Liens du jour #29

C’est officiel: les téléphones servent de moins en moins à téléphoner, mais de plus en plus à agréger des données (New York Times)

Y a-t-il une vie après Facebook? (Bits)

Entre public et privé, la nouvelle guerre des médias sur le Net (AFP-Mediawatch)

lire le billet

El Comercio tague à tout va

W.I.P. demande à des invités de donner leur point de vue. Ici, Jean-François Fogel, consultant et Professeur associé à Sciences Po, en charge de l’enseignement du numérique à l’école de journalisme.

Le site péruvien d’El Comercio propose depuis un semestre une formule dégagée de toute référence au quotidien imprimé. Une architecture de tags à l’état pur, sans artifices de présentation. Un succès à méditer.

Réussir un site d’information, c’est facile quand on a les idées claires. Un coup d’oeil sur celui du quotidien péruvien El Comercio suffit pour le vérifier. Le succès de sa nouvelle formule est stupéfiant. Il est passé de 2,8 millions de visiteurs uniques, l’été dernier, à 4,3 millions en mars 2010. Son plus plus proche concurrent le talonnait à guère plus de 100.000 visiteurs uniques; cet écart a été multiplié par onze! Et, plus significatif, la durée moyenne des visites a explosé, passant de 3mn 17s à 19mn 49s.

La semaine dernière à Mexico, les responsables du site, Pablo Mancini, son gérant, et Fabricio Torres, son rédacteur en chef, expliquaient leur recette devant les représentants des quotidiens leaders de onze pays d’Amérique Latine rassemblés dans le “Grupo de Diarios de América” (GDA), une association favorisant l’échange des contenus rédactionnels et des expériences. Les réunions du GDA sont des séances compactes mais, pour une fois, tout a failli traîner tant il y avait à décortiquer sur ce site qui ne rappelle en rien le journal imprimé qui lui a donné sa marque (El Comercio est une sorte de “Figaro” du Pérou, avec des cahiers multiples et une quadrichromie abondante proposés à un lectorat aisé).

DR

Crédit: DR

L’architecture de la page d’accueil procède d’une innovation sans réserve avec l’empilage de “solutions” superposées. Aucune logique journalistique, aucun souci de présentation et pas davantage de volonté de construire une hiérarchie journalistique dans cette page; il s’agit d’une boîte d’outils qui servent à empoigner l’information avec de haut en bas:

– un header sur fond jaune invitant à s’inscrire dans la communauté des internautes d’El Comercio, ou à entrer en relation avec le site par téléphone mobile ou RSS.

– une première barre de navigation traitant seulement des principaux thèmes choisis par la rédaction (les prochaines élections, la coupe du monde de football, la gastronomie, etc.).

– un bloc graphique de neuf images qui occupe tout un écran. Chaque image correspond à ce que la rédaction nomme un “canal”, en fait à une page de tag qui l’alimente. Une des neufs images est utilisée pour la publicité ou la promotion.

– une barre de navigation vert pâle consacrée uniquement au football (au Pérou, en Italie, en Espagne, etc.)

– une barre de navigation rouge permettant de naviguer parmi des tags groupés selon des catégories classiques (économie, technologie, spectacles, etc.) avec au total une formidable offre d’environ 230 tags.

– Et enfin, un flux de contenus rangés de la façon la plus simple du monde, dans l’ordre anté-chronologique, le dernier publié ou mis à jour venant en tête.

Le site d’El Comercio ne fait pas mine d’avoir des rubriques ou d’afficher des titres à la façon d’un média imprimé. Hormis les neuf images de son premier écran sur la page d’accueil et ses barres de navigation, il ne connaît que le tag et le flux. Pas de sujets “magazine”, pas de pseudo processus d’édition, seule la mécanique des tags est à l’ouvrage pour servir l’information et la ranger de façon dynamique. Les quelques thèmes sur lesquels la rédaction a décidé de s’investir se trouvent dans la barre de navigation la plus haute, ce sont donc des paris joués de façon durable. Il suffit de cliquer sur l’un des onglets de cette barre pour voir que toute la page d’accueil change avec le même déferlement automatisé de tags, de barres de navigation et de flux traitant d’un seul thème. Chaque page de tag se plie à la même logique: offre de flux puis offre de tags. La page de contenu propose de même un article au-dessus de listes de tags avec pour seule frontière l’empilement des commentaires.

Interrogé sur l’explication de la croissance de leur machine à taguer, les deux responsables répondent en citant les trois seules obligations de leur politique rédactionnelle: tout contenu doit inclure au moins un lien; tous les titres doivent être écrits en utilisant des mots-clés ; tout ce qui existe d’intéressant dans les autres médias péruviens doit être repris au moins dans un lien. Réseau, référencement, agrégation: c’est simple comme le web.

Le plus étonnant est que le site fonctionne sans moteur sémantique pour générer les tags. A chaque production d’un contenu, les journalistes doivent ajouter des tags qui appartiennent à trois catégories: évènement, thème, personnalité. “Je travaille avec eux pour éviter que la rédaction des tags ne soit trop dispersée, dit Fabricio Torres. Ecrire un tag est encore plus important qu’écrire un article car si on le fait mal, l’audience ne verra jamais ce qui a été produit.” Grâce à ce souci rédactionnel de bien étiqueter les contenus, il n’existe que 32.000 tags après six mois de fonctionnement, un petit chiffre quand on connaît la dynamique explosive de cette génération d’étiquettes.

