Quand j’ai compris… comment CNN fait des “lives” télévisuels

«C’est un jour historique», «nous allons entrer dans l’histoire», «la date sera inscrite pour la postérité». A la chambre des représentants des Etats-Unis, les envolées lyriques étaient légion, dans la nuit du 21 au 22 mars. Et le vote final leur a donné raison: par 219 voix contre 212, le texte de la réforme de la couverture de santé américaine a été adopté.

Moi qui ne connais que peu la télévision américaine, je suis restée scotchée devant le live fait par CNN. Pas en ligne, sur le petit écran. Vu le sujet, dont les arguments ont été rabâchés depuis des mois, c’était une gageure de garder en haleine les téléspectateurs. Une gageure que connaissent bien les chaînes françaises Public Sénat et La Chaîne parlementaire (les chaînes d’information en continu ont-elles un jour essayé?). Alors, comment procède CNN pour éviter le zapping sur un sujet «parlementaire»?

  • Le «cut»

La règlementation américaine favorise la télégénie du débat: les discours des représentants sont limités à 1 minute, ou 2 minutes maximum, tandis qu’au Sénat ou à l’Assemblée française, sénateurs et députés ont le plus souvent 4 ou 5 minutes devant eux. Voire plus. Et quand le président de la chambre des représentants sonne la fin de l’intervention, il n’y a pas de «ouh» possible, contrairement aux débats parlementaires français. C’est cut, et donc télévisuel.

  • Le suspense sur l’heure du vote

Au début, le vote devait avoir lieu à 19h, heure locale. Ensuite, «après 22h». Finalement, cela aura été juste avant minuit, après dix heures de débat entre démocrates et républicains. Pourtant, le «live» de CNN tient, qu’importe si la programmation initiale prévoyait tel ou telle émission ou série à la place. Les journalistes, en plateau, tiennent aussi, évidemment.

  • Le duplex

Plutôt que de filmer en longueur les débats de la chambre, avec des représentants des Etats américains qui répètent les mêmes arguments depuis un an («c’est le moment de montrer que la couverture médicale est un droit et non un privilège»), l’aller-retour est incessant entre d’un côté la chambre, et de l’autre, le plateau de CNN, avec cinq interlocuteurs serrés comme des sardines, les yeux rivés sur leur écran d’ordinateur.

  • Le côté «perso»

A la chambre des représentants comme sur le plateau de CNN, l’ambiance était aux confidences familiales. «Ma mère est morte à 52 ans parce qu’elle ne pouvait pas se payer d’assurance santé», raconte cette journaliste sur le plateau de la chaîne américaine. De la même façon, Obama avait lu un peu plus tôt des lettres d’Américains endettés jusqu’au cou par leurs factures médicales. En clair, on est passé du débat d’idées à l’alignement d’expériences personnelles. Quite à verser dans la démagogie, pour «personnifier» le débat, on n’a pas trouvé mieux.

  • Twitter à la télé

D’habitude, les tweets issus du réseau social aux 50 millions de messages postés par jour sont l’apanage des rédactions Web. Sauf que là, sur le plateau de CNN, l’un des invités était chargé de faire des points réguliers sur les réactions des internautes sur Twitter à propos de la réforme du système de santé. Les réactions les plus pertinentes, s’entend.

  • Les coupures pubs

Quand La Chaîne parlementaire française montre des plans sur les «suspensions de séance» de l’Assemblée, CNN multiplie des publicités. Ici, une pub pour une boutique de baseball, là, pour un appareil qui fait les dents blanches, ou encore, pour le supplément week-end du New York Times, qui offre une remise de – 50% et vous «permet d’entrer dans le débat». Ou surprise, une pub anti-assurance santé. Une pause fraîcheur, pour ainsi dire.

AA

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