A l’occasion du World Mobile Congress 2013, le grand raout mondial sur le mobile qui se tient chaque année à Barcelone, les instituts multiplient les états des lieux sur le mobile, ses usages, et ses utilisateurs. On a épluché deux rapports, celui de Comscore intitulé “Mobile Future in Focus 2013“, et celui de Nielsen, “The Mobile Consumer, a global snapshot”. Que faut-il en retenir?
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125 millions d’Américains (sur 310 millions) et les deux tiers de la population chinoise sont maintenant équipés de smartphones, c’est-à-dire de téléphones reliés à Internet. En France, le smartphone atteint 55% de pénétration en France. A noter, plus de la moitié des Russes (51%) possèdent deux mobiles ou plus, remarque Nielsen. A ce stade, six ans après le lancement du premier iPhone en 2007, le marché du smartphone a connu une courbe de progression extraordinaire. Reste en dehors de ce marché un groupe que ComScore nomme “la majorité tardive”, encore non convertie au smartphone, généralement peu portée sur les nouvelles technologies et plus soucieuse des tarifs que la moyenne.
Alors que les téléphones d’aujourd’hui ont des écrans de plus en plus grands (32 cm en diagonale comme le Galaxie Note 8.0), les tablettes, comme l’iPad mini, rapetissent. Un néologisme anglo-saxon a même vu le jour: “phablet”, contraction entre phone (téléphone) et tablet (tablette), le “joujou des indécis”, titre Libération. “Les définitions de ce qui constitue un smartphone, une tablette ou d’autres outils mobiles vont continuer à s’effacer”, analyse le rapport de Comscore, “chaque nouvel appareil aura ses propres spécifications techniques et des dimensions qui lui sont propres”.
1/3 du temps passé en ligne ne se fait plus depuis l’ordinateur, autant dire que la connexion depuis les supports mobiles n’est plus un “accident de parcours”. Les médias, eux aussi, se préparent à voir leurs lecteurs se connecter davantage depuis un mobile que de leur ordinateur. Le téléphone s’utilise surtout dans deux configurations: en mouvement, entre deux rendez-vous, dans les transports, et aussi dans des moments plus calmes, de repos ou de détente. La tablette, elle, est privilégiée le soir, dans le canapé familial, et au moment du coucher.
Nouvelle tendance 2013, le “showrooming”. Ce mot désigne l’action de se rendre dans un magasin repérer un produit, voire l’essayer quand il s’agit par exemple d’un habit, avant de procéder à son achat via son smartphone, en ligne donc, à un tarif plus avantageux que celui observé dans le magasin. A noter, les Sud Coréens, habitants de la patrie de la marque Samsung, sont les plus actifs pour faire du shopping en ligne et utiliser des services bancaires depuis leur téléphone, détaille Nielsen.
Au travail, pour tenir ces appareils mobiles, le corps humain se plie dans tous les sens. Et au final, il y a neuf nouvelles positions au travail, listées dans une étude commandée par l’entreprise de mobilier de bureau Steelcase.
L’échange de SMS reste l’activité préférée des utilisateurs de smartphones, et ce, quelque soit le pays observé. Selon Nielsen, aux Etats-Unis, chaque mois, les utilisateurs envoient et reçoivent 764.2 SMS, passent et reçoivent en moyenne 164,5 appels et parlent dans le combiné pendant 644.1 minutes (plus de 10 heures). Après les SMS, la prise de photos est la deuxième activité la plus répandue, suivie de la consultation de ses emails et de la météo. Voilà pour les smartphones. Côté tablettes, c’est la recherche d’informations sur le Web qui constitue le premier réflexe, avant la consultation des emails, des réseaux sociaux et la pratique de jeux.
Au royaume des applications mobiles, l’application Facebook est reine avec, sur 1 milliard d’inscrits, 600 millions qui s’y connectent depuis mobile. Elle est présente sur 3 smartphones sur 4, rappelle l’étude de Comscore. En général, les utilisateurs préfèrent utiliser les applications, optimisées pour petit écran, sur lesquelles ils passent les 4/5 de leur temps de connexion, plutôt que de surfer directement sur l’Internet depuis un navigateur avec leur téléphone. Sur mobile, les applications de jeux et de réseaux sociaux sont parmi les plus populaires dans la moitié des pays du monde observés par Nielsen.
Regarder des vidéos depuis un mobile pourrait avoir de l’influence sur le temps passé devant la télévision, analyse Nielsen, du moins en Chine. Les Chinois sont les plus friands de consommation de vidéos depuis mobile puisque 17% d’entre eux en regardent au moins trois par jour par ce biais. Conséquence inédite ou simple coïncidence, les propriétaires de smartphones chinois déclarent regarder davantage la télévision traditionnelle grâce à leur mobile. Un effet de la “Social TV”?
Alice Antheaume
Le futur du journalisme passera par les mastodontes de la technologie. C’est l’une des conclusions que tire le rapport annuel du Pew Project for Excellence in Journalism, The State of the News Media 2012.
Session de rattrapage pour ceux qui n’auraient pas encore eu le temps de parcourir cet état des lieux sur les médias aux Etats-Unis.
