#Npdj12: les 6 tendances du journalisme numérique

Crédit photo: Ecole de journalisme de Sciences Po/ Morgane Troadec

Mobile, audience, contenus, vidéos instantanées… En conclusion de la conférence sur les nouvelles pratiques du journalisme organisée le lundi 10 décembre 2012 par l’Ecole de journalisme de Sciences Po, Joshua Benton, directeur du Nieman Lab, a énoncé six grandes tendances du journalisme numérique. Les voici.

>> Revivre le live réalisé lors de cette journée marathon (merci à tous les étudiants de l’Ecole de journalisme de Sciences Po qui ont produit vidéos, photos, textes et tweets…) >>

1. L’ascension mobile

«Les rédactions sous-estiment l’importance du trafic provenant du mobile», juge Joshua Benton. Et c’est dommage, car la percée du mobile révolutionne de fond en comble la façon dont les lecteurs vont consommer de l’information. En outre, il y aura bientôt plus de connections depuis le mobile que depuis un ordinateur. C’est déjà le cas à certains moments de la journée sur le site du Guardian. En France, sur lemonde.fr, le changement s’est déjà opéré: il y a désormais plus de pages vues sur le mobile que sur le site Web d’informations. J’ai déjà écrit plusieurs WIP sur ce sujet, ici et .

2. La montée des contenus «évolutifs»

Fleurissent des applications qui permettent de calibrer les contenus en fonction du support depuis lesquels on les lit. Ainsi, l’application Circa pioche à droite et à gauche les informations les plus importantes du jour et les ré-édite afin qu’elles soient lisibles sur un petit écran de smartphones, avec les faits d’un côté, les photos de l’autre, les citations. Pour ne plus avoir besoin de zoomer, de dézoomer et de scroller sur son téléphone pour espérer lire une histoire. Summly, une autre application mobile, fait des résumés des sources que l’utilisateur sélectionne, en les formatant pour une lecture mobile.

Les contenus «évolutifs» ne sont pas qu’une question de supports. Il s’agit aussi des temps de lecture: si un lecteur vient pour la première fois sur un site, il ne verra pas la même chose que celui qui est déjà venu plusieurs fois, et qui veut donc repérer d’un coup d’œil ce qui est nouveau depuis sa dernière venue, ainsi que le théorise cette start-up appelée Aware.js «Et si on pouvait proposer différents éléments d’un même contenu en fonction de ce que le lecteur sait ou ne sait pas?».

3. L’entrée par la porte arrière

L’accès direct sur les sites, et notamment par la page d’accueil, baisse au profit d’autres entrées, par les réseaux sociaux, sur Facebook et sur Twitter. «Le partage est la nouvelle méritocratie des contenus», lance Andrew Gruen, chercheur à l’Université de Cambridge et de NorthWestern, intervenant aussi à la conférence.

«A quoi sert la page d’accueil maintenant qu’elle ne sert plus comme la porte d’entrée principale?», s’interroge Joshua Benton, qui cite l’exemple de Quartz, une rédaction américaine née en 2012 et qui a d’abord conçu son application sur tablette et sur mobile avant de dessiner son interface sur le Web. Du coup, ils n’ont plus vraiment de page d’accueil, leur page d’accueil est un flux sur lequel on peut lire les articles en intégralité et les uns à la suite des autres.

Alors que l’entrée par la page d’accueil du site du Nieman Lab ne concerne que 6% de l’audience (48% pour le New York Times et 12% pour The Atlantic), Joshua Benton parie qu’il pourrait écrire des gros mots sur la page d’accueil sans que personne ne les remarque avant un bon moment. Bref, il faut exporter sa marque et ses marqueurs d’identité sur d’autres chemins d’accès que la seule page d’accueil.

A cet effet, le New York Times a créé «TimesWire», un fil d’actualités publiées de façon chronologique, avec le plus récent en haut. «Cela s’adresse aux utilisateurs du New York Times qui se fichent de lire les éditoriaux, mais qui veulent avoir la plus récente actualité en tête», reprend Joshua Benton.

