factuelles, fait penser aux discussions, volontiers moqueuses, sur un programme postées sur Twitter ou de piques à propos de promesses politiques.

Emmanuel Macron le 4 septembre 2016 lors de l'émission "Questions politiques"

 

Nicolas Sarkozy à La Baule

En outre, franceinfo s’appuie sur un découpage très «séquencé», comme on dit à la télévision. C’est-à-dire que les rubriques, les reportages, les chroniques se succèdent sans qu’il y ait de liaison entre elles. Cette mécanique répond bien sûr à la nécessité de faire travailler plusieurs entités (Radio France, France TV, France 24, l’INA) à une même offre, avec chacun sa patte – même si l’on peut voir, à des détails, qu’il y a une lutte de visibilité entre ces maisons, comme lors de l’émission «Questions politiques», dimanche à 12.30, où les bonnettes des micros sont celles de France Inter.

Des séquences autonomes

Ce séquençage est une réponse à l’injonction impérieuse qui prévaut en ligne : puisqu’on ne sait pas où, quand ni dans quel contexte les contenus sont vus, il faut que chaque séquence soit autonome et exportable sur les réseaux sociaux, sans lancement ni explications orales introductives. Car, en 2016, la nécessité de produire des contenus partageables sur les réseaux sociaux, pour«engager les lecteurs», concerne bien sûr aussi franceinfo, toute nouvelle qu’elle soit.

Des têtes du Web

Autre inspiration venue du Web, la narration qui veut abolir les frontières et s’adresser à d’autres audiences que celles qui, jusque là, regardent France 2 – où la moyenne d’âge est de plus de 58 ans. Cela se traduit notamment dans des séquences de type «no comment », ces reportages tout image sans voix off qui pullulent dans le newsfeed de Facebook, et se lancent en autoplay pendant que vous êtes dans les transports en commun ou au bureau, sans écouteurs. Et puis, il y a aussi les «Draw my news» (dessine moi des informations), une série de mini-dessins animés, au langage universel et donc facilement lisible par n’importe quelle audience, jeune ou moins jeune, française ou internationale.

Enfin, et c’est sans doute ce qui représente l’innovation la plus louable, il y a une vraie volonté de mettre le numérique au cœur des sujets abordés. Lorsqu’Emmanuel Macron est interrogé, il l’est certes d’abord par des journalistes qui ont fait leurs armes sur des médias traditionnels (Nicolas Demorand, Nathalie Saint-Cricq, Carine Bécard et Arnaud Leparmentier), mais il l’est ensuite par un journaliste spécialiste du numérique (Damien Leloup, du Monde.fr).  Car oui, les enjeux de la surveillance, de la suprématie des mastodontes du Web américain, d’une mobilité et d’une éducation transformées par le numérique, sont des questions essentielles à poser  à des responsables politiques.

Les gribouillis de Snapchat sur écran télé

De la même façon, pour évoquer les pro-Nicolas Sarkozy qui ont retourné leur veste, jeudi soir, ou les 82 candidats à la présidentielle, vendredi soir, c’est Bastien Hugues, passé par Lefigaro.fr puis par France TV Info, qui s’y colle, à l’antenne, en appuyant sur de gros boutons d’une tablette géante servant d’écran, afin de mettre les infographies à l’honneur à la télévision, sur lesquelles on peut gribouiller au doigt levé, comme sur Snapchat. De quoi implémenter à la télévision une autre culture visuelle – le chercheur André Gunthert parle de saloper l’image sacrée.

L'inspiration de Snapchat

Là encore, il y a, avec ces nouvelles têtes venues du Web, méconnues du grand public, l’idée de dire que le numérique est un sujet comme un autre et qu’il a droit de cité sur une chaîne de télévision autrement que via cette obsession dépassée mais toujours vivace dans le monde audiovisuel qui veut croire que les jeux vidéo poussent à la violence et que c’était mieux avant le numérique.

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Alice Antheaume

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SXSW 2016: le poids de la technologie sur la campagne présidentielle américaine

Crédit: AA

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Année présidentielle aux Etats-Unis oblige, le festival South by South West, qui se tient à Austin, au Texas, du 11 au 15 mars 2016, fait une large place à la politique, via des dizaines de sessions consacrées au sujet – sur les quelque 900 qui figurent dans le programme.

