Nouvelle année oblige, la période est aux prophéties. Voici ce qui pourrait compter dans les rédactions en 2016. Au programme: l’impact des contenus journalistiques, la vitesse de chargement, le poids des pages, la multi-publication sur les diverses plates-formes américaines, la vague américaine des pure-players, la vidéo et… les doutes.
C’est le nouveau mot-clé dans l’écosystème numérique. “Nous ne construisons pas Buzzfeed pour obtenir le plus de clics, de partages, ou de temps passé possible. Nous construisons Buzzfeed pour avoir un impact positif sur la façon dont les gens vivent”, écrit son président Jonah Peretti à la fin de l’année 2015.
Autant dire que le visiteur unique, ce mètre étalon qui comptabilise les individus ayant cliqué au moins une fois sur le contenu d’un site sur une durée d’un mois, a du plomb dans l’aile. C’est aussi vrai pour les contenus publicitaires, pour lesquels “les clics ne sont pas très utiles”, confirme Jay Lauf, le directeur de publication de Quartz, un pure-player dont j’ai déjà parlé ici. “Les marques cherchent d’autres moyens de mesurer leur impact”.
L’impact, c’est donc un mélange sophistiqué entre l’influence, la notion d’engagement des lecteurs, et la capacité, via l’écriture de contenus journalistiques, à susciter le changement dans la société. Pour l’instant, personne n’a encore trouvé comment le mesurer.
Vous pensiez le temps de la décélération arriver? Que nenni ! Qu’il s’agisse des AMP (accelerated mobile pages) de Google ou des “instant articles” de Facebook, le mot “vitesse” est partout.
“En tirant parti de notre technologie qui permet d’afficher très vite photos et vidéos dans l’application Facebook, les articles se chargent instantanément, 10 fois plus vite que sur le Web mobile”, vante Facebook à propos de ses “instant articles”, ces contenus produits par quelque 350 médias dans le monde, dont Le Parisien et Les Echos en France, identifiés par un petit éclair en haut à droite du titre, et intégrés directement sur le réseau social lorsqu’il est consulté depuis une application mobile.
Google est sur la même ligne: “à chaque fois qu’une page prend trop de temps à charger, on perd un lecteur”.
On estime à 5 secondes le temps maximum supporté pour le chargement d’une page avant que l’internaute perde patience et fuit. C’est peu. Autant dire que la vitesse à laquelle on accède à une information est plus que clé. C’est la condition sine qua non pour que les lecteurs s’informent en 2016.
Pour obtenir des pages en ligne qu’elles s’affichent vite, il faut qu’elles soient légères. Or le Web en général souffre d’une grave crise d’obésité.
Il y a trop d’éléments qui clignotent dans tous les sens, des lignes de code qui sont très gourmandes en bande passante, des photos qui pèsent des tonnes, sans oublier les publicités bien grassouillettes, dénonce Maciej Cegłowski, un ingénieur basé à San Francisco. “Vous avez bossé dur pour créer un beau site, optimisé pour être performant (…). Une fois cela fait, vos annonceurs vous mettent des merdes par dessus (…) dont l’objectif est de casser votre belle esthétique et d’accaparer l’attention du lecteur au détriment de ce pour quoi il était venu sur votre site”. Bientôt venu le temps du minimalisme numérique?
Fini le temps où l’on publiait ses contenus uniquement sur son site ou son application mobile. Désormais il faut “irradier” et s’incruster chez les autres.
Buzzfeed diffuse sur… 30 plates-formes extérieures à la sienne, martèle encore Jonah Peretti dans son mémo intitulé “a cross platform, global network”.
CNN produit des contenus exclusifs adaptés à des applications extérieures à la sienne, comme The List App, ou Snapchat, dont la partie informations, Snapchat Discover, a été lancée il y a un an. Promesse d’une “portée immense” auprès des jeunes, l’application mobile aux 100 millions d’utilisateurs actifs quotidiens suscite l’intérêt de multiples médias. En France, Le Monde a, a priori, remporté le pompon et est en ordre de bataille pour y publier des contenus toutes les 24h.
Sauf qu’à chaque plate-forme ses contenus, ses rythmes de publication, son écriture. Pas simple d’avoir des équipes compétentes pour chacune de ces plates-formes. Le Parisien, qui teste depuis quelques semaines les “instant articles” de Facebook, en revient. Pour l’instant, Guillaume Bournizien, directeur du marketing digital, s’est dit “déçu” lors de la conférence sur les nouvelles pratiques du journalisme organisée à Sciences Po, le 7 décembre 2015.
Dans la même optique, Libération a mis en place, lors des élections régionales de décembre 2015, un live d’un nouveau genre sur WhatsApp, l’une des applications de messagerie instantanée les plus populaires au monde avec 900 millions d’utilisateurs actifs chaque mois. Il s’agit d’informer sur téléphone des lecteurs “sans passer par notre application mobile ou par les réseaux sociaux traditionnels”, explique l’équipe après coup.
The Guardian s’est aussi essayé à WhatsApp en couvrant sur l’application le débat télévisuel des candidats républicains, avec l’inénarrable Donad Trump, aux Etats-Unis en décembre dernier.
Objectif: toucher des audiences qui ne sont pas dans les radars habituels des médias en allant les chercher là où elles se trouvent déjà.
Après le lancement en France de Le Huffington Post en 2012, puis Buzzfeed en 2013, d’autres médias nés aux Etats-Unis viennent s’implanter dans l’hexagone, avec des lancements prévus en 2016.
Une vraie vague américaine, dans un pays dont le nombre de pures players par habitant est plus élévé qu’ailleurs, et alors que l’un des premiers pure player français, Rue89, est englouti par sa maison mère, L’Obs. C’est le cas du Huffington Post, de Buzzfeed, de Mashable, de Business Insider et d’autres encore.
Tous, conscients du désavantage d’avoir des noms imprononçables par la majorité des Français, ont fait le choix de s’associer avec des médias déjà implantés dans l’hexagone : Le Huffington Post, avec Le Monde, Mashable, rattaché au pavillon de la chaîne internationale France 24, et Business Insider sous la houlette du groupe Prisma.
Marie-Catherine Beuth, ex-Le Figaro, va coordonner le lancement de ce pure player sur le marché français. “Business Insider, c’est un gros site aux Etats-Unis qui couvre l’actualité économique, les nouvelles technologies et la politique”, explique-t-elle au micro de l’émission L’Atelier des médias sur RFI. “ Titres malins, photos accrocheuses… L’idée, c’est d’informer de façon pertinente et efficace les nouveaux consommateurs d’informations”, ces fameux «millennials» qui délaissent les médias traditionnels, et que les annonceurs veulent à tout prix toucher.
Ce n’est pas vraiment nouveau mais, en 2016, les médias traditionnels comptent mettre le turbo sur la vidéo. Au Monde, à BFM TV, à l’AFP, tout le monde veut produire des vidéos, toujours plus de vidéos en ligne. Même pour ceux dont l’image n’est pas le premier métier.
“La radio filmée n’est pas l’avenir de la radio, mais la vidéo, oui”, glisse Fabien Namias, le directeur général d’Europe 1. A Buzzfeed, 1 milliard de vidéos vues par mois, ils produisent mêmes des séries, disponibles sur l’Itunes Store. Le format vidéo est plein de promesses: facilement monétisable – quoique parfois bloqué, il peut aussi être très partagé sur les réseaux sociaux.