Crédit: AA

4. L’essor de la vidéo en live

Qui n’a pas sa plate-forme de vidéos en direct? UStream et LiveStream sont désormais bien installés dans le paysage, YouTube a fait une percée remarquée avec la diffusion en live du saut supersonique de Félix Baumgartner, le 14 octobre dernier, et le Huffington Post a une plate-forme de live-streaming pour les vidéos. Tout.com surfe aussi sur cette tendance: cette technologie permet de produire des vidéos instantanées, d’une durée maximale de 15 secondes, téléchargeables en moins de 30 secondes, des quasi-tweets. «Ne me parlez pas, montrez moi!», lance Michael Downing, président de Tout.com, un autre intervenant de la journée, qui rappelle que, depuis 15 ans, le Web a été dessiné par la culture du papier…

5. La nouvelle garde

La nouvelle garde journalistique arrive en ligne et ne passe pas inaperçue. Le Huffington Post a obtenu cette année un prix Pulitzer pour un sujet sur des anciens combattants américains au retour d’Irak et d’Afghanistan, Buzzfeed s’est illustré avec sa couverture politique de l’élection présidentielle américaine, et la plate-forme de publication proposée par Vox Media en scotche plus d’uns… Voilà quelques exemples qui augurent d’une nouvelle génération de journalisme numérisée.

6. La poussée de la globalisation

Le Huffington Post a un seul CMS (Content Managing System) et huit déclinaisons internationales, dont l’Italie, en Espagne, en Angleterre, en Italie, etc. Al-Jazeera veut, en plus de sa version arabe et sa version chinoise, se tourner vers la Chine et vers une audience turque. Bref, un média, même national, a intérêt à se tourner vers d’autres marchés, à parler d’autres langues…

Alice Antheaume

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Buzzfeed au pays des merveilleux contenus sociaux

Crédit: AA

A l’entrée de Buzzfeed, au 11ème étage d’un immeuble new-yorkais à la façade non ostentatoire, trône un immense badge jaune vif sur lequel est écrit en lettres noires «LOL». C’est ce même macaron qui orne le site, ainsi qu’une ribambelle d’autres, tels que OMG (Oh My God), geeky, cute, fail, etc. Ces badges au look très années 80 sont un moyen de classer les contenus en fonction des émotions de l’audience: alors que les lecteurs peuvent «badger» une vidéo, une liste, une image ou un lien avec l’une des catégories proposées, un algorithme répartit ensuite les contenus dans telle ou telle section.

Bienvenue dans les entrailles d’un drôle de site qui se considère moins comme une rédaction que comme une société de nouvelles technologies. A sa tête, Jonah Peretti, une star de la viralité et du mobile, et Scott Lamb, le directeur de la rédaction, à l’origine du compte Twitter moquant la jambe de grenouille d’Angelina Jolie lors des Oscars, et invité de la conférence sur les nouvelles pratiques du journalisme organisée lundi 10 décembre 2012 par l’Ecole de journalisme de Sciences Po (1).

Tout est fait maison

Ni l’un ni l’autre ne prétendent faire du journalisme, mais du «contenu social», oui. Pour alimenter la machine, une cinquantaine de producteurs de contenus, les «buzzfeeders», appelés aussi des éditeurs – «même si on se déteste de ne pas avoir trouvé de meilleur qualificatif», confie Ben Smith, le rédacteur en chef – plus une trentaine de développeurs, la «plus grosse équipe de dév’ qui existe sur le marché» de l’information en ligne, et, enfin, une équipe intitulée «Growth» dédiée à la croissance de l’audience. Celle-ci, dirigée depuis un mois par Dao Nguyen, une ancienne du Monde.fr, veut travailler davantage sur des ressorts technologiques que sur du marketing ou du SEO (search engine optimization, ou référencement) pour analyser le trafic et le «booster».