>>Lire les tendances de South by South West 2014 >>

Au centre des préoccupations, cette question: qui va élire le successeur de Barack Obama? Les réseaux sociaux? Les moteurs de recherche? Si Dan Rather, le présentateur phare de la chaîne CBS, âgé aujourd’hui de 84 ans, estime que «c’est la télévision qui décidera du résultat des élections, et non Internet ni les réseaux sociaux», personne à South by South West ne semble aller dans son sens.

Quand les data gouvernent la politique

Car, en 2016, ce sont les data et leur bonne gestion qui transforment un candidat en président. «Pas les data en tant que telles, mais les data comme levier pour pousser les messages politiques», tempère JC Medici, de la société Rocket Fuel, qui fabrique des publicités politiques.

Parmi les données scrutées de près par les équipes des candidats, il y a avant tout les réactions collectées lors du porte-à-porte, les dons effectués par email, le nombre de likes et de retweets obtenus en ligne, le taux de partage sur les réseaux sociaux. Autant de données – anonymisées par une société tierce avant d’être récupérées par les partis – qui peuvent prédire la victoire ou l’échec.

Lorsqu’on demande à Keegan Goudiss, l’un des artisans de la campagne de Bernie Sanders, s’il s’attendait à ce que le démocrate l’emporte aux primaires dans l’Etat du Michigan, il répond qu’il avait vu que «le responsable de la campagne était très enthousiaste avant l’heure». Combien de temps «avant l’heure» était-il enthousiaste? On ne le saura pas.

Passion politique

«Il ne faut pas surestimer le nombre d’utilisateurs d’Internet dans le processus électoral», reprend Dan Rather. Pour Keegan Goudiss, «certains publics ne sont pas atteignables via le numérique», il faut donc continuer à faire de la publicité sur les médias traditionnels.

Un paradoxe: alors qu’en 2016, la très grande majorité des investissements publicitaires en politique se font à la télévision plutôt qu’en ligne, c’est la première élection américaine où les «millennials», ces jeunes qui désertent les médias traditionnels, sont en âge de voter. «Les millennials sont plus éduqués, plus informés que les autres électeurs», précise Cenk Uygur, éditorialiste et présentateur du programme sur YouTube, «The young turks».

Conséquence, du point de vue des médias: «la passion de l’audience pour la politique n’a jamais été aussi grande qu’en 2016», assure Jeanmarie Condon, l’une des dirigeantes d’ABC News, qui raconte comment son organisation produit des contenus exclusifs sur diverses plates-formes pour attraper là où elles se trouvent différentes catégories de lecteurs.

La partition des «millennials»

Comment intéresser un «millennial», quand on vise un mandat politique? C’est un vrai casse-tête, souffle Jaime Bowers, qui a aidé de nombreux hommes politiques à briguer des postes dans l’exécutif. «A condition d’être sur le bon canal, vous pouvez les impliquer sur des sujets auxquels ils n’auraient jamais répondu, explique-t-elle. En revanche, c’est très difficile d’obtenir d’eux des dons».

Or c’est le nerf de la guerre dans une campagne présidentielle américaine. «Depuis 1968, 10 des 12 candidats qui ont emporté la présidentielle sont ceux qui ont dépensé le plus d’argent», analysent Kyle Britt et Michael Kinstlinger, de Havas helia, une antenne d’Havas spécialisée dans l’analyse des données, lors d’un panel intitulé «data defeat Truman», une allusion au titre «Dewey defeat Truman» publié par le Chicago Tribune en 1948, consacrant par erreur la victoire du républicain Thomas Dewey contre le démocrate Harry Truman, finalement réélu.

«Inbox or die»

En 2016, c’est toujours le cas. Plus il y a d’emails, plus il y a de retweets, plus il y a de dons, plus il y a de votes, assurent les panélistes. Et le déluge de données ne fait que commencer. D’ici le 8 novembre, jour de l’élection du prochain président des Etats-Unis, les Américains vont recevoir 10 milliards d’emails de la part des candidats. Une avalanche de données qu’Havas helia a commencé à analyser. Conclusion pour les candidats? «Inbox or die» – «apparais dans la messagerie de tes électeurs ou meurs», en VF.

