L’ascension du GIF animé jusqu’au sommet journalistique

C’est la renaissance du GIF. Et du GIF animé s’il vous plaît. Ce format, dont l’acronyme signifie Graphics Interchange Format, a eu son heure de gloire à la fin des années 1990 sur le Web. Consécration en 2012: de gadget humoristique, le GIF est devenu, à 25 ans, un outil de storytelling pour le journalisme numérique.

“Plus convaincant qu’une photo statique et plus immédiat que la vidéo Web, le GIF animé (…) a grandi, et il est partout en ce moment”, peut-on lire sur le site Poynter. Partout, et surtout à l’occasion des Jeux Olympiques qui se sont déroulés à Londres cet été.

Un vieux format remis au goût du jour

Sur The Atlantic Wire, une succession de GIF animés permet de comparer les performances de gymnastes en compétition, en montrant si la pirouette sur les barres asymétriques est réalisée avec plus ou moins de hauteur, ou si la chute finale après un enchaînement de figures sur la poutre est maîtrisée ou vacillante. Dans ce cas, le GIF fait office de ralenti télévisuel: il décompose l’action de l’athlète, frame par frame, et sert, il faut bien de le dire, de façon efficace la démonstration. Surtout pour les novices qui ne distinguent pas ce qui fait la différence entre une médaille d’or et les autres en gymnastique.

Crédit : The Altantic Wire

Les mauvaises langues rétorquent que l’utilisation journalistique du GIF concerne forcément les sujets sur lesquels des chaînes de télévision ont obtenu l’exclusivité des droits de retransmission – au hasard les JO et autres événements sportifs. Mais, au delà de la question des droits, le GIF est un format alléchant du point de vue journalistique. Il permet de saisir ce que l’on ne pourrait voir via une image fixe ou une vidéo de plusieurs minutes…

“Les GIFS sont une passerelle entre l’image et la vidéo, ce qui est incroyablement utile dans la couverture du sport ”, observe Kevin Lincoln, éditeur de la rubrique sport de Buzzfeed, cité par le Nieman Lab. “Pas besoin de parcourir ni d’écouter l’ensemble d’une vidéo, et malgré tout, vous obtenez le mouvement et l’action qui fait que le sport est sport”. Mieux: Buzzfeed a développé un outil, “Rub me” (frottez-moi), qui permet aux internautes de changer le cours du GIF avec leur souris (MISE A JOUR du 30 août, 15h, grâce au commentaire de Laurent Suply, du Figaro, merci!).

Et, tournant en boucle, le GIF exacerbe les émotions, intensifiant l’expression de joie ou d’abattement d’un sportif.

Emotion sportive et politique

Exacerber les émotions… En politique, cela marche aussi. Les équipes de Barack Obama l’ont bien compris et utilisent ce ressort pour la campagne présidentielle américaine. Dans un email intitulé “high five”, envoyé le 24 août 2012, et signé “Obama for America”, figurent pas moins de quatre GIFS animés, où l’on voit l’actuel président des Etats Unis embraser la foule.

Crédit : Obama for America

 

Autre exemple, trouvé sur le Tumblr de Barack Obama: ce GIF d’une jeune femme américaine folle de joie quand, dit le titre, “mon chéri m’a dit qu’il n’allait pas voter pour Romney”.

Crédit: thatfeministmoment

Si le GIF redevient à la mode, c’est aussi parce que c’est le format viral par excellence. Léger (presque aucun temps de chargement, même sur téléphone portable), silencieux (ce qui, quand on consulte des informations dans un open space au bureau, est appréciable), son taux de partage sur les réseaux sociaux, et sur les Tumblr, se montre exceptionnel. La raison est simple: un GIF animé se suffit à lui-même.

Ses défauts sont d’ailleurs le pendant de son avantage.

  1. il s’avère très distrayant. Tant et si bien que placer dans un article des GIFS animés, avec des images en mouvement permanent, comme je le fais ici, peut empêcher la lecture de l’écrit.
  2. Autre inconvénient de ce format: il est très difficile à “sourcer” (à la fois l’auteur du GIF et la provenance des images). Chaque GIF bénéficie en effet d’un tel potentiel de viralité qu’il se retrouve aussitôt échangé, envoyé, partagé sur le réseau. Un obstacle pour les journalistes, supposés citer leurs sources dans un contenu.

Un moment fort, en quelques secondes

Néanmoins, le GIF peut être moins guignolesque qu’il n’y paraît. En témoigne l’utilisation par le New York Times de GIFS animés assez subtils – voire romantiques – de la statue de la Liberté, à New York, entourée d’eau qui ondule et les feuilles des arbres qui tremblent.

En France, les GIFS ont aussi fait leur apparition cet été sur les sites d’informations: pour le sport, bien sûr, mais aussi, sur le site de France TV Info, pour montrer le salut d’extrême droite fait par Breivik, condamné à 21 ans de prison pour le massacre d’Utoya, à la fin de son procès en Norvège.

Crédit : France TV Info

“Il faut que l’image s’y prête”, m’explique Thibaud Vuitton, rédacteur en chef adjoint de France TV Info. C’est-à-dire qu’elle incarne un moment fort de l’actualité, tout en ne durant que quelques secondes. Pour lui, c’est un format intéressant car “dynamique sans avoir l’agressivité d’une vidéo en autoplay”.

Et, argument ultime pour les éditeurs, me rappelle Jean-François Fogel, professeur associé de l’Ecole de journalisme de Sciences Po, le GIF est un bon pourvoyeur de trafic, puisqu’il est hébergé sur une page dédiée du site, contrairement à une vidéo qui, même très vue, ne fait pas monter le nombre de pages vues (MISE A JOUR du 30 août, 15h15).


Travaux pratiques

Et pour finir, quelques outils pour fabriquer son propre GIF animé:

    • Depuis un site Web

      Gickr ou Picasion (deux sites très rapides à utiliser, sur lesquels on télécharge jusqu’à 10 photos, on sélectionne la vitesse de rotation, et hop, c’est terminé)

        • Depuis un mobile

          GifBoom et Cinemagram (deux applications mobile, la première étant intégrée à un réseau social, et la seconde permet de donner une allure plus “arty” à ses GIFS)

          Bonne rentrée à tous !

          Alice Antheaume

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          Liens du jour #12

          Comment les écoles de journalisme françaises s’adaptent-elles aux mutations, et à la nécessité d’apprendre aux étudiants à faire l’info sur les réseaux sociaux? (Telerama.fr)

          Les JO d’hiver de Vancouver, du pain béni pour un site d’info hyperlocal à… Vancouver (OJR: The Online Journalism Review)

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