2010-2011: Etat des lieux des médias américains

Crédit: AA

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Bonne nouvelle, annonce le rapport annuel du Pew Project for Excellence in Journalism intitulé The State of the News media, la situation des médias américains s’est améliorée en 2010. “Après deux années terribles, les licenciements se calment, et de nouvelles expérimentations autour des modèles économiques commencent à porter leurs fruits”, écrivent les auteurs de l’étude, Tom Rosenstiel and Amy Mitchell.

En réalité, c’est surtout pour le journalisme numérique que les indicateurs sont au vert, car pour la presse écrite, la radio, et même la télévision, cela ne va pas fort. Le pire étant le secteur de la presse imprimée, dont les rédactions ont vu leur taille rétrécir de 30% depuis 2000. Chiffres clés et résumé des tendances repérées après une année médiatique américaine rythmée par… la fusion entre le magazine Newsweek et le site The Daily Beast, le rachat du Huffington Post par AOL pour 315 millions de dollars, et la majorité de NBC Université acquise par Comcast.

Audience

  • Les Américains n’ont jamais été autant en contact avec des informations, un constat qui profite avant tout aux nouveaux médias.
  • En 2010, le numérique a été le seul secteur à voir son audience progresser. Tous les autres supports, télé, radio, presse écrite, déclinent. En décembre 2010, 41% des Américains interrogés (contre 17% l’année précédente) ont cité le Web comme étant l’endroit où ils lisent “le plus d’informations sur les sujets nationaux et internationaux”.
  • Pour consulter les informations autres que nationales et internationales, 46% sondés déclarent se connecter sur Internet au moins trois fois par semaine, quand seulement 40% d’entre eux lisent des journaux imprimés. C’est la première fois que les nouveaux médias supplantent les médias imprimés.
  • Le mobile joue maintenant un rôle majeur dans la consommation des médias, et s’avère très consulté pour obtenir des infos locales. 47% des Américains disent obtenir des infos concernant leur quartier/ville/région sur leurs téléphone portables, ou d’autres appareils mobiles, comme des iPpads. Nul besoin, pour les éditeurs, de fantasmer sur la consultation de news via l’iPad, puisqu’en janvier 2011, seuls 7% des Américains possèdent une tablette, et 6% un e-reader.
  • La télévision n’a plus le vent en poupe. La plus grosse dégringolade? CNN, avec un audimat, en prime time, 37% moindre que celui de l’année dernière. Les autres chaînes sont sur la mauvaise pente aussi: Fox perd 11% d’audience, et MSNBC 5%.

Revenus publicitaires

  • Pour la première fois aux Etats-Unis, les publicités en ligne ont généré plus d’argent que celles imprimées dans les journaux.
  • En 2010, les revenus publicitaires sur Internet ont augmenté de 13.9% par rapport à 2009, atteignant 25.8 milliards de dollars.
  • A l’inverse, les revenus publicitaires issus du papier ont atteint 22.8 milliards de dollars en 2010, chutant de 6.4% par rapport à 2009. Entre 2008 et 2009, l’effondrement avait été de 26%.
  • Le grand gagnant de cette course aux revenus publicitaires reste la télé locale, ou plutôt les télévisions locales, très établies aux Etats-Unis. En chiffre publicitaire, celles-ci font 17% de plus que l’année dernière, grâce notamment à un regain d’annonceurs issus de l’industrie automobile, et à des campagnes lors des élections des mid-terms.

Modèles

  • Les organisations éditoriales qui embauchent sont… en ligne. AOL a recruté près de 1.000 employés, Yahoo! a embauché des journalistes pour couvrir actualités, sport, et économie.
  • Aux Etats-Unis, seul 1% des utilisateurs paie pour accéder à des informations en ligne. Cependant, des “signes le montrent”, certains contenus peuvent bel et bien être achetés, assure le rapport du Pew Project. Mais seulement dans deux cas. Le premier est un cas très particulier, pour ne pas dire désespéré. Il consiste en cette hypothèse: si un journal local risquait de périr aux Etats-Unis, 23% des Américains seraient prêts à payer 5 dollars par mois pour en lire une version en ligne.  Quant au second cas, il concerne les seuls à avoir “réussi” leurs murs payants. C’est-à-dire ceux qui produisent des informations financières réservées à une audience qualifiée: le Financial Time, le Wall Street Journal, et Bloomberg. Selon le rapport, un modèle est peut-être né mais ne peut pas concerner les informations généralistes.
  • Selon le rapport du Pew Project, il faut comprendre que, désormais, les modèles économiques seront fragmentés. Jusqu’à présent, c’était simple. La télévision dépendait de la publicité, les journaux dépendaient de leur diffusion et en partie de la publicité. En ligne, il y a beaucoup “plus de joueurs autour de la table”, Apple prenant 30% des parts sur la vente des applications, Google 10% sur la plate-forme Android. “Une seule source de revenus ne suffit pas” à financer l’ensemble du média, détaille le rapport.