Reste une équation pas si facile à résoudre sur la vidéo: quels formats définir? Qu’est-ce qui marche en ligne et sur mobile? Entre les partisans des vidéos sans le son, qui peuvent se regarder sans écouteur, ceux qui pronent le format vertical, et ceux qui veulent des vidéos animées pour Snapchat, une foule de possibilités s’offre aux médias, à la fois pour raconter l’actualité chaude, et pour proposer des rendez-vous décalés.
Est-ce un symptôme ou une conséquence des attentats qui ont touché la France en 2015? Alors que les journalistes ont travaillé parfois comme des automates pendant des semaines, ils ont fait face à une multiplication des théories du complot en ligne, des photos montées, ou, pire, de faux témoignages sincères. Des témoins, réellement paniqués, racontent n’importe quoi, dans les rues et sur les réseaux sociaux, croyant vraiment avoir entendu ci, vu ça. Il n’en est rien. Mais en ligne, climat de psychose oblige, la rumeur est comme la panique: irrationnelle.
Les journalistes français s’en souviendront: il leur faut aussi vérifier la véracité des paroles de tous ceux qui, ébranlés comme jamais, ont été traumatisés par ces drames.
Excellente année 2016 à tous !
Alice Antheaume
lire le billetOù étiez-vous le vendredi 13 novembre 2015? Jamais vous n’oublierez ce que vous faisiez ce soir-là, au moment où les attentats ont frappé Paris. Vous n’oublierez pas non plus comment vous avez appris l’existence des fusillades dans les 10 et 11e arrondissements parisiens, puis l’explosion des bombes au Stade de France. Les journalistes, français, étrangers, sur le pied de grue ce soir-là, n’ont pas oublié non plus.
Sur une idée de Catherine Galloway, qui enseigne à l’Ecole de journalisme de Sciences Po, nous avons posé la question à nos confrères journalistes, français ou étrangers. Ressort de leurs témoignages une extraordinaire mobilisation pour couvrir ces événements tragiques qui n’a laissé personne indemne. Même ceux qui sont habitués à couvrir de terribles actualités. Même un mois après cette tragédie.
Vendredi 13 novembre, je sortais d’un bar vers Parmentier à 21h30 et je m’apprêtais à rentrer chez moi, dans le quartier du Petit Cambodge. Et donc à passer par la rue Bichat. Quand j’ai vu passer une puis deux puis quatre ambulances, je les ai suivies.
Je crois que j’ai alors regardé Twitter: j’y ai vu les toutes premières infos sur “une fusillade au Petit Cambodge”. J’ai foncé là-bas en pensant que c’était une fusillade type règlement de comptes. J’ai marché sans réfléchir jusqu’à arriver rue Alibert où je me suis retrouvée les pieds dans le sang sur la terrasse du Carillon. J’ai marché comme une automate jusqu’au Petit Cambodge, sans comprendre ces alertes qui commençaient à tomber dans tous les sens, notamment sur le Stade de France… A ce stade, je n’avais pas vu que Le Carillon était touché aussi.
Là, je me suis arrêtée et j’ai appelé la radio pour leur dire que j’étais là. Ils m’ont prise en direct à l’antenne. J’ai décrit et re-décrit ce que je voyais: des cadavres en train d’être recouverts de draps blancs, des gens qui pleurent, des blessés, des flics hyper tendus qui disent que ce n’est pas terminé et nous plaquent contre les murs, dans les renfoncements de portes…
Au début, personne, ni mes chefs, ni les secours ni les policiers, ne comprenait où on en était, combien il y avait eu de fusillades, où, ce qui était lié… Et moi je suis restée plantée là, au milieu du périmètre de sécurité, à tendre mon iPhone en mode dictaphone aux témoins, aux blessés légers, à tous les gens qui me semblaient suffisamment peu touchés pour me répondre, à essayer de compter les morts. J’étais dans l’encadrement de la porte de l’hôtel du Carillon et j’ai même pas pensé à monter interviewer les gens dans l’hôtel tellement j’étais en état de choc, sans même m’en rendre compte d’ailleurs, mais j’interviewais tous les gens qui en sortaient.
J’y suis restée jusque vers 2 heures du matin, à faire des directs au téléphone et à envoyer les témoignages recueillis à l’iPhone par email, quand la police a compris que je n’étais ni victime ni témoin et qu’ils m’ont sorties du périmètre.
J’ai retrouvé un collègue de RTL, on a fait le tour des points touchés les plus proches, la fontaine au roi, l’un des périmètres autour du Bataclan. On essayait de comprendre, de vérifier qu’il y avait soi-disant un 7e ou 8e lieu de fusillade “boulevard de la République”. Je suis rentrée chez moi vers 4 heures, réveillée à 6 heures pour retourner en direct pour la matinale, relevée par un collègue à 13h30 le samedi…
Vendredi soir, j’ai découvert les attaques par une alerte du Monde sur mon smartphone, en sortant d’une projection au Forum des images, aux Halles à Paris. Très rapidement, tout le monde autour de moi, y compris Dany Cohn-Bendit qui participait à cette ouverture d’un festival de films sur l’état du monde, a découvert consterné et inquiet, les événements qui venaient tout juste d’éclater.
Mais cette alerte du Monde en disait peu, et il n’y avait encore rien sur les sites de médias, en particulier celui du Monde justement. Je suis donc allé sur Twitter, et j’y ai tout de suite pris la mesure de la gravité des événements. Des tweets faisaient déjà état de morts au Bataclan et dans d’autres lieux publics ciblés, et des explosions au Stade de France. Il n’y avait guère de doute que l’on avait affaire à des attentats, et que c’était très grave.
J’ai tout de suite quitté le Forum en me disant qu’il fallait que je rentre chez moi pour mettre en ligne cette information sur Rue89, car, à cette heure-là, nous n’avons pas de permanence. J’ai pris le métro tout en remontant ma timeline sur Twitter. Tout autour de moi les gens regardaient leur smartphone, personne ne parlait, les regards s’étaient déjà assombris.
En sortant au métro Strasbourg Saint Denis pour rentrer chez moi, j’ai appris que le bilan était déjà de 18 morts. Des gens arrivaient en courant de la place de la République, sur le boulevard Saint Martin, en criant “ils tirent”… Certains se sont réfugiés au Théâtre de la Renaissance qui a fermé ses portes. En remontant ma rue, j’ai assisté à une engueulade entre un automobiliste insouciant qui voulait avancer vers République et un passant qui cherchait à l’en dissuader. L’automobiliste renonça en étant confronté à l’alerte d’un smartphone faisant état des 18 morts…
Arrivé chez moi, j’ai mis quelques paragraphes en ligne, suivant à la fois ma timeline Twitter et iTélé sur ma télévision, constatant que Twitter était à la fois plus rapide, plus complet, plus diversifié.
Seul atout de la télé : au bout d’un moment, des directs aux quatre coins de Paris… Puis le contact a été établi avec les membres de notre équipe dispersés dans Paris, à la fois pour savoir si tout le monde était sain et sauf, et pour savoir s’ils avaient des informations, des témoignages de leur côté.