Last but not least, le site propose aux internautes l’accès à tous les codes et toutes les applications qu’il a développés. A la question: à quoi ressemble un site d’information bâti comme si la presse n’avait jamais existé auparavant?, on peut répondre El Comercio.

lire le billet

Liens du jour #24

Impossible de gagner de l’argent en produisant de l’information? (Gawker)

.com, trois lettres et un signe de ponctuation qui ont changé le monde (blog Reuters)

Twitter commence à vendre ses services aux médias (AFP Mediawatch)

lire le billet

Carlo de Benedetti: «Ce qui est gratuit ne vaut rien»

Lui, c’est le président du groupe L’Espresso. Un groupe en forme d’empire qui détient le quotidien italien La Republicca, connu notamment pour ses questions non complaisantes et ses révélations sur les affaires de Silvio Berlusconi, l’hebdomadaire L’Espresso, seize quotidiens locaux, trois radios et… une régie publicitaire. Car Carlo de Benedetti est avant tout un homme d’affaires. Il regarde donc de près la «valeur» des informations publiées.

Il donnait ce jeudi 18 février une conférence à Sciences Po, à Paris, sur le thème «Internet et journaux: la voie de la démocratie contre le populisme». Résumé de la séance de questions / réponses entre Carlo de Benedetti et l’assistance.

Vous opposez la presse écrite, qui serait le lieu d’un journalisme approfondi et d’analyse, à Internet qui ne produirait que dans l’urgence. Pourtant, il existe des sites d’informations et des pure-players qui publient des contenus de qualité…

Oui, il existe des sites de fond. C’est l’une des raisons pour laquelle il faut payer pour les contenus de ces sites. Pour moi, ce qui est gratuit ne vaut rien, ça n’a pas de valeur. Internet va déboucher dans un espace de dualité avec, d’un côté, des informations très générales gratuites et, de l’autre, des informations plus approfondies qui devront être payantes. Internet a quelque chose à apporter: en Italie, on a refait les contrats de travail dans les médias, pour obliger les journalistes du papier à alimenter le site de leur journal. Il y a des sites d’information très approfondis, dont le nombre de visiteurs reste relativement limité. Mais y a-t-il vraiment des sites gratuits de qualité?

Vous dénoncez également le risque d’Internet de mener au populisme…

Je ne dis pas qu’Internet ne soit pas un outil spectaculaire de transmission des messages. On l’a vu avec l’organisation du «No Berlusconi Day» (le 5 décembre 2009, des dizaines de milliers d’Italiens descendaient dans la rue à l’appel de bloggeurs pour réclamer la démission de Silvio Berlusconi, ndlr) pour en Italie ou du «Move On» (une organisation pro-Obama qui organisait des rassemblements pendant la campagne, ndlr) aux Etats-Unis pour Barack Obama. Ces rassemblements de masse sont rendus possibles par les réseaux sociaux et permettent une expression de la démocratie «home made». Mais j’ai peur de la possibilité – et du risque – de fuite dans un populisme qui peut être très dangereux. Internet est un instrument. Les réseaux sociaux sont seuls capables de faire venir des centaines de milliers de personnes à un seul endroit. Mais sur Internet, un danger subsiste s’il n’y a pas de point de référence pour faire la différence entre être informé et avoir une opinion, entre savoir et connaître.

Mais Internet permet l’expression de chacun sur l’actualité, notamment avec le journalisme citoyen. Que pensez-vous de ce phénomène?

Un journaliste professionnel peut toujours être critiqué pour son apparente présomption: il semble se prendre pour un arbitre sur des sujets qu’il ne connaît pas forcément en profondeur. Mais je pense que la retranscription d’un événement ne doit pas être faite par des gens qui n’ont pas les compétences pour mettre en ordre un raisonnement. Ou alors ce n’est plus du journalisme, c’est de l’information brute. Les deux peuvent parfois coïncider mais ce sont bel et bien deux choses différentes.

Ozal Emier

lire le billet

Liens du jour #15

Traquer le parcours d’une souris sur un ordinateur? C’est possible avec une application spéciale (blog Bits du New York Times)

Facebook a étudié l’humeur de ses utilisateurs (dans leurs statuts) pendant la St Valentin. Résultat de l’étude ici (Allfacebook.com)

Les Français convaincus de la complémentarité d’Internet et des journaux? C’est ce qu’avance une étude TNS Sofres / EPIQ (Youvox)

lire le billet

Liens du jour #14

Itinéraire chronologique de la couverture de la collision des trains en Belgique, du premier tweet jusqu’à Google News (Ecole de journalisme de Sciences Po)

Vous aussi, vous pourrez bientôt être comme Tom Cruise dans Minority Report (blog Bits du New York Times)

Pourquoi MySpace et Internet pourraient tuer Rupert Murdoch (Newser)

Mégalopolis, le journal du très grand Paris, est en kiosques et… en ligne

lire le billet