Pour Kyle Britt et Michael Kinstlinger, les data ne peuvent pas forcément prédire les résultats, mais montrent des corrélations. Ted Cruz, le sénateur conservateur, candidat aux primaires républicaines, est à la traîne face à Donald Trump. A regarder de plus près les 78 emails qu’il a envoyés entre mi-janvier et mi-février, il apparaît que 22 d’entre eux sont arrivés dans les «spams», quand Donald Trump, sur la même période, fait dans la mesure: seuls 28 emails envoyés, assez peu personnalisés d’ailleurs, et 0 dans les spams.

Quant aux réseaux sociaux, ils sont bien sûr utilisés à tire-larigot. Le risque? Que le candidat joue à «faire jeune». C’est le cas d’Hillary Clinton, lorsqu’elle demande à ses followers sur Twitter de décrire ce qu’ils pensent de leurs emprunts étudiants via des émoticônes, suscitant des moqueries en cascade.

 

Bonne pioche en revanche pour Bernie Sanders qui, lorsqu’il parle de Snapchat, évoque un «Snapshot thing» et s’émeut qu’on ne lui laisse pas plus de quelques secondes pour parler. «En 2016, l’authenticité compte plus que la politique» en ligne, martèlent les conseillers.

Les Obamas en têtes d’affiche

Clou du spectacle de cette édition de South by South West, «les Obamas» sont de la partie, monsieur en ouverture, madame en fermeture. En trente ans de festival, c’est la première fois qu’un président en exercice monte sur la scène. Alors qu’il s’apprête à quitter le bureau ovale, il marche sur des œufs lorsqu’il s’agit de se prononcer sur le chiffrement, une question ultra chaude depuis que le FBI demande à Apple la clé pour accéder au contenu du téléphone d’un des auteurs soupçonnés de la fusillade de San Bernardino, en Californie, ce à quoi Apple a opposé une fin de non recevoir.

C’est l’un des sujets qui suscite le plus d’intérêt des participants du festival, note Quartz. Le président des Etats-Unis le sait bien et leur conseille de ne pas avoir de position «absolutiste», avant de jouer sur la corde sensible: «comment faire pour appréhender les auteurs de contenus pédophiles? Comment déjouer les plans terroristes? Il faut faire des concessions». Barack Obama, contre l’avis de la plupart des amateurs de nouvelles technologies, plaide pour «un système au chiffrement aussi fort que possible, à la clé aussi sécurisée que possible, mais accessible à un tout petit nombre de personnes, pour des problèmes précis et importants sur lesquels nous sommes d’accord».

Des propos qui, de l’autre côté de l’Atlantique, ont fait bondir Edward Snowden, lequel dit tout haut à Berlin ce que beaucoup de participants de South by South West pensent tout bas, dans la seule ville démocrate de tout le Texas: «nous avons un très gros problème lorsque le président des Etats-Unis peut arguer que la position qui fait consensus chez les experts est une position extrémiste.»

Le chiffrement est un sujet très politique qui peut peser plus qu’il n’y paraît dans la campagne présidentielle.

Sam Esmail, le créateur de Mr Robot, également sur la scène d’Austin, s’est dit du côté de Tim Cook, le patron d’Apple, et a assuré que cette polémique «cruciale» allait nourrir la saison 2 de sa série. Applaudissements nourris dans la salle.

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Alice Antheaume, à Austin, Texas

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7 prédictions pour le journalisme en 2016

Crédit: Flickr/CC/nicksie2008

Crédit: Flickr/CC/nicksie2008

Nouvelle année oblige, la période est aux prophéties. Voici ce qui pourrait compter dans les rédactions en 2016. Au programme: l’impact des contenus journalistiques, la vitesse de chargement, le poids des pages, la multi-publication sur les diverses plates-formes américaines, la vague américaine des pure-players, la vidéo et… les doutes.

* L’impact

C’est le nouveau mot-clé dans l’écosystème numérique. “Nous ne construisons pas Buzzfeed pour obtenir le plus de clics, de partages, ou de temps passé possible. Nous construisons Buzzfeed pour avoir un impact positif sur la façon dont les gens vivent”, écrit son président Jonah Peretti à la fin de l’année 2015.