J’ai travaillé ainsi jusqu’à 2 heures du matin environ, une fois l’assaut sur le Bataclan terminé, les interventions présidentielles passées – le direct de l’Elysée puis celle sur place au Bataclan. C’est à ce moment-là que j’ai pris réellement la mesure de la tragédie qui venait de surgir au coeur de Paris, et que j’avais décrite pendant plusieurs heures. Et je n’ai pas pu m’endormir.
Je travaillais dans la rédaction de la BBC vendredi soir à Londres, quand quelqu’un a dit que Twitter bruissait d’informations sur des fusillades à Paris. Il était 20h40 ici, 21h40 à Paris. Il n’y avait rien encore sur les fils des agences donc immédiatement je me suis ruée sur Twitter pour savoir ce qu’il se passait. J’ai écrit un tweet en français demandant si quelqu’un avait vu quelque chose, et la même chose sur Facebook pour savoir si mes amis, pour lesquels je m’inquiétais, allaient bien.
Depuis que Twitter est devenu populaire, vous devez être sur une information dès qu’elle arrive pour repérer les gens qui savent vraiment ce qu’il se passe et témoignent sans intermédiaire. Après environ 20 minutes, vous avez des retweets de partout et cela devient difficile de trouver les premiers témoins visuels. Ce soir-là, nous étions là à temps.
Un type a répondu à mon tweet en disant qu’il avait entendu des coups de feu provenant selon lui d’une Kalashnikov. Il n’avait rien vu mais il habitait près de là où avait eu lieu l’une des fusillades. Il pouvait entendre les gens crier et les sirènes de la police. J’ai décidé qu’on allait le faire parler en direct. A 21h, nous étions en édition spéciale. J’ai prévenu le producer que, le temps que je téléphone à notre témoin, il demande au présentateur de meubler à l’antenne jusqu’à ce qu’il décroche. Il a parlé 10 bonnes minutes en direct. Il a décrit ce qu’il voyait, a parlé du quartier et a situé l’arrondissement dans Paris. C’est très important pour une chaîne internationale comme la nôtre parce qu’on ne peut pas demander à nos téléspectateurs de connaître la géographie de Paris.
Quelques minutes plus tard, nous avons pu parler à quelqu’un qui était à La Belle Equipe, l’un des bars qui a été attaqué. Quelqu’un dont la voix tremblait mais qui a réussi à décrire la scène vue du bar. Sa femme et lui étaient sains et saufs. A la BBC nous nous assurons toujours, avant de le mettre à l’antenne, que notre témoin est en sécurité et qu’il ne se met pas en danger en nous parlant.
Puis j’ai posté un autre message en ligne. Alors que nous avions de plus en plus d’informations en provenance de Paris, je suis devenue terriblement inquiète de ne pas avoir de nouvelles de mes amis parisiens.
A 21h30, nous étions toujours en édition spéciale. Des images nous provenaient, mais c’était très confus. Parce qu’il faisait nuit, il était impossible de savoir où ces photos avaient été prises, dans quelle rue ou dans quel restaurant. Nous en savions si peu à ce stade qu’il nous fallait être très prudent. Nous devions spécifier si tel élément provenait d’une agence, tel élément provenait d’un témoignage, pour ne surtout pas répandre la peur ni la panique. Il n’a pas évident tout de suite de comprendre combien d’attaques il y avait, et comment elles étaient liées entre elles. Quand nous sommes en breaking news, nous ne pouvons pas confirmer chaque information avec de multiples sources, donc nous devons avancer avec énormément de précautions, en faisant comprendre à notre public que c’est une situation en cours de développement.
Après une heure entière de direct, à 22h, nous avons passé le relais au présentateur suivant qui a continué l’édition spéciale. Et mon collègue présentateur et moi avons alors découvert des messages sur nos écrans nous demandant si vous vouliez aller à Paris couvrir les événements dès la première heure le lendemain. Nous avons tout de suite dit oui.
Lui a commencé à prendre des billets de train, mais moi j’avais encore 2 heures de boulot devant moi avant de finir mon service. Nous en savions beaucoup plus sur les attaques à ce stade : c’était bien des attaques terroristes. En vrai, j’étais terrifiée. J’ai essayé de rester professionnelle et de ne pas montrer à quel point j’étais affectée par tout cela, mais c’était extrêmement difficile. Ce qu’il s’est passé au Bataclan, au moment de la prise d’otages, était le comble de l’horreur pour moi qui imaginais tous ces gens pris au piège à l’intérieur. Quand je suis rentrée chez moi, j’ai essayé de rassembler mes pensées, de réfléchir à ce dont j’aurais besoin pour le lendemain à Paris, et j’ai encore regardé Twitter et la télévision pendant une heure. J’ai pleuré en me couchant, ce vendredi soir-là. Plein de gens croient que les journalistes sont blindés, pour ne pas dire cyniques. Mais plus on grandit, plus on s’adoucit, du moins dans mon cas. Quand vous savez ce que c’est que de perdre quelqu’un qu’on aime, vous pouvez imaginer la peine que les proches des victimes vont endurer.
Le premier train du samedi matin était presque vide, à part quelques journalistes. Dès notre arrivée, nous nous sommes précipités au Bataclan pour rejoindre nos confrères journalistes. Notre travail est de fournir des directs pour deux de nos chaînes, BBC World News et BBC News.
Au début, nous étions deux équipes de la BBC à couvrir les événements. Ce sont nos collègues qui ont commencé les directs avec un camion régie devant le Bataclan, pendant que le présentateur et moi sommes allés vers les autres lieux des attentats. En arrivant vers La Bonne Bière, nous avons fait des directs par telephone. Nous avons essayé de faire des duplex par Skype mais la qualité de l’image était insuffisante donc nous avons abandonné cette option.
Avec toutes les images disponibles, la production à Londres pouvait illustrer nos prises d’antenne sans que l’on nous voit tout le temps. D’habitude, nous évitons de faire cela par téléphone mais là, nous étions les premiers de la BBC à être sur place. Les rues étaient complètement vides, si ce n’est la présence des journalistes.
En me retrouvant dans ce quartier que je connaissais dans d’autres circonstances, je me suis vraiment identifiée aux victimes. Je me suis dit que j’aurais pu être l’une d’entre eux. Cela m’a donné encore plus envie de raconter ce qu’ils traversaient.
Vendredi 13 novembre, je n’étais pas à Paris mais à Gif sur Yvette et j’ai débuté la soirée en jouant à “Fallout 4”, un jeu vidéo d’action qui se passe dans un univers post-apocalyptique. C’est ma copine qui était à mes côtés qui m’a informée après avoir reçu un premier push – Le Parisien je crois – qui mentionnait une fusillade à Paris. J’ai rigolé en disant “encore un règlement de compte, je te parie que c’est dans le 14e ou le 19e” et j’ai continué à jouer. Et quelques minutes plus tard, elle m’annonce une explosion au Stade de France et me dit, “non c’est dans le 11e la fusillade, on parle du restaurant Le Petit Cambodge”.
Là, évidemment, j’ai tout arrêté – parce que ça semblait fou et improbable, et aussi sûrement parce que c’est un restaurant où l’on va souvent -, mis mon jeu sur pause, basculé sur BFMTV et Twitter. On est restées scotchées comme ça jusqu’à 3 heures du matin. Dans les premiers temps, j’étais énervée de ne pas être sur place. J’avais envie d’aller voir, de me rendre compte et puis, petit à petit, j’ai réalisé que j’étais sûrement beaucoup mieux là où j’étais. La rédaction de France TV Info s’est organisée très rapidement et j’ai proposé mon aide dès le lendemain mais on m’a dit que c’était bon. Je ne suis rentrée sur Paris que dimanche soir mais avec beaucoup d’appréhension.
