Le devenir des blogs et des micro-blogs

Crédit: Flickr/CC/maxpower

L’immobilier, les régimes, la franc-maçonnerie font partie des marronniers les plus connus de la presse magazine. En ligne, un autre serpent de mer revient de façon cyclique: les blogs, et plus exactement, l’annonce de leur mort. Ces espaces d’expression personnels, popularisés dès 1999 avec Blogger, seraient condamnés aux oubliettes par la grande faucheuse du Net. Pourtant, on dénombre, en France, plus de 15 millions de blogs, et, aux Etats-Unis, près de 329 millions de personnes qui en consultent un au moins une fois par mois. Sans compter toutes les formes dérivées du blog, dont Twitter et Tumblr, qui font florès… Alors que Yahoo! s’appête à racheter Tumblr, une plate-forme à mi-chemin entre le blog et le réseau social, leur disparition n’est pas à l’ordre du jour. Mais, dans un futur proche, quel sort leur est-il réservé? Quel format et quels contenus va-t-on y voir? Quelle utilité les médias qui les hébergent y trouvent-ils encore?

Que lira-t-on sur les blogs et micro-blogs?

Des expériences narratives inédites comme le live-writing, des formats longs, de l’instantané sitôt dit sitôt écrit.

Il y aura à l’avenir deux catégories de lecteurs de blogs, présume Mars Dorian, un consultant américain. D’une part, les lecteurs d’extraits, qui aiment les contenus minimalistes, écrits aussi vite qu’on en parle, pour une consommation de type fast-food dont la richesse nutritionnelle n’est pas avérée, et d’autre part, les lecteurs de dissertations, friands de contenus à haute valeur ajoutée et atemporels, de quasi e-books, qui pourraient devenir des contenus payants, proposés entre 99 centimes et 2 dollars la pièce.

Et pour explorer des nouveaux territoires, le blog devrait être le laboratoire de nouvelles expériences d’écriture, comme celle-ci. Le comédien et écrivain Baratunde Thurston, également collaborateur du site parodique The Onion, a écrit des chapitres de son livre «How to be black» en se prêtant à ce qu’il appelle du «live-writing». En ligne, il a partagé son écran (via l’outil join.me) avec ses lecteurs et a écrit sous leurs yeux, ratures comprises. Un rendez-vous inédit qui a le mérite de repousser les limites du «live» – mais qui nécessite une bonne dose de confiance en soi de la part de l’auteur. Baratunde Thurston a précisé qu’il ne cherchait pas à interagir avec l’audience sur ce qu’il devait écrire ou non, mais plutôt à créer une nouvelle expérience qui le forcerait à terminer son ouvrage.

Les blogs hébergés par les médias vont-ils continuer à vivre une existence à part?

Cela dépend des cas.

Le blog «Media Decoder», alimenté par des journalistes du New York Times, a officiellement fermé ses portes le 26 avril 2013. Les contenus qu’on pouvait y lire sont désormais disponibles dans la section médias du nytimes.com.

Pourquoi ce rapatriement? 1. Une raison technique d’abord: le New York Times a un nouveau CMS, baptisé «scoop», dont la promesse est d’être aussi souple et simple que l’interface d’un blog 2. Une raison éditoriale ensuite: parfois, la même information a été traitée à la fois sur le blog et sur le site du média hébergeur, ce qui provoque des doublons et nuit au référencement des contenus en ligne. Selon Bruce Headlam, l’éditeur de la rubrique médias du New York Times, le problème est la «découvrabilité» des contenus sur le nytimes.com, un site immense sur lequel «trouver du matériel peut être ardu», surtout lorsqu’il y a «parfois deux versions de la même histoire, ce qui est source de confusion pour nos lecteurs (et pour les moteurs de recherche)».

