Newsring, point d’interrogation inclus

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«Au début, lorsque tu viens d’avoir un bébé, tu le regardes, et tu te dis qu’il n’est pas encore fini», me dit Philippe Couve, rédacteur en chef d’un nouvel entrant sur le Web. Le bébé dont il est ici question, c’est Newsring, né ce mardi 6 décembre. Un site qui, affiche son slogan, «fait avancer le débat». Car ici, point d’actualité au sens traditionnel du terme ni scoop, mais des appels à la discussion. Exemples piochés au cours de ces premiers jours de vie en ligne: «Paris est-elle la capitale européenne du Web?», «La retouche photo est-elle sexiste?» ou «Johnny Halliday: la tournée de trop?».

«Tous nos sujets sont formulés sous la forme interrogative», m’explique Philippe Couve, installé avec sa jeune rédaction dans des bureaux encore provisoires rue de Rome, à Paris. «Le point d’interrogation est même intégré par défaut dans le CMS (système de publication, ndlr)». Nul besoin de l’écrire à la main, donc, sinon, il y aura deux points d’interrogation dans le titre en ligne (un déjà écrit dans le CMS et un tapé à la main). Et lorsqu’un rédacteur oublie que le point d’interrogation est déjà inclus et en tape un second, il a un gage: 50 centimes dans la tirelire qui trône sur la table.

Des rédacteurs «orchestrateurs»

Pour ce projet lancé avec une levée de fonds de 3,5 millions d’euros par Guillaume Multrier et Cédric Siré, deux entrepreneurs du Web qui ont déjà créé Pure People, une petite dizaine de journalistes sont recrutés – à Newsring, on parle d’«orchestrateurs». Ceux-ci passent moins de temps à écrire qu’à «orchestrer», donc, des débats.

Comment? En offrant aux internautes une palette d’«outils pour discuter» (vote, contribution, réaction, commentaire) et en les «accompagnant éditorialement», reprend Philippe Couve. Au final, le travail de ces rédacteurs consiste surtout à agglomérer des briques sur une page. Ici, le résumé du débat, là, des éléments de contexte, plus loin, des repères, des chiffres, et, bien sûr, l’animation des «contributions» des internautes. C’est la partie la plus intéressante du projet: comprendre comment et pourquoi les internautes débattent en ligne.

Dans les locaux de Newsring, les téléphones fixes ne sont pas encore tous branchés. Mais sur le mur, l’écran plat est, lui, déjà connecté au tableau de bord de ChartBeat, cet outil qui permet de suivre l’activité des internautes en temps réel. Le jour de ma visite, tous les regards – des fondateurs aux orchestrateurs – sont tournés vers cet écran. Accros aux statistiques, déjà.

L’angle sur l’actu? Un débat

A Newsring, chaque matin, les conférences de rédaction ne ressemblent pas à celles d’un site d’informations habituel. Il s’agit d’y discuter de la dizaine de débats à lancer chaque jour. «Les bons débats ne se trouvent pas toujours dans l’actualité brûlante», estime Philippe Couve. «Par exemple, sur l’histoire des droits du foot rachetés par la chaîne Al-Jazeera, on a fini par renoncer à lancer un débat, on ne trouvait pas d’angle convenable». Selon lui, de bonnes discussions peuvent émerger sans actualité particulière, comme «le livre numérique va-t-il achever les libraires?».

Je ne lâche pas mon com, je contribue

Côté utilisateurs, ceux-ci ne peuvent pas juste «lâcher leur com» (déposer leur commentaire) comme on le dit dans le jargon. Ils doivent d’abord s’identifier avec leurs vraies identités, en majorité via Facebook Connect, énoncer un argument (un seul par contribution) et être capables de résumer «le point clé de leur intervention» dans le titre de leur contribution.

N’est-ce pas trop leur demander? «Mais non, moi, je crois au débat, j’y ai toujours cru», s’enthousiasme Philippe Couve. «Et les internautes avec qui l’on discute comprennent ce que l’on attend d’eux.» Optimiste? Cela n’empêche pas les dits arguments de verser dans des poncifs: «ceux qui font la grève nous prennent en otage» (à propos de la SNCF) ou «c’est encore l’argent du contribuable qui va servir à payer» (à propos de tout).

«Nous sommes dans la règle traditionnelle qui veut que 90% des gens lisent, 9% contribuent de temps en temps, et 1% sont des contributeurs très assidus», ajoute Julien Jacob, président. D’autant que, outre un modèle publicitaire basé sur le sponsoring, Julien Jacob a d’autres idées dans sa besace. Notamment un partenariat avec Lexpress.fr et, bientôt peut-être, d’autres sites de médias. Lexpress.fr implémenterait ainsi un plugin de débats issus de Newsring. «Nous fournirions à Lexpress.fr des débats qu’ils n’ont pas», détaille Julien Jacob. Un échange qui «peut créer de l’info», pense Philippe Couve, puisqu’en scannant les contributions des internautes, on peut «parfois savoir dans quel sens va le vent» des avis sur le Net.

Echange débats contre…

Une fausse bonne idée? Un site d’informations a-t-il intérêt à intégrer des débats de Newsring alors qu’il dispose déjà d’une communauté d’utilisateurs constituée, qui, souvent, s’identifie pour commenter, et dont les interactions sont constitutives de certains formats éditoriaux, comme le live?

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Newsring vise les 2 millions de visiteurs uniques d’ici la fin 2012. Cause de fierté en interne? Avoir créé un algorithme spécial pour Newsring. «Après le “page rank” de Google, le “egde rank” de Facebook, voici le “ring rank” de Newsring», sourit Julien Jacob. Un algorithme qui donne un poids différent à chaque participant. Plus un utilisateur participe et plus ses collaborations sont mises en avant par la rédaction, alors plus ses avis auront de l’impact. Et cela détermine le classement qui se trouve sur la page d’accueil et dans chaque rubrique, «le top des influenceurs» (voir la capture d’écran ci-dessus). Pour Julien Jacob, «on est passé d’un algorithme sur les contenus à un algorithme sur les personnes»… à la Facebook.

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Alice Antheaume

2 commentaires pour “Newsring, point d’interrogation inclus”

  1. […] Le bébé dont il est ici question, c’est Newsring , né ce mardi 6 décembre. W.I.P. (Work In Progress) » Newsring, point d’interrogation inclus […]

  2. […] européen. Depuis le début de l’année 2011 sont en effet apparus Atlantico, Le Plus, Newsring, Quoi.info, et bientôt, le Huffington Post français… Un rythme soutenu d’initiatives en […]

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