Car, à Buzzfeed, tout est fait maison, rien n’échoie à des prestataires de services. Les serveurs leur appartiennent, le CMS est développé en interne, les formats et applications aussi, et même les pubs…

Crédit: AA

«Les rédactions traditionnelles sont un peu ennuyeuses», soupire Ben Smith, qui a pourtant travaillé pendant des années au New York Observer, au New York Daily News puis à Politico, et, à chaque fois, pour y couvrir la politique américaine. Depuis qu’il a rejoint Buzzfeed en janvier 2012, il semble ne pas avoir encore posé ses valises. Dans le bureau en verre qu’il occupe, attenant à la rédaction, rien n’est encore installé, à l’image du média qu’il dirige. Des cartons non déballés stagnent dans un coin, et les fauteuils ont encore leurs étiquettes.

Après son arrivée, il a monté la section politique du site, présidentielle américaine oblige. S’il n’y a pas (encore) de section économie ni finance sur Buzzfeed, la culture Web y règne en maître, avec des «verticaux» pour la cuisine, la technologie, lifestyle, la musique, les animaux, et des intitulés inédits, comme «rewind» (en gros, des agrégats de souvenirs) et LGBT, l’acronyme de « lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres».

Avec des bureaux à New York, Washington DC et Los Angeles, Buzzfeed s’attache les services de journalistes habitués à faire du terrain, dont Richard Rushfield et Kate Aurthur, venus du Los Angeles Times. De quoi étoffer les équipes centrées jusque-là sur l’agrégation de perles repérées sur le réseau, sur l’édition de listes, très prisées sur le Web, et la création de GIFS animés.

Participer aux conversations

La ligne éditoriale de Buzzfeed? S’incruster dans les conversations sur les réseaux sociaux, voire créer de quoi y susciter le débat. Pour cela, cap sur des contenus qui valent la peine d’être partagés sur le Web. «On ne vient pas sur Buzzfeed pour lire, on y vient pour partager des contenus», martèle Ben Smith. Lorsque, dans des rédactions ordinaires, on surveille l’actualité avant de définir un angle, à Buzzfeed, on regarde 200 posts sur Tumblr chaque matin avant de trouver un sujet. «Le social est notre point de départ», reprend Ben Smith, qui estime que le contenu fonctionne d’autant mieux s’il est de la toute dernière fraîcheur.

«Créer un phénomène viral, ce n’est pas seulement faire en sorte que les gens cliquent sur des contenus. On veut les emmener plus loin et faire en sorte qu’ils partagent ces contenus sur les réseaux sociaux ou par email», explique Matt Stopera, l’un des éditeurs de Buzzfeed. Quant aux utilisateurs, ils sont encouragés à signaler tout élément intéressant à la rédaction via un formulaire assez strict. «Les lecteurs sont des auteurs et nous sommes l’agence de ces auteurs», dit encore Ben Smith.

Outre les histoires de chats et d’humour potache, Buzzfeed veut publier des longs formats, comme l’histoire du jeu vidéo Pong, créé en 1972, un format dont le site PaidContent se demande s’il ne devrait pas inspirer les magazines.

Pour l’instant, tout fonctionne comme sur des roulettes: le modèle Buzzfeed, avec ses 30 millions de visiteurs uniques par mois, fait l’objet de convoitises et embauche à tour de bras.

Autre spécificité notable: Buzzfeed n’a pas de scrupule à mettre les annonceurs en majesté et à mélanger publicité et rédactionnel – ce que les Américains surnomment «advertorial». Dans des rédactions ordinaires, la publicité est vue par la rédaction comme une quasi salissure. Chez Buzzfeed, parmi les informations mises en ligne, on trouve des contenus créés par des utilisateurs, par des éditeurs de Buzzfeed, et… par des marques, signalées par la mention «proposé par (nom de l’annonceur)», mais en réalité assez proches des autres productions de Buzzfeed, dont ces listes de Virgin Mobile. Alors que, sur d’autres sites, les espaces publicitaires sont bien définis, avec, par exemple, des bannières publiées en colonne de droite, Buzzfeed ne s’embarrasse pas de tant de cérémonie. Le site est allé jusqu’à altérer son nom et son logo (Buzzfaux) pour les besoins d’une campagne de publicité de Campbell Soup.

