Clay Shirky, du Web, du social, et du politique

Crédit: AA

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Il a la boule zéro et des lunettes rondes. Il est l’idole, voire le gourou, de toute une génération travaillant sur et pour le Web. Clay Shirky, spécialiste des usages et technologies numériques, professeur à NYU (New York University), a donné à Paris, ce lundi 31 janvier, une conférence expresse dès potron-minet, une rencontre organisée par Regards sur le Numérique, le laboratoire de Microsoft.

Les obsessions de Clay Shirky? Les mots «information», «organisation» et «action». Et un nouveau concept, le terme «cognitive surplus» (surplus cognitif, en français), qui est aussi le titre de son dernier livre. C’est l’idée, assez simple, qu’après de longues années à avoir tué leur ennui en regardant la télé, les internautes ont enfin une antidote à leur torpeur, le Web, qui leur offre la possibilité d’agir et de participer. Et qui change leur vie.

De la politique dans des tranches de vie sociale

Comme Michael Shapiro, professeur de journalisme de la Columbia, Clay Shirky partage cette croyance que nous vivons en plein âge d’or du journalisme, sauf pour… l’aspect économique. C’est peu de le dire, comme en témoignent les rires dans la salle et les réactions sur Twitter.

«Ce n’est pas la ou les technologies qui sont magiques, ce sont les utilisateurs», reprend Clay Shirky, s’agitant dans son jean et sa veste de costume. La preuve, argue-t-il, ces forums dédiés au foot, en Libye, qui finissent en forums politiques.

Le même phénomène a déjà été observé par Charlie Beckett, journaliste, auteur de l’ouvrage «SuperMedia» et directeur du programme Polis à la London School of Economics, citant l’exemple du site britannique Mumsnet, un site qui parle bébés, mamans et éducation, mais pas que… Dans les forums, les discussions sur la politique sont nourries. A tel point qu’en octobre 2009, le Premier ministre anglais Gordon Brown est venu sur le site pour un chat. Ce 2 mars, c’est Alexander Douglas, secrétaire d’Etat au développement international, qui s’y colle. Pour Charlie Beckett, c’est clair: «Mumsnet est devenu un site politique en Angleterre.»

Du Web à l’action

Pour Clay Shirky, vie sociale et vie politique sont les deux pans d’une même vie en ligne. Tout interfère, rappelle-t-il: les citoyens sur les gouvernements, les gouvernements sur les citoyens, les organisations sur l’action, le public sur l’action. Dans cette optique, il donne plusieurs exemples, dont Code for America, un nouveau service public d’information, et le site SeeClickFix, où les citoyens agissent comme des «détecteurs», en rapportant en ligne des problèmes de quartier «sans urgence». «Les citoyens savent mieux que le gouvernement ce qu’ils vivent», conclut Clay Shirky.

Plus loin, développeurs et citoyens peuvent s’associer pour raconter, d’où ils se trouvent, les drames qu’ils côtoient, via des bases de données, des cartes, une photo ou un simple SMS. C’est le cas du site Ushahidi, lancé au Kenya, une «plate-forme d’action civique», résume le professeur américain. Des phénomènes d’autant plus importants que, selon le professeur, les gouvernements ont peur des groupes coordonnés sur le Web. Ce que la coupure d’Internet en Egypte ne dément pas.

Et Clay Shirky de conclure par une question, à laquelle bien malin saurait que répondre: «l’imprimé a donné la démocratie, mais quelle organisation va installer le Web?».

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5 commentaires pour “Clay Shirky, du Web, du social, et du politique”

  1. […] Ce billet était mentionné sur Twitter par Alice Antheaume, sam_piroton, Marsattac, Marie-Laure VIE, Alexandra Fontanel et des autres. Alexandra Fontanel a dit: Conférence de #ClayShirky : du web, du social et du politique http://bit.ly/emVnUz #rsln via @alicanth […]

  2. […] d’autres comptes-rendus de cette conférence réalisés par Alice Antheaume sur son blog W.I.P., par Eric Scherer sur  Metamedia, par Vincent Truffy dans son Bac à sable, et sur RSLN. Gilles […]

  3. Merci Alice pour cet article.

    Le cognitive surplus de Shirky me semble être au coeur d’une réflexion sur la manière dont les organisations devraient se réorganiser avec les médias sociaux.

    Si on prend l’exemple du mouvement des crisis commons : http://crisiscommons.org/ et des crisiscamp, on est face à des réseaux de bénévoles qui s’organisent pour proposer leur aide au moment d’une crise.

    Après Katrina ou le tremblement de terre en Haïti, des milliers d’internautes geek, spécialistes des médias sociaux, traducteurs, cartographes, développeurs d’applications web ou mobile, se sont connectés pour donner leur temps.
    Ils ont développé des outils (applications de traduction, cartographie), résolus des bugs, mis en relation des individus, fait circuler des informations à leur réseau, secondé et appuyé le rôle des médias…

    Pour les ONG et agences d’aide, il n’est pas facile de se mettre à travailler avec des acteurs distants, non connus, pratiquant d’autres métiers et issus d’autres cultures. Ces nouveaux publics et cette nouvelle forme d’action doivent être pensés et intégrés au fonctionnement des organisations.

    Aujourd’hui, il me semble que toutes les organisations se retrouvent face à une obligation de repenser leur relations avec les publics extérieurs, cela modifie l’action et le rôle des organisations, des individus et la circulation de l’information.

    Et sinon, concernant l’imprimerie qui donne la démocratie.
    La passionante Clarisse Herrenschmidt (dans son livre les Trois Ecritures, et ici aussi je crois http://bit.ly/9KV9hO) tient un propos un peu concurrent en affirmant que ce sont les premières monnaies frappées en Ionie, vers 600 avant JC, qui ont été matrices de la démocratie athénienne : mettant à disposition de tous les citoyens (sauf les esclaves…) un dénominateur commun.

    L’homo digital ne peut-il pas défendre plusieurs formes d’organisations politiques ?

  4. […] Alice Antheaume @  W.I.P. ; – Eric Scherer @  Metamedia ; – Vincent Truffy @ Bac à sable ; -Marc Mentré @ […]

  5. Si nous plaçons une information dans la notion temps cybernétique comme l’expose madame Herrenschmidt, il semble aujourd’hui que nous devons décomposer les temps. Le temps de l’écrit instantané, “objet” du moment présent , je relate j’informe, je questionne. Sa diffusion par les moteurs (journalistique, blog et autres) un autre temps, il prolonge et transforme le temps de l’écrit, il l’inscrit dans une durée qui est sa propre durée informatique, l’écrit devient autre que le mien ( il s’assemble dans le cours d’ autres mots et ensemble). Le temps ou les signes s’ajoute a l’écrit (@, commentaires liens) ou pas ou l’efface, encore un autre temps et nous pouvons en imaginer d’autres(la durée d’un écrit sur Google) etc. Ce n’est plus un temps de lecture et d’écriture mais une multitude de temps que nous vivons dans ce nouvel age .

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