C’est la rentrée à l’Ecole de journalisme de Sciences Po. Après Jay Rosen, l’année dernière, Bill Nichols, le directeur de la rédaction de Politico, a donné ce jeudi 1er septembre sa leçon inaugurale sur le journalisme politique, version américaine. En évoquant l’expérience de ce site, Politico.com, “qui a un journal, et non l’inverse”, il a listé sept principes, en guise de conseils aux étudiants en journalisme. Les voici.
1. Ne publier que des sujets intéressants
Ce premier principe peut paraître évident, et pourtant, assure Bill Nichols, “des articles inintéressants, les journaux américains en publient depuis des décennies, estimant que s’ils les écrivent, c’est que, bien sûr, leurs lecteurs vont les lire”. Sauf que… non. Le directeur de la rédaction de Politico insiste: “si vous ne donnez pas une bonne raison à vos lecteurs de vous lire, ils ne vous liront pas, et vous êtes morts”.
2. Ne permettre aucune division dans la rédaction
Bill Nichols n’en revient pas qu’en France, les journalistes d’un même titre soient le plus souvent répartis dans des rédactions différentes en fonction de leur support, avec d’un côté, le Web, et de l’autre, le journal papier. A Politico, “il n’y a pas – et il ne peut pas y avoir – une personne pour le Web, et une autre personne pour l’imprimé. Une seule personne fait les deux”. L’avantage, avance-t-il, c’est que l'”on se concentre tous sur le fait de faire du bon journalisme”, sans guerre de tranchées entre journalistes à l’ancienne et nouveaux geeks.
3. Ouvrir les portes
“La transparence a du bon”, reprend Bill Nichols qui se souvient de ce qu’il détestait tant dans les médias traditionnels: “the voice of God tone” – disons, en VF, “le ton de Dieu de père” avec lequel les journalistes, se sentant investis de cette mission “supérieure” d’informer le peuple, s’adressent parfois à leur lectorat. Avec le Web, cette façon de sélectionner les informations et de les diffuser du “haut vers le bas” a rendu “cette vision des choses impossible”, tranche Bill Nichols, et cette pratique journalistique aussi. “Tout le monde a le droit de savoir comment on prend nos décisions éditoriales, à Politico, et comment on couvre tel ou tel sujet, et… pourquoi on se trompe parfois”.
La transparence, erreurs comprises, donc. De fait, Bill Nichols le reconnaît: sa rédaction a écrit des centaines de fois “nous sommes désolés” lorsque de fausses informations ont été publiées. La première erreur de Politico? C’était en 2007, seulement deux mois après que le site a été lancé, en janvier 2007. Politico avait alors annoncé que John Edwards ne serait plus candidat à la primaire démocrate, en vue de la présidentielle, à cause du cancer de sa femme. Information reprise par d’autres médias avant d’être démentie. L’auteur de l’article, Ben Smith, s’est fendu d’un billet pour présenter ses excuses. En vivant cette expérience, Bill Nichols a d’abord cru défaillir, avant de comprendre qu’il ne fallait écrire que ce que l’on sait, sans prétendre faire un article définitif, et compléter l’information au fur et à mesure.
4. Développer du journalisme de niche
Le plus difficile, estime Bill Nichols, c’est de “réussir avec un site d’infos généralistes”. Pour lui, le secret réside dans le journalisme de niche. “Vous devez convaincre vos lecteurs que vous allez leur offrir quelque chose qu’ils ne peuvent pas lire ailleurs” – or ils peuvent lire beaucoup ailleurs. Il vaut mieux couvrir en profondeur quelques domaines, assure le directeur de la rédaction de Politico, plutôt que de multiplier les sujets sans être spécialiste. “Sur nos sujets (La Maison Blanche, le Congrès américain, la politique à Washington DC), on peut vraiment rentrer dans les détails, et on offre aux lecteurs qui s’intéressent à ces sujets tout ce qu’ils veulent savoir”.
Cette ligne éditoriale ne va pas sans quelques frustrations. “En réalité, l’affaire Dominique Strauss-Khan ou l’ouragan Irène ne sont pas tout à fait au coeur de ce que Politico traite”. Et Bill Nichols de rappeler ce qu’il avait raconté en février lors d’un précédent WIP: au moment de la mort de Michael Jackson, c’est dur, pour un journaliste, de se dire que ce sujet ne sera pas couvert sur le média pour lequel il travaille. N’y tenant plus, Politico a finalement publié un diaporama du chanteur posant aux côtés de personnalités politiques américaines. Façon de ré-angler cette nouvelle vers la politique, comme le veut l’ADN de Politico.