Le lendemain j’ai commencé à travailler sur un diaporama des images les plus fortes du week-end car certaines images me hantaient et j’avais envie de les compiler, pour figer à jamais ces images que chacun d’entre nous avait en tête.
Je rentrais chez moi et ai reçu une alerte vers 9h45 je crois. Ensuite, j’ai zappé entre iTélé et BFM jusqu’à 3 heures du matin. Deux journalistes étaient encore à Polka, situé non loin du Bataclan, ils sont restés bloqués une partie de la nuit.
Nous étions en contact avec eux, avec Dimitri Beck, le rédacteur en chef, et avec toute l’équipe. Nous avons commencé à parler de ce que l’on ferait sur le site : faire parler des photographes sur la difficulté, même pour un reporter de guerre, de “photographier la guerre à domicile”. Et nous avons décidé de faire une série sur le le sujet.
Le lendemain, le samedi, Paris Photo à annoncé la fermeture du Grand Palais. Avec ma fille Adelie de Ipanema, directrice de la Galerie Polka, et Dimitri Beck, on s’est donné RV à Polka pour décider sur place si on ouvrait ou non la Galerie. La décision rapide et unanime a été de ne pas ouvrir par solidarité avec les victimes et leur famille.
J’étais dans la rédaction quand une journaliste du desk arabophone a appelé pour prévenir qu’il y avait une fusillade dans un restaurant où elle était, La Belle Equipe, dans le 11e arrondissement de Paris. Elle a dit qu’il y avait des morts et du sang partout. L’une de mes collègues a hurlé dans la salle de rédaction pour que tout le monde soit au courant. Après les attentats de janvier, nous avons tous pensé à une attaque terroriste. Mais nous avons été prudents et avons mis un bandeau “breaking news : shooting in the 11th arrondissement of Paris, casualties reported”. En d’autres termes, nous avons fait du factuel, en nous tenant à ce dont nous étions sûrs.
Dans les minutes qui ont suivi, c’est devenu très confus. Nous avons appris qu’il y avait une fusillade rue Bichat, puis rue de Charonne, puis boulevard Voltaire. Nous n’avons pas compris à ce stade qu’il y avait plusieurs attaques en même temps. Ensuite nous avons su qu’il y avait eu des explosions au Stade de France et ce n’est qu’à partir de ce moment là que nous avons fait le lien entre tous ces événements.
A 22h15 j’ai présenté le bulletin d’informations économiques, comme je le fais toujours, et pendant ces cinq minutes, il est devenu évident que quelque chose d’énorme était en train d’arriver.
Avec deux collègues, nous avons alors passé les 2-3 heures suivantes dans le studio, en direct, à essayer collecter des informations en utilisant les agences de presse, Twitter, et des témoins visuels sur place. Beaucoup de nos collègues de France 24 étaient dans le quartier de République, en train de profiter de la soirée, et ils nous ont appelé pour rapporter ce qu’ils voyaient et entendaient. Nous avons aussi obtenu une séquence filmée boulevard Voltaire, montrant la mobilisation massive des forces de l’ordre, avec des policiers cachés derrière des véhicules, hors de portée des balles.
Personnellement, j’ai eu du mal à comprendre la situation. J’ai eu du mal à réaliser ce qui se passait sous mes yeux. Après l’attentat de Charlie Hebdo, en janvier, je me suis peut-être laissé berner par une fausse impression de sécurité, renforcée par les mesures mises en place. J’étais convaincu que la foudre ne s’abattrait pas deux fois au même endroit et certainement pas de façon si rapprochée.
Quand j’étais en direct à l’antenne, j’ai contacté ma femme et mes proches via Facebook Messenger pour leur demander s’ils étaient en sécurité et pour les rassurer en ce qui me concernait.
Tous les journalistes à France 24 ont ressenti l’impérieuse nécessité de raconter les faits de façon juste, ce qui est probablement lié à la proximité que nous avons avec cette histoire. Dans ma rédaction, nous sommes tous sortis, un jour ou l’autre, dans le 10e et le 11e arrondissements de Paris, où nous sommes tous allés voir un match de foot au Stade de France.
Les événements nous ont frappés encore plus durement lorsque nous avons appris que l’un de nos caméramen, Mathieu Hoche, a été tué au Bataclan. Nous l’avons appris le samedi après-midi, comme un coup de poignard dans le ventre. Notre équipe technique connaît mieux Mathieu que moi, et pour eux, cela a du être extrêmement difficile. Ils ont pourtant continué à travailler, tout le monde a continué à travailler, de façon admirable.
La difficulté de produire de la télévision en direct, en cas de breaking news, est aussi liée à la logistique. Nous devons décider de quelles ressources déployer, où, et pour combien de temps. Quand vous avez des ressources limitées, une situation qui évolue de minute en minute, une rédaction très fatiguée et parfois des problèmes techniques, élaborer le planning est très très complexe.
A 21h45, je reçois un coup de fil d’Alexandre Sulzer, l’une de nos journalistes, de permanence à la rédaction. Il m’annonce des coups de feu au Petit Cambodge, avec des sources récoltées sur Twitter. Il a préparé un papier après avoir eu la confirmation de la mairie de Paris. Il est censé finir à 22h, il me propose de rester un peu. Je suis fatiguée par ma semaine. Je veux croire au fait divers. Mais très vite, un chef des infos qui se trouve au Stade de France nous alerte sur les explosions.
A 21h55 on publie “Fusillade dans le 10e arrondissement” puis on envoie un push “explosion au Stade de France, Hollande exfiltré”. Je suis désormais devant mon ordi en train de préparer le live pendant qu’Alexandre nourrit l’article. Mon mec me dit de me calmer car il trouve que je suis désagréable au téléphone avec mes collègues. J’essaie d’être plus zen avec mes interlocuteurs, mais intérieurement, je suis survoltée. Trop de choses à faire vite et bien.
J’ai envoyé dans la foulée un mail à l’équipe puis au print pour prévenir de notre mobilisation.
Propos recueillis par Alice Antheaume et Catherine Galloway
lire le billetSur l’antenne de RTL, dimanche soir à 19h, une auditrice affirme avoir “vu de ses yeux un homme charger son arme” à Paris. Un témoignage sincère, mais erroné, qui s’inscrit dans un contexte de psychose collective au lendemain des attentats survenus à Paris et à Saint Denis vendredi 13 novembre. “Lors de la seule soirée de dimanche dernier, plus de 7.000 tweets ont annoncé des fusillades à Paris”, fustige Jean-Marc Four, directeur de la rédaction de France Inter, lors de sa chronique sur la mécanique médiatique de vendredi matin. Des messages écrits à la va-vite indiquant des tirs, ici au Trocadéro, là place de la République ou encore aux Halles.