Autant dire que le visiteur unique, ce mètre étalon qui comptabilise les individus ayant cliqué au moins une fois sur le contenu d’un site sur une durée d’un mois, a du plomb dans l’aile. C’est aussi vrai pour les contenus publicitaires, pour lesquels “les clics ne sont pas très utiles”, confirme Jay Lauf, le directeur de publication de Quartz, un pure-player dont j’ai déjà parlé ici. “Les marques cherchent d’autres moyens de mesurer leur impact”.

L’impact, c’est donc un mélange sophistiqué entre l’influence, la notion d’engagement des lecteurs, et la capacité, via l’écriture de contenus journalistiques, à susciter le changement dans la société. Pour l’instant, personne n’a encore trouvé comment le mesurer.

* La vitesse

Vous pensiez le temps de la décélération arriver? Que nenni ! Qu’il s’agisse des AMP (accelerated mobile pages) de Google ou des “instant articles” de Facebook, le mot “vitesse” est partout.

“En tirant parti de notre technologie qui permet d’afficher très vite photos et vidéos dans l’application Facebook, les articles se chargent instantanément, 10 fois plus vite que sur le Web mobile”, vante Facebook à propos de ses “instant articles”, ces contenus produits par quelque 350 médias dans le monde, dont Le Parisien et Les Echos en France, identifiés par un petit éclair en haut à droite du titre, et intégrés directement sur le réseau social lorsqu’il est consulté depuis une application mobile.

Google est sur la même ligne: “à chaque fois qu’une page prend trop de temps à charger, on perd un lecteur”.

On estime à 5 secondes le temps maximum supporté pour le chargement d’une page avant que l’internaute perde patience et fuit. C’est peu. Autant dire que la vitesse à laquelle on accède à une information est plus que clé. C’est la condition sine qua non pour que les lecteurs s’informent en 2016.

* Le light

Pour obtenir des pages en ligne qu’elles s’affichent vite, il faut qu’elles soient légères. Or le Web en général souffre d’une grave crise d’obésité.

Il y a trop d’éléments qui clignotent dans tous les sens, des lignes de code qui sont très gourmandes en bande passante, des photos qui pèsent des tonnes, sans oublier les publicités bien grassouillettes, dénonce Maciej Cegłowski, un ingénieur basé à San Francisco. “Vous avez bossé dur pour créer un beau site, optimisé pour être performant (…). Une fois cela fait, vos annonceurs vous mettent des merdes par dessus (…) dont l’objectif est de casser votre belle esthétique et d’accaparer l’attention du lecteur au détriment de ce pour quoi il était venu sur votre site”. Bientôt venu le temps du minimalisme numérique?

* La multi-publication

Fini le temps où l’on publiait ses contenus uniquement sur son site ou son application mobile. Désormais il faut “irradier” et s’incruster chez les autres.

Buzzfeed diffuse sur… 30 plates-formes extérieures à la sienne, martèle encore Jonah Peretti dans son mémo intitulé “a cross platform, global network”.

CNN produit des contenus exclusifs adaptés à des applications extérieures à la sienne, comme The List App, ou Snapchat, dont la partie informations, Snapchat Discover, a été lancée il y a un an. Promesse d’une “portée immense” auprès des jeunes, l’application mobile aux 100 millions d’utilisateurs actifs quotidiens suscite l’intérêt de multiples médias. En France, Le Monde a, a priori, remporté le pompon et est en ordre de bataille pour y publier des contenus toutes les 24h.

Sauf qu’à chaque plate-forme ses contenus, ses rythmes de publication, son écriture. Pas simple d’avoir des équipes compétentes pour chacune de ces plates-formes. Le Parisien, qui teste depuis quelques semaines les “instant articles” de Facebook, en revient. Pour l’instant, Guillaume Bournizien, directeur du marketing digital, s’est dit “déçu” lors de la conférence sur les nouvelles pratiques du journalisme organisée à Sciences Po, le 7 décembre 2015.

Dans la même optique, Libération a mis en place, lors des élections régionales de décembre 2015, un live d’un nouveau genre sur WhatsApp, l’une des applications de messagerie instantanée les plus populaires au monde avec 900 millions d’utilisateurs actifs chaque mois. Il s’agit d’informer sur téléphone des lecteurs “sans passer par notre application mobile ou par les réseaux sociaux traditionnels”, explique l’équipe après coup.