5. Ne pas oublier la vitesse
Le temps réel n’est pas un mythe. Armés de leurs smartphones, les consommateurs d’informations veulent qu’on leur “dise maintenant/tout de suite ce qu’ils doivent savoir”. A ceux qui se demandent si l’instantanéité est une bonne ou mauvaise chose pour le journalisme, Bill Nichols refuse de répondre. Pour lui, ce n’est pas la question. “Le temps réel, c’est la réalité de ce qui arrive au journalisme, et qui doit pousser les journalistes à changer leurs usages”.
6. Utiliser les vieilles compétences journalistiques
Parmi les fondamentaux du journalisme, Bill Nichols tient à l’obligation d’objectivité. Selon le patron de la rédaction de Politico, c’est une évidence: oui, un article doit rendre compte des deux parties d’une histoire, sans privilégier l’une sur l’autre. De même, les journalistes ne doivent pas exprimer leurs préférences dans leurs écrits. Enfin, il faut faire la différence entre une opinion et un fait. Néanmoins, un article qui serait une succession de “il dit…”, puis “elle dit…” serait trop limité. C’est alors que Bill Nichols évoque le concept d'”objectivité 2.0″. Comprendre: une façon de raconter les faits qui soit juste, sans jugement de valeur, mais qui permette au lecteur de se faire une opinion dans l’univers de surabondance d’informations disponibles sur le Web.
7. Faire du reportage
L’agrégation, qui permet d’être connecté aux plates-formes, de faire du lien sur le réseau, d’entrer dans les conversations, et de sélectionner les histoires les plus pertinentes publiées par d’autres, c’est bien. Mais, selon Bill Nichols, cela ne saurait remplacer le reportage. “C’est ce que le journalisme oublie parfois.”
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Bonne nouvelle, annonce le rapport annuel du Pew Project for Excellence in Journalism intitulé The State of the News media, la situation des médias américains s’est améliorée en 2010. “Après deux années terribles, les licenciements se calment, et de nouvelles expérimentations autour des modèles économiques commencent à porter leurs fruits”, écrivent les auteurs de l’étude, Tom Rosenstiel and Amy Mitchell.
En réalité, c’est surtout pour le journalisme numérique que les indicateurs sont au vert, car pour la presse écrite, la radio, et même la télévision, cela ne va pas fort. Le pire étant le secteur de la presse imprimée, dont les rédactions ont vu leur taille rétrécir de 30% depuis 2000. Chiffres clés et résumé des tendances repérées après une année médiatique américaine rythmée par… la fusion entre le magazine Newsweek et le site The Daily Beast, le rachat du Huffington Post par AOL pour 315 millions de dollars, et la majorité de NBC Université acquise par Comcast.
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A regarder The Social Network, qui sort en salles mercredi 13 octobre, le rêve est là, à portée de clic. Il se résume ainsi: “Depuis un simple ordinateur, la technologie te permet de créer quelque chose qui peut changer la société. Tu n’as pas besoin de secrétaire, ni d’immeuble remplis de bureaux, ni d’employés”, comme le résume cet article du New York Times, intitulé “La version filmique de Zuckerberg divise les générations“. C’est là le “génie” du fondateur de Facebook, s’enthousiasme la génération digitale, quand les plus âgés ne peuvent s’empêcher de le trouver “vraiment trop méchant”. Un film clivant, donc?
Entre ambition et honneur
Au-delà du débat sur la personnalité du plus jeune milliardaire de la planète, le film illustre une quasi guerre des religions, comme le note The New York Observer: celle qui voit s’affronter Zuckerberg, “juif à l’ambition impitoyable”, contre les jumeaux Winklevoss, purs WASP de l’Université d’Harvard, se décrivant eux-mêmes comme des “gentlemen” et prêts à tout pour faire respecter, disent-ils, la noblesse du “code de l’honneur”. Dans la vraie vie, comme dans le film, Tyler et Cameron Winklevoss ont porté plainte contre le fondateur de Facebook, qu’ils accusent d’avoir volé leur idée de réseau social, et d’avoir fait croire qu’il travaillait pour eux alors qu’il construisait à son propre site. En 2008, ils ont déjà obtenu en justice 20 millions de dollars de réparation et 45 millions de dollars en actions. Ils ont fait appel.
Et les femmes dans tout cela?