Intégrer un blog au coeur du site qui l’héberge est possible lorsque le blogueur est un journaliste de la maison – car on ne donne pas accès au système de publication à des collaborateurs extérieurs -, lorsque le système de publication en question est refait de fond en comble pour proposer les mêmes fonctionnalités qu’un blog ou un micro-blog, et lorsque le blog couvre des sujets liés à l’actualité.

Les médias ont-ils toujours intérêt à héberger des blogs?

Pour l’instant, oui.

Sur lemonde.fr, les blogs les plus suivis sont Big Browser, un lieu de veille du Web géré de façon tournante par les membres de la rédaction, le blog du dessinateur Martin Vidberg, celui de l’éditorialiste Françoise Fressoz, et Passeur de sciences, écrit par un journaliste scientifique, Pierre Barthélémy. Volontiers en dehors de l’actualité, Passeur de sciences traite ici de la capture d’un astéroïde, là de la médecine regénératrice. Ce dernier permet au Monde.fr d’élargir son offre éditoriale à une thématique s’inscrivant dans une temporalité plus longue.

Même constat du côté de France TV Info: «avoir des blogs invités sert à donner la parole à des experts et à traiter des sujets au “long cours”», détaille Thibaud Vuitton, rédacteur en chef adjoint. «C’est particulièrement efficace quand le blog fédère une communauté et ce n’est pas un hasard si les cartons d’audiences sont les blogs de L’instit ou Mauvaise mère, des espaces identifiés, où de vraies communautés ont été fidélisées».

Enfin, l’utilité cachée des blogs dans une rédaction, c’est de faire prendre le virage du numérique aux journalistes traditionnels. «Quand ils tiennent un blog, ils font ainsi l’apprentissage du Web et de ses réflexes de manière très concrète. Ils voient leurs statistiques, comprennent qui clique sur quoi et quand, et observent les commentaires qu’ils récoltent», m’explique Nabil Wakim, rédacteur en chef du Monde.fr. Cette interaction, vécue in vivo, est plus efficace qu’un long discours.

A quoi bloguer sert-il à l’ère des réseaux sociaux?

Réseaux sociaux et blogs ne sont pas antinomiques, les premiers ne tuent pas les seconds, ils les complètent.

Twitter permet de faire du micro-blogging, Tumblr de mettre en scène images et GIFS animés, WordPress des plus longs formats. Chaque plate-forme peut donc servir une ligne éditoriale. Bloguer sur WordPress sert à développer une idée en plus de 140 signes, estime Matt Mullenweg, de WordPress, où un post compte en moyenne 280 mots.

Avant, sur un blog hébergé par un média, on écrivait un billet, on le publiait, on envoyait le lien pour relecture à la rédaction, et on attendait que celle-ci le «remonte» sur sa page d’accueil pour obtenir des commentaires de l’audience. Désormais, la remontée d’un blog sur la page d’accueil du média hébergeur n’est plus une condition pour que l’audience y accède. Ce qui compte, c’est le référencement du blog dans les moteurs de recherche et sa recommandation sur les réseaux sociaux. «L’essentiel du trafic de mon blog provient de Facebook», m’informe Emmanuelle Defaud, journaliste et auteure de Mauvaise mère. Quant à ce blog, WIP, il obtient plus de 20% de son trafic via les réseaux sociaux et 50% via le référencement dans Google.

Pour Simone Smith, directrice du marketing de HubPages, c’est la preuve de la faiblesse du format blog, ringard parce que supplanté par les réseaux sociaux, plus puissants, plus actuels, et mieux référencés. Lors d’un discours de quinze minutes au festival South by South West 2013, cette dernière a tenté de prouver que le blog n’est rien sans béquille. «Qui blogue dans cette salle?», a-t-elle demandé. Les trois quarts des personnes présentes ont levé le doigt. «Qui ne publie que sur son blog et pas sur des réseaux sociaux?». Aucun doigt ne s’est levé.

Les journalistes écrivent-ils autrement sur un blog?

Oui. C’était déjà vrai avant, cela l’est toujours.