The Guardian s’est aussi essayé à WhatsApp en couvrant sur l’application le débat télévisuel des candidats républicains, avec l’inénarrable Donad Trump, aux Etats-Unis en décembre dernier.

Objectif: toucher des audiences qui ne sont pas dans les radars habituels des médias en allant les chercher là où elles se trouvent déjà.

* La vague américaine

Après le lancement en France de Le Huffington Post en 2012, puis Buzzfeed en 2013, d’autres médias nés aux Etats-Unis viennent s’implanter dans l’hexagone, avec des lancements prévus en 2016.

Une vraie vague américaine, dans un pays dont le nombre de pures players par habitant est plus élévé qu’ailleurs, et alors que l’un des premiers pure player français, Rue89, est englouti par sa maison mère, L’Obs. C’est le cas du Huffington Post, de Buzzfeed, de Mashable, de Business Insider et d’autres encore.

Tous, conscients du désavantage d’avoir des noms imprononçables par la majorité des Français, ont fait le choix de s’associer avec des médias déjà implantés dans l’hexagone : Le Huffington Post, avec Le Monde, Mashable, rattaché au pavillon de la chaîne internationale France 24, et Business Insider sous la houlette du groupe Prisma.

Marie-Catherine Beuth, ex-Le Figaro, va coordonner le lancement de ce pure player sur le marché français. “Business Insider, c’est un gros site aux Etats-Unis qui couvre l’actualité économique, les nouvelles technologies et la politique”, explique-t-elle au micro de l’émission L’Atelier des médias sur RFI. “ Titres malins, photos accrocheuses… L’idée, c’est d’informer de façon pertinente et efficace les nouveaux consommateurs d’informations”, ces fameux «millennials» qui délaissent les médias traditionnels, et que les annonceurs veulent à tout prix toucher.

* La vidéo

Ce n’est pas vraiment nouveau mais, en 2016, les médias traditionnels comptent mettre le turbo sur la vidéo. Au Monde, à BFM TV, à l’AFP, tout le monde veut produire des vidéos, toujours plus de vidéos en ligne. Même pour ceux dont l’image n’est pas le premier métier.

“La radio filmée n’est pas l’avenir de la radio, mais la vidéo, oui”, glisse Fabien Namias, le directeur général d’Europe 1. A Buzzfeed, 1 milliard de vidéos vues par mois, ils produisent mêmes des séries, disponibles sur l’Itunes Store. Le format vidéo est plein de promesses: facilement monétisable – quoique parfois bloqué, il peut aussi être très partagé sur les réseaux sociaux.

Reste une équation pas si facile à résoudre sur la vidéo: quels formats définir? Qu’est-ce qui marche en ligne et sur mobile? Entre les partisans des vidéos sans le son, qui peuvent se regarder sans écouteur, ceux qui pronent le format vertical, et ceux qui veulent des vidéos animées pour Snapchat, une foule de possibilités s’offre aux médias, à la fois pour raconter l’actualité chaude, et pour proposer des rendez-vous décalés.

* Les doutes

Est-ce un symptôme ou une conséquence des attentats qui ont touché la France en 2015? Alors que les journalistes ont travaillé parfois comme des automates pendant des semaines, ils ont fait face à une multiplication des théories du complot en ligne, des photos montées, ou, pire, de faux témoignages sincères. Des témoins, réellement paniqués, racontent n’importe quoi, dans les rues et sur les réseaux sociaux, croyant vraiment avoir entendu ci, vu ça. Il n’en est rien. Mais en ligne, climat de psychose oblige, la rumeur est comme la panique: irrationnelle.

Les journalistes français s’en souviendront: il leur faut aussi vérifier la véracité des paroles de tous ceux qui, ébranlés comme jamais, ont été traumatisés par ces drames.

Excellente année 2016 à tous !

Alice Antheaume

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Tout le monde se lève pour… Snapchat

Crédit: AA

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James Bond y fait sa publicité. Le président de la République y ouvre son compte en novembre. Et si Snapchat, l’application aux 100 millions d’utilisateurs actifs quotidiens, devenait un acteur incontournable dans le paysage médiatique sur mobile? Les contenus qu’y produit CNN “font des millions de vus chaque jour”, me soufflent les équipes de CNN. Même réaction du côté de Buzzfeed, qui évoque une “plate-forme incroyablement intéressante avec une portée immense”.