Alice Antheaume

(1) Je travaille à l’Ecole de journalisme de Sciences Po et, de ce fait, à l’organisation de la conférence du 10 décembre 2012.

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#Npdj11: «Connaître l’audience doit aider à faire du bon journalisme»

Crédit: Olivier Lechat

Innovation, audience, gestion des contenus créés par des utilisateurs, vérification en temps réel, télévision connectée aux réseaux sociaux… Tels ont été les sujets abordés lors de la conférence sur les nouvelles pratiques du journalisme organisée le vendredi 2 décembre par l’École de journalisme de Sciences Po, où je travaille, en partenariat avec la Graduate School of Journalism de Columbia. Résumé des interventions.

>> Revivre le live réalisé lors de cette journée marathon (merci à tous les étudiants de l’Ecole de journalisme de Sciences Po qui ont produit vidéos, photos, textes et tweets. Cet article a été rédigé en s’appuyant notamment sur leur live!) >>

Mesure de l’audience et ligne rédactionnelle

Emily Bell, directrice du centre de journalisme numérique à Columbia, ex-The Guardian

«L’audience n’est plus l’apanage du service marketing, elle est dans les mains des journalistes. En cours, à la Columbia, je pose la question à mes étudiants: “pour qui écrivez-vous?”. C’est une question nouvelle – avant, on ne le leur demandait pas car il y a encore ce syndrome, très ancré dans la culture journalistique traditionnelle, selon lequel il ne faudrait pas trop faire attention à ce que dit le public, car cela risquerait de contaminer la pensée des journalistes, et de leur faire croire que le public préfère lire des sujets sur Britney Spears plutôt que sur la crise de la Grèce.

Il faut donc connaître son public: qui est-il? D’où vient-il? Comment interagit-il avec les articles? On ne peut pas ignorer ce que dit l’audience, ni ce qu’elle pense, sinon on met en péril son activité journalistique. Il faut utiliser la connaissance et la mesure de l’audience pour faire du bon journalisme.»

>> Lire Et si les journalistes n’écrivaient que ce que les lecteurs lisent? sur WIP >>

Ce que les statistiques nous apprennent sur l’audience et sa façon de consommer des informations

Dawn Williamson, de Chart Beat

«Le journalisme d’aujourd’hui ressemble à l’industrie sidérurgique d’il y a 50 ans. Avant les années 60, la sidérurgie était exploitée dans d’immenses et coûteuses usines. Jusqu’à ce qu’apparaissent d’autres exploitations, plus rapides, plus petites et moins coûteuses. Au début, les grosses usines d’acierie refusaient de travailler avec ces nouvelles petites usines, de peur qu’elles produisent de la moins bonne qualité. On peut dire qu’aujourd’hui, des sites comme le Huffington Post sont comme les mini-aciéries des années 60. Ils produisent du contenu journalistique pour moins cher que les rédactions comme le New York Times.

Au départ, pour se lancer, le Huffington Post (mais aussi Gawker et Business Insider) ne s’est pas intéressé à la qualité mais à sa plate-forme. Le Huffington Post s’est d’abord créé une place, en révolutionnant le marché, puis est monté dans la chaîne de valeur, au point d’embaucher parfois des journalistes du… New York Times.

Pour prendre des décisions éditoriales, ces nouveaux sites donnent accès, pour leurs journalistes, aux données de mesure de l’audience. Et ce, via des outils, dans le backoffice, comme ChartBeat, et NewsBeat, afin qu’ils puissent voir, en temps réel, ce qui intéresse l’audience. Exemple aux Etats-Unis, concernant la députée américaine démocrate Gabrielle Giffords, qui a reçu une balle dans la tête lors d’un meeting, en janvier 2011. Fox News a pu voir, via l’analyse des termes de recherche liés à cette fusillade sur ChartBeat, que le public cherchait à en savoir plus sur le mari de Gabrielle Giffords. Surveiller les intérêts de l’audience, ce n’est pas une course vers le bas de gamme, ni un fichier Excel à lire, c’est un environnement dans lequel les journalistes doivent vivre.»