Loin des carcans de leur média, les journalistes trouvent sur les blogs une liberté éditoriale plus grande. Leur écriture y est souvent emplie de verve, d’humeur, voire d’humour; le ton est plus éditorialisant sinon partial; les formats utilisés plus variés, et les angles aussi. «Il y a un plaisir à raconter des histoires, à communiquer avec des personnes qui ont les mêmes centres d’intérêt, à donner son avis quand personne ne me le demande et à exister, au-delà de ma famille et de mon travail», me confie Emmanuelle Defaud, du blog Mauvaise Mère. Bloguer ou micro-bloguer permet un «regard personnel», note encore Thibaud Vuitton, de France TV Info, et «une écriture différente de l’écriture journalistique»…

Etes-vous consommateur de blogs? Aimeriez-vous y voir des expériences de live-writing?

Alice Antheaume

6 commentaires pour “Le devenir des blogs et des micro-blogs”

  1. […] W.I.P. (Work In Progress) » Le devenir des blogs et des micro-blogs. Paramètres § 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 – = Backspace Tab q w e r t y u i o p [ ] Return capslock a s d f g h j k l ; ‘ shift ` z x c v b n m , . / shift English Deutsch Español Français Italiano Polski Português Русский alt alt Paramètres Share this:LinkedInFacebookEmailTwitterPinterestPocketGoogle +1TumblrWordPress:J’aime chargement… […]

  2. Je “multiblogue”, en complément avec les réseaux sociaux. Outre le fait de pouvoir prendre un peu plus de temps pour développer tel ou tel sujet via un article, on ne touche pas son public de la même façon : un like ou RT est là aussi différent d’un commentaire plus travaillé sur le blog.
    Les réseaux permettent également d’élargir sa veille comme de diffuser d’autres types d’informations, voire d’enrichir ses articles par les commentaires des lecteurs.
    Libre à chacun de choisir sa formule : “fast reading”, ou réel temps de lecture.

  3. Raconter une histoire en 140 caractères peut être aussi frustrant que de la soumettre au trébuchet d’un comité de lecture ou de son rédac’ chef.
    C’est pourquoi le phénomène du blogging, qui n’est qu’un espace éditorial mis à la portée du commun des mortels, n’est pas près de s’arrêter…

  4. […] on blog.slate.fr   Tweet !function(d,s,id){var […]

  5. Le public visé par mon blog c’est moi !

    Je n’ecris pas sur mon blog pour etre lu, cela etait le cas, cela ne l’est plus, j’ecris simplement pour moi.

    Je fais de la curation, j’echange sur twitter et quand j’ai envie d’integrer reellement une connaissance, je transforme les donnees, je les mets en forme, je publie, je re externalise des informations.

    Cet aspect d’auto-formation n’est pas mentionne dans votre article et pourtant les blogs comme outils de formation en collaboration ou pas fonctionnent bien

    L’avantage du blog dans la fonction que je lui donne et parfois le limite me permet outre de valider la maitrise d’un savoir ( lors de sa redaction) , d’estimer la performance avec le ranking des articles.

    C’est ainsi qu en apprenant par un simpleblog, clients ou entreprises ont fait appel a mes services alors que je ne cherche rien d’autres qu’apprendre avec cet outil.

    Bloguement votre

  6. Je suis étonnée par le jugement péjoratif de Simone Smith, (faiblesse du format blog, ringard parce que supplanté par les réseaux sociaux, plus puissants, plus actuels, et mieux référencés). Il y a aussi des bloggeurs qui ne cherchent pas tant que ça à se faire connaître en se diversifiant sur tous les réseaux sociaux. Twitter, facebook et autres réseaux ont chacun leur utilité. Un blog c’est autre chose. Un blog ne se veut pas automatiquement lu par le plus grand monde ou se monétiser, etc. Un blog c’est aussi un moyen d’échange, de partage et de connaissance avec des gens qui prennent le temps d’écrire et de lire. Le blog n’est pas prêt de disparaitre.

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