Résidant aux abords de la place de la République, près de la “war zone” comme la surnomment maintenant mes voisins, j’ai assisté dimanche soir au mouvement de panique de la foule. J’ai vu des jeunes courir ventre à terre se réfugier sous la porte cochère de mon immeuble. Larmes aux yeux, souffle court, ils hurlent: “on a vu les tueurs, on a entendu les tirs, cela a sifflé dans nos oreilles”. Ils sont cinq. Ils pleurent. Ils crient d’effroi. Ils répètent ces mêmes phrases à l’unisson, paniqués, sincèrement paniqués. Ce sont des témoins qui, en toute bonne foi, croient avoir VRAIMENT vu ces tueurs et avoir VRAIMENT entendu des tirs.
J’aurais pu les filmer avec mon smartphone. J’aurais pu publier leurs témoignages sur les réseaux sociaux. D’autant que j’avais moi-même entendu ce qui semblait être une explosion. En outre, j’avais là cinq témoins différents racontant la même histoire, donc l’information pouvait être ainsi recoupée.
Sauf que, quelques secondes plus tard, je recevais des SMS d’amis journalistes m’ordonnant de rester chez moi parce qu’une ampoule ou des pétards avaient claqué place de la République, que des policiers sur les dents avaient mis en joue leurs armes, déclenchant le mouvement de foule qui s’en est suivi.
Colère et grosse fatigue
Dans les rédactions, prises dans le tambour de la machine à laver depuis plusieurs jours, certains confrères s’en prennent aux réseaux sociaux. Y “circulent beaucoup plus de rumeurs infondées que d’informations vérifiées”, continue Jean-Marc Four, sur France Inter.
Je comprends bien sûr leur colère, dans la fébrilité de cette tragédie, mais je ne comprends pas pourquoi, cette fois-ci, elle porte sur les réseaux sociaux. Car, dans l’ensemble, il y a beaucoup moins d’errements en ligne, beaucoup moins de théories de complot que, par exemple, lors des attentats de Charlie Hebdo, il y a dix mois.
Leur agacement provient en fait de ces témoignages aussi sincères que faux, qu’ils craignent de relayer. Brice Dugénie, reporter à RTL, confie à l’antenne sa perplexité lors de la panique dans les rues de Paris de dimanche soir. “Je ne comprends pas exactement ce qu’il se passe (…) Je n’ai entendu aucun coup de feu, j’ai eu deux témoignages de personnes qui m’ont dit en avoir entendu”.
La rumeur est comme la panique: irrationnelle
En ligne, dans le climat de psychose actuelle, “la moindre rumeur, guettée avec avidité, a un impact immédiat et considérable”, écrit Grégoire Lemarchand, responsable des réseaux sociaux à l’AFP.
Méfiance, donc. “Dans ce genre de mouvement, la rumeur est un peu comme la panique, elle est irrationnelle, déraisonnable, tout le monde dit un peu n’importe quoi”, continue Brice Dugénie, au micro de RTL.
En France, le code pénal prévoit la condamnation des fausses informations – jusqu’à deux ans de prison et 30.000 euros d’amende lorsqu’”une destruction, une dégradation ou une détérioration dangereuse pour les personnes va être ou a été commise”. Mais seulement s’il y a une intention de manifeste de “faire croire”. Ce qui n’est pas le cas ici.
Derrière le tweet de ces citoyens, leur statut Facebook, leur SMS, ou même leur interview, nulle volonté de désinformer, mais le réflexe de protéger amis en particulier et followers en général d’éventuelles répliques au carnage qui a déjà provoqué la mort de 129 personnes.
Mécanique de psychose
Pour les journalistes, il est difficile de garder cette mesure dans la sidération, mêlée de fatigue et de chagrin après ces derniers jours. Difficile aussi de questionner la véracité des paroles de tous ces gens, ébranlés comme jamais, traumatisés par l’ampleur des attentats.
Les réseaux sociaux ne sont que le miroir d’une mécanique bien connue en cas de drame collectif. La fébrilité provoque des erreurs de perception qui provoquent des témoignages erronés qui provoquent la rumeur, laquelle est partagée comme une traînée de poudre et génère encore plus de fébrilité.
C’est ce que le professeur de sociologie Gérald Bronner appelle “l’effet Esope” dans son livre La démocratie des crédules. On alimente ses angoisses par des recherches sur le Web qui confirment “l’obsédante intuition du pire”. Résultat, le “marché cognitif est biaisé”, parce que l’on veut savoir si l’on a raison d’avoir peur en allant chercher des informations qui font peur, et parce qu’il y a une surreprésentation d’alertes au détriment des témoignages rassurants. Or, pour Gérald Bronner, ces alertes instillent un “poison d’inquiétude” qui “épuise notre capacité collective à réagir en cas de dangers avérés”.
Alice Antheaume
lire le billetJournalisme après les attentats de Charlie Hebdo, nouvelle génération consommant des informations autrement, sociétés de nouvelles technologies dirigées par les data qu’elles récoltent, modèles économiques des plates-formes d’information, et robots… Voici quelques uns des mots qui ont occupé le devant de la scène à Munich, en Allemagne, lors de la conférence annuelle DLD consacrée à l’innovation, qui a accueilli près de 1.000 participants avant le forum économique de Davos. Compte-rendu.
Deux semaines après que la rédaction de Charlie Hebdo a été décimée à Paris, le 7 janvier 2015, nombreux sont les intervenants de DLD à en avoir parlé. Un panel intitulé “Post Paris Journalism” a même été “improvisé”, selon les mots de Steffi Czerny, la fondatrice de la conférence, pour évoquer le choc immense des attentats survenus en France et la façon dont les journalistes, en France et à l’international, ont couvert ces événements.
Avec, toujours, cette interrogation: pourquoi des rédactions aux Etats-Unis comme CNN, Associated Press, le New York Times, ou en Angleterre Sky News, ont-elles refusé de publier les caricatures de Mahomet de Charlie Hebdo? Pour Bruno Patino, le directeur de l’Ecole de journalisme de Sciences Po (1) invité à cette table ronde, “vu le contexte, il n’y a pas de question à se poser: il faut publier les caricatures”.
Ce à quoi Jeff Jarvis, qui s’était fendu d’un billet assassin à l’encontre du New York Times sur son blog, surenchérit: “ce qui est en danger, c’est la liberté d’expression. Or celle-ci fonctionne comme un muscle: il faut l’exercer sinon il risque de se ramollir”.
De son côté, Ulrich Reitz, de Focus, est plus réservé: “c’est évident qu’en France, la publication de ces dessins est liée au choc et à l’émotion. Mais au fond, je pense que le rôle du journalisme est davantage de décrire que de montrer”.
En coulisses, le débat continue en convoquant le philosophe allemand Max Weber et sa double éthique, celle de conviction et celle de responsabilité. La première suppose d’”agir en fonction de principes supérieurs auxquels on croit” quand la seconde pense aux conséquences et aux “effets concrets que l’on peut raisonnablement prévoir” d’une action, rappelle Didier Frassin, professeur à l’Université américaine de Princeton, dans une tribune à Libération. Donc pour résumer, les rédactions qui publient les caricatures sont dans l’éthique de conviction, tandis que celles qui s’y refusent sont dans l’éthique de responsabilité. Bien sûr, les premières ne sont pas pour autant irresponsables et les secondes sans idéal.
Autre sujet débattu après la tuerie de Charlie Hebdo: la tentation des gouvernements de surveiller davantage le Net pour traquer des potentiels terroriste. Les Etats-Unis ont adopté après le 11 septembre 2001 un “Patriot act” qui donne accès aux conversations des internautes sans autre démarche, et notamment sans passer par un juge.