>> Lire Accro aux statistiques sur WIP >>

Innover dans une rédaction, discours de la méthode

Gabriel Dance, éditeur interactif pour The Guardian US, ex-directeur artistique pour The Daily, l’application iPad de Rupert Murdoch, et ex-producteur multimédia au New York Times

«Les clés pour innover? D’abord être “fan” de quelqu’un qui vous inspire, un génie que vous ne perdrez jamais de vue. Le génie que je suis de près? Adrian Holovaty, fondateur du site EveryBlock. Ensuite il s’agit de surveiller ce que font les autres rédactions. Il ne suffit pas de copier les innovations des autres, car votre audience le saura et aura l’impression d’être trompée, il faut améliorer la copie en allant plus loin, en essayent d’imaginer ce que pourrait être l’étape suivante. Etre dans la compétition, ce n’est pas négatif, ce n’est pas mettre quelqu’un à terre, c’est faire monter son propre niveau.

Pour trouver l’inspiration, il faut regarder ce qu’il se passe en dehors du journalisme, comprendre ce qui excitent les gens et pourquoi. L’interface des jeux vidéos peut être une bonne source d’inspiration. Qu’est-ce qui fait que cela marche? Et comment pourrais-je adapter cette interface pour raconter une histoire journalistique? Telles sont les questions auxquelles il faut répondre pour réussir à inventer d’autres formats.

Autre clé pour innover: connaître ses limites (taille de l’équipe, temps, technologie, concurrence). Car oui, des contraintes peuvent sortir de la créativité. Et puis, l’innovation ne vient pas en une fois. Pour ma part, je fais des dizaines et des dizaines de brouillons avant de publier quoique ce soit.»

La TV sociale, ce que cela change pour l’information et la programmation

Mike Proulx, co-auteur du livre Social TV

«Nombreux sont ceux qui ont prédit la mort de la télévision, mais en fait, on ne l’a jamais autant regardée. Aux Etats-Unis, on la regarde en moyenne moyenne 35h par semaine, selon Nielsen. En outre, la convergence entre Web et télévision a une très grande influence sur la façon dont on regarde la télévision. C’est ce que j’appelle la télévision sociale, c’est-à-dire la convergence entre réseaux sociaux, comme Facebook et Twitter, et télévision. On regarde un même programme sur deux écrans, le premier (l’écran télé) pour voir le programme, le deuxième (ordinateur, tablette, mobile) pour commenter et réagir au programme.

C’est la force de Twitter. Au moment où Beyoncé a montré son ventre rond lors des MTV Video Music Awards à Los Angeles en août, il y a eu un pic sur Twitter avec 8.868 tweets par seconde, tweets liés à l’annonce de sa grossesse. Un record. Twitter, qui compte 100 millions de comptes actifs, a de l’impact sur la production des informations. Et ce, sur quatre tableaux:

1. Les “breaking news” de toute sorte arrivent d’abord – et de plus en plus – sur Twitter, de l’amerrissage en catastrophe de l’avion sur l’Hudson, au tremblement de terre au Japon, en passant par la mort de Ben Laden – au point que Twitter en a fait sa publicité avec ce slogan, “Twitter plus rapide que les tremblements de terre”.

2. Pour trouver des sources. Twitter est un outil très utile pour les journalistes qui cherchent à contacter des gens qui pourraient leur raconter des histoires, comme l’a fait Jake Tapper d’ABC.

3. Pour rester connecté en permanence, et faire du journalisme tout le temps.

4. Pour intégrer des tweets à l’intérieur des programmes télévisuels, comme l’a fait l’émission 106 & Park, dans laquelle les questions venant de Twitter sont posées aux invitées pendant le show. Twitter peut vraiment être considéré comme une réponse directe de l’audience à ce que s’il se passe à la télévision. Exemple avec le débat du candidat républicain Rick Perry qui a eu un trou de mémoire au moment de citer le nom de l’agence gouvernementale que son programme prévoit de supprimer. C’est “l’effet Oups”, aussitôt répercuté sur Twitter. Jusqu’à présent, on était habitués à regarder la télévision avec votre famille et vos amis, désormais, on la regarde avec le monde entier.»