On n’en saura pas plus. Ni Buzzfeed, ni CNN, ni Fusion, ni Vice, qui figurent parmi les partenaires actuels de Snapchat Discover, la page dédiée aux informations, n’ont souhaité révéler de chiffres plus précis. Il faut donc se contenter de chiffres globaux. Lancé en janvier dernier, Snapchat Discover délivre chaque jour environ 160 sujets éphémères, d’une durée de vie de 24 heures. Des contenus vus par 60 millions de personnes chaque mois.

Les médias français dans les starting-blocks

“Snapchat est un réseau encore très jeune, qui a grandi extrêmement vite en très peu de temps”, excuse Ashley Codianni, responsable des publications de CNN sur les réseaux sociaux. Résultat, la plate-forme ne dispose pas encore d’outils de suivi de l’audience. “Je n’ai pas de données démographiques en temps réel, je ne sais pas si ceux qui nous lisent sont des hommes, des femmes, s’ils vivent en ville, ni quel âge ils ont”, reprend Ashley Codianni.

Pourtant, les éditeurs français rêvent d’en être. Lorsqu’Evan Spiegel, le patron de Snapchat, est venu en France il y a quelques semaines, il a rendu visite aux équipes du Monde dans l’idée de voir sur qui compter pour la suite. A priori, il n’y aura pas de page Discover pour la France, mais peut-être l’ouverture d’une “chaîne” auprès d’un média français, comme cela a été fait avec le britannique Daily Mail. A cette différence près que le Daily Mail rédige, comme les autres partenaires actuels de Discover, en anglais.

Dans les starting blocks pour cette éventuelle place française, que Snapchat ne confirme ni n’informe, Le Monde, Le Parisien et BFM TV sont très intéressés. Sauf qu’un nouvel entrant dans le cercle égale un sortant. Car la page est composée de 15 places, pas davantage, dont l’une peut être dédiée à une chaîne temporaire de contenus publicitaires – James Bond, Halloween, etc.

Enfin des jeunes !

Ce qui attire les candidats français, c’est que l’audience de Snapchat se connecte, pour la moitié d’entre elle, depuis un autre pays que les Etats-Unis. Surtout, ils espèrent y chasser une audience plus jeune que celle qu’ils touchent d’ordinaire – aux Etats-Unis, un tiers des jeunes de 18 à 34 ans possèdent un compte Snapchat. Une nouvelle lucarne pour ces éditeurs qui non seulement ne sont pas dans le périmètre des jeunes, mais ne sont même pas identifiés comme une source d’informations par ceux-ci.

“Ce qui est sûr, c’est que les utilisateurs n’ont aucune idée de ce qu’était CNN” avant de le découvrir sur Snapchat, selon Ashley Codianni. Cela fait la blague auprès des concurrents qui, dans le petit monde médiatique new yorkais, rient à l’idée que CNN détienne plus de spectateurs sur Discover que sur sa chaîne de télévision.

Julien Mielcarek, de BFM TV, l’a bien compris: “nous avons fait part à Snapchat de notre souhait de pouvoir travailler sur Discover si le service se lance auprès de médias francophones. L’enjeu est multiple, avec l’objectif évident de parler à un public plus jeune qui a moins l’habitude de regarder la télévision.”

Crédit: AA

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Le temps de consommation

Autre donnée, très regardée par les éditeurs: le temps de consultation, et donc le fameux “engagement” des lecteurs. D’après Snapchat, les meilleurs chaînes d’informations de Discover parviennent à scotcher leurs lecteurs de 6 à 7 minutes par jour, en moyenne.

“Notre audience passe de plus en plus de temps sur mobile et sur les plates-formes sociales. Snapchat est devenu un élément clé pour nous puisque nous savons qu’elle est utilisée par une audience jeune, diversifiée, qui y consacre une grande partie de son temps”, me confie Daniel Eilemberg, de Fusion.

Retour à la sélection humaine

Sauf que Snapchat n’est pas un réseau social comme les autres. Hors de question de se contenter d’y diffuser des contenus existants comme sur les réseaux sociaux, disent en substance les équipes de l’application. “Les (autres, ndlr) réseaux sociaux nous disent quoi lire en fonction de ce qui est le plus récent et le plus populaire. Nous voyons les choses différemment. Nous comptons sur les éditeurs et les artistes, pas sur les clics et les taux de partage, pour déterminer ce qui est important”. En clair, chez Snapchat, haro sur les algorithmes et vive l’humain. Mais l’humain coûte cher.