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Gamification, émotion, accélération: les mots de TEDx 2011

Crédit: Flickr/CC/photonquantique

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Ce samedi 15 janvier a eu lieu la 2e édition parisienne des conférences TEDx (Technologie, Entertainment, et Design), organisées à l’espace Pierre Cardin. Assister à cette journée, c’est une expérience composite. Un mélange assez séduisant qui mixerait les ingrédients de la conférence Le Web de Loïc et Géraldine Le Meur, d’une pièce de théâtre et d’un concert de musique. L’année dernière, lors de la première édition, j’y avais déjà consacré un W.I.P.

Au programme, une salle remplie à ras bord, des robots de téléprésence, et 18 interventions, de l’architecture intérieure réalisée par un aveugle (désarçonnant Eric Brun-Sanglard), du cerveau sans sexe (classique mais nécessaire Catherine Vidal), de la 4D bien expliquée (démonstration d’Etienne Parizot), en passant par une probable future révélation musicale (géniale Irma). Chacun a eu 18 minutes pour faire “le speak de sa vie”, c’est-à-dire formuler une idée qui vaut la peine d’être partagée, conformément aux règles de TED. Enfin, pas partagée à 100%, dans la mesure où les vidéos diffusées par Canal+ ne peuvent pas être “embedées” sur cette page, dommage.

Petit compte-rendu sélectif en trois mots liés au journalisme: “gamification”, émotion, et accélération.

Gamification

Il est le père des Nabaztag, ces lapins blanc connectés au Wifi et capables de parler. rafi Haladjian (avec un r minuscule) le sait, ses lapins étaient “un peu seuls”, au moment de leur création, en 2005. Un peu comme aux débuts de l’Internet, lorsque, “même si vous aviez le matériel, même si cela voulait bien marcher, avoir une adresse email ne servait pourtant à rien. Car vous ne connaissiez personne à qui envoyer un message”, rappelle-t-il.

Aujourd’hui, les lapins communicants se sentiraient moins isolés, dans la mesure où se sont développés depuis d’autres objets communicants, comme le… Snif Tag, un boîtier accroché au collier de votre chien qui vous permet de suivre en temps réel ce que fait votre animal de sa journée (!), ou bien la balance Whitings qui annonce votre poids sur Twitter à chaque pesée. “Qui connecte un oeuf connecte un boeuf”, s’amuse à ériger comme maxime rafi Haladjian.

Gadget que tout cela? Peut-être. Mais cela participe de ce que rafi Haladjian appelle la “gamification”, un néologisme qui montre la volonté de donner “une logique de jeu aux pratiques” du quotidien, comme le fait le réseau social Foursquare, en proposant aux internautes de gagner des badges à chaque fois qu’ils s’identifient dans le lieu où ils se trouvent. Qui sait? Demain, en nous lavant les dents, nous pourrons peut-être gagner des points, voire un match contre un adversaire se brossant aussi les dents, moins longtemps, et moins dans les coins que nous.

Emotion

Une “BD reportage” sur le bidonville de Kibera, situé à Nairobi, où l’on découvre ce que sont des “toilettes volantes”, une autre qui dessine la situation au Sud Liban, avec cette jeune fille de 19 ans qui raconte comment une grenade a emporté sa jambe… Patrick Chappatte, dessinateur de presse pour le quotidien suisse Le Temps et l’International Herald Tribune, veut montrer “l’implication de la grande actualité sur la vie ordinaire“. Et pour cela, il croit aux vertus du dessin, dont “la simplicité permet de retrouver l’émotion (…) et qui peut aider à raconter le monde, un monde de plus en plus compliqué”.

Autre avantage du dessin d’actualité, selon Patrick Chappatte: “Intéresser les lecteurs à des sujets qui ne les auraient pas intéressé” en temps normal.

Et si le dessin, pas nouveau dans la presse, était l’un des futurs possibles du journalisme? “Tout ce que je dessine est vrai, reprend Patrick Chappatte. Je travaille comme un journaliste traditionnel, je pars en reportage, je fais des rendez-vous, je réalise des interviews, et ensuite, je mets en dessin les anecdotes les plus parlantes”. Une façon de raconter journalistiquement la vérité, comme l’ont fait aussi Joe Sacco sur la Palestine et la Bosnie, ou Art Spiegelman avec Maus, l’histoire dessinée d’un couple rescapé de la Shoah, qui lui a valu le graal journalistique, un prix Pulitzer en 1992.

Accélération

Un autre intervenant évoque, sans l’expliciter, l’information. Via son discours sur les paradoxes de la vitesse, Jean-Louis Servan-Schreiber, fondateur des revues Pyschologies et Clés, l’annonce: “L’ère de la vitesse n’aura duré que 175 ans”. Et il montre, pour ce faire, l’image d’une pierre pierre tombale d’une dénommée “Plus vite”, née en 1825, et morte en l’an 2000, année du crash du Concorde.

Depuis lors, Servan-Schreiber estime que nous avons arrêté de chercher à aller plus vite. Désormais, la vitesse ne progresse plus, et pourtant, l’accélération continue. Accélération d’informations à gérer, minute par minute, via SMS, emails, coups de téléphone, qui mène, dit l’homme, à un “abêtissement par accumulation” qui nous empêcherait de “réfléchir” et de prendre des décisions valables. Pas très temps réel, cette fois.

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