Dans le film, elles sont reléguées au rang des groupies, ou, pire, d’objets: on les voit via des photos mises en ligne sur Facebook, sur lesquelles leurs congénères masculins cliquent pour évaluer leur sex-appeal. Slate.com s’interroge: The Social Network est-il sexiste? La seule fille qui ait un rôle, c’est l’ex-chérie de Mark Zuckerberg, Erica Albright (incarnée dans le film par Rooney Mara), qui, sans le vouloir, est à l’origine de Facebook, projet monté par Zuckerberg par désespoir amoureux, si on lit le scénario entre les lignes. A ce titre, la scène d’ouverture s’avère édifiante: c’est une scène de rupture amoureuse articulée comme si le dialogue se faisait par chat sur Facebook.
Outre Mark Zuckerberg (joué par Jesse Eisenberg) et son acolyte Eduardo Saverin (Andrew Garfield), le héros du film, c’est Facebook (trombinoscope en français). Un réseau créé en 2004 qui a su développer “une addiction chronophage, décrypte Le Monde Magazine. En moyenne 23 heures par mois sont passées sur Facebook. Mais des temps d’utilisation de 40 à 60 heures mensuels n’ont rien d’inhabituel”. Pour parfaire le tableau, rappelons que Facebook détient plus de 500 millions de membres d’inscrits, et sa valeur est aujourd’hui estimée à 33 milliards de dollars (23,6 milliards d’euros). Reste que, même si l’on voit beaucoup de personnages du film “manger du code (html, ndlr)” pour construire les coulisses de Facebook, The Social Network n’est pas un documentaire sur le plus gros réseau social du monde qui décrirait par le menu l’histoire du poke ou les enjeux de la vie privée.
L’ode aux entrepreneurs
Oui, le vrai Zuckerberg a emmené sa vraie équipe voir une projection du film avec le fictif Zuckerberg. C’était “fun”, apparemment, rapporte Reuters. De fait, selon Pete Cashmore, le patron de Mashable qui en fait sa chronique sur CNN, le créateur de Facebook ne peut pas ne pas aimer ce film. Toute l’histoire sonne vraie pour les entrepreneurs des nouvelles technos: “les bonnes idées ne donnent rien sans un indéfectible investissement et des innovations permanentes”.
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lire le billetAvec ses 3.700 employés dans le monde, Associated Press est à la fois une coopérative et l’une des plus grosses agences de presse de la planète (à titre de comparaison, AFP a 2.900 correspondants dans le monde). «Chaque jour, plus de la moitié de la population voit des informations signées AP», lit-on sur leur site Web.
Dans leurs bureaux de New York, le centre névralgique d’AP, le silence est notable. Surprenant pour une rédaction qui, sur le seul plateau new yorkais, voit se succéder 400 personnes jour et nuit. «Le jour de lélection présidentielle américaine, lorsque nous avons su qu’Obama était élu, il n’y a pas eu un bruit, sinon celui des doigts sur le clavier des journalistes qui écrivaient à toute vitesse des dépêches», me raconte Tom Kent, rédacteur en chef en charge de la déontologie.
Silence, on écrit
Pas un cri de joie ou soupir de mécontentement? «Peut-être qu’intérieurement, certains journalistes regrettaient ou se réjouissaient de la victoire d’Obama, reprend Tom Kent, mais ils ne l’ont pas exprimé ouvertement. Notre rédaction est neutre et objective, c’est la marque de fabrique d’AP.» Et ce, depuis 1846, date de création de l’agence.
Malgré le déluge de tweets et autres informations publiées sur le Web (en France, les infos AP sont accessibles sur Yahoo!), la tradition d’AP n’a pas bougé. Pas d’opinion personnelle, politique ou religieuse sur Twitter ou ailleurs. De même, interdiction pour un journaliste d’AP de faire un «breaking news» sur un réseau social avant que son agence ne la publie dans ses propres tuyaux.
Charte déontologique
Le travail de Tom Kent, c’est – entre autres – de gérer les questions éthiques à AP. «Je vérifie que les articles sont équilibrés, que les sources sont identifiées, et que les journalistes n’en écrivent pas davantage que ce qu’ils savent.» Pas de place à l’interprétation ni aux projections, donc. Des règles qu’AP a écrites dans une charte, disponible ici.
«Dans une dépêche de cette semaine, par exemple, on apprenait que, selon une étude, les Américains se marient plus tard. Le journaliste a interprété ce résultat comme étant peut-être une conséquence de la crise économique. Or si cela n’a pas été prouvé par une étude, on ne peut pas faire de conclusion hâtive.»