>> Lire le mariage royal de la télévision et de Twitter sur WIP >>

Le fact checking en temps réel, comment ça marche?

Samuel Laurent, journaliste politique au Monde.fr, ex-lefigaro.fr

«Le fact checking doit se faire de plus en plus rapidement, c’est une réponse à la communication politique. Le fact checking publié une semaine après n’aura pas le même impact que s’il est réalisé très vite. Au Monde.fr, notamment via le blog Les Décodeurs, nous faisons du fact checking participatif. Non seulement les lecteurs peuvent nous poser des questions, mais nous faisons aussi appel à eux pour leur demander de nous aider à trouver des chiffres, ou au moins, des pistes.

Autre moyen de faire du fact checking en temps réel: le live. Pour Fukushima ou pour des débats politiques, comme lors de la primaire socialiste. Le but est de vérifier la véracité de ce que disent les politiques sur le plateau télé. Par exemple, au deuxième débat de la primaire socialiste, 65.000 personnes étaient connectées à notre live. A la rédaction, nous étions quatre journalistes à animer ce live, dont deux uniquement sur le fact checking. Il faut vraiment se préparer en amont, avoir des fiches, des bons liens sur les sujets qui vont être abordés, et se nourrir de sites avec des chiffres comme vie-publique.fr par exemple. Le fact checking en temps réel est un vrai plus, et le sera encore davantage lorsque la télévision connectée sera installée dans les foyers.

Après, dire que l’on fait du fact checking en live, tout le temps, serait prétentieux. Parfois, cela nécessite un travail de fond que l’on ne peut pas réaliser en 3 minutes. Faire un vrai décryptage c’est ne pas se contenter de la parole politique. Mais en vrai, c’est un exercice sans filet, où le fact checking est parfois sujet à interprétation. Ce ne sont pas des maths, il y a parfois des zones grises (cf les “plutôt vrais”, “plutôt faux” du blog Les Décodeurs). Néanmoins, Nicolas Sarkozy a pu dire pendant deux ans qu’un bouclier fiscal existait en Allemagne avant que l’on vérifie et qu’on écrive que ce n’était pas le cas».

>> Lire le fact checking politique sur WIP >>

Comment vérifier les informations venues des réseaux sociaux?

Nicola Bruno, journaliste, auteur pour le Reuters Institute Study of Journalism d’un travail de recherche intitulé “tweet first, verify later”

«Maximilian Schäfer, du journal allemand Spiegel, l’a dit: le fact checking ne concerne pas la vérification des faits, mais la fiabilité des sources. Or il est de plus en plus difficile de s’assurer de la fiabilité de ses sources, parce que l’on a moins de temps pour cela, parce que les sources sont multiples et disséminées sur les réseaux sociaux, et aussi, parce que, sur Internet, personne ne sait que vous êtes un chien. Enfin, si, selon Paul Bradshaw, du Guardian, qui assure qu’on laisse tant de traces sur le Net que, même si l’on ne connaît pas la source, on peut déterminer son sérieux en fonction de son empreinte numérique.

Et dans les rédactions comme la BBC, le Guardian ou CNN, les approches sont différentes. Au Guardian, ils privilégient la vitesse, donc ils publient d’abord, ils vérifient après. A CNN, qui s’appuie sur iReport, une partie du site où des amateurs peuvent partager leurs infos (environ 10.000 iReports/mois), le contenu n’est pas vérifié tant qu’il n’a pas été sélectionné par la rédaction. Côté BBC, qui reçoit environ 10.000 contributions par jour de la part des utilisateurs, la vérification des contenus venus des réseaux sociaux est beaucoup plus stricte. Une équipe surveille les réseaux sociaux 24h/24, cherche et appelle des sources éventuelles. Leur principe? Vérifier d’abord, publier après. Twitter s’est révélé une très bonne source pour la couverture du tremblement de terre à Haïti. Ça, on peut le dire aujourd’hui, mais à l’instant T, comment en être sûr?