En France, alors que le gouvernement vient d’annoncer ce mercredi une série de “mesures exceptionnelles” dont la “surveillance renforcée des communications et de l’Internet des djihadistes”, David Marcus, le vice-président de Facebook, a reconnu à DLD que “c’est toute la question après les attentats à Paris: comment trouver l’équilibre entre la protection de la vie privée de nos utilisateurs et l’impératif de sécurité?” Il répond que “c’est très difficile” tout en précisant que sa société retire en permanence des contenus qui font l’apologie du terrorisme ou des messages visant à embrigader des recrues, jusque dans la propre messagerie instantanée de Facebook. “Tout ce qui a trait à ces sujets est le plus souvent supprimé de notre plate-forme à la minute-même où on le voit”.
Les “millennials” sont comme ci, les “millennials” sont comme ça… Ce n’est pas la première fois que les 18-34 ans sont au centre de tous les discours – voir ce précédent WIP écrit en 2014 lors d’une conférence à Londres.
“Youtube atteint plus de millennials que la télévision (…). Facebook s’adresse à plus de 18-24 ans que n’importe quelle chaîne de télévision gratuite” aux Etats-Unis, annonce Henry Blodget, le rédacteur en chef de Business Insider, lors d’une présentation percutante. Pour lui, le changement à venir est “générationnel” et “ce n’est que le début”. En effet, lorsqu’on demande aux 16-24 ans ce qui leur manquerait le plus, ils répondent leur smartphone, suivi de leur ordinateur, quand tous les adultes confondus disent que ce serait regarder la télévision qui leur manquerait le plus.
C’est vrai que ces jeunes regardent moins la télévision au sens classique du terme mais, “en réalité, c’est plus compliqué que cela car ils consomment des vidéos sur diverses plates-formes”, analyse Linda Abraham, co-fondatrice de l’institut de mesure Comscore.
Pour les médias, savoir comment s’adresser à cette nouvelle génération, synonyme de “disruption” à tous les étages (il existe même un “Millennial disruption index”, de son petit nom MDI), est clé. Au regard des chiffres cités ci-dessus, le mobile est devenu le cordon ombilical entre les informations et l’audience, d’autant qu’il a permis d’allonger le nombre d’heures quotidiennes de consommation à 18h par jour, contre 9h avant lorsqu’il n’y avait que l’ordinateur. “Plus il y a d’écrans, plus on passe de temps sur chaque support”, conclut Linda Abraham.
En outre, selon une étude du cabinet Deloitte, ces “millennials” vont, en Amérique du Nord, dépenser 62 milliards de dollars en 2015 pour acheter des contenus, soit 750 dollars par personne, ce qui représente une “contribution significative” de la part d’une génération accusée de ne pas payer en ligne, note l’institut.
Jamais les sociétés de nouvelles technologies n’ont autant été dirigées par les données qu’elles récoltent. Au point qu’elles peuvent presque tout anticiper. Amazon sait ce dont vous avez besoin avant que vous l’achetiez. Facebook sait qui vous comptez draguer. Google sait, parfois avant les intéressées elles-mêmes, qu’elles sont enceintes.
Chez Uber, il y a un département dédié à l’analyse des data. Et quand ils recrutent leurs analystes, ils dégainent l’artillerie lourde pour les séduire: plus de 400.000 dollars bruts annuels, et des vacances illimitées… du moins quand le travail est fait (“travaillez dur et prenez du temps pour vous quand vous en avez besoin”, est-il écrit sur cette offre d’emploi).
A DLD, Travis Kalanick, le patron d’Uber, n’a pas révélé tout ce qu’il sait de notre façon de circuler dans les grandes villes, de nos horaires, de nos lieux de vie, même s’il a proposé de partager ces données comme il le fait déjà avec la ville de Boston. Un outil pour éviter les embouteillages? Travis Kalanick dit “arriver à connaître, 15 minutes à l’avance, les zones où il va y avoir de fortes demandes”, des données qui sont envoyées illico aux chauffeurs afin qu’ils se positionnent. Il sait aussi que la plupart des 500.000 utilisateurs d’Uber en France montent ou descendent d’une de leurs voitures à environ 1 kilomètre d’une station de métro. Un argument dont il use pour assurer que son service est un “complément des transports en commun existants”.
Surtout, c’est “armé de données”, comme le note ce blog du Financial Times, que Travis Kalanick a délivré sa stratégie pour l’Europe le temps d’un discours très “médiatrainé”, comme le relèvent plusieurs observateurs. Il compte créer 50.000 nouveaux emplois en Europe – pour l’instant, il en recense 3.750 à Paris et 10.000 à Londres.
Comment fonctionnent les modèles des contenus numériques? Tel est l’intitulé d’un autre panel à DLD, dont les intervenants n’ont pas manqué de s’écharper. “De nouvelles marques de contenus émergent auxquelles se connecte une nouvelle génération d’utilisateurs”, s’enthousiasme Lockhart Steele, le directeur éditorial de Vox Media. “Vous devez être un gros poisson ou bien rentrer chez vous”, lui répond Martin Clarke, le directeur de publication du Mail Online, le plus gros site d’actualités du monde en anglais, dont les compétiteurs, assène-t-il, s’appellent Buzzfeed, Yahoo! et AOL. Du lourd, donc.
“Si vous avez besoin de chercher votre audience sur Internet, vous êtes mort”, continue-t-il. “Vous devez avoir une marque que les gens connaissent et visitent” via la page d’accueil (par laquelle passe 60% de l’audience du Mail Online en Angleterre, 40% de l’audience aux Etats-Unis), une entrée qui a moins la cote pourtant, comme le relève notre enquête. “Plus on met des articles sur la page d’accueil, plus on récolte de clics”, tranche Martin Clarke.
Les moteurs de recherche n’ont pas dit leur dernier mot. D’autant qu’une récente étude les sacre comme des sources d’actualités plus fiables que les sources d’informations qu’ils agrègent, notamment auprès des jeunes. “10 millions de clics en un mois octroient aux médias 9 millions de dollars par an”, assure Peter Barron, le directeur de la communication de Google en Europe, Moyen-Orient et Afrique.
“Il ne faut pas compter sur une seule source de revenus”, ajoute le patron du Mail Online, mais “proposer un package aux annonceurs, avec du native advertising, du display, des vidéos”.
Quant aux réseaux sociaux, Facebook en tête, ils sont à la fois vus comme un vivier d’audience féminine et un pourvoyeur de trafic de plus en plus important. “Pour l’instant, Mark Zuckerberg (le patron de Facebook, ndlr) met du bon contenu dans le newsfeed de Facebook, tant mieux pour nous. Mais si, en se levant demain, il décide du contraire, mieux vaut ne pas en dépendre”, conclut Lockhart Steele.
Je vous bassine souvent avec les robots, c’est vrai. Lors de la conférence DLD, j’ai rencontré Arthur, un humanoïde plus vrai que nature. Fabriqué par la société Hanson Robotics, il est doté d’une multitude de micro-processeurs capables de faire bouger ses joues, ses yeux, son nez, ses lèvres, ses sourcils pour avoir les expressions du visage les plus “naturelles” possibles, le tout sur simple commande, via smartphone.