Côté éditeurs, c’est un investissement humain pharaonique. Pour produire sur Snapchat, Refinery29, un site de “style”, s’appuie sur une équipe de 10 personnes. Chez Fusion, 8 personnes sont missionnées pour ce faire. A CNN, 4 personnes y travaillent à temps plein. “La production sur Snapchat est très très chronophage”, souligne Ashley Codianni, arguant qu’aucun autre réseau social ne bénéficie de telles ressources dans ses équipes.

Or la production de contenus sur Snapchat requiert des compétences en graphisme et en animation qui ne sont pas l’apanage de tous les journalistes. En clair, il ne suffit pas de distribuer les liens en l’éditant avec un bon titre et une photo comme on le fait sur Facebook et Twitter. Il faut “construire un format qui met la narration en exergue”, tente d’expliquer Snapchat. Sachant que chaque éditeur produit entre 10 et 20 sujets originaux par jour sur Snapchat Discover, on comprend vite l’ampleur du travail.

Snapchat se considère comme un éditeur

D’autant que Snapchat a sa petite idée sur qui, parmi ses partenaires médias, peut produire quoi. Au début, par exemple, CNN produisait des sujets plutôt magazines, avant d’être encouragé à se concentrer sur le “breaking news”, pour donner aux utilisateurs la liste des 10 sujets importants du jour. Bref, ce qu’ils doivent savoir. Le présupposé de Snapchat est clair: a priori, les snapchatters ne consomment pas d’informations ailleurs. Néanmoins, l’un des utilisateurs de Snapchat Discover, interrogé par Business Insider, n’est pas dupe: “de ce que je peux en dire, la plupart des actualités et des vidéos sont juste du recyclage de ce que l’on peut trouver en ligne sur Vice ou ESPN”.

A Fusion, on évite le recyclage et on mise sur du contenu original fait “exclusivement” pour Snapchat, comme la série appelée “Outpost”, composée de mini-documentaires en vidéo d’1 minute chacun, sur des territoires inexplorés, ou la série “Vergaland” réalisée en format vertical, sur la carrière du mannequin et vedette Sofia Vergara, vue par les yeux de son fils.

“Il est impératif que nous nous adressions à l’audience de Snapchat avec du contenu attrayant, fait sur mesure, pour chaque plate-forme”, explique Daniel Eilemberg, de Fusion. Même stratégie du côté de CNN qui, en plus des contenus sur Snapchat, publie des listes sur une application en vogue aux Etats-Unis, The List App.

Nouvelles narrations à étudier

Le Monde, de son côté, reste prudent et réfléchit à ce nouveau type d’écriture avant d’annoncer quoique ce soit. Chez BFM TV, l’inspiration de CNN est évidente. “Si on se lance un jour sur Discover, on retrouvera évidemment ce qu’est BFM TV et son ADN, le direct, mais aussi des aussi des thématiques et des angles qui ne sont pas traités à l’antenne, comme les coulisses de la fabrique de l’information”, développe Julien Mielcarek. “Il y a un vrai enjeu sur la forme, comme c’est notable avec CNN sur Discover: on retrouve de l’information évidemment mais dans une navigation et des codes graphiques très éloignés de ce qu’est habituellement CNN, avec un environnement carrément pop”.

Reste une équation à deux inconnues à résoudre:

1. le temps passé sur Snapchat s’additionne-t-il au temps passé sur les réseaux sociaux? Est-ce du temps exclusif?

2. faut-il investir en temps et en ressources humaines sur Snapchat, une plate-forme dont les retombées économiques sont encore inconnues?

Si les publicités insérées sur Discover sont très chères payées par les annonceurs, faisant de cette page un spot “très désiré” selon Fortune, les revenus générés sont partagés entre le média et Snapchat: si c’est Snapchat qui vend la pub, en insérant entre les contenus de l’éditeur une page d’une seconde, c’est 50% pour Snapchat, et 50% pour le média. Si c’est l’éditeur qui commercialise la pub, c’est 70% dans sa poche et 30% pour Snapchat.

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Alice Antheaume

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