Comment faire pour vérifier la déontologie des centaines d’articles diffusés? «Nous avons une liste de mots-clés susceptibles de poser problème, liste que nous enrichissons de nouveaux termes en temps réel, m’explique Tom Kent. A chaque fois qu’un journaliste écrit un mot de cette liste dans une information, cela m’envoie un email d’alerte.» Dans cette liste se trouvent les mots «Dimitri Medvedev», parce qu’il est souvent mal orthographié, et… «Wikipédia». «Nous exigeons que nos correspondants n’utilisent pas l’encyclopédie en ligne comme source», reprend Tom Kent.
Sur le plateau, les rédacteurs ont devant eux quatre écrans. L’un pour Tweetdeck, le deuxième pour observer la concurrence, le troisième pour les mails et messageries instantanées en interne, et le quatrième pour publier, éditer et mettre à jour les dépêches de l’agence. Et cela va vite, très vite.
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Le temps de dire ouf, et l’éditrice en charge du desk d’Amérique du Nord, Maria Sanminiatelli, a des dizaines de messages en attente qui clignotent dans sa boîte, en provenance des bureaux de Phoenix, de Louisiane, de Californie, de l’Indiana, lui annonçant quels sujets seraient suivis et comment. Faire une pause de deux minutes? Impensable. Non seulement des centaines d’informations arrivent, mais en plus plusieurs versions d’une même histoire (pour l’international, pour le national, pour le local).
Métronome horaire
Partout dans la rédaction trônent des écrans affichant l’heure aux quatre coins du globe. A 16h29 pile, Tom Kent interrompt notre discussion et file à la «réunion de 16h30». Des représentants des services business, économie, international, infographie et social média arrivent toutes affaires cessantes. «Londres? Washington?» 16h30, une partie des bureaux de la planète AP sont réunis via le téléphone «pieuvre». A l’écran, sont affichées les infographies prêtes à être publiées.
Les sujets sont passés au crible, les décisions pour mettre l’accent sur telle ou telle histoire se prennent quasi instantanément. «Nous n’avons pas de photo sur les inondations du Mexique. Les seules images dont nous disposons sont des vidéos tournées il y a une semaine!» Réponse du service international: «Un hélicoptère survole actuellement la zone, avec un de nos photographes à bord.» Tom Kent regarde la pendule, il est 16h39. «Il faut que cette réunion dure moins de 15 minutes», me confie-t-il. Le matin, celle de 8h45, idem. Seule la réunion de 10h30, la plus importante des trois, peut s’étendre pendant 30 minutes.
Quelle information mérite un «urgent» pour AP? «Avant, quand nous ne travaillions que pour les journaux imprimés, c’était simple. On se demandait “qu’est-ce qui pourrait faire la couverture des journaux demain?” Maintenant que nos informations sont publiées sur Yahoo!, sur Facebook, sur notre chaîne de vidéos YouTube, il faut tenir compte de l’audience. Les frasques de Lindsay Lohan intéressent le public, donc oui, on peut faire des urgents avec.»
A AP comme ailleurs, l’audience réagit aux choix éditoriaux. «Un lecteur mécontent nous a écrit un mail assez dur aujourd’hui. Il ne comprend pas pourquoi il reçoit des “pushs” sur son mobile à propos de, dit-il, “tout sauf ce qui le concerne, à savoir l’histoire de l’étudiant qui a ouvert le feu à l’Université au Texas et s’est tué“». Réponse du service incriminé: «Nous aurions dû envoyer un alerte sur cette info-là aussi». Fin du débat.
La transition
Le plus gros défi d’AP, estime Tom Kent, a été de passer aux informations multimédia (photos, sons, vidéos, infographies, etc). En interne, la transition ne s’est pas faite en douceur. Il y a d’abord eu ce discours du «board» d’AP en 2004, un discours dont les mots résonnent encore dans la tête des journalistes de l’agence.
«Notre avenir dépend du multimédia. Si on continue à ne faire que du texte, c’est simple, on ferme l’agence et on perd tous nos jobs.» Tout le monde a obéi à l’injonction, détaille Tom Kent. Bâtons et carottes ont complété le dispositif. Côté bâton, l’entretien individuel annuel dispose d’une case particulière: «est-ce que le collaborateur joue la collaboration avec les services multimédia? Oui/Non». Si la réponse est non, cela a un impact sur l’évaluation du salarié, et pénalise son augmentation salariale. Côté carotte, un système de récompenses a été mis en place. Chaque semaine, 500 dollars sont attribués à l’auteur ou aux auteurs de la meilleure information hebdomadaire. La «meilleure» information de la semaine n’est pas être une simple dépêche, il est préférable qu’elle ait été mise en scène de façon multimédia. A la fin de l’année, les comptes sont faits: le service qui a obtenu le plus de récompenses hebdomadaires gagne 2.000 dollars.