Concernant les outils, pour vérifier les contenus générés par les utilisateurs, il y a TinEye pour les images, et Exif pour savoir avec quel appareil celles-ci ont pu être prises, mais aussi Google Maps et Street View pour les lieux. Et pour savoir si une photo a été retouchée? Le site Errorlevelanalysis.com. Il n’y a pas de secret, on utilise toujours les mêmes principes de vérification, issus du journalisme traditionnel, le tout boosté par les nouveaux outils et les réseaux sociaux.»

>> Lire la présentation sur Storify de Nicola Bruno >>

>> Lire Information venue du Web, check! sur WIP >>

Internaute, mon semblable, mon frère?

Julien Pain, journaliste à France 24, responsable du site et de l’émission les Observateurs

«Notre force, à France 24, c’est d’avoir une base de données de 20.000 personnes dans le monde, dont 3.000 sont labelisées “observateurs” parce qu’on les a jugées fiables. Tous les contenus des utilisateurs sont vérifiés avant publication, mais le plus difficile à vérifier pour nous, depuis Paris, ce sont les vidéos. Dès qu’il se passe quelque chose dans l’actualité, la rédaction à Paris passe en revue les observateurs présents dans la région concernée et les appelle.

Que peut-on demander à des amateurs? Nous “alerter” sur des choses qui se passent, “capter” des bribes d’actu et “vérifier” des éléments. Que ne peut-on pas leur demander? Fournir des papiers clés en main avec le titre le chapeau et l’information présentée de façon concise, ou de se déplacer sur commande (et gratuitement). Mon travail est d’autant plus intéressant lorsqu’il concerne des pays où il n’y a pas de journalistes, surtout lorsque les amateurs nous montrent des images que les autorités ne veulent pas que l’on voit. Le problème, c’est que les bons contenus n’arrivent pas tout seuls sur le site de France 24, il faut aller les chercher.

Quant à la vérification, elle n’est seulement le fait des journalistes. Les amateurs peuvent nous aider à vérifier des images, et leur connaissance culturelle du pays est inestimable dans cette tâche. Les contenus amateurs explosent dans les lives, et s’entremêlent aux contenus professionnels. On l’a vu à France 24, et même à Reuters qui le fait dans ses lives. L’avenir? L’image amateur diffusée en live… Et le risque de commettre des boulettes.»

>> Lire Le type du Web répond au grand reporter, la tribune de Julien Pain sur WIP >>

>> Lire Information venue du Web, check! sur WIP >>

NB: Cette conférence a aussi été l’occasion de remettre le prix de l’innovation en journalisme Google/Sciences Po et des bourses de mérite aux étudiants. Félicitations aux lauréats!

Alice Antheaume

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Nouvelles pratiques du journalisme 2011: à suivre

Vendredi 2 décembre 2011. Rendez-vous pour la troisième conférence internationale sur “les nouvelles pratiques du journalisme”, organisée par l’Ecole de journalisme de Sciences Po, à Paris, et la Graduate School of Journalism de Columbia, à New York.

Prix

A cette occasion, le premier prix de l’innovation en journalisme, organisé par Google et l’Ecole de journalisme de Sciences Po, sera remis aux lauréats.

Programme

Au programme de cette journée, des professionnels des contenus éditoriaux, venus de part et d’autre de l’Atlantique, pour évoquer la difficile gestion des statistiques en temps réel, l’innovation (ou pas) dans les rédactions, la télévision “sociale”, la vérification des contenus venus du Web, le fact checking en temps réel, etc. Des sujets chers à W.I.P.

Live

Pour suivre les discussions, poser des questions (avec le hashtag #npdj11 sur Twitter), mieux comprendre les évolutions du journalisme, les étudiants de l’Ecole de journalisme de Sciences Po mettent en place un “live” accessible en cliquant ici.

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