1. Relations unilatérales entre éditeurs et entreprises de nouvelles technologies
Ceux qui mènent la danse s’appellent Amazon, Apple, Facebook et Google. Les rédactions, elles, cavalent derrière pour suivre le rythme.
Pour attirer de l’audience et pour diffuser des contenus, les médias (se) sont soumis aux règles des géants de la technologie. Une dépendance déjà annoncée dans le rapport de l’année dernière.
En 2012, la tendance se confirme. Certes, le Financial Times et le Boston Globe ont créé des applications en HTML 5 pour pouvoir les changer à leur guise sans devoir soumettre les mises à jour à la validation d’Apple. Mais ce type d’émancipation reste limité, estiment les auteurs du rapport, Amy Mitchell et Tom Rosenstiel.
Alors que Apple, Google, Amazon et Facebook tentent d’accompagner chaque seconde de nos vies numériques (terminaux, moteurs de recherche, navigateurs, réseaux sociaux, messageries, plates-formes de jeu et de commerce en ligne), vont-ils finir par s’offrir des médias? Possible, mais à condition qu’ils y “trouvent un intérêt”, reprennent les auteurs. Et qu’ils considèrent que ces médias puissent constituer l’un des ingrédients du “tout numérique” qu’ils entendent proposer aux utilisateurs…
2. La montée du mobile et une lecture plus “immersive”
“Plus de 4 adultes américains sur 10 possèdent aujourd’hui un smartphone, et 1 sur 5 une tablette. Les nouvelles voitures que l’on fabrique intègrent de l’Internet à bord.” En tout, plus d’un quart de la population américaine, soit 27%, s’informe maintenant via mobile.
Et c’est une bonne nouvelle pour les médias. Car la consommation d’informations en mobilité s’ajoute à celle via des supports plus “traditionnels”. “8 Américains sur 10 consomment des informations depuis leur mobile et s’informent aussi sur leurs ordinateurs”, en se tournant davantage vers des marques de presse historiques et en témoignant d’une immersion plus intense, précise le rapport.
Conséquence: l’émergence de nouveaux usages avec une lecture de l’information qui permet de faire une pause, de lire en différé, de surligner des idées importantes sur l’actualité. D’où la demande pour de longs formats journalistiques, ce que les intervenants du festival South by South West, à Austin, avaient aussi martelé.
Enfin – et c’est un phénomène nouveau – la montée du mobile a fait venir au numérique – et au journalisme numérique – une catégorie de la population américaine, plutôt rurale, qui avait raté l’étape de l’ordinateur.
3. L’impact relatif des réseaux sociaux sur la consommation d’infos
La population américaine, de plus en plus présente sur les réseaux sociaux (133 millions d’Américains sont inscrits sur Facebook, 25 millions sur Twitter), y passe en moyenne 7 heures par mois. Pourtant, cela n’a pas (“encore”, tempère le rapport) l’effet escompté sur l’apport d’audience pour les médias.
En effet, moins de 10% de internautes lisent “très souvent” des informations repérées grâce à la recommandation sociale de leur communauté sur Facebook ou Twitter, quand 36% vont “très souvent” consulter les actualités directement sur une application ou un site Web, 32% passent par une recherche avant de tomber sur une information et 29% se tournent vers des agrégateurs de contenus.
Pour Amy Mitchell et Tom Rosenstiel, ce n’est qu’une question de temps, les réseaux sociaux étant appelés à générer de plus en plus de trafic sur les éditeurs de contenus.
4. Le “modèle” de l’abonnement en ligne
Et si, d’ici 5 ans, les journaux n’imprimaient plus qu’un ou deux exemplaires par semaine, l’un porté à domicile le dimanche, et le deuxième un autre jour de la semaine, plutôt propice aux revenus publicitaires sur l’imprimé? Ce scénario n’est pas si fictif, écrit ce rapport, au vu de la crise continuelle subie par les journaux imprimés.
Engluées dans la crise de la presse imprimée, un très grand nombre de publications pourraient ainsi se tourner vers le modèle par abonnement en ligne, sans doute influencées par le système payant du New York Times qui a récolté quelques 390.000 abonnés.
“Les journaux ont perdu tellement de leurs revenus publicitaires – plus de la moitié de leurs revenus depuis 2006, que, sans perfusion de revenus par abonnement en ligne, certains ne pourront pas survivre.”
5. Le retour de la télévision?
Même si la plus forte croissance se fait avant tout sur les sites d’informations, l’audience sur les chaînes de télévision qui font de l’information aurait augmenté de 4.5% en un an. Une “première depuis 10 ans” aux Etats-Unis, salue le rapport. Inattendue, cette percée profite à CNN, MSNBC, au détriment de Fox News, qui décline.
Difficile de savoir à quoi cette croissance est vraiment due. Est-ce la résultante de la Social TV, qui peut pousser à regarder des programmes télévisuels très commentés sur les réseaux sociaux? Ou le fait d’une riche actualité, faite des révolutions arabes notamment? Selon le rapport, “cette croissance peut être de courte durée et fonction d’actualités très visuelles plutôt qu’à un vrai changement d’habitudes”.
AA
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