Le résultat est bluffant. Même la caméra de mon smartphone a été leurrée et a identifié le visage d’Arthur comme celui d’une vraie personne lorsque je l’ai pris en photo.
La mission d’Arthur? Aider les personnages âgées et les enfants autistes au quotidien. “Pour que des machines deviennent nos compagnons de vie, il faut que l’on ait l’impression qu’elles puissent nous comprendre”, expliquent David Hanson et Jong Lee, de Hanson Robotics, qui feignent de s’interroger: “qui aurait la patience de sourire et de surveiller la pression artérielle de nos aînés non stop, 24h/24, 7 jours sur 7?”.
Pour Chris Boos, un spécialiste de l’automatisation, l’apparition de telles machines dans la vie quotidienne est la suite logique d’une mutation déjà en oeuvre. “Cela fait longtemps que l’on fait travailler les gens comme des machines avec des process en tout genre. Les métiers se prêtant au remplacement des hommes par des robots (ici, des assistants médicaux, ndlr) sont le plus souvent déjà automatisés dans les pays occidentaux”.
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Alice Antheaume
(1) Je travaille à l’Ecole de journalisme de Sciences Po.
lire le billetAprès l’attentat à Paris contre Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, qui a fait 12 morts, dont les dessinateurs Charb, Cabu, Georges Wolinski, Tignous, le chroniqueur économique Bernard Maris et des blessés très graves, les rédactions du monde entier ont manifesté leur soutien et prôné la liberté de parole et de pensée.
Mais certaines, notamment aux Etats-Unis, ont choisi de “décrire” avec des mots – plutôt que de les montrer – les caricatures de l’hebdomadaire, comme CNN, Associated Press, MSNBC ou le New York Times. Pour quelle raison? Peur des représailles? Entrave à la liberté d’expression? Ou prudence?
La sécurité des journalistes sur le terrain pour CNN
Ne pas publier ces dessins est une décision qui vient du haut chez CNN. “En tant que patron, la protection et la sécurité de nos correspondants dans le monde est ce qui me préoccupe plus que tout le reste aujourd’hui”, explique Jeff Zucker, le président de CNN.
“Ce sont pour des questions de sécurité pour les reporters sur le terrain que cette décision a été prise”, me confirme via Facebook Samantha Barry, la responsable des réseaux sociaux de CNN qui confirme qu’aucune caricature polémique n’est diffusée sur les plates-formes en ligne de CNN, pas plus qu’à l’antenne. Représenter le prophète est interdit par le Coran, un “tabou très strict dans l’Islam”, se justifie CNN.
Pourtant, en France, quand Mathieu Dehlinger, journaliste à France TV Info, relève le floutage de CNN, les commentateurs sur Twitter condamnent cette pratique. L’un ironise sur leur absence de courage, l’autre estime que les équipes de CNN “n’ont rien compris donc”.
Et @CNN diffuse un reportage sur l’histoire de #CharlieHebdo en floutant toutes les couvertures sur Mahomet pic.twitter.com/8uuPRQuQ8R
— Mathieu Dehlinger (@mdehlinger) 8 Janvier 2015
Ne pas offenser les lecteurs pour le New York Times
Faut-il publier – ou non – les caricatures? Pour Associated Press, The Daily News, ou au Canada The Globe and Mail, c’est non. Répondre à cette question a pris une demi-journée de réflexion à Dean Baquet, le directeur exécutif du New York Times, qui reconnaît avoir changé deux fois d’avis avant de statuer: aucune caricature de Mahomet signée Charlie Hebdo ne sera publiée. Pas pour des raisons de sécurité, cette fois, mais pour préserver la sensibilité des lecteurs du journal, notamment les musulmans pour qui la publication de ces dessins aurait pu sembler “sacrilège”.
“Nous avons depuis longtemps une règle, qui dit qu’il y a une différence entre l’insulte gratuite et la satire”, estime Dean Banquet, avant d’asséner que la plupart des représentations de Mahomet par Charlie Hebdo font partie de la première catégorie.
Critiques acerbes
Un postulat difficile à comprendre vu le contexte tragique en France et la vague d’unité qui s’ensuit. Jeff Jarvis, professeur à l’Ecole de journalisme de Cuny à New York, n’en revient pas. Sur son blog, il estime que les justifications du New York Times sont du gros “bullshit”.
“Comment cela, ce n’est pas la mission du New York Times de montrer les caricatures?”, s’étouffe-t-il. “Je n’achète pas du journalisme qui ne gêne personne. Je n’achète pas l’idée que décrire ces dessins avec des mots serait suffisant. (…) Si vous êtes le journal de référence, si vous incarnez l’excellence du journalisme américain, si vous attendez des autres qu’ils se lèvent lorsque vos journalistes sont menacés, si vous faites confiance à votre audience pour se faire son opinion, alors bon sang, soutenez Charlie Hebdo et informez les gens. Publiez ces caricatures.”
C’est ce qu’a fait le Washington Post, dans sa version imprimée. Mais c’est l’un des rares médias installés depuis des décennies aux Etats-Unis à avoir osé.
Différences culturelles
Il y a peut-être là une fraction entre, d’un côté, la posture des médias traditionnels et, de l’autre, la culture transversale des rédactions numériques qui ont, elles, publié les caricatures, comme The Daily Beast, Buzzfeed, Politico, Slate.com, The Huffington Post, et Vox. Mais est-ce pour “afficher leur solidarité envers des camarades abattus” ou pour faire monter le nombre de pages vues, s’interroge la Columbia Journalism Review? Ambiance.
AA
lire le billetDes centaines de milliers de photos et vidéos mis en ligne, une enquête géante menée par les internautes en même temps que celle de la police, qui par ailleurs tweete en temps réel, des erreurs et des rectificatifs, des tueurs dont l’empreinte numérique sert de premier élément pour écrire leurs portraits… Les explosions de Boston, survenues à l’arrivée du marathon le lundi 15 avril 2013, ont constitué un moment historique dans l’histoire dans l’information en ligne. L’audience s’est trouvée baignée, comme les journalistes, dans la grande marmite des informations contradictoires et a peiné à savoir ce qui était vrai ou faux. Il est temps désormais d’oeuvrer à la traçabilité des erreurs.
>> Si vous êtes partis au pôle Nord depuis huit jours, commencez par les numéros 1 et 2 >>
>> Si vous êtes restés toute la semaine dernière scotchés devant l’écran, passez directement aux numéros 3, 4 et 5 >>
1. Des yeux et des oreilles en série
Tout a commencé le jour-même des explosions, lorsque le FBI et la police de Boston ont demandé à quiconque avait photographié ou filmé le marathon de lui envoyer ses fichiers, qu’ils aient été stockés sur un téléphone, ou posté sur Instagram, Facebook, Vine, YouTube. Il y aurait eu, selon NPR, plus d’un million d’images ainsi récoltées, ainsi que plus de 1.000 heures de rushs en vidéo.
Que motive les internautes à s’investir de la sorte? Simple volonté d’aider? Envie d’aller plus vite que la police? Désir de vengeance? Psychothérapie collective en ligne? Un peu de tout cela sans doute.