Une sorte de Google Analytics pour AP
Comme l’AFP, AP est tourmentée par le vol de ses contenus. Elle prépare donc la riposte avec un outil, baptisé «news registry», dont la sortie est prévue en décembre, qui permettra de traquer les contenus sur le Web, et d’avoir des données mises à jour en temps réel sur leur diffusion. Il s’agit de savoir quel site utilise quelles informations d’AP…
C’est donc une sorte de Google Analytics développé spécialement pour AP. L’objectif est double: 1. Mieux connaître les usages de l’audience et «nous améliorer en conséquence». 2. Obtenir des preuves que tel ou tel client doit payer son abonnement à AP car X contenus de l’agence sont diffusés sur sa plate-forme et lui apportent X trafic. «Nombreux sont nos partenaires qui disent qu’ils ne veulent plus nous payer puisque nos contenus sont indexés sur Yahoo!, en accès gratuit», assure l’un des journalistes. Une situation que connaît l’AFP, dont une partie des dépêches sont indexées par Google News. Et qui a aussi son outil, Attributor, pour repérer les contenus volés, comme l’expliquait Frédéric Filloux dans sa Monday Note. Oui, l’éthique avant tout.
Utilisez-vous AP en France? Faites-vous plus confiance aux contenus des agences que ceux des sites Web d’infos?
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Cela a été l’un des points d’orgue de la conférence organisée à Oxford, les 4 et 5 février 2010, par Reuters Institute for the study of journalism: la présentation du rapport La Reconstruction du journalisme américain, publié à l’automne 2009.
«Les journaux et les télévisions qui font de l’info ne vont pas se volatiliser dans le futur, bien qu’on entende souvent prédire leur disparition imminente (…)». Dès la première des 98 pages de leur rapport, Leonard Downie, vice-président du Washington Post, et Michael Schudson, auteur d’un ouvrage sur l’histoire sociale des journaux américains et d’un autre sur le pouvoir des informations, et professeur à l’école de journalisme de la Columbia, remettent les pendules à l’heure. «Le défi est de faire de ce moment de transformation un moment de reconstruction du journalisme» aux Etats-Unis, disent-ils. Et de préserver la production de «reportages indépendants, originaux et fiables», qu’ils soient populaires ou pas, profitables ou pas. Et surtout, «quelque soit le média où ces reportages sont vus/lus/écoutés».
D’où les six recommandations édictées par les auteurs en fin de rapport:
Les médias, qu’ils aient ou non des revenus publicitaires, doivent pouvoir devenir des groupes non lucratifs et se sortir de l’obsession de faire des bénéfices. Le gouvernement doit les y aider.
Les fondations doivent donner de l’argent aux rédactions qui font de l’«accountability reporting». C’est-à-dire du journalisme d’enquête qui oblige les pouvoirs à être transparents et à rendre des comptes. Mais c’est une expression difficile à traduire en français, car les Américains distinguent l’«accountability journalism» de l’«investigative journalism» (journalisme d’investigation, en VF).
La mission de la Corporation for Public Broadcasting (CPB), doit être revue. Elle doit avoir plus de pouvoirs et aider financièrement le journalisme local à s’installer, notamment via les stations de radio et de télé locales et leurs sites Web.
Les universités, puisqu’elles ont un rôle éducatif et un projet pédagogique, doivent aider le journalisme de qualité à perdurer. En faisant par exemple travailler leurs laboratoires et autres médialabs sur des innovations digitales qui pourraient profiter aux rédactions Web et aux journalistes de demain.
Le gouvernement américain, via la Federal Communication Commission (FCC), devrait taxer utilisateurs de téléphone portable et abonnés de la télé câblée, ou les entreprises de télécoms, pour créer un Fond d’aide au journalisme local. Comme le fait déjà le gouvernement pour la culture, via le «National Endowment for the Arts».
Toutes les données publiques collectées par le gouvernement, les administrations fédérales, les mairies (chiffres, statistiques, études, rapports, etc.) devraient être disponibles et téléchargeables facilement pour les citoyens. Et c’est le travail des associations, du gouvernement américain, mais aussi des… journalistes.
>> A lire aussi: Le rapport en PDF
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