Parmi les fichiers récupérés par la police, cette photo panoramique prise par Lauren Crabbe avec son iPhone, à l’exact endroit où les bombes ont explosé, 90 minutes avant le drame. Lauren Crabbe n’est pas vraiment une amateure: elle est photographe freelance et écrit de temps à autre sur les nouvelles technologies. Elle était déjà à l’aéroport pour repartir de Boston quand l’attentat est survenu. Elle a hésité à publier en ligne son cliché, détestant l’idée que cela puisse être la dernière photo des victimes, mais l’a envoyé au FBI, rassurée qu’ils sachent, eux, l’interpréter. Jour et nuit, des centaines d’enquêteurs professionnels ont travaillé pour faire parler les images recueillies – ainsi que les vidéos de surveillance – avec l’aide de logiciels de reconnaissance, qui peuvent par exemple traquer en quelques secondes toutes les tâches noires d’un paquet de photos – ici pour chercher la trace d’un sac à dos – ou la couleur du visage, claire ou foncée, d’un suspect.
2. Une enquête participative à grande échelle
Très vite, en ligne, les internautes se sont improvisés détectives et ont passé au crible chaque image du marathon de Boston pour tenter de trouver les auteurs des explosions et des informations sur les explosifs utilisés. Pour ce faire, ils ont listé toutes les pistes et hypothèses possibles, en public, sur les réseaux sociaux, sur les forums 4chan et Reddit notamment, et sur ce Google doc accessible à tous. Le travail ici réalisé est stupéfiant. Le tableur comporte comporte plusieurs feuillets, classés par sujets (informations sur les bombes, photos des scènes, revue des suspects, suspect à casquette blanche, suspect à casquette noire). Chaque feuillet fait l’objet d’une liste d’une trentaine d’items, autant de théories et déductions alimentées par des documents trouvés en ligne et sourcés. Cela «semble être la plus grande enquête participative en ligne jamais réalisée pour trouver le ou les auteurs de l’attentat du marathon de Boston», écrit lemonde.fr.
Avant cela, en France, les internautes avaient aussi, mais à moindre échelle, uni leurs forces pour enquêter sur le drame Dupont de Ligonnès, l’histoire de cette mère, Agnès, et ses quatre enfants tués et ensevelis sous la terrasse de la maison familiale en avril 2011. Le père a, lui, pris la fuite et demeure, à ce jour, introuvable. Des utilisateurs anonymes avaient alors retrouvé la trace de messages postés par Agnès qui racontait, sous pseudonyme, son mal-être en couple sur des forums.
3. Des faux suspects et un marathon d’erreurs
Problème, dans le cas de Boston, ces détectives amateurs ont accusé à tort des individus d’être les auteurs des attentats après s’être emballé sur une silhouette jugée en haut d’un immeuble qui n’était… qu’un policier. «Il y a des limites au crowdsourcing», juge Wired, qui rappelle que seules les données utilisées pour l’enquête proviennent de la foule, pas les résultats de l’investigation. «Nous sommes très doués pour mettre en ligne des images et provoquer l’emballement des amateurs, mais nous ne sommes pas doués pour respecter les règles qui protègent des innocents», regrette cette professeur de l’Université de Virginie, interrogée par le Los Angeles Times.
Or les amateurs ne sont pas soumis aux règles qui incombent aux journalistes professionnels. Lesquels, même avec des règles ad hoc et l’expérience, se trompent aussi. CNN a annoncé mercredi qu’un suspect avait été arrêté. C’était faux. De même, le New York Post a mis en couverture la photo de deux adolescents innocents, en les faisant passer pour les responsables des explosions. Là encore, c’était faux. Résultat, cela a été l’humiliation internationale, décuplée par la vitesse de diffusion sur les réseaux sociaux, «devenus les chiens de garde du quatrième pouvoir», peut-on lire sur Mediabistro. Après cette erreur, CNN a mis les deux pieds sur le frein, et le vendredi, quand le frère cadet a finalement été interpellé, c’est la chaîne NBC qui l’a annoncé la première, avant CNN, donc.
4. La traçabilité des corrections au centre du débat
Quand on se trompe, il faut le dire, et vite. C’est ce qu’ont fait quelques uns des investigateurs en herbe sur les événements de Boston. Après avoir accusé par erreur Sunil Tripathi, un étudiant américain de 22 ans, d’être à l’origine du drame, un utilisateur de Reddit prénommé Rather-Confused a ainsi présenté sans attendre ses excuses à la famille de ce faux suspect.
Toutefois les médias professionnels ont parfois du mal à faire amende honorable. Et ne mettent pas toujours au grand jour les corrections qu’ils font en ligne, quand ils les font. Pourtant, «à l’ère du reportage en temps réel et de l’information numérique, il est rare qu’il n’y ait qu’une seule et définitive version d’un article», rappellent Eric Price et son frère Greg, qui ont étudié la programmation au MIT, et ont créé Newsdiffs.org, un algorithme qui repère les changements faits, seconde après seconde, dans quelques articles de CNN.com, du New York Times, Politico et de la BBC. Tout est passé en revue: la correction d’une simple coquille comme la réécriture de pans entiers d’un article, de la même façon que ce l’on voit dans l’historique des articles de Wikipédia.
Je suis bien sûr allée voir comment CNN avait corrigé, en ligne, sa fausse information, publiée le mercredi 17 avril, selon laquelle un suspect aurait été arrêté, ce qui a été démenti ensuite. Newsdiffs.org indique que l’article qui fait le récapitulatif du 17 avril “what we know about the Boston Marathon bombing and its aftermath” (ce que l’on sait des explosions au marathon de Boston et ses conséquences”) a été repris à 14 reprises dans la même journée. Voici les changements les plus révélateurs – en rose, ce qui a été effacé, et en vert, ce qui est resté ou a été ajouté.
En trois corrections, le cours de l’histoire a complètement changé.
Est-on entré dans l’âge de la rétractation? Pas si sûr, car les médias sont en général concentrés sur le fait de «tenir une info et de la développer, plutôt que de regarder dans le rétroviseur», a reconnu Margaret Sullivan, lors d’une conférence à South by South West 2013. Cette journaliste du New York Times n’a pas oublié que, lors de la tuerie à l’école primaire de Newtown, dans le Connecticut, le 15 décembre 2012, son journal a attribué la fusillade à la mauvaise personne, en l’occurrence un dénommé Ryan Lanza – qui a répondu sur les réseaux sociaux «ce n’est pas moi» – avant de rectifier: il s’agissait en fait d’Adam Lanza.
4. Le nouveau rôle des médias
Moralité, les utilisateurs de Reddit comme les journalistes de CNN ont échoué à comprendre leur mission à l’ère numérique. Les premiers ont cru qu’ils jouaient à faire une enquête entre eux sur un forum et que personne ne s’y intéresserait alors que c’était publié et lisible par n’importe qui, et les seconds ont oublié qu’ils devaient guider leur audience, exposée à un flot inouï de fausses informations sur le réseau. «Le nouveau rôle des médias est de fournir un grille de lecture et un contexte pour comprendre les spéculations auxquelles son audience est inévitablement exposée en ligne – pas de les ignorer», tranche Buzzfeed.
Car les internautes sont autant exposés aux informations venues des médias traditionnels que celles déversées sur les réseaux sociaux, et se déconnecter pendant deux jours, le temps que les erreurs soient commises et réparées, n’est pas une solution viable. «Si seulement je pouvais installer un filtre de vérité sur Twitter», rêve de son côté Lance Ulanoff, rédacteur en chef du site Mashable…
Alice Antheaume
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